Chapitre 30
« Les vrais miracles font peu de bruit.», Saint-Exupéry
« Céleste ! », répéta sa mère et la jeune femme se retourna d'un bond.
« Mère. », finit-elle par répondre. Le visage de sa mère était joyeux, ses yeux brillaient gaiement.
« Je viens de voir le chasseur sortir d'ici ! », s'exclama-t-elle, « Alors ? T'a-t-il annoncé l'heureuse nouvelle ? Tu te maries dans quatre jours, ma petite Célestine, quatre jours seulement! »
La jeune femme se força à esquisser un sourire et se leva de la chaise, appuyant ses mains doucement tremblantes contre ses jupons.
« Oui ! » La voix de Céleste sonnait fausse même à ses propres oreilles et elle se racla la gorge pour ajouter d'un ton mordant d'ironie : « C'est si excitant. »
La mère ignora allègrement le ton de sa fille et avança jusqu'à elle, posant ses petites mains abîmées par le travail sur ses épaules.
« N'est-ce pas ? », s'exclama-t-elle, « J'ai pris rendez-vous chez la couturière pour la robe aujourd'hui même! Elle a très peu de temps mais m'a promis que tu seras ravissante. » La mère caressa le visage de Céleste en souriant doucement, le visage un peu penché de côté. « Tu seras la plus belle mariée que le village n'ait jamais connu. », murmura-t-elle et Céleste leva les yeux au ciel, intérieurement.
Elle n'en avait strictement rien à faire d'être la plus belle.
Sa robe pouvait être blanche ou bleu, avec des fleurs pleins la jupe ou à motif de cygne : ce qui l'importait était de survivre le mariage. Déjà, Céleste sentait l'anxiété monter en elle lorsqu'elle pensait à une vie commune avec l'homme fou et vulgaire qu'était le chasseur. Seulement à la différence des femmes de son village, elle n'aurait même pas quelqu'un pour s'apitoyer sur son sort, personne à se confier pitoyablement le mercredi matin au marché. Elle serait seule, dans cette maudite maisonnette en plein milieu de la forêt déserte.
Céleste jura intérieurement.
Le désespoir ultérieur tournait peu à peu en colère et elle ne cessait de maudire son propre destin et son apparente maudite malchance.
« Célestine, tu m'écoutes ? », demanda soudainement sa mère, les sourcils froncés. Céleste écarquilla un peu les yeux et secoua la tête, un peu perdue et trop brutalement sortie de ses pensées.
« Je... Pardonnez-moi, pouvez-vous répéter ce que vous avez dit ? »
Sa mère soupira lourdement et pinça les lèvres.
« Je te demandais seulement si tu avais déjà une idée de ta robe. »
Céleste grogna intérieurement. Elle regarda sa mère dans les yeux – les yeux bleus comme les siens et pleins d'espoirs la fixaient intensément et la jeune femme, ne voulant pas éteindre la lueur de bonheur dans les iris scintillants, décida de jouer le jeu. Elle réfléchit un instant. Se mordilla la lèvre du bas.
Elle repensa brusquement au château d'Orion. A la chambre dans laquelle elle avait dormi, avec ses pétales délicats recouvrant le sol. A la rose rouge qu'elle avait cueilli en forêt. A la bibliothèque blanche et dorée.
La jeune femme sourit et ferma à demi les yeux, son visage prenant subitement un air rêveur.
« Je voudrais... Une robe blanche. Blanche et pure comme les colombes dans le ciel avec un jupon large et flottant. Sur le jupon, je voudrais des pétales de rose dorés qui donneraient l'effet de tourbillonner autour de ma taille. Sur ma tête, seulement une couronne de fleurs blanches et odorantes. Mais... Cela ne sont que des rêves. »
Elle rouvrit les yeux et sentit ses joues rosir. Sa mère sourit doucement et lui caressa une fois de plus la joue.
« Ma petite Célestine. Je veux que tu aies le plus beau mariage. Nous n'avons pas beaucoup d'argent, c'est bien vrai... J'ai cependant économisé des années pour ce moment. J'ai toujours rêvé d'offrir à ma petite fille le mariage de princesse que je n'ai jamais eu. Malgré les circonstances quelque peu... malencontreuses, je suis sûre que ce sera un moment merveilleux. »
Céleste sourit faiblement et hocha seulement la tête.
« Quand... Quand avons-nous rendez-vous ? », finit-elle par demander. Sa mère s'écarta d'un peu et tapa dans ses mains.
« Oh, peu après que les cloches aient sonné midi ! Nous ne pouvons pas nous y rendre tardivement ! »
« Très bien. »
Lentement, Céleste se rassit à la table et sa mère en face d'elle. Sa mère souleva l'avis de recherche retourné et lança un regard au portrait du roi, un sourcil levé et un air songeur sur le visage strié de ridules.
« Il est bien beau, notre roi. », murmura-t-elle, « J'ai rarement vu des traits aussi parfaits. »
Céleste soupira.
« Sa beauté n'a d'égal que son arrogance. », grommela-t-elle et sa mère rit doucement, les traits songeurs devenant interrogateurs. Elle ne dit rien de longues minutes mais finit par froncer les sourcils.
« Tu sais, Célestine, je pense qu'au fond, ça ne peut pas être un si mauvais homme. », dit-elle doucement. Céleste sourit.
« Non ? »
Sa mère secoua la tête, se passant une main sur le visage. La jeune femme observa les traits de sa mère un instant et son sourire s'élargit un peu plus. Elle se reconnaissait un peu dans les traits âgés, dans la naïveté de la bouche et le regard étonné des yeux. Derrière ses rides délicates se cachaient un étonnant air juvénile, un visage tendrement enfantin trop marqué par la vie.
« Je ne pense pas qu'il y ait de mauvais homme. », rétorqua alors simplement la mère, « Seulement des hommes avec des démons. Certains démons sont plus grands que d'autres : c'est la conséquence d'une vie trop chargée, des pensées trop lourdes. » Elle posa un coude sur la table et posa sa main dans sa paume, les yeux un peu au loin. « Nos démons imaginaires nous font trop souvent oubliés notre vie réelle. »
« Est-ce que tu les crois ? Quand ils disent que c'est le roi qui a envoyé la bête sur nos villages ? »
La mère se redressa un peu et secoua lentement la tête.
« Non. », souffla-t-elle, « Pourquoi ferait-il une chose pareille ? Ce serait stupide. Il a d'autres moyens plus efficaces pour se... débarrasser de son peuple. Non, je pense seulement que quelqu'un prend un malin plaisir à nous tourmenter. Cette personne sait utiliser le rôle que joue le roi comme bouc émissaire à son bon escient. »
Céleste hocha la tête.
« Je pense aussi. Quelqu'un se joue de nous tous et je n'ai pas la moindre idée de qui il pourrait s'agir. »
Sa mère poussa un soupir dramatique.
« Oh, nous verrons bien. », dit-elle lourdement. Elle jeta un regard par la fenêtre. Au loin, on entendit soudainement les cloches sonner, un son mêlé au souffle régulier du vent contre les carreaux. La mère sourit. « Il est l'heure d'aller s'occuper de ta robe ! », s'exclama-t-elle et se leva d'un geste rapide de sa petite chaise, arrangeant ses lourds jupons et son petit tablier.
Céleste se leva plus lentement. Sa mère la poussa un peu, faisant des petits gestes rapides de ses deux mains.
« Allez, allez ! Je ne veux pas faire attendre Madame la couturière ! »
Céleste leva les yeux au ciel et resserra le manteau en laine sur les épaules qu'elle n'avait pas enlevé précédemment. Sa mère et elle sortirent presque précipitamment de la maison. La jeune femme regarda un court instant derrière elle et à travers le bout de jardin qu'elle apercevait, elle vit la cabine dans laquelle elle espérait le loup fermement endormi. Elle se passa une main sur le visage.
Aussitôt rentrée, elle irait le voir pour bander sa blessure et le nourrir. Elle soupira. Sa mère la poussa à nouveau un peu en avant.
« Céleste ! Nous allons finir par être en retard ! »
La jeune femme se retourna et avança rapidement à travers les petites ruelles en direction de la boutique de la couturière. Céleste avait la sensation que ses orteils furent gelés et elle jura silencieusement, essayant de les bouger dans ses chaussures. Finalement, les deux femmes arrivèrent devant une jolie maison couleur crème avec de grandes fenêtres à travers lesquelles on pouvait apercevoir de jolies robes élégamment disposées. La mère toqua : aussitôt, la couturière vint leur ouvrir. Elles entrèrent dans la boutique où se trouvaient quatre autres femmes.
« Bien l'bonjour ! », s'écria l'une, un sourire un peu crispé sur le visage. Les autres effectuèrent seulement un mouvement silencieux de la tête.
La couturière se rapprocha alors de Céleste et doucement, pris ses mains dans les siennes.
« Eh bien, Célestine ! Nous sommes là pour ta robe de mariage – dis-moi, veux-tu que je te montre celle que j'ai déjà cousue avant que nous ne commencions à en dessiner une ? Nous avons si peu de temps ! »
Céleste grimaça un peu avant d'hocher la tête. La couturière disparut un instant avant de réapparaître, les bras pleins de robes, de froufrous, de blanc, de tulle et de dentelle. La jeune femme fut envoyée derrière un paravent vieillot à motif de fleur et on lui fit essayer la première robe. Céleste grogna. Elle se sentait trop serrée, trop ridicule. La robe n'était qu'une énorme masse de tissu blanc trop long en bas et trop serré en haut. Elle sortit de derrière du paravent pour s'observer dans le délicat miroir placée un peu plus loin.
Une des villageoises pouffa. Céleste se retourna et lui lança un regard meurtrier.
« Oh, je m'excuse, Mademoiselle Céleste ! Mais cette robe... Cette robe... Eh bien disons que tout le monde ne peut pas tout porter ! »
« Je vois que vous parlez en connaisseuse ! », siffla Céleste en retour et disparut rapidement derrière le paravent avant même que sa mère n'ait pu correctement prendre connaissance de la robe. La couturière lui tendit la prochaine après qu'elle se soit déshabillée.
Celle-ci avait une jupe d'une telle largeur que la jeune femme manqua renverser le paravent en sortant à l'avant. Cette fois, les quatre femmes se mirent à rire méchamment et Céleste sentait le regard désolé de sa mère et de la couturière sur sa figure. Elle sentait ses joues rougir et fronça les sourcils. La plus petite des femmes ricana un peu plus fort.
« Oh Mademoiselle ! Cette robe vous va à ravir – à condition que vous vous rendiez à votre mariage déguisée en gâteau à la crème ! »
La première femme explosa d'un rire gras.
« Ne dites pas ça, ma chère - ce serait faire du tort au gâteau ! »
Céleste compta jusqu'à trois dans sa tête. Leva le menton.
« Vous parlez de mon gâteau avec tant de passion – est-ce peut-être parce que vous-même n'avez pas eu l'occasion de goûter des gâteaux à la crème depuis longtemps ? » Elle leva un sourcil hautain « Mais pardonnez-moi. A en regarder vos tailles, je suppose que la crème doit être ce dont vous vous nourrissez. Car – excusez-moi si je me méprends - si je ressemble à un gâteau à la crème une seule fois en portant la mauvaise robe, je dois dire que vos ventres ressemblent à des gâteaux à la crème tous les jours. »
L'expression des quatre femmes se noircit et Céleste retourna la tête haute derrière le paravent, riant intérieurement. Rira bien qui rira le dernier, pensa-t-elle. Ses femmes semblaient se croire permis de la dégrader et de l'humilier : hors Céleste était déterminée à renverser les rôles si elles n'osaient prononcer qu'un seul mot hargneux de plus. Elle se déshabilla et vint la troisième et dernière robe déjà cousue.
Celle-ci, la couturière n'arriva même pas à la fermer. La femme soupira et se passa une main sur le front.
« Eh bien, Mademoiselle Céleste, il me semble bien qu'il faudra vous coudre quelque chose de spécifique ! »
Céleste soupira et hocha la tête. Les deux s'éloignèrent du paravent. Une des quatre femmes lui lançait un regard froid et secoua la tête d'un air dédaigneux.
« Regardez-moi ça – ça couche une fois avec le roi et ça se croit déjà reine. »
Céleste sourit mielleusement et se pencha en avant.
« Croire ? Croyez-moi, Madame – la couronne sur ma tête était bien réelle. », ne put-elle s'empêcher de rétorquer. Elle entendit sa mère grommeler quelque chose avant de s'avancer vers la femme hautaine et exécrable.
« Madame, votre commérage et vos reproches sont inappropriés et irritant. Si vous n'êtes ici que pour la seule et unique raison de provoquer ma fille – je vous prierai de sortir ou de nous laisser en paix ! »
La femme tourna un peu la tête, les coins des lèvres tournés vers le haut.
« Soit. Je ne dirai plus rien et je m'excuse de vous avoir causé un tel malaise. Après tout, ce n'est pas votre faute que votre fille soit aussi laide. »
La mère de Céleste poussa un son offusqué mais avant même qu'elle ne put dire quoique ce soit, sa fille interjeta d'un ton glacial :
« Mieux vaut être laide que stupide, Madame, car si mon visage ne vous convient pas, je possède une intelligence probablement beaucoup plus importante que celle qui se trouve dans la noisette qui vous fait office de cerveau ! »
Derrière elle, Céleste entendit la couturière rire doucement avant de plaquer sa main devant sa bouche. La femme écarquilla les yeux.
« S'en est trop ! », piailla-t-elle et se rua sur Céleste en dandinant son train arrière, les traits déformés par la colère. Céleste, n'étant pas préparée à ça, eut seulement le temps de faire un pas en arrière avant de trébucher. Elle s'étala au sol, la femme pesant le double de son poids l'écrasant sous sa carrure. Pendant quelques instants, Céleste sentit sa respiration se couper et elle toussa.
Ainsi mourut Céleste, écrasée au vol par une bonne femme gonflée à la crème, pensa-t-elle cyniquement. Elle tendit les bras et tenta de repousser la femme mais elle pesait bien trop pour que Céleste ne puisse la bouger du moindre centimètre. La femme, elle-même comme assommée et sonnée par la chute, restait seulement allongée, à cligner des yeux. Céleste grogna et tourna la tête vers sa mère et la couturière qui regardaient l'espèce de masse au sol avec un mélange de surprise et d'horreur.
« Aidez-...moi ! », pressa Céleste d'une voix entrecoupée. Quelques secondes plus tard, elle sentit quelqu'un lever le poids de son corps et l'aider à se relever. La jeune femme chancela un peu avant de finalement retrouver son équilibre – la couturière mit ensuite les quatre commères à la porte.
Elle soupira.
« Je suis désolée qu'une chose pareille soit arrivée dans mon magasin. Mais vous savez bien comment sont certaines des femmes dans ce village : collantes comme des sangsues et la langue bien plus rapide que le cerveau. »
Céleste rit doucement et se passa une main sur la natte maintenant en état désastreux.
« Ce n'est rien. », dit-elle et la couturière sourit, rassurée. Elle s'approcha d'un meuble en bois et en sortit des feuilles de papier et différents crayon de charbon.
« Venez Mademoiselle. Passons aux choses sérieuses. »
Des heures durant, elles prirent des mesures du corps de Céleste, esquissèrent des motifs, observèrent des tissus. Le cordonnier passa au bout de quelques heures et l'on s'occupa rapidement des chaussures pour la robe. Finalement, le travail fut terminé et il fut décidé que Céleste aurait exactement la robe qu'elle avait visionnée.
La jeune femme sortit le cœur un peu plus léger du magasin pour rentrer avec sa mère.
Ce mariage était certainement destiné à être désastreux : néanmoins Céleste finirait sa vie paisible non pas vêtue d'une robe banale mais habillée comme une reine.
~***~
Orion se réveilla lentement. Il se sentait... étrange. Son corps n'était pas son corps et ses pensées n'étaient qu'à moitié les siennes. Il se sentait comme à moitié réveillé d'un très long rêve. D'un geste hésitant, il tira sur ses membres encore indolent. Sa jambe arrière craqua douloureusement et il tourna la tête.
Orion se figea. Ce n'était pas sa jambe qui avait craqué mais sa patte. Il jeta un regard paniqué sur son corps et autour de lui. Il était bien dans le corps du loup dans un lieu qui lui était inconnu – où pouvait-il bien être ? Un frissonnement le parcourut. Il était allongé sur une épaisse couverture et devant lui était soigneusement posé un bol d'eau – sa patte blessée était-elle aussi bandée.
Le roi força son cerveau à fonctionner et se souvenir.
Ce fut comme si la voix du loup lui chuchotait des mots à l'oreille. Peu à peu, les images lui revenaient. La fée dans la forêt, la course désespérée à travers la forêt. Le cabanon. Céleste. S'il en avait été capable, Orion aurait souri.
Le loup poussa un ronronnement déformé. Elle l'avait sauvé.
Orion reposa sa tête sur ses pattes et ferma les yeux. Comment était-il possible qu'il forme des pensées cohérentes ? La fée avait accéléré son sort – ce dernier disait clairement qu'il était condamné à errer avec le corps et les pensées de la bête ! Pourtant, il savait clairement qui il était. Il savait clairement ce qui s'était passé.
Il y avait seulement ce sentiment étrange, comme s'il partageait son corps. Comme s'il le partageait avec ses instincts les plus primaires, le rendant incapable de réellement contrôler ses sentiments et ses réactions. Bon dieu. Il entendit un craquement, soudainement. Ses oreilles se dressèrent et il tourna rapidement la tête vers la source du bruit, sur ses gardes. Rapidement, il sentit l'odeur caractéristique de Céleste et son corps se relaxa.
Il la vit entrer dans la pièce, un petit objet qui lui semblait comme de la viande emballé dans un morceau de tissu dans une main, un panier dans l'autre. Orion sentit le loup saliver mais n'eut pas le temps d'être dégoûter par son comportement animalier car la faim lui tordait les entrailles. Sa queue bougea joyeusement de gauche à droite et il entendit Céleste rire doucement.
Se moquait-elle de lui ?
Il pencha un peu la tête de côté et sentit soudainement la jeune femme lui caresser tendrement la tête. Orion ferma les yeux et savoura le toucher délicat de la jeune femme. Elle s'écarta ensuite un peu de lui et posa la viande devant lui. Un instant répugné, il fut incapable de résister et se jeta seulement quelques secondes plus tard sur la nourriture qu'il dévora rapidement. Il poussa un bruit de contentement et Céleste rit aussitôt à nouveau.
Le loup jappa de contentement.
Entendre Céleste rire lui caressait le cœur et il se sentait étrangement léger. Il sentit sa tête se rapprocher du corps de la jeune femme, cherchant sa main. Le loup voulait qu'elle le caresse et elle s'exécuta en secouant la tête d'un air faussement affligé.
« Eh bien, je ne t'ai pas trop manqué, j'espère ! », murmura-t-elle. Orion leva les yeux intérieurement. Sous forme humaine, il n'aurait pas manqué de faire une remarque sarcastique.
Il n'était pas habitué à la douceur et à la tendresse.
Pourtant, Céleste semblait réellement inquiète et étrangement attachée au loup qu'il était. Le roi sentit son cœur accélérer.
« Ne bouge pas. », dit-elle doucement, « Je vais changer ton bandage. »
Il la regarda dérouler le tissu de sa patte, graduellement, en faisant attention à ne pas toucher sa blessure. La jeune femme fronça un peu les sourcils et il sentit la tension de son corps. Le loup gémit un peu, un gémissement rauque et inquiet pour elle. Elle écarquilla les yeux, comprenant une chose tout à fait différente dans ce son.
« Oh non, tu as mal ! », s'exclama-t-elle.
Anxieuse, elle lui caressa doucement la tête avant de se pencher par-dessus la blessure.
« Ne t'inquiète pas. », souffla-t-elle, « Ta blessure ne s'infecte pas comme je le pensais. Tu seras bientôt de retour sur patte. »
Un rapide mouvement de la queue du loup.
Céleste sortit un nouveau bandage de son panier et l'enroula soigneusement autour de la patte. Le loup lui lécha affectueusement la main, pour la remercier, et la jeune femme sourit.
« Je n'ai jamais vu un loup comme toi. », finit-elle par dire, à moitié perdue dans ses propres pensées. Intérieurement, Orion poussa un rire ironique. Si seulement elle savait. Céleste frissonna. Elle se pencha en avant et sortit une couverture de son panier.
Le loup lui lança un regard inquisiteur et il vit Céleste rougir.
« Dans la maison, mon père se plaint de moi de manière... peu polie à ma mère. Je... Je ne voulais pas dormir seule.», dit-elle mal à l'aise. Orion sentit son corps se figer. Son visage humain aurait à cette phrase rougi à son tour. Il entendit la jeune femme soupirer. « Tu sais, Orion...» Pendant un instant, le roi eut une bouffée d'espoir lui secouait le corps, pensant quelques secondes qu'elle savait qui il était. Mais le loup lui souffla le souvenir – il avait seulement réagi lorsqu'elle avait évoqué le prénom et elle considérait appeler un animal comme le roi sa propre petite plaisanterie ironique. Il grogna un peu, interrompu par la voix fatiguée de Céleste. « Je ne sais pas exactement où j'en suis avec ma vie. Pendant un instant je me sens imbattable tandis que celui d'après, je me sens comme une poupée de porcelaine. Un objet qui se casse au moindre choc. Ce matin, le chasseur est venu. Je dois l'épouser dans quatre jours. Quatre jours, tu te rends compte ! Ce n'est rien, quatre jours. Et pourtant... C'est quatre jours représentent mes derniers jours de liberté. » La mine de la jeune femme devint sombre et le loup gémit. L'idée que Céleste le quitte dans si peu de temps faisait paniquer l'animal tandis qu'Orion se sentait désarmé. Il arrivait à Céleste ce qu'elle avait toujours craint pour son futur. « Tu ne comprends très certainement rien de ce que je te raconte, mais je ne sais pas à qui d'autre me confier. Au moins toi, tu ne portes pas des yeux pleins de jugements sur moi. Ces imbéciles au village ne font que ça. Ils pensent que j'ai... que j'ai dormi avec Orion et supposent que j'ai entamé une relation avec un autre homme alors que je n'avais seulement rendez-vous qu'avec la bête.
Mais dormir avec Orion ! Le roi m'a considéré un laideron dès le premier soir et même s'il a la réputation de dormir avec tout ce qui ressemble à une femme, j'ai vu bon nombre d'expression dans ses yeux mais non pas du désir. »
Le loup grogna un peu et brusquement Orion fut heureux que Céleste fût incapable de voir son visage d'homme. Un laideron ? Certes, c'est ce qu'il avait affirmé d'elle les premières fois – il avait cependant suffit de la voir une seule fois endormie, éclairée par le soleil et un air de nymphe perdue sur le visage pour avoir fait naître le désir en lui. Il en était allé jusqu'à l'observer se déshabiller par une serrure, bon dieu ! Il sentit brusquement Céleste s'allonger, tout près de lui. Son odeur de lilas lui chatouilla les narines.
La jeune femme se pressa contre sa chaleur comme un jeune enfant et Orion se rendit compte à quel point elle était épuisée – à tel point qu'elle s'allongeait sans même réfléchir aux côtés de ce qu'elle pensait être un animal. Orion déglutit. Il sentait sa petite main doucement calleuse jouer avec son pelage et sans se poser de question, il sentit le loup presser son museau contre la nuque de la jeune femme.
Elle rit doucement et il sentit son cœur se réchauffer et accélérer un peu.
Pourtant, Orion était étrangement mal à l'aise. Comme s'il abusait de la confiance de la jeune femme qui pensait qu'elle dormait contre un loup alors que ce loup était quelque peu un homme.
Imbécile. Elle te voit comme un animal de compagnie.
Il gémit doucement. Il ne serait sûrement plus jamais un homme. La fée avait pris soin d'éradiquer toute chance d'être libéré de son sort en détruisant sa rose.
Orion sentit la respiration de Céleste devenir plus régulière, plus calme. Sans un mot, elle s'était endormie et par-dessus son épaule, il jeta un regard aux étoiles qui filtrait à travers la petite entrée.
La même pensée amère tournoyait sans cesse dans sa tête.
Plus jamais humain.
La rose était brisée.
Pourtant pourquoi était-il subitement à nouveau capable d'être conscient de sa propre personne ? Y avait-il une faille dans la malédiction ?
Orion se pressa un peu plus contre la jeune femme endormie, la petite nymphe étrange éclairée par la lumière de la lune. Il l'observa un instant et ferma les yeux, un pleur rauque et presque silencieux échappant au loup.
Pour la énième fois, Orion ainsi que le loup n'étaient pas certains de ce qui leur arrivait.
~***~
Adrien soupira. Il venait tout juste de finir la lettre pour la famille d'Orion et dehors, la lune brillait déjà dans le ciel. Il se passa une main sur le visage fatigué et posa soigneusement la lettre sur le bureau en bois massif avant de sortir de la petite pièce sombre.
Adrien voulait aller se coucher mais se sentait incertain quant à la rose. La fée avait-elle déjà remarqué que la rose originelle n'était plus là ? A petits pas, il traversa les couloirs pour se rendre dans le passage aux roses. Avant d'y pénétrer, il arrêta sa respiration et tendit l'oreille, vérifiant que personne ne se trouvait dans la pièce au bout du couloir écarlate.
Pas un son.
Il s'approcha de la porte.
Adrien s'arrêta brusquement, surpris. L'odeur florale, presque disparue le soir d'avant, était revenue. Pourtant, l'odeur était différente. Plus délicate, moins étouffante. Il fronça les sourcils. Adrien appuya sur la poignée et pénétra dans la pièce.
Un hoquet de surprise lui échappa.
Les fleurs sur les murs resplendissaient, leurs pétales décorés élégamment la pièce.
La rose de Céleste éclairait la salle, brillant de mille feux sous son globe.
Le servant tituba en arrière, les yeux écarquillés tandis qu'il cherchait à comprendre ce qui s'était passé, en moins d'une journée, dans cet étrange château.
HE HE HE
La situation serait-elle en train de s'arranger? Où ma petite personne d'auteur démoniaque est-elle prête à tout faire basculer? Qui sait.
Nous en sommes au chapitre 30, j'ai écrit pile 200 pages et peu à peu, l'intrigue va commencer à se dénouer.
Vous allez tout comprendre.
J'espère que ça va vous surprendre.
Des bisous ♥
Blondilein (se frottant les mains)
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