CHAPITRE 4

♫ Clean Eyes, SYML ♫

ETHAN 

La première chose qui me vient à l'esprit lorsque j'atteins la porte de l'avion est : on ne s'est pas crashé. Et sur cette bonne nouvelle, je dévale d'un pas heureux les marches métalliques qui me mènent à la terre ferme.

Je suis un homme vivant !

Je respire à pleins poumons l'air français – pas si différent de celui outre-Manche, ceci dit – et profite des rayons du soleil de cet après-midi qui annonce de belles aventures. Je m'imagine déjà sur la terrasse d'un café, un bouquin entre les mains, faisant mine d'être happé par ma lecture afin de séduire tout ce que je peux.

Même si mon histoire avec Sue peut me contredire sur ce point, je ne suis pas un salaud. Je ne suis juste en aucun cas romantique. J'aime passer du bon temps avec des gens qui me plaisent. Et quand je parle de bon temps, je ne parle pas seulement de sexe. Je parle de tous les flirts qui nous amènent à cette partie. J'adore plonger mon regard dans celui d'une fille que je trouve hilarante ou dans celui d'un mec qui n'a pas peur de l'affronter. Je suis un accro à toutes les possibilités qu'une simple rencontre m'offre, féminine, masculine, autre, peu m'importe. Tout comme je hais lorsque ça tourne au vinaigre, comme avec Sue et d'autres avant elle.

Parce que voilà, si j'aime la séduction, je n'apprécie en aucun cas une relation qui devient trop sérieuse, et surtout – SURTOUT – les « je t'aime » prononcés sur l'oreiller.

Comme je l'ai dit, je ne suis pas un salaud ni un romantique, je suis simplement du point de vue de certaines personnes un enfoiré. Mais un enfoiré heureux.

J'ai toute la vie devant moi pour me caser, faire des gosses et tout le train-train habituel qu'on nous sert lors des repas de Noël. Seulement, quand on vit comme moi, dans une vie partagée en deux temps, on a tendance à oublier qu'un avenir « normal » est possible. Car bon sang, tout paraît si fade ! Quel gâchis d'imiter les autres quand on peut tracer sa route sans jamais lever le pied de la pédale de vitesse, sans jamais regarder en arrière et... foncer en prenant soin de ne jamais prendre de raccourci.

Je revisse ma casquette sur mon crâne bouclé, serre la sangle de mon sac à dos et m'arme de courage pour attendre, comme tous les autres moutons de ce vol, ma valise.

Les horaires du monde entier peuvent s'afficher sur un écran, tout comme les kilomètres qui séparent un pays à un autre, mais je suis intimement convaincu que nous formons tous une seule et unique nation lorsque nous attendons comme des cons pendant une heure nos bagages. Peu importe où vous allez, c'est toujours la même chanson. Vous attendez debout devant le tapis, espérez chaque fois qu'une valise montre le bout de son nez que c'est la vôtre, vous riez quand vous vous trompez, puis au bout d'une demi-heure, vous posez votre cul sur un banc et insultez tous ceux qui ont la chance de se casser d'ici.

L'aéroport est un endroit où l'humain dévoile sa véritable nature : impatient, colérique, chiant. Et ça, c'est avant de pouvoir choper un taxi. On monte d'un level ensuite.

Je crois que je pourrais écrire un bouquin dessus. Il s'appellerait Introspection de l'être humain en soute et serait signé Ethan Maxence O'Sullivan, chercheur anglais spécialisé en attente. Je suis sûr que Malik l'achèterait.

Ce bon vieux Malik. Je lui envoie aussitôt un SMS.

Moi : Mon cul de British est bien arrivé à destination.

Je reçois sa réponse dans la minute.

Malik : Tu marches sur la terre de tes ancêtres, mon pote !

Je m'esclaffe en mettant mon téléphone en veille. Je rentre tout content dans le hall de l'aéroport et perds rapidement mon sourire lorsque je me souviens d'un truc.

Les valises, putain !

***

Vours est une ville au passé assez impressionnant si on prend le temps de jeter un œil aux bouquins pour touristes. C'est une ancienne ville médiévale, connue pour les nombreux écrivains et artistes qui s'y sont retirés pour créer. Pourtant, une ville perd tout son charme lorsqu'on est coincé dans les bouchons, dans un taxi qui sent le pudding, en pleine zone industrielle. Je soupire en écrasant mon front contre la vitre. Le chauffeur me lance un regard désolé dans le rétro, suivi d'un haussement d'épaules.

— Je ne peux rien faire !

— Aucun souci, grommelé-je dans ma barbe de trois jours.

Ma mère déteste cette barbe. Elle trouve ça stupide qu'à dix-neuf ans, alors qu'on a une peau de bébé et qu'on respire la jeunesse, on s'étouffe avec autant de poils avant l'heure. La vérité ? Je me fiche de cette mode de passage autour de la barbe, j'ai juste la flemme. Je me raserai quand j'aurai la motivation.

— Vous n'êtes pas du coin, vous ?

Je cligne plusieurs fois des yeux en réalisant que le chauffeur s'adresse à moi.

— Qu'est-ce qui m'a trahi ? répliqué-je sur le ton de la plaisanterie.

L'homme rondouillard se marre dans sa moustache poivre et sel.

— Votre accent.

J'esquisse un demi-sourire. J'ai beau parler français soixante pour cent du temps à la maison, je n'ai jamais réussi à gommer mon accent purement londonien.

— Vous venez étudier ici ?

Je confirme d'un hochement de tête.

— C'est ce qui est prévu, ouais...

Il continue de me faire la conversation tandis que je joue avec les rebords de ma casquette. Le bouchon s'amincit et nous quittons enfin cette route qui me file des boutons. Victor – le chauffeur – cesse de discuter lorsqu'il s'engage sur l'autoroute. J'en profite donc pour m'armer de mes écouteurs et me laisser aller. Lynn Gunn me gueule merveilleusement dans les oreilles, et je finis par me détendre. Je lâche ma casquette que je triture depuis une vingtaine de minutes et oublie que je suis livré à moi-même à présent, et que je dois me prendre en charge.

Être responsable. C'est ce qu'on attend de moi. Ce voyage n'est pas qu'un plan pour étudier à l'étranger, c'est aussi l'occasion de prouver à mes parents, à ma mère surtout, à mon médecin et à ceux que j'ai fait marrer pendant les cours, que je ne suis pas qu'un petit con paumé. Après tout, j'ai vécu bien pire. Côté maturité, je crois que je les bats tous. Car la vraie maturité ne se résume pas à des responsabilités, à des décisions sagement pesées, elle se cache dans des gestes futiles, que certains ne voient pas ou confondent avec de la bêtise : savoir être un gosse tant qu'on le peut encore.

Après quelques minutes supplémentaires de balade, Victor me dépose en bas de ma résidence universitaire. Il m'aide à décharger mes bagages tout en me souhaitant bonne chance pour l'avenir. Je prends sans aucune hésitation ses sages encouragements, puis après un dernier au revoir, je tourne le dos au taxi pour faire face à l'immeuble de plusieurs étages. Je pousse un soupir qui a pour but de me vider de toutes mes tensions – c'est un fail – et tire ma valise vers la porte principale. Tout en laissant traîner un regard curieux sur mon nouvel environnement, je cherche dans mes mails le numéro de l'appartement que je vais partager avec un coloc.

Troisième étage, appartement 31.

Le stress pesant dans mon estomac tel un boulet de canon, je me dirige vers l'ascenseur. Chaque fois que je foule un nouveau mètre carré, je ne peux m'empêcher de penser à tous les souvenirs qui leur seront associés dans quelques mois. C'est ce qui est beau avec l'avenir : tout peut arriver.

Les portes de l'ascenseur s'ouvrent sur un long couloir à la moquette bleu électrique, et mon petit doigt me dit qu'elle doit sacrément foutre la migraine après une cuite. Je cherche la porte de mon appartement, reviens sur mes pas quand je ne la trouve pas, avant de réaliser que je suis passé à côté. Le nombre 31 y est peint en noir, au-dessus d'une étiquette qui dit : « Logement universitaire de la faculté de Vours – Chambre des étudiants suivants : Ethan O'Sullivan, Guillaume Charpent ».

— Eh bien, enchanté mon cher Guillaume, chuchoté-je en riant presque.

Même si je me suis promis de ne jamais avoir de relation avec la personne qui paye la moitié de mon loyer, je ne suis pas contre un coloc sexy. Ça rendrait la colocation beaucoup plus fun. Au moment où j'imagine le visage de mon colocataire, j'entends la porte se déverrouiller de l'intérieur, pour révéler ledit coloc. Je hausse un sourcil surpris.

Quel timing !

Il s'agit d'un petit gars à la tête blonde frisée, ornée de deux billes noisette qui me fixent derrière une paire de lunettes vintage.

— Oh ! Salut ! s'exclame-t-il, la main sur le cœur. Tu m'as fait peur !

Aussitôt a-t-il prononcé ces mots que je capte son accent. Je lui adresse un sourire en coin et lui tends une main.

— Je suis désolé. Tu es Guillaume ? demandé-je d'un ton que j'espère imposant et sympathique en même temps.

La tête frisée inspecte ma paume avant de finir par la serrer.

— Ouais. Et toi, Ethan ?

Je hoche la tête en réponse. Guillaume me dévisage pendant plusieurs secondes, l'air totalement paumé, ou l'air de se dire « merde ! Je vais devoir me farcir cette tronche pendant deux semestres ! ». Puis ses yeux tombent sur ma valise, et il s'empresse aussitôt de faire un pas sur le côté.

— Pardon ! Entre, entre ! Fais comme chez toi....

Il termine sa phrase d'une grimace, conscient que sa blague est tombée à l'eau. Mais je rattrape le coup avec un sourire charmeur. Je pénètre dans mon nouveau chez-moi d'un pas assuré. Dans la seconde, je repère cet immonde canapé de la même teinte que la moquette du couloir – super... Puis le modeste meuble qui sert de support à la télévision – et menace très clairement de se péter la gueule. Je pivote ensuite sur moi-même pour découvrir la petite cuisine ainsi que le couloir étroit qui mène, je suppose, aux chambres et à la salle de bains.

— Home, sweet home, murmuré-je, ironique.

— Anglophone, je suppose ? me lance mon nouvel acolyte.

Perspicace, le bonhomme.

Tout en me débarrassant de mon sac à dos et de ma casquette, je lui réponds :

— Ouais. Anglais.

Guillaume reçoit l'info avec un hochement de tête. Puis, il pointe un pouce vers son torse.

— Je suis belge.

— Cool, dis-je en passant au peigne fin le plafond.

Un malaise évident s'installe entre nous. Je profite qu'il regarde ailleurs pour le détailler à son tour. Il est plus petit que moi, a des cuisses fines, des bras secs, un torse qui me semble plutôt ferme à vue d'œil, et...

— T'as raté la plupart des soirées, mais ce soir, ils en organisent une au bar irlandais du coin... Tous les étudiants étrangers y vont, si ça te branche...

Je remue la tête avec une expression enthousiaste.

— Ouais, carrément !

Guillaume m'offre un sourire en réponse. Il pointe ensuite un doigt vers moi, l'air embarrassé.

— En revanche, mec, pense à remonter ta braguette d'ici là.

Je me fige.

Et merde.

***

Qu'y a-t-il de plus ironique que de quitter son pays pour se retrouver dans un bar qui n'est en rien dépaysant ?

Le bar au décor irlandais est aussi bondé que bruyant. La musique aux accents de batterie y est forte. Les conversations sont tout aussi animées, et les tables et canapés tous occupés. Guillaume me guide vers une table dans le fond. Là-bas, il y retrouve ses nouveaux amis, un type allemand et un Italien. Ils s'expriment tous les trois dans un anglais approximatif, ce qui me fait sourire. Au moins, je peux prétendre ne plus être au Royaume-Uni.

— Salut, je suis Lorenzo, se présente le brun aux cheveux coupés à la brosse.

— Ethan, me présenté-je à mon tour.

— Et lui, c'est Moritz, ajoute-t-il en pointant du pouce son acolyte.

Je le salue également avant de m'asseoir sur un tabouret que l'on me désigne. Je profite de cet instant pour scruter d'un peu plus près cette foule étudiante. C'est sans problème que je repère à quelques tables de la nôtre un groupe de filles bavardes et plutôt attirantes. L'une d'elles semble sentir mon regard sur elle, car ses yeux se lient aux miens, pour rester verrouillés une éternité. Le buste en appui sur mes coudes, je me penche davantage, le menton au creux de ma paume. L'inconnue papillonne de ses longs cils noirs, passe une main dans sa chevelure, avant de dévier ses iris courageux sur l'entièreté de mon visage et mon torse habillé d'un simple tee-shirt noir.

Rapidement, j'oublie ses copines, et même les serveurs qui déambulent dans la grande pièce. Cette fille me plaît. Mes yeux ne cessent de faire des allers-retours entre ses lèvres rouges et sa longue chevelure brune ondulée qui couvre ses épaules nues.

Je suis interrompu violemment dans ma contemplation par une tape dans le dos.

— Et toi, tu prends quoi ?

— Hum ?

Je dévie mon attention de cette fille pour la diriger sur Guillaume. Mon coloc hausse un sourcil, parfaitement assorti à son sourire idiot. Je remarque alors la serveuse qui attend.

— Oh, pardon, m'excusé-je en riant nerveusement.

Elle me répond d'un geste de la main désinvolte.

— Je n'ai que ça à faire de ma soirée, aucun souci.

Je lui souris et elle me le rend bien. Du coin de l'œil, je remarque les rictus moqueurs qu'échangent Lorenzo et Moritz. J'en lèverais presque mes yeux au ciel, mais je me contente de passer ma commande :

— Je vais prendre une San Pellegrino, s'il vous plaît.

— Pas de bière ? Cocktail ?

Et non. Surprise !

— Non, juste de l'eau pétillante, merci.

La serveuse note ma commande sur son calepin avec une petite moue amusée. Je ne tiens pas rigueur de sa surprise. Après tout, les mecs qui ne boivent pas ne doivent pas courir les rues. Surtout dans un Irish Pub. Je me détache finalement de ses yeux en amande et de son nez retroussé pour reporter toute mon attention sur la bombe de l'autre table.

Elle est toujours là, sa paille jouant avec le bord de ses lèvres. Elle rit à une blague, cache son hilarité derrière sa main. Bon sang, cette fille est sublime. Je ressens l'effet qu'elle a sur moi dans chacun de mes muscles, de ceux de mon cœur qui s'emballe sous le coup d'un surplus d'hormones, à ceux entre mes jambes. Les paupières closes, je prends de grandes inspirations, les poings joints à mes lèvres pour les détendre. Un à un, je les imagine se relaxer, et ça fonctionne. Quand plus rien de gênant ne tend le devant de mon pantalon, je m'excuse auprès des garçons pour me diriger tout droit vers elle. Au passage, je croise la petite serveuse qui me donne ma boisson. J'en bois une gorgée, et à l'instant où le verre s'éloigne de ma bouche, la jolie brune croise de nouveau mon regard. Mais cette fois, je suis à deux pas d'elle. Un joli sourire étire ses lèvres charnues et elle penche légèrement sa tête en arrière pour pouvoir me contempler. Ses amies ne semblent pas avoir remarqué ma présence, trop occupées par leur conversation.

— Salut, commencé-je.

Son sourire se fait plus grand encore, il dévoile une rangée de dents à l'alignement parfait.

— Bonsoir, prononce-t-elle en français avec un accent prononcé.

Je désigne la chaise vide devant elle.

— Je peux ?

Elle hoche la tête et m'observe m'installer avec une malice évidente au fond des yeux.

— Comment tu t'appelles ? s'enquiert-elle aussitôt.

— Ethan, et toi ?

Elle sirote une gorgée de sa boisson, ses pupilles rivées sur moi, avant de répondre avec cet accent à se damner :

— Esperanza.

Je hoche la tête d'un air satisfait.

— Espagnole ?

Perspicaz. Y tú ? Inglés ?

J'émets un rire rauque en laissant retomber ma tête entre mes épaules.

Bon sang, détends-toi en bas, soufflé-je à mon petit bonhomme.

Puis je relève la tête et rencontre les yeux pétillants d'Esperanza.

— Oui, anglais, réponds-je alors dans ma langue paternelle.

Elle n'en semble que plus ravie.

— Et de quelle ville, Ethan ? m'interroge-t-elle ensuite en posant son visage aux traits délicats sur ses mains repliées.

Je me redresse sur mon dossier et salue la fille à ses côtés qui a enfin posé ses yeux curieux sur moi.

— Londres.

— Londres ? s'extasie Esperanza.

— Londres, confirmé-je en me repenchant vers elle.

À présent, je sais que toutes ses copines ont leur regard rivé sur nous, mais je m'en fiche. Ce n'est pas comme si je me souciais de ce que pensent les autres.

— Et toi ? soufflé-je à quelques centimètres de ses lèvres.

Je vois ses paupières recouvrir à moitié ses yeux lorsqu'elle les dirige vers ma bouche. Ses joues prennent une jolie teinte rosée tandis qu'elle me répond :

— Murcia.

— Tu ne m'en veux pas si je te dis que je ne sais absolument pas où c'est ?

Elle éclate de rire.

— Non. Et toi, tu ne m'en veux pas si je ne parle pas anglais ?

— You don't ? la charrié-je.

Elle fronce son nez en ricanant.

Puis nous parlons de choses affreusement ennuyeuses dans le but de « faire connaissance ». Elle me dit qu'elle est là pour le premier semestre pour approfondir son français. En Espagne, elle est étudiante en littérature francophone et souhaite devenir professeure de français. Enfin, la conversation se fait plus intéressante quand elle se lève pour s'asseoir près de moi, ses amies ayant décidé de décamper pour aller danser dans une boîte. Celles-ci m'adressent des petits signes timides de la main et des clins d'œil entendus à Esperanza.

Oh, j'aime le tournant que prend la soirée...

Du bout de l'index, Esperanza me désigne les personnes qu'elle a déjà rencontrées. Elle chuchote au creux de mon oreille, et tous les noms qu'elle cite les uns après les autres me donnent la chair de poule. Je sens mes muscles se réveiller ainsi que mon sang circuler à vive allure.

— Mardi soir, il y a une réunion pour tous les étudiants étrangers. Ils vont nous attribuer un « tuteur » français. Tu vois là-bas ? susurre-t-elle en désignant l'entrée du bar.

Je comprends vite qu'elle ne parle pas des vitres et des stickers de Leprechauns collés dessus, mais du groupe de jeunes qui fument en se marrant.

— Ils font partie des tuteurs. Certains sont très sympas.

En dévisageant de façon peu conventionnelle un mec adossé contre la devanture, je peux affirmer que oui, ils ont l'air très sympas. Il y a moyen de choisir son « tuteur » ?

— Ça te dit de finir la soirée ailleurs ?

Je quitte vivement l'image du beau mec pour me tourner vers Esperanza.

Oh oui, j'aime beaucoup, beaucoup cette soirée.

— Où ? osé-je demander dans un souffle.

Le coin de sa bouche se retrousse. Ses prunelles glissent sur mon visage avant de se décider pour ma bouche. En une seconde, la sienne est sur la mienne. Ses lèvres se pressent sur mes lèvres avec sensualité.

Séduction.

Tandis qu'elles se détendent, je peux sentir le bout de sa langue titiller ma peau. Esperanza me murmure à l'oreille :

Mi casa.

De nouveau, ma peau se couvre de chair de poule. Elle me chuchote ensuite qu'elle doit aller se rafraîchir. Sans hésiter une seconde, je lui dis que je l'attends dehors.

Je me hâte de retrouver la fraîcheur de la nuit. Ma peau me brûle. Mon impatience me consume.

Jeez, lâché-je en frottant mes joues rasées.

Et derrière ma paume, je souris comme le petit con que je suis. Je sens que je vais aimer cet endroit, car cette première soirée est prometteuse. Très prometteuse.

Je m'éloigne de la fumée des cigarettes pour me poser un peu plus loin contre le mur. J'en profite pour sortir mon téléphone et taper un texto à Malik.

Moi : Les Frenchies n'ont peut-être pas encore connu mon British sex appeal, mais ça ne saurait tarder pour les Espagnoles...

Je me marre tout seul en rédigeant mon message.

— Qu'est-ce qui te fait rire comme ça ?

Je me fige. Cette voix n'appartient pas à Esperanza et encore moins à un des gars que j'ai rencontrés. Toutefois, ce n'est même pas ça qui m'interpelle : cette voix n'a pas d'accent lorsqu'elle s'exprime en français. Je mets en veille mon portable et, lentement, lève le bout de mon nez vers la rue. Des volutes de fumée caressent mes joues, elles viennent de ma gauche. Suivant leur chemin, je rencontre la cigarette entamée d'où elles s'échappent. Et c'est là que je la découvre. La propriétaire de cette voix éraillée, confiante, et inconnue. La fille me fixe de ses yeux en amande, surmontés d'une rangée de cils fournis et courbés. Ils semblent irradiés dans la nuit, d'une intensité qui me ferait presque détourner le regard. L'inconnue continue de me dévisager en tirant sur sa clope. En silence. Alors je me permets de la contempler encore un peu.

Sa peau plus mate que celle d'Esperanza.

Ses cheveux retenus en une queue-de-cheval haute qui révèle un cou fin, idéal pour les baisers osés.

Elle est appuyée contre le mur, à trois pas de moi. Sa veste sombre semble se fondre dans le mur. Tout comme sa silhouette, aussi grande que la mienne. Elle est... intense. Encore plus que la fille que j'attends. Mais différemment.

— Qu'est-ce que tu regardes ? lance-t-elle avec un rire sans joie en soufflant vers moi.

La fumée me chatouille le nez et d'un mouvement du bras, je la fais dévier.

— Toi, réponds-je en toute franchise.

— Sans rire, se marre-t-elle en jetant un œil au groupe de jeunes derrière moi, comme pour s'assurer de ne pas être seule.

Soudain, je me sens déstabilisé. Il y a quelque chose chez elle qui me fait tiquer. Un quelque chose que je n'arrive pas à désigner. Quoi qu'il en soit, j'en perds mon assurance.

Elle continue de me regarder derrière ses cils ébène, la cigarette allant et venant à ses lèvres. Alors, je sors la première chose qui me vient à l'esprit :

— C'est de la merde.

Elle en reste un instant interdite, puis semble comprendre de quoi je parle, car elle fixe sa cigarette d'un drôle d'air.

— Il paraît, ouais.

Elle finit par l'écraser sous sa chaussure avant de la récupérer.

— Conscience écologique, marmonne-t-elle.

Des rires retentissent derrière moi, je me tords le cou pour jeter un œil à leur source. Quand ma tête reprend un angle normal, je sursaute en découvrant le trottoir vide.

Elle a disparu.

Je me mets à chercher dans toutes les directions. Je finis par la distinguer sur le trottoir d'en face. Elle s'enfonce dans l'obscurité, loin des lampadaires, les mains dans les poches de sa veste, ses longues jambes se confondant avec son ombre.

Une main se pose sur mon épaule.

— I'm ready, susurre la voix d'Esperanza.

Puis elle me plaque contre le mur, ses mains ne tardant pas à se glisser sous mon tee-shirt, sa langue, dans ma bouche. Tandis qu'elle m'embrasse, ouvrant les festivités pour la nuit à venir, une drôle de réflexion se fraye un chemin dans mon esprit.

Derrière l'odeur entêtante de cigarette, je peux presque sentir son parfum.

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Deuxième chapitre du point de vue d'Ethan et dernier chapitre de F.A.L.L publié sur Wattpad ! 

J'espère que cet échantillon vous aura plu et vous aura donné envie d'en découvrir plus... 

Pour rappel, F.A.L.L est disponible en e-book sur Kindle pour 4.99 euros et en format broché pour 18.99 euros sur Amazon, et bientôt sur les catalogues de vos libraires favoris <3 

Retrouvez moi sur Instagram pour des extraits exclusifs de F.A.L.L (Sofeatherbooks) ! 

Des bisous <3

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