Chapitre 30 : « Nous refais jamais ça ! »

Alec est de retour au chevet de Magnus. Comme depuis presque un mois, il tient sa main en attendant qu'il se réveille. Mais sur le visage de Magnus, il n'y a plus de masque. Il n'en a plus besoin, parce qu'il dort. Il est sous sédation à cause de la douleur et du sang qu'il a perdu. Cette fois, il a même été nécessaire de lui faire une transfusion. Mais il va bien, maintenant il va bien.

Le silence dans la pièce est plus supportable. Alec se rend compte qu'il s'est trop habitué au bruit des machines, et qu'une seule en moins lui donne presque l'impression d'être sourd. Mais il écoute la respiration apaisée de Magnus. Peut-être un soupçon d'angoisse l'exhorte-t-il à l'écouter pour s'assurer que n'arrêtera pas soudainement de respirer. Juste un soupçon.

De temps en temps, Catarina vient passer la tête par la porte. Toutes les vingt-cinq minutes en fait. Elle est aussi impatiente qu'un enfant le matin de Noël. Parfois elle vient jusqu'à Alec pour le serrer dans ses bras, puis elle repart. Elle n'a pas su dire les mots, plus tôt, il lui a fallu du temps pour réaliser ce qu'il s'est passé. Même quand Alec lui a expliqué ce qu'il a fait et comment Magnus est revenu, elle n'a pas réagi. Elle veut le remercier mais elle n'y arrive pas parce que les mots qui lui viennent ne sont pas assez forts pour exprimer toute sa gratitude.

— Ragnor devrait bientôt arriver, souffle-t-elle tout doucement. Je l'ai prévenu tout à l'heure mais il devait assurer son dernier cours. Tu as appelé Izzy ?

À l'expression d'Alec, Catarina comprend qu'il n'y a pas pensé une seule seconde. Elle échappe un petit rire.

— Clary et elle sont allées à Boston, aujourd'hui.

— Pour quoi faire ?

— Pour... Pour le réveil de Magnus. Et on s'est un peu disputés tout à l'heure.

— Tu veux que je l'appelle ? Ça ne me gêne pas, tu sais.

— Non, je vais le faire. Merci, Cat.

L'infirmière sourit et repart. L'ancien policier regarde l'heure sur son téléphone. Il est presque quinze heures, elles sont sûrement sur la route. Il hésite encore un moment puis décide d'appeler sa sœur. Il pourrait attendre mais elle risque déjà de le tuer parce qu'il ne l'a pas appelée tout de suite.

Il se résigne à se lever pour s'éloigner un peu du lit avant de passer son coup de téléphone. S'il hésite quelques instants avant d'appeler, Izzy, elle, décroche tout de suite.

— Je suis désolée ! Je m'en veux, j'aurais pas dû...

— Ça va, la coupe-t-il. Ne t'inquiète pas pour ça, Izzy. C'est moi qui ai mal réagi.

— C'est vrai ? Tu ne nous en veux pas ?

— Bien sûr que non. En fait...

Un léger raclement de gorge attire l'attention d'Alec vers le lit. Un sourire fend aussitôt son visage en voyant Magnus qui se réveille. Celui-ci, ayant entendu le prénom de la demoiselle, tend la main pour faire signe à Alec de lui donner le téléphone. Le brun revient donc vers le lit et s'agenouille à côté pour être à la hauteur de son petit-ami, il approche le téléphone de son visage.

— Salut Princesse, souffle Magnus, de sa voix fatiguée mais inimitable.

Alec écarte brusquement l'appareil alors que des cris de joie suraigus retentissent. Magnus grimace un peu mais sa bouche esquisse un sourire.

— O-on arrive dans... Quoi ? Une heure ? crie Clary. Andrew accélère !

Et Izzy raccroche. Andrew ? Qu'est-ce qu'elles font avec Underhill ? Alec secoue la tête et remet son téléphone dans sa poche. Après ça, son attention se porte entièrement sur Magnus qui ne l'a pas lâché du regard.

— Tu n'as pas l'air trop perdu, murmure Alec en caressant son visage.

— Non, je... Je crois que l'échange s'est fait dans les deux sens.

Alec hausse les sourcils mais l'indonésien ne répond pas à sa question muette. Il essaie de se redresser un peu et Alec se relève précipitamment pour l'aider. Une fois assis, le dos calé contre l'oreiller, il regarde autour de lui mais il fait encore sombre. La lumière de la chambre est faible pour ne pas agresser ses yeux.

Pendant quelques minutes, il assimile les quelques pensées d'Alec qui se sont échouées dans ses souvenirs. Il se voit allongé, pendant de nombreux jours, sans bouger. La dernière chose dont il se souvient, son dernier souvenir bien à lui, c'est d'avoir serré le poing sur le pendule quand Aldertree a dit qu'Alec était en danger. Il lève les yeux vers son petit-ami, il a envie de lui demander ce qu'il s'est passé après ça, mais il sent que ce n'est pas le moment. Il n'est peut-être pas complètement perdu, mais il ne se sent pas dans son état normal. Du coin de l'œil, il aperçoit une poche pleine d'un liquide transparent et reliée à son bras, c'est sans doute ce qui le met dans cet état.

Alec s'assoit sur le bord du lit et reprend la main de Magnus. À nouveau, le jeune homme est à court de mots. Il y a trop de choses qui se précipitent dans son esprit mais aucune n'arrive à passer sa bouche. Il se contente de fermer les yeux et de monter la main de Magnus à son visage, comme il l'a si souvent fait pendant un mois, et il embrasse ses doigts. Sauf que cette fois, la main de Magnus vient ensuite caresser sa joue. Un frisson le parcourt. Il ouvre la bouche pour parler, pour enfin souffler son aveu, mais la porte s'ouvre.

— Oh mon dieu.

Les deux hommes se tournent vers la nouvelle arrivante. Catarina. Les larmes aux yeux, elle reste plantée à l'entrée de la chambre en voyant son meilleur ami, assis sur son lit d'hôpital. Alec se lève pour lui laisser la place et elle se jette enfin sur le malade. Elle l'entoure d'une étreinte presque violente qui le fait rire.

— Cat, s'il te plaît, doucement !

Elle le relâche un peu et prend son visage dans ses mains pour le regarder. Elle sonde ses yeux, il prend aussitôt une expression blasée.

— Madame l'infirmière, vous pouvez me rendre ma meilleure amie ?

— Oh excuse-moi. J'ai été tellement inquiète. On l'a tous été.

— Désolé.

— Mais t'excuse pas, idiot !

Alec les observe quelques instants et décide de s'éclipser, préférant les laisser entre eux pour leurs retrouvailles. Il se sent de trop et, surtout, il a envie de pousser Catarina pour prendre son petit-ami dans ses bras et ne plus jamais le lâcher. Sa réaction le dérange, il n'a pas envie de se montrer aussi possessif devant Magnus.

— Je vous laisse.

— Alexander...

Magnus fronce les sourcils, soucieux, et le bip régulier qui surveille son cœur sursaute un peu, de façon assez embarrassante d'ailleurs. Catarina passe une main dans les cheveux du médium pour attirer son attention.

— Il a besoin d'un moment, je pense.

— Bien sûr, répond-il, essayant d'être compréhensif.

— Il va revenir. Il n'est jamais très loin, ne t'en fais pas.

L'indonésien regarde enfin Catarina. Sa façon de parler d'Alec est étrange, enfin venant d'elle. Il ne sait toujours pas combien de temps s'est écoulé, mais la relation entre sa meilleure amie et son petit-ami a l'air d'avoir changé.

— Vous avez l'air plus proches, dit-il.

— Oui, le manque de toi nous a rapproché, explique-t-elle dans un léger rire. Et il arrive même à être dans la même pièce que Raphael, maintenant.

— Il y avait un problème avec Raphael ?

D'accord, la vraie question c'est : qui n'a pas de problème avec Raphael ? Mais Magnus ne se souvient pas que ça se soit mal passé quand ils avaient passé la soirée ensemble. Ou est-ce parce qu'il était obnubilé par Alec d'un bout à l'autre de la soirée ?

— Tu n'as jamais remarqué qu'Alec était jaloux de Raph' ?

En vérité ? Pas du tout. Il secoue la tête en souriant, il décide de ne pas y songer davantage pour le moment. L'infirmière referme à nouveau ses bras sur lui et il ferme les yeux pour profiter de l'étreinte de sa meilleure amie. Cela lui fait du bien. Même s'il n'était pas conscient, il sent que le contact lui a manqué.

Après quelques minutes, elle décide de redevenir sérieuse et professionnelle.

— Dis-moi, comment tu te sens ?

— Ça va. J'ai un peu mal quand j'inspire, mais ça va.

— Tu as eu une côte fêlée. C'est guéri mais la douleur peut perdurer encore quelques jours.

Il affiche une mine surprise. Une côte fêlée ? Mais qu'est-ce qui s'est passé ?

— Tu as dû être réanimé. C'est ce hm... Raj ?

— Raj ? Il m'a réanimé, moi ?

— Ça a l'air de te surprendre. Il t'a fait un massage cardiaque et du bouche-à-bouche.

— Eww.

Catarina se met à rire devant la grimace de dégoût de Magnus à l'idée que les lèvres de Raj ont touché les siennes. Mais elle connaît son meilleur ami et Izzy lui a expliqué la situation compliquée entre les deux hommes. Magnus n'a juste pas envie de montrer à quel point il est reconnaissant, mais il l'est.

Assis dans le couloir, sur la même chaise que plus tôt, Alec attend. Et il se rend compte que même s'il n'a fait que ça depuis un mois, ça ne l'a pas rendu plus patient. Alors il attend, un peu grincheux, que ses émotions se calment. Il aime beaucoup Cat mais il se sent frustré d'avoir été coupé dans son élan alors qu'il voulait parler à Magnus. Frustré que ce petit moment rien qu'à eux soit déjà terminé. C'est égoïste, il le sait et ça l'énerve de voir déjà se pointer ses mauvais côtés alors que Magnus n'a ouvert les yeux que depuis cinq minutes.

Des pas précipités le sortent de ses mornes réflexions, il voit arriver Ragnor et Raphael. Ils s'arrêtent près de lui mais Raphael tourne tout de suite la tête vers la chambre. En voyant Magnus assis, il entre et se jette sur lui. Ragnor reste quelques instants à regarder Alec.

— Quoi ? demande celui-ci.

— Viens.

L'aîné lui attrape le bras pour le relever et le fait entrer avec lui dans la chambre. Ragnor sent bien la gêne d'Alec d'être avec le groupe d'amis mais il sait que Magnus sera triste de le voir rester à l'écart. Naturellement donc, il le pousse vers la chaise près du lit et, aussitôt, Magnus tend une main vers lui, sans cesser d'écouter Raphael. Le cœur d'Alec s'accélère et il serre délicatement ses doigts fins.

Les effusions durent de longues minutes, mêlant les larmes et les rires, jusqu'à ce que Catarina soit appelée pour une urgence. Elle embrasse le front de Magnus avant de partir. Le calme revient un peu. Raphael est toujours assis sur le bord du lit, près de Magnus, tandis que Ragnor s'est installé sur l'autre chaise. Alec les écoute discuter, en fait, il écoute surtout Magnus. L'indonésien se rend compte de cette attention focalisée sur lui et rougit à plusieurs reprises en croisant le regard de son petit-ami.

Un peu plus d'une demi-heure plus tard, la porte s'ouvre à nouveau et Izzy et Clary entrent dans la chambre. La première à s'avancer est Clary qui, les larmes s'échappant sur ses joues, vient se blottir contre Magnus. Il l'enlace tendrement.

— Eh Biscuit, pleure pas, lui souffle-t-il. Je vais pleurer aussi, sinon, tu le sais.

— Je suis désolée, répond-elle en pleurant plus fort.

Les autres se mettent à rire. Alec se lève pour prendre Izzy dans ses bras, elle pleure aussi. La petite brune enfouit son visage contre le torse de son frère quelques instants avant de s'écarter.

— J'ai oublié de prévenir Simon !

— Je vais le faire, lui dit son frère en caressant ses cheveux.

Elle le remercie d'un sourire et s'approche à son tour de Magnus pour lui faire un câlin. Alec s'éclipse à nouveau et attrape son téléphone pour envoyer un texto à Simon, qui répond aussitôt qu'il arrive. Dans le couloir, il aperçoit Andrew, assis sur une chaise, son téléphone dans les mains.

— Salut, Underhill, lance-t-il en s'approchant.

— Oh Lightwood !

— Merci de les avoir conduites ici.

— Je pense que si je ne l'avais pas fait, elles m'auraient écorché vif, de toute façon.

Alec rit en hochant la tête. C'est vrai que ça leur ressemblerait bien. Il va s'asseoir à côté de son ancien collègue.

— J'ai prévenu Jace que Magnus est réveillé. J'espère que ça ne t'embête pas.

Oh, Jace. Alec est d'abord surpris que ça puisse intéresser Jace, avant de se gifler mentalement en se rappelant qu'il n'est pas aussi détaché qu'il le leur a fait croire. Izzy lui a dit qu'elle continuait à lui donner des nouvelles de temps en temps, d'eux tous, même si sa fierté mal placée l'empêchait de recontacter directement Alec ou même Clary.

— Non, tu as bien fait, répond Alec. Tu veux entrer ?

— N-non, je vais attendre que Jace arrive pour lui mettre un coup de pied au cul s'il fait encore n'importe quoi.

— Oh c'est vrai, Izzy m'a dit que vous travaillez ensemble maintenant.

— Oui et je dois supporter ses lamentations tous les jours. Si au moins il pouvait être assez malin pour lui parler, explique-t-il en levant le menton en direction de Clary.

Alec retourne dans la chambre, songeant que prévenir la rouquine serait une bonne chose pour lui laisser le temps de se préparer psychologiquement.

— Tout va bien ? s'enquiert tout de suite Magnus en voyant son hésitation.

— Ouais hm juste... Simon va arriver. Et Jace aussi.

À l'entente de ce second prénom, tout le monde réagit par une grimace un peu gênée. Magnus fronce les sourcils.

— C'est quoi le problème avec Jace ?

— On a rompu, répond Clary, directe.

L'indonésien ouvre la bouche sans savoir quoi dire à ça, ça le surprend beaucoup. Malheureusement, il y a trop de monde dans la chambre pour qu'il puisse poser la moindre question sans que ça devienne encore plus gênant.

Les conversations reprennent, mais Clary est presque silencieuse. Debout à côté d'Alec qui a une main posée sur son épaule, elle guette l'arrivée de son ex-petit-ami. Elle voudrait s'enfuir, mais elle n'a pas envie de laisser Magnus. Il lui a tellement manqué.

Néanmoins, quand Jace arrive, la chambre s'est vidée. Seuls Alec et Izzy sont avec Magnus, Clary est partie avec Simon chercher des cafés. Le blond frappe maladroitement à la porte entrouverte alors qu'Underhill se retient de le pousser à l'intérieur.

— Oh mon petit blond préféré ! lance Magnus en le voyant entrer.

— Salut le comateux !

Jace esquisse un sourire et s'approche du lit. Après une brève hésitation, il se penche pour enlacer le malade.

— Nous refais jamais ça ! souffle-t-il assez bas pour que seul Magnus l'entende.

— Promis, Jace.

L'étreinte est brève mais venant de Jace c'est beaucoup. Il passe une main rapide sur ses yeux humides de larmes et demande, sur le ton de la plaisanterie, s'il en a enfin eu assez de dormir. Question maladroite pour savoir si Clary et Alec avaient raison.

— Alec l'a aidé à sortir de sa transe, répond Izzy sans animosité.

— Oh... Content que ça ait marché.

— Je n'en étais pas sûr moi-même, avoue Alec. Personne n'était sûr de ce qui se passait.

— Si Clary, elle, le savait.

Jace s'excuse et ressort de la chambre. Magnus soupire. Tant qu'à être dans le malaise. De toute façon, ça ne pourra pas être pire.

— Vous voulez bien m'expliquer ce qui s'est passé ?

— Clary était persuadée que tu étais en transe et qu'on devait trouver un moyen de t'en sortir. C'est ce qui s'est passé aujourd'hui, Izzy et elle sont allées voir un médium à Boston, et c'est comme ça qu'elles m'ont convaincu de réessayer.

— Elle a fait beaucoup de recherches, continue Izzy. Ça lui prenait du temps et elle ne trouvait presque rien, ce qui lui plombait un peu le moral. Jace en a eu assez, et à force de disputes, ils ont rompu. Et il a arrêté de venir et de voir Alec aussi.

Magnus détourne les yeux en se mordant la lèvre, la culpabilité se lit sur son visage. Alec se lève de la chaise pour se rapprocher un peu plus, il prend le visage de son petit-ami entre ses mains pour capter son regard et glisse son pouce sur sa lèvre pour la libérer.

— Tu n'y es pour rien. Ça a été une période compliquée pour tout le monde mais tout va s'arranger, ils s'aiment. Et moi je n'ai plus envie d'en vouloir à personne en ce moment... Enfin, presque personne.

Il se penche pour déposer un baiser sur le front de Magnus, qui ferme les yeux. En discutant avec les autres, il a pu apprendre que vingt-six jours se sont écoulés depuis le début de son coma, mais il n'a pas encore eu les détails de ce qui l'y a mis. Pour le moment, il n'a pas envie d'y penser, les souvenirs et la tristesse d'Alec emplissent encore sa tête. Et Alec a raison, tout va s'arranger maintenant.

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