Chapitre 20
« Le destin se moque des hommes. », Gao Xingjian
Céleste rentra avec ses parents à l'intérieur de leur petite maison. Sa mère lui fit signe de s'assoir sur une des petites chaises en bois de la cuisine, au dos desquels des cœurs avaient été gravés et abîmés par le temps.
« Célestine », soupira la femme, en se passant une main fatiguée sur le visage, « Explique-moi. Nous ne t'avons pas élevé à te donner aux hommes, même s'il s'agit du roi, particulièrement s'il s'agit d'un roi avec une réputation pareille. Comprends-tu les conséquences d'un tel acte ? Nous n'avons pas assez d'argent pour faire oublier à un futur époux cette disgrâce et ce ne sera très certainement pas le roi qui te prendra pour femme. Nous n'avons pas le choix que de te donner à celui qui t'accepteras malgré tout – le chasseur semble m'être un homme bon, il t'a de plus sauvé la vie. »
Les mains de Céleste tremblaient toujours et elle était incapable de former la moindre phrase cohérente tandis que les cris de colère, d'injustice et de désespoir résonner inlassablement dans sa tête.
Elle était innocente.
Elle n'avait eu aucune relation avec Orion. Aucune. Comment en seulement quelques minutes tout le monde croyait le contraire ? Pourquoi les villageois s'obstinaient-ils à croire un vulgaire chasseur sorti de nulle part plutôt qu'elle, elle qu'ils connaissaient tous depuis des années et qui jamais n'avait eu un comportement indécent ? Elle était montée au château pour tous les aider, bon dieu !
Un hoquettement quitta ses lèvres. Un hoquettement douloureux, que sa mère et son père interprétèrent comme un aveu, un pleur de repentance.
Céleste se figea en voyant leurs yeux accusateurs. Elle voulait hurler, hurler qu'elle n'avait rien fait, ne comprenant pas comment un détail pareil pouvait autant altérer leur vision de leur fille. Elle était leur enfant, ils devaient la protéger ! Ils devaient être de son côté, bon sang !
« Je n'ai rien fait. », souffla-t-elle d'une voix atone et son père secoua durement la tête.
« Assez ! », tonna-t-il, « Ta mère a raison, nous ne t'avons pas élevé comme ça ! Tu es une honte, Céleste, une honte, une disgrâce, à coucher avec un homme puissant comme une vulgaire putain ! »
Les mots de son père lui coupèrent la respiration dans sa gorge et elle se recroquevilla un peu sur elle-même, les yeux écarquillés, retenant désespérément les larmes menaçant de couler. Comment son père pouvait-il l'insulter de telle sorte ? Son propre père ? Sa langue d'habitude si prompte à répondre était comme figée dans sa bouche et elle se sentit soudainement épuisée, comme si quelque chose en elle s'était brisé en mille morceaux. Comme si on lui avait craché à la figure, écraser son honneur et avec lui, un petit morceau de son cœur.
« Tu ne dis rien ? », rugit son père, « Tu as le culot de me regarder sans rien dire ? Céleste, tu te rends compte ? »
Elle secoua la tête, incertaine à qui et à quoi elle répondait. Une larme traîtresse finit par rouler sur sa joue blanche et elle ouvrit la bouche, hésitante, la voix cassée et tremblante.
« Je suis désolée. », murmura-t-elle, tandis qu'une petite voix intérieure hurla dans sa tête, cria désespérément à l'injustice. Elle n'avait rien fait ! Elle vit son père reculer d'un pas ; il avait la respiration haletante, les yeux grands ouverts et le corps tremblant de rage. Il poussa un rire dur, presque cruel qui fit reculer Céleste un peu plus sur sa chaise. Elle avait l'impression d'être à nouveau une petite, toute petite enfant venant de faire une bêtise : néanmoins, les conséquences de cette bêtise imaginaire, la punition pour un acte dont on l'accusait et qu'elle n'avait pas commis, serait bien plus grave qu'une simple claque. Elle préfèrerait presque sentir la main de son père contre sa joue et faisant voler sa tête de côté que de devoir épouser l'homme qu'était le chasseur.
« Il est trop tard pour t'excuser, Célestine, tu aurais dû réfléchir avant d'agir ! »
Elle se sentait faible. Pathétique. Ses pensées, son être étaient dilués dans un brouillard où mensonge et réalité ne faisaient plus qu'un. Elle n'était presque plus sûre de ce qu'elle avait fait et n'avait pas fait. Elle leva à nouveau ses grands yeux clairs sur son père, désespérée. Il ne lui montra aucune compassion, aucun amour, aucune tendresse. Rien. Seulement une froideur mordante qui fit battre le cœur de la jeune femme d'un rythme torturé. Elle tourna ses yeux sur sa mère qui était incapable de la regarder dans les yeux. Elle avait son regard porté sur ses chaussures, des larmes stupides lui dégoulinant sur les joues rougies et rondes. Elle voulait la secouer, cette femme, cette femme aussi faible qu'elle, incapable de faire un pas en avant ou d'ouvrir sa bouche pour défendre sa fille face aux insultes de son mari.
Lentement, Céleste se leva de sa chaise et se força à redresser son dos courbé, se força à soulever son menton tremblant et à serrer ses poings, ravalant les larmes et les cris sur sa langue.
« J'en ai conscience. », répondit-elle à son père, la voix quasiment calme, le visage le plus neutre possible. Elle devait tenir seulement quelques minutes, quelques minutes avant de se retrouver seule pour pouvoir se laisser déchirer en morceau par son destin, avant de se briser en morceau dans sa solitude et laisser ses sanglots quitter ses lèvres. Son père la regarda dans les yeux.
« Tu épouseras le chasseur le plus tôt possible. »
Elle hocha la tête, sans un mot. Son père se retourna alors brusquement et sortit de la pièce, bientôt suivit de sa femme qui pour une seconde s'était retournée vers Céleste, un sourire implorant sur les lèvres fatiguées, les yeux tombant et le visage bouffi.
« Tout va bien se passer, Célestine. »
La jeune femme avait à nouveau hoché la tête. Elle avait retenu un rire dur et ironique dans sa gorge. Sa mère claqua sa porte derrière elle et Céleste se tourna vers la porte d'entrée. Elle devait sortir d'ici, sortir de cet endroit familier où elle s'était sentie à la maison jusqu'à maintenant. Elle tituba un peu et tira sur la poignée, se jetant presque à l'extérieur. Elle leva les yeux au ciel. Il était gris. Terne. Triste. Elle se mit à avancer, sans regarder où elle allait, ignorant les yeux des villageois posés sur elle, ignorant les murmures, les cris, les injures. Un corbeau passa au-dessus de sa tête et poussa un croassement sinistre. Céleste continua à avancer, à tituber et trébucher à travers les petits chemins, les yeux et la gorge brûlante, son cœur tambourinant dans sa cage thoracique à l'en faire exploser. Finalement, elle arriva devant une maison en débris qu'elle reconnut immédiatement. Elle avait été vide depuis l'été dernier : ça avait été la maison de Charlotte et son mari, la petite Charlotte morte à seize ans sous les coups de l'homme.
Céleste se mit à trembler, la gorge serrée. Lentement, elle posa une main sur la porte abîmée et l'ouvrit avant d'entrer à l'intérieur, les jambes instables. Le mari de Charlotte n'avait pas voulu rester ici suite au décès de son épouse et était parti sans un mot dans la nuit et le brouillard. La maison était restée inhabitée. Céleste regarda autour d'elle.
Une vie abandonnée.
C'était ce qu'elle voyait.
Une vie abandonnée, des souvenirs brisés, la violence d'un quotidien douloureux.
Un sanglot déchira le silence et la jeune femme sentit ses jambes cesser de la soutenir tandis qu'elle glissa au sol.
La petite cuisine était en morceau et poussiéreuse, les chaises restantes renversées. Des débris de bois éparpillés. Le lit des anciens époux dénudé de draps, et de coussin, quelques brins de paille sur son dessus. Dans un coin, un berceau en bois vide qui grinçait à chaque fois qu'un coup de vent passant par les trous des murs le poussait de droite à gauche.
Les larmes se mirent à rouler de plus en plus sur les joues de Céleste qui se recroquevilla, s'enroula sur elle-même, les yeux fermés, tremblante, tremblante. Perdue.
Sa vie serait-elle comme celle de Charlotte ?
L'entendrait-on pleurer dans la forêt ?
Finirait-elle sous l'arme du chasseur ou finira-t-elle par mourir de tristesse, son cœur brisé, son âme seule ?
Elle ne voulait pas d'une vie pareille, ne l'avait jamais voulu. Elle avait tenté de ne pas s'y résigner. Elle avait tenté d'ignorer qu'un jour elle serait forcée d'épouser un homme. Mais jamais n'avait-elle imaginé un scénario pareil. Elle se sentait trahie, brisée, humiliée : elle se sentait... Elle n'avait pas les mots pour décrire la douleur mordante qui lui déchirait le cœur. Céleste s'allongea sur le sol poussiéreux, ignorant l'odeur de bois pourri et la saleté. Elle voulait dormir, seulement dormir et se réveiller autre part. Elle voulait... Elle voulait qu'on vienne et la secoue, qu'on lui dise que tout ça ne fut qu'une mauvaise blague, un mauvais rêve.
Mais il n'y avait personne, elle était seule, si seule, face à des hommes et femmes qui ne s'intéressaient pas à son cœur brisé, ne s'intéressaient pas à ses pleurs résonnant contre les murs fins. Personne ne s'intéressait à la vérité, personne ne voulait savoir ce qui était réellement arrivé.
Les mots qu'elle avait entendu en marchant et qu'elle avait ignoré du mieux qu'elle put revinrent à la charge.
La putain du roi.
Céleste, la putain du roi.
Elle voulait avoir la couronne, c'te p'tite catin.
Un bruit étouffé quitta ses lèvres tandis qu'elle serra les poings. Elle était innocente ! Innocente ! Le mot sonnait creux dans sa tête, creux comme sa vie allait l'être.
Si au moins elle était jolie...
Céleste ferma ses yeux un peu plus, ignorant les voix cruelles dans sa tête, la rage, le désespoir et la tristesse s'éteignant de plus en plus en un sentiment de résignation vidée de force. Elle n'avait pas le choix. Pas la force. Elle était seule, aussi seule qu'on ne pouvait l'être. Une dernière larme roula sur sa joue avant que le vide l'envahit.
~***~
La nuit était tombée et Orion attendait, à nouveau sous l'apparence de la bête, Adrien. Il n'était toujours pas revenu des recherches dans la forêt et le roi sentait son cœur battre nerveusement dans sa poitrine tandis qu'il se passait sans cesse les pattes sur le visage, se griffant de temps en temps maladroitement les joues. Il se passa sa langue sur les lèvres.
Et s'il l'avait réellement tué ?
Comment... Comment pourrait-il le dire à ses parents ?
Comment réagirait-il en voyant le corps de Céleste en morceau ?
Un sentiment de nausée et de dégoût lui retourna l'estomac et il laissa tomber sa tête entre ses deux mains transformées. Non, il ne voulait pas imaginer une chose pareille. Ne pouvait pas imaginer une chose pareille. S'il avait réellement commis une telle atrocité, il ne se le pardonnerait jamais. Jamais. Il irait personnellement voir la fée et lui demanderait de le faire mourir sur place. Orion déglutit.
Il entendit brusquement quelqu'un toquer à la porte et son corps entier fit un bond en avant.
« Entrez ! », s'exclama-t-il, se levant en boitant pour accueillir l'homme à la porte. Celle-ci s'ouvrit dans un grincement macabre. Adrien n'attendit pas une seconde et poussa le roi à l'intérieur de ses appartements.
« Votre Majesté, allez mettre un manteau à capuche. », siffla-t-il et Orion lui lança un regard sidéré.
« Un manteau-»
« Le docteur est là lui aussi. Le serviteur semble avoir compris qu'il fallait aller le chercher immédiatement et n'a pas pris votre... petit problème nocturne en compte. Je ne pouvais pas mettre le médecin à la porte : je lui ai donc dit qu'il pouvait dîner avec nous. »
Orion déglutit et recula d'un pas.
« Dîner ? Adrien ! Regarde mes mains ! Je ne peux pas manger normalement avec des pattes pareilles ! »
.Adrien leva les yeux au ciel.
« Mettez des gants. »
« Ils seront transpercés par mes griffes. »
« Mettez les gants en cuir épais. Ils tiendront assez longtemps pour éviter un tel... accident. »
Orion hocha alors lentement la tête et Adrien se retourna, près à partir. Le roi attrapa sa manche, presque brutalement, faisant pâlir le servant quelques instants.
« Votre Majesté ? »
« Céleste », grogna Orion, le cœur palpitant, « Avez-vous trouvé Céleste ? »
Adrien l'observa un instant, de la tristesse dans les yeux bruns. Orion poussa un bruit rauque, sentant ses mains faiblir en attendant sa sentence. Elle n'est malheureusement plus en vie, majesté. Ses mains autour du bras du servant tremblèrent subtilement.
« Je suis navré mais-»
« Elle est morte ? », le coupa Orion en reculant d'un pas, la tête basse, « Dit le Adrien. Cesse de tourner autour du pot, dis-moi seulement si-»
« Laissez-moi terminer, enfin ! Je suis navré mais nous ne l'avons pas trouvé. Nous avons fouillé forêt de fond en comble mais Mademoiselle est restée introuvable. »
L'air quitta les poumons du jeune homme qui tituba en arrière jusqu'au mur et laissa sa tête retomber contre celui-ci, les mains dans la chevelure.
« Bon dieu, merci. », souffla-t-il, « Merci. »
Adrien secoua légèrement la tête et soupira.
« Mon roi, pardonnez-moi, mais nous ne savons toujours pas ce qui lui est arrivé. »
Orion rouvrit les yeux.
« Céleste est en vie. Elle ne peut qu'être en vie. Je vais la retrouver et... »
Le roi s'interrompit et se passa une main gênée sur le visage. Qu'est-ce qui l'avait pris ? Il parlait de Céleste comme si... comme si... Son cœur accéléra un peu. Que ressentait-il pour la jeune femme aux allures de nymphes et aux grands yeux clairs ? Il n'en était pas certain. Pas certain du tout.
« Majesté ? »
La voix d'Adrien interrompit ses pensées et il hocha la tête, un peu perdu.
« Je... je vais aller me changer. Vas dire au docteur que j'arrive. »
Le servant hocha la tête et sortit de la pièce, silencieusement. Orion traversa quelques pièces puis ouvrit d'un geste brusque une armoire en bois sombre de laquelle il sortit un manteau en laine avec une large capuche et des manches longues. Il grogna. Il aurait l'air ridicule. Il enfila l'habit et se passa précautionneusement une paire de gants épais sur les grandes mains, non sans difficultés. Finalement, il referma l'armoire dans un claquement et sortit de ses appartements, une canne à la main pour soutenir sa jambe blessée, sans laisser son regard divaguer sur un miroir ou une glace susceptible de lui renvoyer son reflet. Etre une bête était déjà peu plaisant mais être une bête ridiculisée était pire et il n'avait pas besoin d'avoir la preuve de son humiliation devant ses yeux. Il soupira et descendit les différents escaliers menant à la salle à manger officiel – le médecin n'avait pas besoin de voir l'enfer de Dante et les appartements lugubres dans lesquels le roi s'enfermait. Il arriva à la large porte dorée à double battants sur laquelle étaient gravées des scènes mythologiques tel Apollon chassant Daphné. Il ouvrit la porte d'un coup violent et pénétra dans la salle avec toute la grandeur et élégance qu'il pouvait trouver au fond de son être pour ne pas perdre la face devant le médecin. Il était étrangement inquiet que quelqu'un apprenne de son sort, quelqu'un qu'il ne connaissait pas et qui serait prompte à répandre la nouvelle.
Le docteur se leva de la chaise et fit une petite révérence, ainsi qu'Adrien et la servante, se tenant sur le côté, un plat à la min.
« Bonsoir. », grogna Orion avant de s'installer lourdement à table. Le médecin, en voyant sa tenue étrange, fronça un peu les sourcils mais ne dit rien. La servante servit les assiettes et se recula à nouveau dans un coin de la pièce – le roi pouvait malgré tous ses yeux perçants sur lui et un frisson lui glaça l'échine. Il l'ignora.
« Votre serviteur m'a dit que vous étiez blessé ? », demanda le médecin et Orion hocha la tête.
« A la jambe. » Orion montra sa canne du menton et le docteur hocha la tête.
« Que vous est-il arrivé ? »
Le roi garda un visage neutre.
« Un accident de chasse en forêt. » Le mensonge sonnait faux et amer sur sa langue mais il n'y fit pas attention. Il pouvait difficilement dire au médecin qu'il avait été blessé alors qu'il courait dans la nature sous forme de loup. Il tendit ensuite une grande main maladroite vers la cuillère en argent à côté de son assiette et précautionneusement, la laissa glisser dans la soupe avant de la mener à sa bouche, en faisant attention à ne rien faire gouter. Orion espéra que le médecin ne voyait pas ou ne faisait pas attention aux tremblements inquiets de sa main.
« J'y jetterai un regard après manger. », annonça calmement le médecin et se mit lentement à avaler sa soupe, un air préoccupé sur le visage.
« Vous semblez bien inquiet. », grogna Orion et le docteur lui lança un regard surpris avant de secouer la tête.
« Oh ça... Ce n'est pas pour votre blessure que je m'inquiète – si elle était vitale, vous ne seriez pas assis ici à manger de la soupe tranquillement ! »
« Eh bien, qu'est-ce qui vous met donc dans un état pareil ? »
Le docteur se racla la gorge et sembla hésiter un instant.
« La jeune fille du village qui était chez vous. La petite Céleste. Elle est revenue au village aujourd'hui, en compagnie d'un homme fort étrange. »
La cuillère glissa de la main d'Orion et chuta au sol. Il tourna brusquement sa tête vers le médecin.
« Céleste est retournée au village ? Et que voulez-vous dire par 'homme étrange' ? », dit-il d'une voix forte qui fit un peu reculer l'homme en face de lui.
« Elle est arrivée dans l'après-midi, toute fatiguée, la pauvre petite. Les villageois étaient d'abord heureux de la voir : mais il y avait cet homme, ce prétendu chasseur que je n'ai jamais aperçu – et croyez-moi, j'en ai vu. Il a affirmé que Céleste était au château pour... votre plaisir. J'ai entendu dire que ses parents ont décidé qu'elle épouserait le chasseur car personne ne voudra d'une femme déshonorée comme épouse. »
Orion se sentit pâlir. Céleste, déshonorée ? Au château pour son plaisir ? Céleste ? Ses mains se mirent à trembler plus fort, cette fois de colère, tandis qu'un grondement sourd vibra dans sa gorge. Ces stupides villageois.
« Quel est le nom de ce chasseur ? », grogna-t-il et le docteur haussa les épaules.
« Nous l'ignorons tous. »
Un mauvais pressentiment pris Orion tandis qu'il serra fermement les dents. Céleste ne pouvait pas épouser cet homme. Il en était hors de question –
« Vous devriez vous aussi faire attention, mon roi. », marmonna le médecin, les sourcils froncés, « Des rumeurs racontent que vous seriez coupable pour les meurtres dans les villages. »
Le roi se figea. Il se força à pousser un rire dur.
« Et comment fondent-ils de tels affirmations grotesques ? »
« Il paraît qu'un objet à vous aurez été retrouvé sur le lieu du crime : je n'ai pas pu comprendre de quoi il s'agissait. »
Orion déglutit et ferma les yeux un court instant. La situation ne faisait qu'empirer encore et encore. Il se savait peu populaire auprès du peuple : néanmoins, qu'on le croyait capable de tuer de sang-froid... Il soupira lourdement – comment pouvait-il le leur reprocher alors que lui-même n'était pas certain de n'avoir tué personne alors que ses pensées et actions étaient celles d'une bête sauvage ?
Le reste du dîner se déroula en silence. Ensuite, le médecin inspecta avec attention la blessure d'Orion et l'enroula dans de nombreux bandages après l'avoir badigeonné de toutes sortes de mixtures malodorantes. Lorsqu'il eut fini, il leva les yeux vers le roi.
« Il vous faudra beaucoup de repos, Majesté. La blessure n'est pas vitale mais relativement profonde et si vous n'y faites pas attention, elle ne se refermera jamais correctement. »
Orion hocha la tête et fit un signe à Adrien.
« Merci, docteur. Adrien va vous mener à votre chambre pour la nuit. »
Le médecin eut l'air confus un instant.
« Ma chambre ? »
« Je ne puis vous laisser partir alors que la lune est encore dans le ciel et qu'il fait froid comme jamais. »
Le docteur rit.
« Mon roi, je ne suis pas une demoiselle en détresse ! Je peux tout à fait rentrer seul – mais c'est avec plaisir que j'accepte votre offre, après tout, ce n'est pas tous les jours que je pourrai dormir chez un roi ! »
Orion sourit derrière sa capuche et bientôt, Adrien et le médecin sortirent de la pièce. Il resta quelques instants de plus puis remonta les escaliers en clopinant, un grognement lui échappant à chaque pic de douleur. Finalement, il s'avança dans le premier couloir, passant devant la chambre aux roses où avait logé Céleste. Il hésita un instant puis entra lourdement. Le lit était encore défait et à l'odeur de roses se mêlait l'odeur de la jeune femme. Il grimaça un peu et s'assit sur le lit, laissant un doigt ganté courir le long de l'oreiller où se trouvaient quelques cheveux blonds.
Orion réfléchit. Il ne pouvait pas laisser les parents de Céleste la marier à quelqu'un qu'elle ne désirait pas. Il se souvint de leurs conversations, de son fatalisme et sa peur d'un futur qu'elle voyait déjà tout tracé et qui était en train de se réaliser. Il se releva du lit.
Il voulait la voir.
Il voulait... Il voulait la rassurer, s'excuser. C'était de sa faute si on la diffamait, si on affirmait qu'elle était déshonorée alors qu'elle était encore aussi pure que la neige qui se déposait au sommet des arbres. Si seulement il n'avait pas lui-même une aussi mauvaise réputation. Il grogna.
Seulement sa réputation venait de la vérité.
La vérité d'un temps où il pouvait encore se permettre de jouer avec les femmes comme un chat avec une souris : où il pouvait les attirer dans son lit avec ses sourires arrogants et lascifs, avec sa beauté et sa couronne, avant de les jeter à la porte en se moquant d'elles. Les femmes n'avaient été que des créatures faibles et stupides à ses yeux et pour la plupart l'été encore : seulement y avait-il cette femme un peu carré, un peu maladroite, avec des yeux meurtriers et une langue de vipère qui était différente, complètement différente, et qui malgré tout souffrait comme toutes les autres.
Il devait aller la voir.
Orion se releva et sortit de la pièce, avant de boiter jusqu'à la bibliothèque, brusquement en quête d'un objet précis, d'un livre, tandis que dans sa tête germait une idée. Il parcourut les étagères les unes après les autres avant de trouver le petit livre rectangulaire et usé. Ses doigts caressèrent le titre et un sourire ironique caressa ses lèvres. Il rejeta sa capuche en arrière.
« La belle et la bête. », murmura-t-il avant de mettre l'objet dans la poche du manteau. Il ressortit de la bibliothèque, son cœur battant rapidement. Il lui fallait une excuse pour approcher Céleste : il lui donnerait le livre et ensuite, tenterait de changer quelque chose à la situation catastrophique dans laquelle tous les deux se trouvaient.
Pour une fois dans sa vie, la première fois, Orion avait l'impression de faire le bon choix. Il avait l'impression d'avoir enfin le rôle du gentil et non celui de l'éternel méchant. A cette pensée, il sourit.
Salut les cocos!
Bon j'avoue - ce chapitre est un peu long, mais je ne voulais pas le couper. Et zut, on en est déjà au chapitre 20! Du coup, merci à tous ceux qui sont encore là. Je sais que le côté très conte de fée s'est un peu perdu au fil de l'histoire mais c'était impossible de garder une écriture pareille, parce que 1) c'est un style très froid donc 2) on ne peut pas s'identifier et aussi bien comprendre les personnages.
Mais à part ça, j'essaie de mêler les éléments du conte original et du Disney dans un mélange nouveau, j'espère que ce n'est pas trop raté.
Quant à l'histoire: à nouveau crotte, ma petite Céleste a des soucis et Orion aussi. Même s'il ne réalise pas encore tout à fait à quel point.
Bref, des bisous!♥
Blondie
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