Chapitre 10

« La musique creuse le ciel. », Charles Baudelaire

La suite se déroula comme la journée précédente. Céleste prit son bain : on lui monta les cheveux et lui poudra le visage, on lui farda les joues et lui noircit les cils ; on força sa taille délicate dans une cage métallique qui lui coupa la respiration, on lui enfonça les pieds dans des chaussures cliquetantes et inconfortables, on lui mit des habits pesant trois fois son poids. A nouveau, le jupon était blanc et or et irradiait de lumière aux rayons de soleil qui traversaient les carreaux des fenêtres.

« Mademoiselle Céleste, Son Altesse vous attend. », grogna la servante de sa voix distancée. Céleste hocha la tête. Le corset avait été serré un peu plus que le soir d'avant et le manque d'air inhabituel et étouffant lui faisait tourner la tête et perdre son orientation.

« Suivez-moi. »

Céleste hocha la tête à nouveau et emprunta le pas à nouveau, peinant à avancer au même rythme que la femme plus âgée devant elle.

« Plus vite, le roi attend. », siffla la servante en jetant un regard dédaigneux vers la jeune femme pâle. Céleste avait l'impression qu'on lui broyait les côtes et sa cheville encore affaiblie tremblait d'effort dans la chaussure douloureusement haute et dure. Serrant les poings, elle accéléra d'un pas, ignorant la réticence de son corps. Elle ne voulait pas écoper d'un autre regard méchant et souhaitait seulement s'assoir. Les deux femmes traversèrent à nouveau les couloirs sinueux et presque grotesquement lugubres pour arriver devant la porte aux gravures de l'enfer : la servante cogna son poing contre la porte. Un geste rêche qui résonna contre les murs de manière fantomatique. Bien vite, Adrien vint ouvrir la porte et mena Céleste à l'intérieur de la salle à manger où Orion était déjà occupé à boire son verre de vin, les yeux dans le vide. Sans un mot, la jeune femme s'assit sur sa chaise et se laissa servir à manger par le serviteur qui lui offrit un sourire bienveillant.

« Bon appétit, Mademoiselle Céleste. Mon roi. »

Ses pieds endoloris enfin libéré du poids de son propre corps et des habits, Céleste laissa échapper un soupir soulagé avant de déglutir à la vue de la nourriture. Comment allait-elle avaler une telle quantité de chose alors qu'elle avait l'impression que quelqu'un lui broyait la taille ? Lentement, elle attrapa la fourchette en or posait à côté de l'assiette et la planta dans un morceau de viande qu'elle mena à sa bouche et mâcha avec précaution. Elle déglutit à nouveau et se mit à pâlir. Sa tête lui tournait toujours, elle voulait enlever ce fichu corset, enlever ces tissus qui l'étouffer et l'empêcher de faire les plus petits mouvements. Son cœur accéléra tandis que des petits points noirs se mirent à virevolter devant ses prunelles. Elle porta une main à sa joue et la petite fourchette tomba avec un cliquettement subtil au sol.

« Céleste ? » La voix d'Orion lui parvint aux oreilles comme par un nuage de coton et un sentiment de nausée lui resserra l'estomac. « Céleste ? »

Elle cligna plusieurs fois des yeux tandis qu'elle sentit son corps basculer en arrière.

« Céleste ! »

Elle sentit la chaise se renverser, incapable d'arrêter sa chute, vit Orion se lever rapidement pour venir la rattraper. La chaise tomba au sol et elle sentit les bras du jeune homme s'enrouler autour de sa frêle figure.

« Qu'est-ce qu'il t'arrive ? », grommela-t-il, les yeux écarquillés. Céleste tenta d'inspirer profondément, se passe une main sur le visage.

« De...l'air. », pressa-t-elle et Orion fronça les sourcils.

« Tu n'arrives pas à respirer ? »

Elle secoua la tête et montra sa taille d'une main tremblante frénétiquement. Le roi, ne comprenant pas ce qu'elle souhaitait lui dire, eut une expression paniquée : quand bien même il n'était pas l'incarnation de la bonté, il ne tenait pas à avoir une jeune femme, presque une enfant, mourir dans ses bras asphyxiée.

« De...l'air ! », répéta Céleste, cette fois plus fort, tandis que les points noirs devinrent plus foncés, plus persistants et l'empêchèrent de former une pensée cohérente tandis que tout son corps paniqué tentait de remplir ses poumons d'air frais. Céleste avait la respiration erratique et le cœur battant à tout rompre. Adrien accouru.

Il se pencha au-dessus de la silhouette d'Orion et de la jeune femme et observa à son tour le geste de Céleste presque hystérique visant à leur démontrer qu'il leur fallait desserrer cette maudite robe et surtout, ce maudit corset. Heureusement, Adrien compris. Il poussa son roi sans précaution de côté, retourna la jeune femme et d'un geste rapide et habitué, défit nœuds et boutons maintenant tout en place avant d'enlever le collier serré lui ornant la gorge. Orion lui lança un regard sonné.

« Adrien, qu'est-ce que tu fais ? Elle voulait seulement de l'air, pas que tu la déshabille ! »

Le serviteur laissa échapper un petit rire malicieux.

« Votre Altesse, c'est le corset qui lui coupait l'air, il me fallait le desserrer ou Mademoiselle Céleste aurait très certainement perdu connaissance. »

Le roi le regarda quelques secondes stupéfait tandis qu'une légère rougeur lui monta aux joues.

« Je... je... Merci Adrien. », bafouilla-t-il en grognant un peu. Il souleva ensuite doucement Céleste qui reprenait peu à peu ses esprits.

« Que faites-vous ! », s'exclama la jeune fille.

« Je vais vous ramener dans votre chambre. Je pense qu'il vaut mieux que vous vous allongiez un petit peu. »

Céleste toussa puis hocha lentement la tête. Oui, un peu de repos lui ferait très certainement du bien. Orion refit le chemin en marche inverse qu'elle avait traversé quelques minutes auparavant avant de l'amener dans sa chambre. Il assit la jeune femme sur le lit.

« Souhaitez-vous que j'aille chercher la servante ? »

Céleste écarquilla les yeux et secoua vivement la tête. Quelque chose lui semblait étrange chez cette servante : il n'y avait pas que son hostilité, mais les chaussures trop petites et le corset serré à l'impossible ne faisaient que renforcer les soupçons de la jeune femme. C'était presque comme si la servante lui en voulait.

Orion se racla la gorge.

« Très bien. Je... je vais vous laisser alors. Vous savez qui appeler s'il y a besoin. »

D'un pas rapide, il sortit de sa chambre. Céleste soupira et laissa glisser la robe déjà ouverte au sol avant d'enlever le corset et ses jupons et bas. Le corset avait laissé des traces rouges foncées le long de ses côtes. Elle les retraça du bout du doigt tandis qu'une douleur intense lui traversa le corps ; elle enleva bien vite sa main et revêtit un négligé en satin avant de se laisser retomber contre les duvets.

Sans crier garde, le sommeil enveloppa rapidement son corps.

~***~

Un bruit réveilla Céleste. La jeune femme fit un bond en avant. Là, tout près d'elles, résonnaient des notes de piano : une mélodie délicate et élégante, doucement mélancolique, s'envolant dans les airs comme une plume un peu abîmée portée par le vent. Elle hésita quelques secondes puis posa un pied, puis l'autre, au sol. Surprise, son regard se posa sur la fenêtre ouverte et elle vit qu'il faisait déjà nuit. Combien de temps ai-je donc dormi ?, se demanda-t-elle en secouant un peu la tête. Elle enfila une paire de chaussure et une robe de chambre satinée négligemment posée sur un des meubles. Céleste ne prit pas la peine de jeter un regard à un des miroirs autour d'elle ni de se passer une main dans les boucles blondes empilées sur sa tête en champ de bataille. Elle avança à petits pas vers la porte de sa chambre : les chaussures étant inconfortables, elle les jeta de côté sans même leur lancer un dernier regard.

La musique n'avait toujours pas cessé et pieds nus, Céleste avança jusqu'à sa source à travers le couloir éclairé d'une lumière feutrée. Elle arriva devant une porte richement décorée de notes de musiques gravées d'or. Elle posa doucement, doucement, sa main sur la poignée et poussa la porte étonnement légère. Céleste plissa un petit peu les yeux car la lumière était encore plus faible que celle du couloir : cependant, elle s'habitua rapidement à la semi-obscurité agréable et bien vite, elle vit un piano à queue placé au centre de la petite pièce, derrière lequel quelqu'un était un peu penché en avant, concentré à jouer les alignements de notes. La silhouette ne se redressa pas à son arrivé et ne semblait même pas avoir conscience de sa présence.

Hypnotisée par la musique, la jeune femme ne voulait pas déranger le musicien et recula à tâtons jusqu'à pouvoir s'assoir sur un des fauteuils disposés au coin de la pièce. Les yeux mi-clos, elle se demanda quelques instants comment il était possible de jouer dans une telle obscurité : si cette personne venait jouer plus souvent mais qu'elle ne l'avait jamais entendu. Elle laissa retomber sa tête en arrière, le regard papillonnant dans les crescendos et les decrescendos, sa tête basculant un peu de gauche à droite dans les accelerandos. Elle plia ses mains entre le creux de ses jambes, la robe de chambre glissant nonchalamment le long de son épaule.

Brusquement, un accord dissonant résonna lourdement contre les murs de la pièce décorés d'une lourde tapisserie sur laquelle s'enroulaient des motifs légèrement démodé mais impressionnant en détails. Céleste sursauta à nouveau et releva la tête, ses yeux se posant immédiatement sur la silhouette derrière le piano qui semblait maintenant avoir relevé la tête.

« Que faites-vous là ? », demanda-t-elle et Céleste sentit un frisson glacé lui transpercer le corps et le figer sur place. Elle aurait reconnu cette voix partout : rauque, avec cette intonation légèrement animale, comme si chaque mot fut accompagné d'un grognement désagréable. Le cœur de la jeune femme accéléra subitement.

La bête.

Elle se trouvait en face de la bête.

Elle se releva d'un bond, la chaise tombant en arrière dans un fracas tremblant. Le visage pâle, Céleste déglutit.

« Je... Je suis désolée. », bégaya-t-elle, la voix incertaine, « Je ne vais pas... Je ne veux pas vous déranger plus longtemps. »

Elle fit mine de sortir mais une exclamation de la bête la maintint en place.

« Attendez ! », grogna-t-elle et d'un pas rapide s'éloigna du piano pour rejoindre Céleste qui était paralysée sur place. « Attendez. », répéta la bête, cette fois plus doucement. La jeune femme se retourna, les lèvres tremblantes.

« Je souhaite... Je souhaiterai retourner dans ma chambre. », murmura-t-elle. La bête secoua la tête et fit un pas de plus vers elle.

« Appréciez-vous la musique ? », demanda la bête brusquement, ignorant la requête de la jeune femme. Céleste ne put s'empêcher de froncer les sourcils. La tenue de l'être devant elle avait quelque chose de forcé, ses mots étaient pressés à travers ses longues canines : sa silhouette était voilée par une cape foncée accompagnée d'une capuche derrière laquelle se cachait le visage monstrueux qu'elle avait aperçu le soir précédent. « Mademoiselle ? », répéta l'être et Céleste cligna plusieurs fois des yeux.

« Oui. », répondit-elle le plus calmement possible, se retenant de se retourner pour aller se réfugier dans la protection de sa chambre à coucher. La bête sembla hésiter un instant, puis :

« Savez-vous jouer au piano ? », demanda-t-elle de sa voix étrange. La jeune femme sentit son cœur accélérer un peu plus tandis que son corps se tendait d'anticipation.

Comment une bête savait-elle jouer du piano ?

Comment était-il possible qu'une bête sache parler ?

« Je voudrais seulement aller...dormir. », dit-elle d'une voix fatiguée. Un rugissement échappa subitement à la bête et Céleste tituba en arrière, les yeux écarquillés, les mains cherchant désespérément la poignée de la porte.

« Je vous ai posé une question ! », tonna la bête et la jeune femme secoua la tête, sa gorge nouée par l'angoisse incapable de former une réponse sonore. L'être fit encore un pas vers elle et bientôt Céleste sentit son souffle sur son visage. Un sentiment de dégoût et de répulsion traverser son corps. La bête tendit ses pattes et les plaça de chaque côté du visage de Céleste, l'encastrant contre le mur. Son cœur battait maintenant une chamade effrénée dans sa cage thoracique et la jeune femme ferma désespérément les yeux, ne voulant pas être confrontée au visage bestial devant elle.

« Que me voulez-vous ? », souffla-t-elle d'une voix anxieuse. La respiration bruyante de la bête semblait se calmer un petit peu et les bras tendus, fléchir.

« Je ne vous veux pas de mal. », répondit doucement la bête, aussi doucement qu'elle en fut capable. Céleste pressa son dos un peu plus contre la tapisserie.

« Pourquoi ne me laissez-vous pas retourner dans ma chambre, si tel est le cas ? »

La bête laissa retomber ses bras le long de son corps, la tête basse, la capuche voilant son visage déformé. Un grognement sourd quitta ses lèvres et elle se retourna brusquement, allant se placer loin de Céleste en lui tournant le dos.

« Je souhaite seulement un peu... Un peu de compagnie. Je suis... enfermé dans ce château depuis bien longtemps et je désire seulement être un peu moins seul. »

Céleste fronça les sourcils.

Comment une bête pouvait-elle se sentir seule ?

Solitude et bestialité n'allaient-ils pas de pair ?

Elle sentit un peu de tension quitter son corps. Elle entortilla ses doigts entre eux et hésita quelques moments avant de poser sa question.

« Qui êtes-vous ? », murmura-t-elle finalement, « Je vous ai vu... hier... Pourquoi aviez-vous les traits du roi, Orion ? Comment est-ce possible ? Comment... » Céleste s'interrompit et se mordilla la lèvre. La bête se racla la gorge et se tourna à nouveau vers elle, le corps penché en avant, comme écrasé par un poids invisible.

« Je suis... Je suis seulement la bête. », répondit-elle dans un grognement, « Et quant à mon apparence... Mademoiselle, croyez-vous aux malédictions ? »

Céleste secoua la tête.

« La magie n'existe pas. Tout le monde le sait. Tout le monde. »

Un rire féroce émana de la bête et elle rejeta d'un geste violent sa capuche en arrière, tandis que la jeune femme écarquilla un peu plus les yeux, se recroquevillant. Elle plaqua sa main devant la bouche tandis qu'elle secouait la tête. Ce qu'elle voyait là était impossible. Tout bonnement... impossible. Les hommes ne se transformaient pas en bête et les hommes ne se transformaient pas en bête mais pourtant... pourtant... ses yeux ne la trompaient pas.

« Eh bien, que voyez-vous ! », s'exclama la bête, « Ai-je l'air humain ? Ai-je l'air d'un animal ? Ou plutôt, ai-je l'air des deux ?! »

Céleste fut prise de nausée et elle secoua encore et encore la tête, la main toujours devant la bouche. La bête s'approcha à nouveau d'elle et effectua une courbette moqueuse et triste.

« Oui, Mademoiselle, ce que vous voyez-là est bien le résultat d'un mauvais sort de la nature : tandis... tandis que pendant le jour, mon... frère dirige ce château avec sa beauté, j'erre dans ses couloirs la nuit en me cachant de tout le monde et en voilant mon visage révulsant. »

Un tremblement parcourut le corps de la jeune femme.

« Orion est votre frère ? », demanda-t-elle, surprise. La bête hocha sombrement la tête. Céleste secoua la tête et fit un pas incertain vers la bête, tentant cette fois de mieux l'apercevoir. Elle laissa retomber sa main contre sa cuisse et resserra sa robe de chambre puis plissa ses yeux d'un bleu éclatant. La bête avait des traits si semblables à ceux d'Orion, des yeux aussi similaires qu'elle aurait pu être lui, si ce n'était pour ces oreilles, ces canines, ces pattes...

« N'avez-vous pas un autre nom que la bête ? », demanda la jeune femme et l'être étrange devant elle baissa lugubrement sa tête.

« A quoi bon ? Un être comme moi n'a pas besoin d'un nom. Je n'ai personne qui pourrait s'en servir car je n'ai personne à qui parler. »

Céleste ressentit brusquement un pincement au cœur. Elle resserra les dents.

« Vous m'avez demandé avant si je savais jouer du piano : la réponse est non. Je ne suis ni assez riche, ni assez éduquée. »

La bête releva la tête et sembla quelques instants déboussolée par le changement de sujet avant de brusquement hocher la tête.

« Souhaitez-vous l'apprendre ? », grogna-t-elle. Céleste décida de doucement hocher la tête. La bête vint alors à grands pas et lui prit la main. La jeune femme se retint de reculer en touchant les poils rêches de sa paume.

« Venez. », dit la bête en la tirant jusqu'à l'instrument, « Asseyez-vous. »

La jeune femme s'assit silencieusement sur le tabouret rembourré et lança un regard inquiet au clavier noir et blanc du piano, comme s'il s'agissait pour elle d'un mystère qu'elle n'arrivait pas à résoudre. La bête se tenait dans son dos et Céleste sentait la chaleur qui émanait de lui. Un tremblement inquiet parcourut son corps, tremblement que la bête ignora.

« Posez vos mains sur le clavier. », dit-elle. Céleste écarquilla un peu les yeux.

« Comment ? », demanda-t-elle doucement. La bête souffla bruyamment puis lentement, repris ses mains dans les siennes et positionna ses doigts sur les touches polies.

« Baissez vos poignées. », instruit la bête et Céleste fit comme dit. Il flottait dans l'air une atmosphère d'incertitude : la jeune femme ne savait pas si elle devait avoir peur, ne savait pas si ce qu'elle vivait était réel ou simplement un rêve des plus étranges. Elle déglutit. Elle était assise dans une pièce sombre avec une bête décidée à lui apprendre à jouer un morceau au piano : la scène avait quelque chose d'extrêmement ridicule et irréaliste.

La bête lui posa une main sur l'épaule.

« Appuyez sur votre pouce droit. » Céleste appuya et pendant de longues minutes, la bête lui fit jouer des rangées de notes qui finirent par former une mélodie. La concentration et l'euphorie musicale avait fait évaporer la peur de la jeune femme qui en avait même oublié avec qui elle se trouvait dans cette pièce mystérieuse.

« C'est incroyable ! », s'exclama-t-elle, les yeux pétillants vidés de toute fatigue, une fois que ses doigts maladroits se mirent à former un air entraînant, « Je-» Céleste s'interrompit, tandis qu'un bâillement lui échappa. La bête lui offrit un sourire presque timide et étrangement grotesque sur ce visage mi- humain, mi- animal. La jeune femme rit doucement.

« Excusez-moi. Je n'ai jamais touché un piano auparavant et je n'aurais jamais cru en avoir un jour l'occasion. Je... C'est incroyable. »

Elle se frotta les yeux et la bête se racla la gorge.

« Vous devriez aller vous coucher. », dit-elle silencieusement, « Vous avez l'air fatigué. »

Céleste cligna des yeux, presque surprise.

« Quelques minutes auparavant, vous ne vouliez pas que je parte et maintenant que je suis ici, vous voulez que j'aille me coucher ? »

La bête grogna.

« Il est tard. Quand bien même j'apprécie votre présence, je ne veux pas vous empêcher de dormir. »

Céleste soupira et hocha la tête, revenant brusquement à la réalité.

« Vous avez raison. », murmura-t-elle, « Je vais aller me coucher. »

Elle sourit encore une fois à la bête qui la retint encore une fois avant qu'elle n'ouvrisse la porte :

« Mademoiselle, votre prénom ! »

La jeune femme hésita quelques secondes, hésita à dire son nom à l'être étrange qui lui tenait doucement le bras dans une main animale. Finalement :

« Céleste. Je m'appelle Céleste. »

La bête hocha la tête.

« Vous reviendrez demain ? Je... Je vous apprendrai à jouer un autre morceau. »

Le visage de la jeune femme s'éclaira et elle hocha vigoureusement la tête à son tour.

« Très bien. Bonne nuit, la bête. »

Elle sortit de la pièce et la porte claqua derrière sa petite silhouette voilée dans du satin et de la soie. La bête, Orion, resta quelques instants sur le pas de la porte sans bouger.

« Bonne nuit. », finit-il par murmurer dans le vide. Pour la première fois depuis le début de sa malédiction il se sentait...bien. Etonnamment bien. Il n'avait pas le besoin de détruire tout ce qui l'entourait ou d'hurler sur Adrien. Cependant, un goût amer demeuré en lui. Il avait menti à Céleste, lui avait dit être le frère d'Orion alors qu'il était Orion lui-même. Avait joué la carte de la pauvre bête pathétique.

Qu'est-ce qui l'avait pris ?

Lentement, il alla s'assoir sur le tabouret du piano autour duquel flottait encore doucement l'odeur de Céleste. Une odeur florale et propre, pas quelque chose d'étouffant et de sucré comme le portait la plupart des femmes. Orion déglutit. Pour la deuxième fois, il avait vu la jeune femme seulement vêtu de sa garde-robe de nuit. Pour la deuxième fois, il n'avait pas vu devant lui la paysanne laide et stupide qu'il la croyait être au début mais une jeune femme à la beauté subtile avec plus de courage et de sincérité que bien des hommes. Elle avait eu en face d'elle une bête mais au lieu de devenir hystérique, elle avait préférait poser des questions.

Même si elle avait peur de lui, il le savait.

Orion cogna son poing contre les touches du piano à queue.

Bon sang, comment allait-il se sortir de ce pétrin ?

Tous les soirs, il tenterait de donner rendez-vous à Céleste et il jouerait la pauvre bête solitaire. S'il ne pouvait pas la séduire, autant l'apitoyer. Pourtant, Orion trouvait cette idée peu convaincante, presque stupide. Pour briser le sort, il fallait qu'elle l'aime, pas qu'elle ait envie de faire de lui son animal de compagnie. Il poussa un rire guttural tandis que la vérité le frappa en plein visage.

Céleste ne l'aimerait pas. Jamais. Elle ne l'aimerait pas en tant qu'Orion car il était incapable de se comporter différemment qu'il l'avait fait toute sa vie. Elle ne l'aimerait pas en tant que la bête, parce qu'elle la verrait – au mieux – comme un pauvre animal auquel elle accordait sa compagnie de temps à autre.

Il n'aurait d'ailleurs pas à jouer la bête triste et solitaire : car derrière son masque d'arrogance, cette bête, il l'était réellement.

Bonjour, bonsoir les choupinets!

Encore un chapitre qui se finit... Un peu plus long que d'habitude mais ça aurait été difficile de le couper. En tout cas, il s'en passe des choses, bon sang de bonsoir.

Est-ce que la servante en veut vraiment à Céleste et si oui, pourquoi? Est-ce qu'il y avait un truc bizarre dans ce corset?

Et puis combien de temps Céleste va mettre pour comprendre que la bête et Orion? Parce que c'est jamais une bonne idée de mentir. Mais je suis quand même curieuse de savoir comment leur relation va évoluer.

Alors voilà, je vous laisse sur ces quelques questions et j'espère que vous aimez toujours l'histoire!

Bisous, bisous,

Blondouille ♥


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