Chapitre 3

La sonnerie annonçant le début des cours eut un accent légèrement lugubre, ce matin-là. En tout cas, Stiles le ressentit véritablement comme tel et ne chercha pas à le nier. Il choisit cependant de se dire qu'il l'avait toujours trouvée très désagréable à entendre, presque horrible – et ce fait lui paraissait largement accentué par sa fatigue. Car elle était trop forte, stridente... A croire qu'elle n'existait que pour rappeler aux élèves de ne pas s'endormir et de se soumettre à sa dictature sonore. Une sonnerie, entrée en cours. Une autre sonnerie, changement de cours... Et ainsi de suite jusqu'à la dernière de la journée, celle qui annoncerait la libération de tout ce petit monde jusqu'au lendemain.

Stiles grimaça et se frotta les yeux. Qu'est-ce qu'il ne donnerait pas pour rentrer chez lui et retourner au lit. Il n'avait pas dormi plus de trois heures et cela, il le ressentait. Pour peaufiner son plan – et le discours qu'il servirait à la meute après lui avoir rapporté les découvertes qu'il était sûr de faire –, il n'avait pas compté ses heures. D'un autre côté, il y avait eu ce stress, cette angoisse un peu sourde... Cette peur qu'il n'avait pas comprise mais qui avait participé à retarder le moment où il irait se coucher. Encore maintenant, il ne se l'expliquait pas. D'ailleurs, il ne la ressentait plus – seule la fatigue le dominait. Mais Stiles avait de la ressource et savait qu'il pouvait passer au-dessus de cet état-là : il lui suffisait de rester aussi alerte que possible et d'occuper son esprit en permanence. Bouger entre les cours l'aiderait, aussi. L'inaction et l'inactivité auraient par contre raison de lui s'il se laissait trop aller. Ainsi, il n'y avait que le contrôle qu'il exerçait sur lui-même qui pouvait l'aider. Mais devoir assister à ses cours restait un défi de taille puisqu'ils risquaient de mettre à mal sa forme toute relative – presque artificielle. Avec un peu de chance, sa nature curieuse et son cerveau sempiternellement actif l'aideraient à affronter cette probable source d'ennui. Les mathématiques, par exemple. Il adorait ça, là n'était pas le souci. Il était juste trop bon dans ce domaine, au point d'avoir une avance involontaire sur le programme.

Par chance, c'était avec ce cours-ci qu'il allait commencer sa journée. Par chance oui, parce qu'ainsi, il s'en débarrassait. Il allait affronter l'ennui au moment où il était le plus en forme – encore que le sens de ce mot lui paraissait tout relatif. Ce serait sans doute en fin de matinée, quand il aurait faim, et en début d'après-midi, quand il digèrerait, que la fatigue serait le plus difficile à supporter et contre laquelle il lui faudrait lutter avec ardeur. Si Stiles ne se connaissait pas aussi bien, sans doute aurait-il même choisi de faire une sieste rapide après le repas du midi – qu'il aurait expédié pour avoir un maximum de temps pour dormir. Mais le problème était qu'il ne se serait sans doute pas réveillé à temps car quand il s'y mettait, et surtout quand il était si fatigué, il dormait des heures et des heures. Le réveiller prenait la forme d'une épreuve titanesque. Non seulement on signalerait son absence en cours – puisqu'il roupillerait –, mais qu'en plus, il risquerait de se réveiller un peu trop tard par rapport à son plan.

Alors, il se fit violence à chaque fois que ses yeux menacèrent de se fermer, chaque fois également que son corps lui réclama du repos.

Dans un tout autre registre, Stiles mit un point d'honneur à faire la gueule et à le montrer. On avait voulu le faire taire, soit : il se taisait, mais pas pour le meilleur. Il n'était pas du genre rancunier, sauf lorsque les choses se répétaient comme cela avait été le cas concernant sa parole, ses craintes. Et Stiles savait être très chiant lorsqu'il s'y mettait, c'était sa manière à lui de faire payer à la meute sa négligence le concernant. Avec tout ce qu'il faisait pour chacun de ses membres, il considérait sa réaction parfaitement légitime – et très gentille par rapport à ce qu'il pensait. Certains se seraient mis en colère au point de taper du poing sur la table, de s'insurger avec violence : lui, non. Il agissait au travers du silence, ce silence si inhabituel. De cette façon, on ne trouverait donc pas utile de lui demander s'il allait bien – une question au demeurant stupide actuellement, si on lui demandait son avis. De même, il s'éviterait des échanges de banalités dont il n'avait strictement rien à faire... Sans oublier le fait que son expression renfrognée suffirait à elle seule à dissuader ses amis de lui demander les moindres services. Et si on se risquait à le faire tout de même, il les enverrait balader à la chaîne s'il le fallait. Bande d'ingrats, pensa-t-il à plusieurs reprises.

Etonnamment, il réussit à suivre ses cours avec aisance malgré la fatigue, qu'il réussit à mettre plus ou moins de côté. En cela, la colère l'aidait. Car entre chaque calcul et chaque réflexion intérieure, il imaginait des situations où il leur répondait avec un tranchant phénoménal – qu'il n'aurait jamais dans la vraie vie. Il y avait toujours quelque chose qui le retenait, lorsqu'il voulait s'exprimer, extérioriser ses ressentis. Un besoin de ménager les autres, ses amis, peut-être même n'importe qui... Alors s'il pouvait se montrer sec ou avoir des paroles acerbes, l'effet s'en retrouvait toujours relativement réduit par rapport à ce qu'il voulait dire. Mais en pensées, il les détruisait par le seul pouvoir de la rhétorique et ça, c'était jouissif. Scott et Lydia en prenaient pour leur grade et ce, sans doute plus que les autres puisqu'il s'agissait de ses meilleurs amis. Puis c'étaient eux qui l'avaient le plus contredit alors qu'ils étaient censés... Croire un peu en lui. Quoiqu'en y réfléchissant bien, Stiles en voulait peut-être un peu plus à Lydia qu'à Scott. Parce qu'il avait l'habitude que son crétin d'alpha remette sa parole en doute : il était toujours trop gentil, trop prudent, trop nounours. Mais Lydia... C'était une fille intelligente et, par certains aspects, clairvoyante. Elle défendait souvent les idées qu'il avait, s'opposant parfois pour cela frontalement à Scott. Et Stiles pensait qu'elle croyait en lui – ce qui n'était pas faux.

Pourquoi cette fois-ci avait-elle été différente ? Qu'importe. Le fait est que, comme les autres, il lui rabattrait le caquet. La satisfaction qu'il ressentirait lorsqu'il leur apporterait à tous les preuves du bienfondé de ses méfiances... Dès lors, l'on devrait le respecter davantage – et il aurait un moyen de pression supplémentaire pour la prochaine affaire qu'ils auraient à traiter. Stiles voulait juste qu'on l'écoute un peu, qu'on le prenne au sérieux. Rien de plus, rien de moins.

Mais il surprit dans la journée les regards d'incompréhension et de confusion de ses amis. Il les ignora toujours, feignant de ne pas les avoir remarqués mais apprécia grandement le fait de les laisser dans le flou le plus total. Il s'agissait là d'une attitude d'un « connard » et ça, il en avait parfaitement conscience – c'était même de cette façon qu'il se considérait actuellement. Néanmoins, il considérait être dans son droit et se disait que c'était bien peu de choses par rapport à toutes ces fois où il laissait couler le manque de respect que l'on avait parfois à son égard.

Ainsi se passa sa journée et finalement, il ne ressentit que peu le manque de sommeil. Disons qu'une fois qu'il s'était mis dans ses cours, tout était allé mieux. Mais, par souci de bien faire, Stiles décida de se reposer un peu avant de mettre son petit plan à exécution. De cette façon, il ne perdit pas de temps au lycée et rentra chez lui sans prendre le risque de se faire alpaguer par un de ses amis. Eux, il avait décidé de les laisser dans le flou jusqu'à sa mission nocturne. Bien fait pour eux, tiens.

C'est d'ailleurs ce qu'il se dit en posant sa tête sur son oreiller. Son alarme programmée, sa fenêtre verrouillée, son sac prêt, il ne lui restait plus qu'à dormir une petite heure et tout serait fin prêt.

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