Chapitre 6 : « T'es un connard, tu le sais, ça ? »
Alors c'est ça qu'il fait subir à Catarina régulièrement ? Magnus est rarement celui qui reste sobre et Catarina est celle qui prend soin de lui, qui le ramène chez lui, ou chez elle, et qui fait en sorte qu'il se couche en sécurité pour dormir jusqu'au lendemain. Alors qu'il fait entrer Alec chez lui, il pense à sa meilleure amie et se promet de trouver un moyen de la remercier de sa gentillesse et de sa bienveillance.
Alec se dirige aussitôt vers le salon pour se laisser lourdement tomber sur le canapé, il retire ensuite sa veste qu'il pose sur le dossier. Il regarde Magnus qui part dans la cuisine et se demande pourquoi il l'a suivi, pourquoi il se retrouve à nouveau dans cet appartement qu'il ne voulait pas revoir. Pour autant, Magnus a eu raison de ne pas le laisser conduire. L'autre option c'était quoi ? Prévenir Izzy et les autres et devoir expliquer à sa sœur pourquoi il a autant bu ? Ou alors prendre le volant et risquer un accident ?
Magnus s'approche d'Alec, un verre d'eau à la main.
— Tiens, bois. Sinon demain matin tu vas t'arracher les cheveux.
— Hm merci, grogne le plus jeune.
Quel grincheux. Avec un caractère pareil, Magnus aurait pensé qu'il aurait au moins pu avoir l'alcool joyeux. Mais non. Une fois vidé, le verre se retrouve sur la table basse et Alec se cale plus confortablement contre le dossier du canapé. Pendant que Magnus amène sa veste dans l'entrée, la tête d'Alec finit par se poser sur un coussin. L'alcool l'engourdit à nouveau, il a l'impression qu'il pourrait s'endormir. Il pourrait si l'odeur riche et boisée de Magnus n'était pas absolument partout, le rendant beaucoup trop sensible à sa présence qui se déplace lentement dans la pièce. Pourquoi est-ce qu'il l'a suivi ? Il se le demande toujours. Et pourquoi est-ce que Magnus l'a emmené chez lui ? Une voix mauvaise dans sa tête lui souffle que l'indonésien espère sûrement coucher avec Alec et profiter de la situation. Le brun secoue la tête à cette voix, Magnus n'est pas comme ça. Il entrouvre les yeux pour regarder le médium qui a son portable dans les mains, sans doute est-il en train d'envoyer un message. À qui ? Il grogne, énervé.
— Pardon de m'imposer, tu aurais sûrement préféré rentrer avec quelqu'un d'autre ce soir.
Magnus, qui pensait qu'Alec s'était endormi, le regarde avec des yeux ronds. Et l'accusation sous-jacente l'atteint trop violemment, encore une fois.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ? répond-il d'une voix calme.
— Oh ça va, fais pas le prude... Vous êtes tous comme ça de toute façon.
— Je te demande pardon ?
Leurs regards se croisent, vibrants de tension. Magnus essaie de prendre sur lui, après tout Alec est ivre, il ne devrait pas faire attention à ses paroles. Mais c'est la deuxième fois ce soir qu'il l'accuse de... De quoi ? De flirter à tout va ? C'était vrai avant, maintenant ça ne l'est plus. Et puis quand bien même ça le serait encore, il est libre de faire ce qu'il veut.
— Vous êtes tous pareils, répète Alec en se redressant. À coucher avec le premier venu. Tu crois que j'ai pas vu comment tu dansais avec ce mec ? J'ai même été surpris que tu le repousses, j'ai cru que t'allais...
— Ne finis pas cette phrase.
Alec prend conscience de ses paroles en voyant les yeux brillants de larmes de Magnus et la colère qui tord son adorable bouche. Il détourne le regard et enfouit son visage dans ses mains en soufflant. C'est pas lui ça, c'est son père qui parle comme ça. Il se donne envie de vomir.
— C'est ce que tu penses ? demande Magnus en avançant de deux pas. Tu penses vraiment ça de moi ? Oh mais tu dois avoir raison ! Je ne suis qu'un allumeur ! Je dansais pour le séduire, ce mec, pas seulement parce que j'aime danser. Parce qu'un vrai mec, un mec viril, ça n'aime pas danser. Et encore moins avec un autre mec ! Et puis tu sais quoi ? Je veux savoir ce que tu allais dire, finis-la ta phrase ! T'as cru que j'allais lui sauter dessus sur la piste de danse ? Évidemment, j'aime les hommes et les femmes, alors je suis forcément un dégénéré qui sait pas se contrôler.
Ses yeux lancent des éclairs. Alec l'a blessé et, en fait, il ne se rend même pas compte à quel point. Magnus a l'habitude des remarques haineuses, que ce soit en raison de son orientation sexuelle ou de son travail et il sait les ignorer. Mais quand c'est Alec qui les dit – à cause de ce jeu tordu du chat et de la souris qui se met dangereusement en place entre eux, de cette attirance réciproque que Magnus est le seul à admettre, de la douceur avec laquelle Alec a réussi à se frayer un chemin entre les murs qu'il a érigé autour de son coeur –, quand c'est Alec qui lui crie son dégoût par son regard, Magnus n'arrive pas le gérer. Il repense à la veille, la façon dont Alec a pris soin de lui et s'est inquiété pour lui. Comment arrive-t-il à être aussi gentil pour ensuite l'humilier comme ça ?
— Magnus...
— Quoi ? rétorque-t-il vivement. Qu'est-ce que tu veux maintenant ?
Sur la défensive, Magnus n'arrive plus qu'à le provoquer pour lui faire enfin déverser son fiel. Qu'il le dise enfin qu'il le déteste ! Qu'il lui dise qu'il s'est fait des idées parce que sa solitude lui pèse encore plus qu'il ne l'imaginait !
Alec tend son bras vers lui, parce que Magnus s'est encore approché d'un pas dans sa colère, il effleure doucement sa main et attrape ses doigts pour l'attirer vers lui.
— S'il te plaît.
— Arrête.
— Je suis désolé. Magnus, je suis désolé.
Il resserre ses doigts pour empêcher Magnus de s'enfuir et il l'attire jusqu'à ce que Magnus se retrouve à califourchon sur ses cuisses. Il passe aussitôt ses bras autour de sa taille et appuie sa tête sur son épaule.
— T'es un connard, Alec, tu le sais ça ? souffle Magnus d'une voix qui montre qu'il ne le pense pas vraiment.
— Je sais. Pardon. Tu veux bien qu'on en discute demain ?
— Tu vas t'enfuir, demain.
— Non, je te le promets.
Magnus lève les yeux au ciel, refusant de croire les promesses d'un homme ivre. À nouveau, la bouche d'Alec trouve le chemin de sa peau, embrasse doucement sa clavicule pour remonter vers sa mâchoire. Han putain. Il doit se mordre la lèvre pour ne pas gémir, mais ses mains qui jusque là étaient restées le long de son corps montent se poser sur les épaules d'Alec. Il hésite encore à le repousser ou à le serrer à son tour dans ses bras. Si seulement Alec ne couvrait pas sa gorge de baisers, ce serait tellement plus facile de réfléchir.
— Pourquoi t'es si beau ? murmure Alec en papillonnant sous son oreille.
— Tais-toi, tu sais pas ce que tu dis.
— Si, je le pense. Je pense qu'à toi, j'arrive pas à te sortir de ma tête.
Voulant profiter du trouble de Magnus, il approche ses lèvres de sa bouche, mais Magnus se recule un peu et il fait glisser sa main jusqu'à la tignasse noire pour l'agripper doucement entre ses doigts et le retenir. Alec grogne de frustration, son qui manque de peu d'achever Magnus et de le faire craquer.
— Ça aussi, on va le reporter à demain, Alexander.
Alec ferme les yeux pour essayer de se reprendre. Magnus a raison, mais il a tellement envie de l'embrasser. Plus qu'il a jamais eu envie d'embrasser personne. D'habitude, il arrive à réprimer ses envies mais pas cette fois. Cependant, Magnus ne peut pas le savoir et s'il lui dit maintenant, il refusera encore de le croire.
Les doigts de Magnus relâchent leur prise mais continuent de s'entortiller tendrement dans les mèches brunes. Il couve du regard le visage d'Alec qui fronce encore les sourcils.
— Alexander, ça va ?
— Arrête de m'appeler comme ça.
— Ah... D'accord, « Alec » ?
Alec grogne encore. Entendre Magnus prononcer son prénom entier avec toute sa douceur est une torture s'il n'a pas le droit de montrer à quel point ça le touche, mais l'entendre à nouveau l'appeler par son surnom, comme tout le monde...
— Non, c'est pire.
Magnus rit doucement, attendri, il commence à trouver mignonne sa façon de ronchonner en permanence. Leurs regards s'accrochent une seconde et Alec se pelotonne à nouveau contre le torse de Magnus, sa joue posée directement sur sa peau, entre les pans de la chemise toujours ouverte.
La magie des caresses de Magnus a tôt fait d'opérer et le policier s'endort dans les bras de l'indonésien. Magnus attend encore quelques minutes pour pouvoir se lever sans le réveiller. Il allonge Alec sur le canapé et s'apprête à tourner les talons quand il entend la sonnerie très légère d'un téléphone. Assurément, ce n'est pas son propre portable puisqu'il est posé sur le fauteuil. Il fouille alors prudemment dans les poches d'Alec pour trouver le sien et l'écran affiche un appel d'Izzy. En fait, il y a plusieurs appels en absence de sa sœur. L'asiatique soupire, il lui avait pourtant dit de lui envoyer un message dans la voiture. Il se demande un instant s'il doit la rappeler, il ne peut quand même pas la laisser se ronger les sangs et croire que son frère a disparu.
— Alec, t'es où putain ? hurle aussitôt la jeune femme.
— E-euh... Tout va bien, Izzy.
— Magnus ?
— Oh t'as reconnu ma voix, c'est adorable.
Sa voix enjôleuse a raison de l'inquiétude d'Izzy qui, au bruit qu'il entend à travers l'appareil, doit s'être laissée tomber sur un siège. Et le bruit derrière elle indique qu'elle est encore au Pandémonium.
— Où est passé mon idiot de frère ?
— Chez moi, il...
— Quoi ? coupe-t-elle dans un autre cri. Oh pardon ! Je vous dérange pas plus !
— Non, Izzy, attends ! Écoute, c'est pas ce que tu penses. Il a beaucoup bu et il allait partir en voiture. Il voulait pas vous déranger, alors j'ai proposé de conduire jusqu'à chez moi.
— D'accord, je te remercie. Tu veux qu'on passe le chercher ?
— En fait, il est en train de dormir sur mon canapé. Il devrait être capable de rentrer demain matin.
— Bien, ok. Bon, je vous laisse alors !
Le sous-entendu est si subtil que le médium entend presque le clin d'œil de la jeune femme dans ses derniers mots. Elle raccroche avant que Magnus puisse lui redire qu'elle se fait des idées. Tant pis, Alec se débrouillera demain avec elle. En espérant qu'il ne lui en veuille pas d'avoir dit à Izzy qu'ils étaient ensemble.
Dans les trois minutes qui suivent la conversation, Magnus reçoit deux messages sur son portable. Un de Clary et un de Catarina. Non mais, franchement, quelles commères ! Il enfouit les téléphones sous un coussin sans répondre et décide de se rendre dans la salle de bain. Il n'est pas très tard, mais il est fatigué. Le peu d'alcool qu'il a bu et la colère ont eu raison de son énergie. Maintenant, il a juste envie de prendre une douche et d'aller s'écrouler sur son lit, avec un peu de chance ça l'empêchera de trop réfléchir à ce qui vient de se passer.
Après un sommeil qu'il juge trop court, Alec se réveille et entend le bruit de la douche. Il souffle, excédé. Depuis quand Izzy prend des douches en pleine nuit ? Il se lève du canapé et décide d'aller dans son lit. Sur le chemin, il se cogne contre des meubles qui ne sont pas à leur place. Il retire son t-shirt ainsi que ses chaussures alors qu'il entre dans la chambre et il part s'écrouler sur le lit sans avoir la force d'enlever son pantalon. Néanmoins, la sensation des draps sur son visage est bizarre. Il se redresse et regarde autour de lui, il lui faut quelques instants pour se rappeler qu'il n'est pas chez lui, mais chez le médium... Et qu'en effet il ne doit pas avoir dormi longtemps, juste assez pour le désorienter. Il se laisse retomber sur les draps de soie, enfonçant son visage dans un coussin. Il inspire longuement et un soupir de contentement lui échappe quand le parfum de Magnus emplit ses poumons, le rendant incapable de se relever. De toute façon, il est trop fatigué pour repartir dans le salon. Il se retourne sur le dos, la fatigue l'écrase mais ses paupières n'ont plus l'air de vouloir se fermer.
Une porte qu'il n'avait pas vue s'ouvre et il voit la silhouette de Magnus entrer dans la chambre, alors qu'il sèche ses cheveux avec une serviette. L'indonésien s'arrête en découvrant la masse allongée sur son lit. Il était pourtant certain qu'Alec dormait à poings fermés, surtout qu'il n'a pas bronché quand il lui a pris son portable.
— Alexander ? C'est le bruit de la douche qui t'a réveillé ?
Alec ne répond pas. Il est sans voix, Magnus se trouve dans la lumière qui vient de l'extérieur et il a l'impression de le redécouvrir. Plus de maquillage. Plus de paillette. Ses cheveux humides retombent naturellement sur son front. Il est... Bordel, il est tellement adorable.
Comme le brun est dans la pénombre, Magnus ne discerne pas son visage et pense donc qu'il s'est rendormi. Qu'est-ce qui lui ai passé par la tête pour venir dans son lit ? Il lance la serviette dans un coin de la chambre, et ses mains attrapent les pans de sa robe de chambre qu'il resserre un peu. Qui sait quelle sera la réaction d'Alec demain matin en se réveillant dans son lit.
Il s'allonge sur le lit, faisant attention à garder ses distances avec Alec. Puis des bras s'enroulent soudain autour de lui et lui font pousser un cri de frayeur, Alec le ramène plus près de lui. Magnus se retourne et se redresse sur un coude, le cœur battant de travers.
— Je croyais que tu dormais ! Tu m'as fait peur !
— Désolé. Je veux juste te tenir dans mes bras.
Il ne voit toujours pas le visage d'Alec, et il espère qu'Alec ne voit pas le sien, parce qu'il est certain d'être en train de rougir. Il est sur le point de refuser pour essayer de se préserver un minimum de l'horrible déception qui l'attendra sans aucun doute le lendemain, quand la main d'Alec caresse sa joue, juste une seconde. Une unique seconde qui suffit à le faire flancher. Il hoche la tête et s'allonge, la tête posée sur le torse d'Alec alors que celui-ci passe un bras autour de ses épaules. Il pose sa main sur le torse d'Alec, luttant pour ne pas la laisser découvrir ses muscles qu'il n'a fait que deviner à travers ses vêtements. Mais, non, il doit être sage pour eux deux puisqu'Alec grignote petit à petit les limites qu'ils s'imposaient.
Les minutes s'écoulent, lentement, tendrement. Magnus pensait réussir à tomber de sommeil après sa douche mais à présent il veut juste profiter de cet instant qui, il en est persuadé, ne se reproduira pas. Alec resserre son étreinte et remonte sa main jusque sur sa nuque.
— Magnus, est-ce qu'on est demain ?
La voix rauque d'envie d'Alec pousse Magnus à relever la tête pour le regarder. Il ne met pas longtemps à se rappeler la conversation qu'ils ont eu un peu plus tôt, et il se doute qu'Alec n'est pas en train d'évoquer le fait qu'ils ont à parler, mais bien de ce que Magnus a décidé de repousser.
— Alexander, souffle-t-il, incertain.
— J'ai dormi tu sais, pendant que tu étais dans la salle de bain.
Bien qu'il ne puisse le voir dans la pénombre, Magnus entend le sourire dans la voix d'Alec et il ne peut lui-même retenir un petit rire torturé. Il se redresse à nouveau, incapable de continuer à entendre le coeur d'Alec qui bat contre ses côtes, mais le brun suit le mouvement pour ne pas laisser la moindre distance s'installer. Et il se rapproche, centimètre par centimètre pour ne pas faire fuir Magnus qu'il sent se tendre. Son cœur à lui aussi tambourine dans sa poitrine, c'est presque douloureux, et il n'en a plus l'habitude. Il doit se protéger, se convaincre que le comportement d'Alec n'est pas habituel et que demain, s'il n'a pas oublié, il fera au moins semblant. Il n'y aura pas de conversation, pas de baiser. Juste la déception et un peu plus de douleur encore.
— Mags ? murmure Alec, suppliant.
— Demain tu vas t'en aller. Je veux pas être demain.
Il esquisse un mouvement pour se lever parce qu'il ne peut pas rester là. Parce que c'est trop dur de rester près de lui, dans ses bras, si ça doit juste être cette nuit. Alec le rattrape par le bras et le ramène encore une fois contre lui, se laissant tomber en arrière, Magnus sur son torse. Il remonte sa main sur la nuque de l'indonésien. Leurs lèvres sont proches, leurs yeux ne se lâchent pas et Alec voit à quel point Magnus est tiraillé. Il voudrait le laisser, mais quelque chose en lui le presse de ne pas le faire, comme si c'était sa seule chance. Sa seule chance de ne pas être effectivement tenté de prendre la fuite, demain.
— Alors on n'est pas demain, lui répond-il. Juste aujourd'hui... Et j'ai tellement envie de t'embrasser.
— Ne dis pas ça.
— Si. S'il te plaît, je peux t'embrasser, aujourd'hui ?
L'envie lui brûle les lèvres mais il s'empêche de les poser sur leurs homologues tant que Magnus n'a pas répondu. Il doit se contrôler, montrer à Magnus que malgré l'ivresse, il sait ce qu'il fait.
Il le supplie du regard, et à nouveau Magnus cède. Il hoche la tête et Alec fond sur sa bouche.
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