Chapitre 25

« La grandeur de l'homme n'a d'égal que sa cruauté », Thierry Tabary

Orion était figé. Paralysé. Il ne savait pas quoi faire et son regard paniqué restait posé sur le corps inconscient de Céleste. Un corps secoué toutes les quelques secondes par des convulsions douloureuses qui faisaient manquer un battement et gelaient son cœur pourtant déjà glacé dans sa poitrine.

Le jeune homme tendit une main imperceptiblement tremblante vers Céleste et lui tapota doucement la joue.

« Mademoiselle ? », répéta-t-il presque silencieusement, « Céleste ? » Le prénom résonna sur ses lèvres comme une prière muette à laquelle ne répondit qu'un gémissement étouffé. Le dos de la jeune fille se courba de nouveau, secoué par un tremblement. Ses mains, ses petites mains, se tendirent désespérément et s'enroulèrent autour des siennes, enfonçant ses doigts moites dans ses paumes. Orion se pencha en avant. Il déglutit.

Il devait chercher de l'aide.

Céleste ne pouvait pas mourir. Pas ici, pas maintenant, pas quand il la tenait dans ses bras et qu'il avait enfin l'impression que dans sa vie désastreuse, quelque chose se mettait enfin à faire sens.

Il sentit son visage monstrueux pâlir et sans réfléchir pencha son corps en avant, pressant son front contre celui de la jeune femme, sentant la chaleur, son souffle erratique contre sa bouche, les cils tremblant contre ses propres joues. Il resserra ses bras autour du corps frêle de la jeune femme, comme si son propre corps pouvait la sauver, comme s'il pouvait ainsi effacer la souffrance qui semblait la secouer de manière si féroce.

Que pouvait-il faire ?

Qui pouvait-il chercher ?

D'un geste titubant, il se releva, prenant Céleste avec lui, son visage toujours pressé contre celui de la jeune femme. L'impression de déjà-vu lui coupait le souffle – combien de fois lui faudrait-il voir la jeune femme inconsciente et comme lentement quittée par la vie ? Il grimaça un peu.

« Ça va aller. », souffla-t-il de sa voix rauque, « Ça va aller. »

Il hésita un instant et releva la tête, jetant un regard indécis vers la porte instable et grinçante de la maison avant de fermer les yeux d'un air torturé. Il tira d'une main sa large capuche sombre sur son visage, aussi bas que possible pour que son visage soit invisible.

Orion sortit ensuite de la demeure, avançant vers le village à grands pas.

Dans ses bras, Céleste faiblissait.

Les spasmes de son corps devinrent plus rares. Ses gémissements de plus en plus silencieux, de plus en plus doux, comme une bougie sur laquelle on avait soufflé et qui maintenant s'éteignait, sans un son, sans prévenir. Le jeune homme la secoua un peu. La sueur froide lui dégoulinait le long des tempes tandis que la réalité commençait peu à peu à atteindre ses pensées figées.

« Céleste, reste avec moi. », ordonna-t-il, sans obtenir ni réponse, ni réaction. Il jura. « Céleste. Je t'en prie. » Les derniers mots sortirent presque désespérés de sa bouche. Céleste ne pouvait tout simplement pas mourir. Elle ne pouvait pas, n'avait pas le droit ! Il était le roi, bon sang, pourquoi n'obéissait-elle pas, pourquoi n'ouvrait-elle pas ses grands yeux pour rétorquer quelque chose à son ton pathétique !

Sans réfléchir une seule seconde de plus, se fichant d'être découvert, il s'approcha de la première maison et leva une main pour toquer aussi fort que possible contre la porte en bois, tenant fermement le corps de Céleste contre lui. Comme s'il avait peur qu'elle lui échappe.

Personne ne vint.

Il toqua plus fort. Une fois. Deux fois. Passa à la prochaine maison. Toujours rien. Encore une autre demeure sombre et encore une suivante.

« Aidez-moi ! », cria-t-il, tapant de toute ses forces contre les portes, alors que le corps de la jeune femme s'affaissait encore un peu plus, alors qu'aucun son ne sortait plus de sa bouche entrouverte « Aidez-moi, bordel ! » La voix d'Orion se finit en une sorte de sanglot brisé, son bras étant lourd, ses pensées dominées par le désespoir et la panique.

Un craquement.

La porte en bois s'ouvrit sur un homme d'une cinquantaine d'années, sa femme se tenant anxieusement à ses côtés.

« Qu'est-ce qu'il y a ?! », s'exclama-t-il, le visage encore clairement marqué par le sommeil, l'air déboussolé. Orion n'osa pas relever la tête. Il tendit le corps de Céleste d'une main tremblante.

« Elle... Je ne sais pas ce qui lui arrive. Je l'ai... Je l'ai trouvé inconsciente et secouée par des spasmes. Je ne suis pas d'ici. Je ne savais pas où aller. » Le couple en face de lui restaient silencieux et finalement, Orion leva ses yeux verts clairs vers eux, faisant attention à voiler ses dents trop longues et la majorité de son visage déformé. « Faites quelque chose. », souffla-t-il, fatigué « Je vous en supplie, faites quelque chose pour elle. »

Le couple fut silencieux un instant. L'homme finit par se tourner vers sa femme.

« Est-ce que tu penses que-»

Elle lui coupa la parole, un air déterminé sur le visage doucement ridé par le temps.

« Philippe, va mettre la petite dans le lit. Je vais chercher de l'eau et des linges propres. » Elle lança un regard navré à Orion. « Le médecin n'est pas encore de retour. Il était au château et ne doit revenir que demain. Je vais... Nous allons faire ce que nous pouvons. »

Le jeune homme sentit un sentiment écrasant de culpabilité et d'amertume le ronger brusquement tandis que les mots de la femme résonnèrent dans sa tête. Le médecin n'est pas encore de retour. Il était au château. Le médecin était au château à cause de lui. Sans lui, Céleste serait maintenant dans les mains d'un homme sachant quoi faire contre sa douleur, contre sa peau qui perdait en couleur et devenait plus blanche que la lune elle-même. Ciel, sans lui, Céleste n'en serait sûrement même pas là !

Orion ferma désespérément les yeux.

Quel être détestable il faisait.

« Suivez-moi. » La voix de l'homme prénommé Philippe interrompit ses pensées et il suivit ses pas sans un mot jusque dans une petite chambre où logeait un lit défait. L'homme avait l'air mal à l'aise.

« Pardonnez-moi. », grommela-t-il, « Ma femme et moi n'avons qu'un lit dans la maison. »

Orion ne dit rien, hocha simplement la tête et allongea le corps de Céleste dans les draps. Il inspira lourdement. En voyant son visage inerte, il se demanda un instant si elle était encore en vie. Doucement, il abaissa sa tête contre sa poitrine et y posa son oreille. Un sentiment de soulagement fit accélérer son cœur lorsqu'il sentit contre sa joue froide le son sourd du cœur de Céleste battant faiblement. Le jeune homme se releva et au même instant, la femme pénétra dans la pièce, une bassine et des linges à la main.

« Philippe, va chercher à boire ! », ordonna-t-elle essoufflée ; son mari leva les yeux au ciel un court instant, grommelant une platitude sur les femmes qui lui valut un regard meurtrier – finalement, il s'exécuta. La femme trempa un morceau de tissu dans le baquet et s'approcha du lit où s'était assis Orion, sa main tenant fermement celle de Céleste. Il n'était pas sûr s'il le faisait pour rassurer la jeune femme où pour arrêter sa propre main de trembler.

Lentement, d'un geste presque maternel, la femme essuya la sueur du front de Céleste. Elle passa le tissu humide sur son front, ses tempes, ses joues.

« Il va falloir la dévêtir pour que je puisse mettre cette pauvre enfant un peu plus à l'aise. Monsieur... Si vous permettez... »

Le visage d'Orion se durcit un instant.

« Je ne sortirai pas. », siffla-t-il, « Je ne partirai pas une seule seconde de ses côtés. »

La femme lui lança un regard étrange mais se décida à ne rien ajouter. Dans l'état dans lequel se trouvait Céleste, elle ne pouvait pas se permettre de perdre du temps à argumenter avec un homme par question de pudeur et de bienséance.

« Ayez au moins la bonté de vous retourner. »

Orion soupira et se retourna, presque nerveusement, sentant les yeux de la femme dans son dos. Elle devait le penser fou, irrespectueux et rustre. Elle devait se demander pourquoi il n'enlevait pas cette capuche et qu'il parlait d'un ton aussi entrecoupé et rauque. Il déglutit, se passant une main gantée sur le visage. Il ne savait pas lui-même pour quelle mystérieuse raison il restait assis là, désespéré de savoir la jeune femme en vie.

Il entendit que la femme défit les nœuds fermant la robe de Céleste. Un à un, il entendait ses doigts glisser sur le tissu puis sur la peau lisse et laiteuse de la jeune femme qui n'émettait toujours pas un son. Malgré lui, il sourit un peu, se souvenant de l'avoir observé se dévêtir par le trou d'une serrure comme un adolescent. Comme s'il n'avait jamais vu de femmes auparavant. Si elle savait...

Avec elle, il semblait toujours se conduire comme un gamin.

Sous son pire jour, de ses pires manières. Et pourtant... Elle semblait être la seule à ne pas voir lui seulement l'être abjecte, le roi déchu, le prince hideux. Il avait presque envie d'en rire, de lever son visage au ciel et de rire de l'ironie de son propre sort. Dire qu'il l'avait trouvé laide et stupide au départ. Dire qu'il avait osé se juger supérieur. Et maintenant qu'il semblait enfin avoir ouvert un peu ses yeux, qu'elle était juste à quelques centimètres derrière lui, presque nue, elle était en train de lentement mourir et de disparaître. Encore une fois.

Avait-il réellement pensé que la vie aurait une seule fois eut pitié de lui ?

Il entendit Philippe entrer dans la pièce et tourna la tête. L'homme avait deux verres à la main. Il en donna un à sa femme, un à Orion.

« Avale, petit. T'en as b'soin. »

« Merci. », grogna le jeune homme et laissa couler d'une traite l'alcool fort le long de sa gorge. Il entendit la femme caresser doucement les boucles en désordre de la jeune femme avant de les pousser de côté pour lui relever la tête et lui donner à boire. Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu'il entendit Céleste avaler, plusieurs fois.

« Elle va s'en sortir. », murmura la femme, lui essuyant un peu plus le front. Orion hocha la tête. Il se retourna doucement, voyant Céleste paisiblement recouverte d'un drap blanc. Il sourit sous sa capuche et tendrement, caressa son visage aux traits comme endormis. Il sentit la femme sourire.

« La petite Céleste. On dirait un ange sur son lit. », souffla-t-elle.

« Vous la connaissez ? », demanda le jeune homme, légèrement surpris et elle hocha la tête, un air contemplatif ornant ses traits.

« Tout le monde la connaît au village. Au plus tard depuis les derniers jours. Il paraît... Il paraît qu'elle a tenu compagnie au roi de la plus intime des manières. »

Orion serra un peu les poings.

« Et vous y croyez ? » Il n'avait pas pris la femme pour quelqu'un croyant ce genre d'idioties.

La femme soupira et sourit tristement.

« Non. Evidemment que non. Et si jamais il s'agissait de la vérité... Je ne me permettrai pas de juger. Encore moins quelqu'un comme Céleste. Ma sœur est morte l'été dernier en accouchant d'un énième enfant et Céleste est restée avec elle jusqu'à la fin, lui tenant la main et l'aidant à... partir paisiblement. Elle m'a ensuite aidé à me remettre du décès d'Isabelle. Je ne sais pas... C'est quelqu'un de bon. De réellement bon. »

Orion relâcha ses poings et hocha lentement la tête.

« Oui. Elle est... Elle est... Bon ne suffit même pas approximativement à la décrire. »

La femme sourit et il se sentit rougir malgré lui. Bon sang, pourquoi était-il incapable de contrôler sa langue ? Ses mots lui avaient donné l'air d'un homme étrange en adoration devant Céleste ! Comme un homme amoureux ! Orion serra les dents. Il n'aimait pas Céleste. Il ne pouvait pas l'aimer.

Les hommes comme lui...

Il grogna intérieurement.

Que ressentait-il alors pour Céleste ?

La question résonna plusieurs fois dans sa tête tandis qu'il refusa fermement d'y répondre. Il cligna plusieurs fois des yeux, inspirant profondément et se préparant à se reprendre.

Un bruit déchirant dans la nuit l'interrompit.

Un bruit atroce et cruel qui semblait pénétrer son corps jusqu'à la moelle et le secouer d'un souffle froid.

Un cri. Un cri d'enfant.

Un cri d'enfant lancinant de douleur, de peur et d'angoisse. Un cri à l'aide, un cri de désespoir terrifié sortit de poumons affaiblis.

Sur le lit la femme s'était figée. Elle avait porté ses grands yeux exorbités sur la porte de sa chambre à côté de laquelle se trouvait son mari, lui aussi comme paralysé sur place. Orion vit les mains de la femme se mettre à trembler, un peu puis plus fort, de plus en plus fort, tandis que son visage semblait tétanisé. Orion leva une main incertaine vers son visage, ne sachant pas quoi dire, ni comment réagir. Ses instincts lui criaient d'aller voir, de chercher l'enfant, de l'emmener en sécurité... Le bruit de l'inspiration bruyante et tremblante de la femme attira son attention sur elle.

« C'est la bête. », murmura-t-elle, la voix brisée, comme si elle avait peur que la bête ne l'entende. Elle baissa la tête et replia ses mains contre ses cuisses pour les arrêter de bouger nerveusement.

Ce fut au tour du jeune homme d'être paralysé sur place.

La bête.

Il se souvint des mots de Céleste du soir précédent.

« Dites-lui aussi qu'il est en danger. Le peuple pense qu'il est le meurtrier – on a trouvé un miroir avec son portrait sur le lieu d'un crime. »

Quelqu'un là dehors tentait de lui faire endosser la faute pour des crimes qu'il n'avait pas commis. Quelqu'un là dehors faisait régner la terreur et tuait des êtres innocents pour une raison inconnue. Il sentit la rage monter en lui. Lentement, Orion se leva du lit. La femme releva brusquement la tête, le visage blanc comme un linceul.

« Que faites-vous ? », demanda-t-elle d'une voix éteinte.

Orion serra les poings. Il allait sortir, il allait trouver cette bête et utiliser la force de brute que lui conférait son maudit sort pour lui faire la peau. Il en avait assez, assez de se faire jouer comme une marionnette stupide. Quiconque osait à ce point le provoquer aller devoir faire face aux conséquences.

Et les conséquences seront sanglantes.

« Je vais aller voir ce qui se passe. », grogna-t-il férocement. La femme eut un mouvement de recul et il vit l'homme écarquiller les yeux.

« Vous êtes fou. », dit-il, « La bête... La bête est dangereuse. Elle a déjà tué plusieurs fois. Si vous sortez, elle vous tuera sûrement aussi. »

Orion poussa un rire ironique.

« Nous verrons bien. », dit-il froidement. Il avança jusqu'à la porte et se retourna vers la femme, jetant un dernier regard presque tendre sur le corps inerte de Céleste, complètement aveugle à ce qui se jouer autour d'elle.

« Jurez-moi de prendre soin d'elle. », murmura-t-il d'une voix rauque. La femme mit quelques secondes à comprendre avant de faiblement hocher la tête.

« Jurez le moi ! », répéta Orion, le ton un peu plus dur, alors qu'aucun son ne sortait de la bouche de la femme. Elle sembla hésiter quelques secondes avant de répondre.

« Je le jure. » Sa voix n'était qu'un souffle incertain. Orion se retourna et voulut passer la porte, arrêté subitement par le bras de Philippe.

« N'y va pas, petit. C'est trop dangereux. »

Orion secoua la tête et sans un mot, poussa le bras de côté, sentant les yeux écarquillés du couple dans son dos. Rapidement, il avança jusqu'à la porte d'entrée et sortit à l'extérieur de la maison où il fut accueilli par l'air glacé de la nuit d'hiver. Il leva son visage vers le ciel et ferma les yeux un instant. Il était une bête lui aussi après tout, et ses sens semblaient comme intensifiés par la colère et la lune. N'ayant plus du tout pensé à la douleur dans sa jambe et continuant à l'ignorer, il se rua vers la direction du cri, disparaissant pour l'œil humain, dans les limbes de la nuit. Il s'enfonça sans hésiter dans la forêt, traversa les rangées d'arbres et les chemins gelés pour finalement se trouver sur une clairière sombre.

Orion se figea.

Une petite fille était allongée au sol. Ses tresses proprement allongées de chaque côté de sa tête, ses mains repliés sur une petite croix en bois. Elle était nue, les yeux fermées, l'air presque paisible si ce n'était pour cette flaque de sang écarlate qui entourait son corps d'une auréole de violence.

Les mains du roi se mirent à trembler un peu plus.

Il était arrivé trop tard.

Il s'approcha lentement du petit corps, sa capuche retombant en arrière et son estomac se retournant à la vue. Un trou noir semblait avoir pris place là, où devait être son cœur. Un trou noir morbide qui fit tomber Orion à genou.

Jamais n'avait-il vu une scène aussi cruelle. Il vit les habits de la petite fille quelques centimètres plus loin, proprement pliés. Il les attrapa d'une main et recouvrit du mieux qu'il put le corps innocent et brisé.

Il ferma ensuite les yeux et leva le visage au ciel. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine et il sentit un bruit désespéré quitter ses lèvres. Qui avait pu faire une chose pareille ? Qui avait pu faire autant de mal à une fillette sans défense ?

« A ton avis, joli cœur ? »

Orion se figea.

Rouvrit les yeux.

Il se retourna lentement, la colère, la haine, faisant vibrer son être.

Elle était là.

La fée lui lança un sourire amusé, son corps d'une beauté révulsant recouvert du sang sombre de l'enfant des pieds à la tête. Dans sa main droite, elle tenait la rose d'Orion, la rose maudite, les doigts tendrement refermés sur les épines.

« Toi. », cracha Orion. Il se releva d'un bond, la violence, l'envie de tuer cette femme abjecte présent dans yeux clairs. Il se rua sur elle, prêt à lui faire endurer ce qu'elle avait fait endurer à la petite fille quelques mètres plus loin, prêt à en finir une bonne fois pour toute.

La fée éclata seulement d'un rire féroce.

D'un geste rapide, elle leva la rose.

D'un geste rapide, presque désolée, elle tira sur les pétales de sa main, les arrachant tous d'un geste précis.

« Tu n'as quand même pas cru que je te laisserais gagner. », ricana-t-elle, tandis qu'Orion tomba au sol, se recroquevillant sur lui-même.

ET CROTTE

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