XI

Point de vue: Crystal

  Nous étions arrivés à la bibliothèque vers cinq heures moins le quart. Je ne pouvais m'empêcher de regarder autour de nous, guettant le moindre signe de cette... cette chose. Elle avait parlé de Mike Hanlon. Il était le bibliothécaire avant moi, et m'avait cédé sa place alors qu'il approchait déjà les soixante-dix ans. Cela devait faire cinq ans. Avant de traverser pour la dernière fois le seuil de la bibliothèque, il m'avait dit, d'une voix grave:
- Normalement, on lui a réglé son compte, mais... Si Ça revient, si des disparitions et choses étranges commencent, lisez le contenu du tiroir 658 des archives.
  Puis il m'avait saluée et il était parti. Je n'avais pas compris le sens de ses paroles mais, après la nuit que j'avais passé, je voulais savoir ce que contenait ce tiroir. Une fois à la bibliothèque, je demandai à Alexander:
- Tu peux venir avec moi dans les archives?
  Depuis ce râle et ce reflet de ballon, que j'avais vu avant l'arrivée de Greg dans la bibliothèque, je n'étais pas descendu aux archives. Je devais avouer avoir peur. C'est pour cette raison que je n'avais pas rangé les journaux, pas parce que je manquais de temps. Il m'accompagna donc. J'en profitai pour descendre les journaux, que je posai dans un coin sans les ranger correctement. Je parcourais les tiroirs, à la recherche du numéro 658. Une fois que je l'eus trouvé, j'enfonçai la clef qui ouvrait tous les tiroirs dans la serrure de celui-ci et le déverrouillai. Alexander demanda:
- Qu'est-ce qu'il y a, là-dedans?
- Des documents, j'imagine. Des documents dont je dois prendre connaissance.
  Il se contenta d'arcquer un sourcil. J'ouvris le tiroir. Contrairement à l'odeur de renfermer que je pensais y trouver, une odeur plus agréable se propagea. Une odeur de barbe-à-papa, de popcorns, de gaufres, de bonbons, mêlée à une plus faible odeur d'animaux, de fauves. Des odeurs de cirques. Je frissonnai à l'idée du clown. Je pris la pile de feuilles manuscrites qui s'y trouvait, refermé le tiroir et lançai:
- Remontons. Sortons de cette pièce.
  Nous retournâmes donc dans la salle principale de la bibliothèque. Je pris soin de verrouiller la porte des archives derrière nous. Alors que je m'assis au comptoir me servant de bureau, Alexander s'assit sur un fauteuil à disposition des lecteurs. À peine quelques minutes plus tard, je remarquai qu'il s'était endormi. Le pauvre devait être fatigué, et il avait encore accepté de m'accompagner jusqu'ici à une heure plus que matinale. Dans le silence et à la faible lumière de la lampe de bureau, je parcourais les pages d'histoires fascinantes. Des disparitions, des meurtres, surtout d'enfants. Une chose prenant différentes formes de créatures se nourrissant des peurs et de la vie des enfants qu'elle tuait. Mike Hanlon, qui avait écrit ces lignes, appelait cette chose "Ça". "Si Ça revient..." pensai-je. C'était les mots qu'il m'avait dit. D'après les récits, il se réveille tous les 27 ans, et tous ignoraient son existence. Tous, sauf Mike Hanlon et ses amis. En 1957, il avait tué un enfant du nom de George Denbrough. Six ans. L'année d'après, son frère et ses amis avaient tout fait pour tuer Ça. William, dit Bill, Denbrough, qui était devenu écrivain de livres d'horreur, était le frère de George. Dans son intention de tuer Ça, il était accompagné de Stanley Uris, dit Stan, un grand expert-comptable, Michaël Hanlon, dit Mike, Beverly Marsh, dite Bev, devenue créatrice de mode à succès, Eddie Kaspbrak, qui avait une florissante entreprise de véhicules de grande remise à New York, Richard Tozier, dit Richie, qui était devenu un grand comique, animateur de radio et disc-jockey populaire, et Benjamin Hanscom, dit Ben. Hanscom... Ce nom me disait quelque chose... Il était devenu un grand architecte, mais il me semblait connaître ce nom d'autre part... Ils avaient cru tuer Ça et se promirent de se réunir à nouveau si ça revenait. Ce qui fut le cas 27 ans plus tard. Tous se réunirent, sauf Stanley Uris. Il s'était suicidé à l'idée de revenir combattre Ça. Les autres firent leur possible pour tuer enfin Ça, ce qu'ils crurent avoir fait. Apparemment, ils s'étaient trompés... Car Ça, c'était lui que j'avais vu cette nuit-là, je n'en doutais pas. Un danger planait sur la ville. Je ne pouvais pas laisser faire, alors que je savais. Mais devais-je en parler?

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