29 ✦ La Neige.

Futur proche :
Jour inconnu,
heure inconnue.

Un jeune garçon regarde pensivement par la fenêtre.

Il neige.

La ville est recouverte d'une épaisse poudre blanche.

Seul dans cette pièce immaculée, un silence glacial l'étouffe progressivement.

2 mois, 61 jours, 1 464 heures, 180 repas immondes, 120 pilules avalées, des milliers de minutes écoulées, mais aucun son parvenant à franchir ses lèvres.

Quelque chose s'est brisé en lui.
Et c'est pourquoi il est ici.

~


Actuellement, Seoul.

Jungkook est allongé dans des draps d'une blancheur de neige.

Dehors, le vent fait rage ; une tempête approche.

Voilà maintenant trois jours qu'il s'est réveillé. Après être resté inconscient durant une semaine entière.
Le médecin a dit que c'était un traumatisme, ou quelque chose dans ce genre. Il ne se souvient plus trop ; c'est vague.

Les membres sont venus le voir, bien sûr.

Enfin, pas tous.

Ils lui ont dit qu'ils étaient venus chaque jour, pour être à son chevet, et attendre son réveil.
Ils ont aussi dit qu'ils avaient eu peur qu'il ne se réveille jamais.

Il aurait tellement préféré.

Jungkook se redresse un peu dans son lit. L'infirmière vient de passer, il est donc tranquille pour un moment. Les membres, quant à eux, ne devraient venir qu'en fin d'après-midi.

Il allume machinalement la petite télévision accrochée dans un coin de la pièce, et tombe sur une chaîne d'informations Nationale.

"Le célèbre groupe BTS a interrompu sa promotion pour cause de problèmes personnels encore inconnus. D'après nos sources, Jungkook et Taehyung seraient concernés.
Mais ne vous faites pas de soucis ARMY'S, nous sommes certains qu'ils nous reviendront en pleine forme et reposés ! Souhaitons leur bon courage ! Fighting !!
Parlons maintenant de ce nouveau groupe qui ne fait que grimper dans les classements, NCT 127, dont les membres sont- "

Il éteint la télévision.
Il a la nausée.

Il se frotte le front, puis s'assoit au bord du lit. Il fixe ses cuisses maintenant trop frêles, maigres. Ses doigts pâles et tremblants se tendent devant lui, ses phalanges saillantes tranchent sur sa peau diaphane.

Il se lève difficilement, tentant d'être stable sur ses jambes affaiblies. À petits pas progressifs, il parvient à atteindre la salle d'eau.

Il a besoin de voir. Besoin de se rendre pleinement compte de son état. Il en a besoin pour pouvoir croire que tout cela est réel. Que ce n'est pas qu'un simple cauchemar dont on peut promptement se réveiller.

Il s'approche du grand miroir qui orne le mur carrelé.

C'est sa pâleur qui le frappe en premier. Sa peau parait presque translucide. Ses yeux sombrement cernés semblent enfoncés dans leurs orbites, et ses joues creusées donnent à son visage une triste allure.
Dans son cou, de grosses tâches brunes et rougeâtres sont visibles, et tranchent vivement sur la blancheur de sa peau. Un pansement recouvre sa gorge, de sa pomme d'Adam jusqu'en dessous de l'oreille. Sa jugulaire n'a pas été touchée. Il n'aurait pas été là, si cela avait été le cas. Si la lame l'avait transpercé, il n'aurait alors pas à supporter ce reflet abject, ni ses idées noires, ni ses pensées insoutenables.

D'un geste lent et tremblant, il déboutonne sa blouse d'hôpital. Elle tombe de ses mains, glisse sur le sol, et il découvre l'horrible reflet que renvoie le miroir.

Il est réellement plus maigre qu'il ne l'a jamais été. Ses muscles n'ont pas complètement disparus, mais tous ses os sont visibles, saillants.

De terribles blessures couvrent son corps.
Des griffures profondes en cicatrisation partent verticalement de ses pectoraux jusqu'à son bas ventre. Des bleus et des traces de coups lui couvrent le torse et le dos.

Détestable.
Son reflet est immonde, souillé. 

Répugnant, repoussant, sale.

Les larmes ne coulent plus, elles semblent être bloquées par une souffrance plus grande encore. Comme si le mal souhaitait rester confortablement à l'intérieur de lui, le torturant, retournant son être tout entier.

Il se rhabille, le regard vide, et retourne s'allonger dans son lit.

Maintenant, en plus du vent, de gros flocons s'écrasent sur les toits.

Autrefois, il aimait la neige. Les doux souvenirs d'enfance qui le faisaient sourire ne provoquent à présent qu'une profonde et triste nostalgie.

Il pense à sa mère, à ses parents. Ces derniers avaient prolongé leur voyage, avant d'apprendre qu'il avait été hospitalisé. Depuis, sa mère l'appelle chaque jour. Mais elle n'arrive à tirer de ses appels que quelques mots murmurés dans le combiné.

Allongé, il ferme les yeux, et malgré lui, il s'endort.

Il est réveillé deux heures plus tard, qui lui semblent n'avoir été que quelques minutes. Les membres sont là, fidèles à leur visite quotidienne.

Le leader s'avance vers le lit, les autres restent retrait.

- Bonjour Kook', comment tu te sens aujourd'hui ?

- Ça va. Murmure-t-il.

Il répond sans le regarder. Il ne peut se résoudre à apercevoir encore cette inquiétude dans leurs regards.

C'est insupportable. Il n'en peut plus de cette pitié. 

- Tu as pu manger un petit peu ? Demande Hoseok. Est-ce que ta plaie te fait encore mal ?

- Oui, un peu. Et non, ça va.

Il porte ses yeux vers la tempête qui fait rage dehors, et tente de changer cette conversation qui est identique depuis trois jours.

- Vous n'avez pas trop été embêtés pour venir jusqu'ici ? Avec un temps pareil...

- Beaucoup de routes ont été fermées car le verglas et la neige les ont rendu impraticables. On est en "Alerte Orange", c'est plutôt déconseillé de sortir... Mais nous tenions à venir te voir. Répond Hoseok.

- Hm...

Un silence survient. Il perçoit leur malaise, leurs regards échangés. Comme s'ils voulaient lui dire quelque chose, sans savoir comment faire.

Jimin s'avance.

- Kook'... Hm, il faut qu'on te demande quelque chose.

Sa voix tremble, puis se brise. Yoongi se rapproche de lui et passe son bras autours de ses épaules. Hoseok prend le relais. 

- On a pas voulu te brusquer à ton réveil, alors on ne t'a pas posé de questions. Mais Jungkook... Tu .. tu ne nous a pas une seule fois parlé de lui.

Il ne veut pas. Il ne veut rien faire qui puisse rendre cette situation réelle. Il préfère feindre l'indifférence, se préserver ainsi d'une douleur qu'il sera incapable de supporter. 

Mais Namjoon poursuit.

- Tu ne t'étonnes pas que ce n'est pas normal qu'il ne soit pas avec nous ?...

- Le demander signifie que tout cela est réel... Marmonne-t-il. Je ne veux pas que ça le soit, ça ne peut pas l'être.

Un silence pesant est inconfortable remplit la pièce. Yoongi décide de continuer malgré tout.

- Jungkook, je ne vais pas être tendre, mais c'est nécessaire. Te préserver de la vérité ne te fera pas avancer, et tôt ou tard, il faudra de toute manière t'y confronter. Tu ne peux pas t'enfermer dans cette bulle, et te laisser dépérir... Alors on va te dire ce qu'il en est. Et on sera présents, quoi qu'il arrive.

- Je ne veux pas... Laissez-moi...

- Nous n'irons nulle part. 

N'ayant ni la force de les jeter dehors, ni même de s'enfuir, il se résigne à écouter et hoche imperceptiblement la tête.

Namjoon semble hésiter, puis s'adresse à Jungkook avec précaution.

- Taehyung est en détention depuis un peu moins de deux semaines. Il a été arrêté et condamné provisoirement pour violence aggravée envers son autorité directe. Il ne s'est pas défendu, n'a pas avoué non plus. Pour tout te dire, il .. il ne parle plus. À personne, pas même à nous.

C'est comme si on le poussait dans le vide. Tout tourne, rien n'est stable. Tout s'effrite, s'altère. Il subit cette chute, ne peut se débattre.

- Quand à Hobeom, il est sorti d'ici il y a deux jours pour pouvoir témoigner et appuyer la peine qu'on attribué à Tae. Sa déclaration est honteuse... Il a dit que Taehyung était jaloux de l'attention qu'il te portait et qu'il a pété les plombs... Que c'est Tae qui t'a ... qui t'a torturé et .. violé... pour ensuite s'en prendre à lui. 

Les mots sont écorchés, à vifs, difficiles à prononcer, douloureux à dévoiler.

Et Jungkook est au bord du malaise. Plus pâle que jamais, il écoute, yeux fermés. 

- On sait parfaitement que c'est un mensonge, Jungkook... On connaît notre Tae. Il est impulsif, mais ce n'est pas un malade mental, contrairement à ce profond connard.

Son cœur semble ralentir sa cadence. Il se brise un peu plus à chaque mot prononcé. 

- Hobeom a donc été relâché, faute d'un autre témoignage... Tu t'es réveillé trop tard, le délais pour la plainte était expiré. Et Taehyung ne dit toujours rien Et il est encore officiellement notre manager. L'agence n'a encore pris aucune décision, pas même une suspension provisoire de ses fonctions... Ils n'en ont à priori pas le pouvoir. Pour l'instant, il n'a pas reprit contact avec nous, et ça nous arrange bien. Car s'il le fait... on finirait le travail que Tae a commencé, et ce serait pas bon pour nous. Nous avons pris la décision de tout raconter à Bang Si Hyuk Nim, il nous croit. il ne l'a jamais senti lui non plus. On est en train de rassembler les preuves. La prochaine étape est la récupération de son ordinateur. Je suis certain qu'on aura de quoi prouver qu'il n'est pas sain d'esprit grâce à son contenu...

Jungkook ne bouge pas, ne dit rien. Il encaisse les informations, les regarde. Leurs lèvres bougent mais ces paroles n'ont aucun sens.

"Réveille-toi maintenant Jungkook" pense-t-il avec force.

Hoseok prend à son tour la parole.

- Le jugement définitif est dans quinze jours, ce qui nous laisse peu de temps... Mais Taehyung ne rend pas la situation plus simple... Il s'est enfermé dans un espèce de mutisme et ne veux rien dire.. Il a juste écrit un m-

- Stop, arrête Hyung.

Jimin le coupe, fixant Jungkook. Ce dernier vient de fermer les yeux, la main sur le cœur, le souffle coupé. 

- Je crois qu'il a entendu l'essentiel, et ça suffit pour le moment.

- Jungkook ? Hé ? Tu veux qu'on appelle quelqu'un ?

Il se sent déconnecté. Comme s'il était seul dans cette pièce, hors du temps. La vie en dehors de cette chambre continue son cours. Mais lui, il est là, figé dans ce sentiment de vide et de désillusion.

Désenchanté.

- Je serais d'avis que l'un d'entre nous reste avec lui cette nuit. C'est pas bon de le laisser seul après tout ce qu'on vient de lui raconter..

- Je reste. dit Hoseok.

- Ok, on va vous laisser dans ce cas, on a des choses à organiser de notre côté. On te tient au courant si on a des nouvelles.

Il les regarde discuter, mais il ne parvient plus à les entendre. Ses yeux se figent devant lui. Il sent Hoseok s'approcher, et entend les pas des membres s'éloigner, résonants dans le couloir vide.

Hoseok s'allonge à ses côtés, puis le prend doucement dans ses bras. Sa tête repose contre son torse, mais il n'y trouve pourtant aucun réconfort. 

Il aime beaucoup Hoseok, il sont très proches. Il l'a toujours aimé comme un frère.

Mais il n'est pas lui. Personne ne le remplacera, jamais.

Épuisé par ses émotions, il s'endort rapidement entre ses bras. 

~

Au même moment,
de l'autre côté de la ville.

Un garçon, vêtu d'une combinaison grise, est assis en tailleur au milieu d'une cellule dépourvue de fenêtre.

Ses yeux vides, partiellement cachés par une frange devenue trop longue, fixent le sol devant lui.

Son visage fermé ne laisse paraître aucun sentiment, aucune émotion.
Pourtant tout en lui semble similaire à la tempête qui reigne par delà ces murs blindés.

Il a perdu le contrôle.

Échec, regrets, dégoût, souffrance.

Silence, tremblement, angoisse, rage.

Ces mots semblent défiler trop vite devant ses yeux, figeant en lui une blessure toujours plus incandescente. 

Il n'a aucune blessure, et pourtant son corps souffre.

Le mal est parfois tellement puissant, qu'il atteint la chair et prends possession de notre corps et de notre conscience.

Un traumatisme.

Il a prit sa décision.
Il ne se battra plus.

~***~

"Mais sommes-nous tous des étoiles perdues, essayant d'illuminer l'obscurité ?"

Toute réalité est une désillusion.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top