Chapitre 29
MDMA ? J'en avais déjà entendu parler mais aucun de mes amis n'en était consommateur et nous nous étions mutuellement jurés de nous en tenir au cannabis. Ezra, quant à lui, serait à coup sûr horrifié.
Ezra...
— Non merci, déclinai-je, tout en cherchant Ivanie des yeux.
Elle haussa les épaules.
— Comme tu veux, rétorqua-t-elle avant de gober le comprimé.
Je me levai, toujours à la recherche de ma copine et la trouvai qui dansait au milieu de la pièce avec d'autres filles.
— Ivanie !
Elle ne répondit pas tout de suite, se contentant de me regarder tout sourire et de continuer à danser. De là, je m'approchai davantage et lui attrapai le bras.
— Mais quoi ? demanda-t-elle, agacée.
— Ils ont de la drogue, tes potes.
— Dit-il, un joint à la main.
— C'est pas pareil !
— Si.
— On s'en fout. N'y touche pas, à leur merde, c'est tout !
Là-dessus, elle rit la gorge déployée.
— Non, j'y touche pas. Mais je te rappelle quand même que t'es pas mon père, je fais ce que je veux. Jouer le mec protecteur, là, ça va deux minutes. Allez, danse, au lieu de faire l'angoissé de la vie là, t'es chiant à la fin.
Elle ajouta quelque chose, mais la musique devint si forte que je ne vis que ses lèvres bouger. Aussi, décidai-je de retourner sur le balcon, tant le bruit était insupportable pour mes oreilles. J'avais depuis longtemps dépassé le seuil de tolérance, et j'aurais tant aimé comprendre pourquoi tous ces gens arrivaient à supporter des décibels si élevés.
Et, ce que j'aurais tant souhaité comprendre, aussi, c'était pourquoi il m'était si difficile de me sentir à l'aise dès lors que j'étais entouré d'autres personnes que Victor et le reste du groupe.
Il n'y avait qu'Ezra qui me faisait me sentir aussi bien qu'avec eux. Voire... Plus encore.
— Bon, tu me saoules, j'ai compris, on rentre, fit soudain la voix d'Ivanie à mes côtés.
— Hein ?
— Tu t'ennuies. Donc on se casse.
— Mais non, c'est pas le cas, et au pire c'est mon problème. Ne te préoccupe pas de moi et amuse-toi !
— Comment tu peux me demander de ne pas me préoccuper de mon copain ? J'ai pas envie de rester, te voyant comme ça. C'est moi qui t'ai amené là, donc j'assume jusqu'au bout.
— N'importe quoi, protestai-je.
Ignorant ce que je venais de lui dire, elle m'attrapa le bras, et nous traversâmes ainsi la salle. Elle s'éclipsa quelques secondes afin de chuchoter à l'oreille de Divya – suite à quoi il me lança un bref regard – puis nous sortîmes.
Le retour fut bien silencieux. Elle ne m'adressa la parole que deux fois ; et puis, lorsque nous arrivâmes chez elle, elle s'éternisa quelques minutes sur son lit, les mains plaquées sur son ventre, les yeux fermés.
Assis à l'extrémité du lit, les paumes moites sans que j'en détermine la raison, je sentais un poids dans l'estomac. Le poids de la culpabilité, sans doute. J'avais gâché sa soirée.
Alors, je n'avais qu'une envie, envoyer un message à Ezra afin de lui relater la situation. Je ressentais le besoin d'entendre que certes, j'avais merdé, mais que j'avais le droit. Parce que, parfois, il arrivait que l'on ne se sente pas bien, sans que l'on sache pourquoi.
Oui. C'était ce qu'il aurait dit.
— Bon. C'est pas si grave... murmura-t-elle au bout d'un moment. Je suis fatiguée, de toute façon. Demain, je les inviterai chez moi pour rattraper ça. On se douche ?
J'opinai et il n'en fallut pas plus pour que nous nous retrouvions à deux sous le jet d'eau.
Et, tandis que je me savonnais, elle accrocha le pommeau de douche à hauteur et laissa l'eau couler sur son visage, la tête en arrière, prenant soin toutefois que l'eau ne touche pas ses cheveux enveloppés dans une charlotte. Non pas que l'image du jet qui ruisselait sur ses yeux et son nez me déplaisait, mais je ne pouvais m'empêcher de trouver son comportement saugrenu lorsqu'elle ouvrit la bouche pour y laisser entrer l'eau et la recracher juste après ; un petit jeu qu'elle répéta plusieurs fois. Mais, n'était-ce pas là une distraction comme une autre, finalement ? À l'évidence, elle avait toujours agi ainsi. Cependant, l'admiration que je portais au moindre de ses agissements ou petites manies, même mièvres, semblait s'être émoussée.
Lorsque nous eûmes terminé, elle ne se vêtit pas, à la place de quoi, elle me signala qu'elle cherchait un préservatif.
— Euh, a...attends, bredouillai-je.
— Quoi ?
— Je suis pas sûr d'avoir envie de le faire, ce soir.
Elle fronça les sourcils.
— Tu blagues, j'espère ? Déjà qu'on se voit une fois par mois en moyenne. Franchement, qu'est-ce qui t'arrive, en fait, depuis tout à l'heure ?
— Rien de spécial, je te jure, je suis juste fatig...
— Ouais, OK.
Là-dessus, elle ouvrit brutalement le tiroir de sa commode et commença à enfiler son pyjama.
— T'es fâchée ? murmurai-je.
À défaut d'obtenir une réfutation – ou non – je me heurtai à son silence. Elle enveloppa ensuite ses cheveux d'un bonnet en satin et se glissa sous la couette.
Je haïssais qu'Ivanie soit en colère contre moi. Alors, j'étais prêt à changer d'avis.
— Ivanie, insistai-je en m'allongeant à ses côtés, tu es énervée parce que j'ai pas envie qu'on le fasse ?
Silence.
— Si c'est ça, je vais me sentir obligé de le faire...
En guise de réponse – du moins, verbale – elle me tourna le dos. Quant à moi, une boule rugueuse s'était déjà formée dans ma gorge.
J'avais tant envie de fuir... Non seulement de sa chambre, mais aussi de sa maison. Ou...
« Pars trois jours en Espagne et reviens. » résonna la voix d'Ezra.
Ou... Au de-là des frontières.
— Pourtant c'est toi qui m'as dit un jour que c'était pas bien de bouder les gens pour ça. Parce que s'ils se sentent obligés de le faire, et du coup, ce n'est plus du consentement, c'est de la contrainte.
Cette fois, elle pivota vers moi et me fixa, le regard teinté de contrariété.
— Tu me prends pour qui ? C'est pas pour ça que je suis énervée. C'est que tu es bizarre, ce soir. Je sais que tu as un truc, donc, maintenant, dis-le-moi.
Il n'y avait rien pourtant... Rien de... Rien de très certain, du moins. Quelle serait l'utilité d'exprimer des choses qui n'étaient pas claires pour moi-même ? Au risque de l'effrayer inutilement.
— Y a rien, je te jure. Tout va bien.
— Hum. OK.
De nouveau, je me retrouvai avec son dos comme point de vue. La nuit allait être longue... Très longue. Et l'idée qu'elle avait raison, au fond, et que je faisais preuve d'une parfaite lâcheté m'accompagnera jusqu'au petit matin, je pouvais en être certain.
Je soupirai et fermai déjà les yeux, résigné, prêt à rester éveillé toute la nuit, lorsque, inespérément, elle me fit de nouveau face.
— Désolée... susurra-t-elle, je m'énerve vite... J'ai juste peur que tu me caches quelque chose. Tu sais bien que tu peux tout me dire, hein ? Même des trucs fâcheux... Dans tous les cas, je te garderai dans ma vie. Il n'y a que toi qui sais m'écouter...
De là, elle m'enveloppa et me serra contre elle. À mon tour, je passai mon bras autour de sa hanche afin de l'étreindre, sans répondre. Pourtant, si je voulais être honnête, il y aurait tant de choses à dire. Mais, le choix de se taire signifiait, outre de la lâcheté, de l'égoïsme.
Sans que j'en sache la raison, rien ne pouvait m'extirper l'idée que nous arrivions à notre fin.
J'aimais sa compagnie, pourtant, ainsi que sa personne. Mais, quelque chose avait bougé en moi. Dans mon corps. Oui. C'était cela. Mon corps me tendait un message. Lequel était-ce ? Celui que je n'étais pas prêt à entendre, visiblement. En outre, ces diverses sensations désagréables ne demeuraient pas le seul étrange symptôme que j'expérimentais.
L'absence, aussi. L'absence de ce qui aurait dû être là. L'excitation. L'émoustillement. Nous étions loin des retrouvailles puissantes sur le quai d'une gare que je m'étais conçues le soir, logées entre deux voyages en Floride.
À mon sens, il était inutile de le justifier par des explications trop évidentes, celles que quiconque réussirait à dénicher si je lui exposais la situation que nous vivions.
Elle, en Irlande, moi, en France. Elle, vivant sa vie de rêve... et moi... la rêvant.
Non, c'était une justification bien trop simple pour être juste.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top