Chapitre 20 : « Tu me fais surveiller ? »

La journée ne peut pas être pire que ça. À aucun moment, Alec ne peut imaginer que ça puisse empirer. Dans la matinée, les agents du FBI ont débarqué et pris en charge l'affaire de meurtres. Il a dû faire face à Aldertree et faire comme si de rien n'était pour ne pas créer de problème. Le plus terrible, c'est qu'il a demandé à ce que Jace et lui les aident, alors qu'ils ne connaissent pas les détails de l'affaire. Mais ils ne peuvent pas refuser, ils n'ont pas de raison de le faire.

Quoique non... Le pire, c'est peut-être de voir Aldertree et Raj s'entendre comme larrons en foire. Après la réunion du matin, les deux hommes ont tout de suite entamé une discussion à l'écart, sous le regard discret et mécontent d'Alec. Qu'ont-ils bien pu se dire ? Alec se méfie. Au fond de lui, il sait que ça n'augure rien de bon. Et puis leur entente prouve bien qu'il n'y en a pas un pour rattraper l'autre.

Alec soupire, pour la énième fois de la journée. Les heures passent beaucoup trop lentement, alors qu'il n'a qu'une envie, aller retrouver Magnus dès qu'il le peut. Il ne sait pas encore comment il va lui annoncer que son ex est en ville, surtout qu'il n'est même pas censé savoir qui est son ex. Mais il ne se sent pas capable de garder cette information pour lui plus longtemps, ça a déjà été assez difficile de le lui cacher tout le week-end.

— Tout va bien, Lightwood ? demande Underhill en s'approchant du brun, assis dans le vestiaire depuis une bonne quinzaine de minutes.

— Ouais. Super.

Il détourne les yeux. Il faut dire que depuis l'autre soir, il se sent un peu gêné face au blond et a fait en sorte de ne pas se retrouver seul avec lui jusque là. Andrew vient s'asseoir à côté de lui sur le banc.

— Des problèmes avec ton copain ? demande-t-il à voix basse.

— Non, non.

C'est un peu étrange de parler de Magnus avec Andrew alors qu'ils ne se sont jamais parlés de choses personnelles jusqu'à présent. Il décide de revenir sur un sujet où il se sent plus à l'aise.

— Tu sais si Raj connaît bien Aldertree ?

— Euh... Il me semble qu'ils étaient à Saint-Louis à la même période. C'était avant que Raj soit muté.

Alec fronce les sourcils, soudain très inquiet. Raj vient de Saint-Louis ? Comment est-il passé à côté de cette information ?

— J-juste avant d'arriver à New York ?

— Ouais, c'est ça.

— Et c'était quand, déjà ?

— Beh il est arrivé il y a six mois. Pourquoi ? Y a un problème ?

Raj vivait à Saint-Louis en même temps que Magnus aussi. Est-ce qu'ils se sont déjà rencontrés ? Peut-être pas, sinon Magnus l'aurait reconnu quand Raj a pris sa plainte. Mais peut-être que Victor lui a parlé de lui. Si Alec était parano, il se dirait que Raj a sans doute dit à Aldertree que Magnus est à New York. Cela expliquerait qu'il se soit porté volontaire.

— Hé, Alec !

L'interpellé sursaute alors qu'Underhill vient de poser une main sur son bras pour attirer son attention. Il se dégage doucement.

— Un problème ? redemande le blond.

— Non. Tout va bien. Je dois y aller.

Alec se relève. Il faut qu'il parle avec Jace. Avec un peu de chance, son ami réussira à le calmer et le ramener à la raison. Il repart vers les bureaux, à la recherche de l'autre blond. Alors qu'il est dans les escaliers, son portable se met à sonner. Le nom de son meilleur ami apparaît sur l'écran, il décroche aussitôt..

— Ta voiture. Maintenant.

Et le blond raccroche, mais Alec le connaît et se hâte de se rendre au parking. Il l'y trouve, à côté de sa voiture.

— Je t'expliquerai en route.

Alec obéit, ils s'installent dans la voiture et partent aussitôt en direction de Brooklyn. Jace a l'air plutôt agité, Alec le voit écrire sur son portable. Est-ce que Clary a des ennuis ?

— Dis-moi ce qu'il se passe, maintenant. Je vais où ?

— À l'appartement de Magnus.

— Pourquoi chez Magnus ?

Ses soupçons reviennent d'un coup, alors même qu'il essaie de se persuader que c'est n'importe quoi. Mais son coéquipier reste silencieux pendant de trop longues secondes, à chercher ses mots pour qu'Alec ne s'énerve pas trop et puisse continuer à conduire. Il aurait peut-être dû prendre le volant, mais c'était prendre le risque de se faire hurler dessus pendant tout le trajet parce qu'il n'allait pas assez vite.

— Clary m'a envoyé un message, juste avant que je t'appelle. S'il te plaît, essaie de rester calme.

— Est-ce que Magnus va bien ?

— Je... Honnêtement, j'en sais rien.

— Putain, Jace !

— C'est Aldertree. Il est allé le voir. J'imagine que si Clary a ressenti le besoin de nous prévenir, c'est que ça ne doit pas très bien se passer.

Alec doit ouvrir la fenêtre pour continuer à respirer. Il appuie plus fort sur l'accélérateur. Le trajet jusqu'à chez Magnus prend environ quinze minutes. C'est beaucoup trop long si ce connard est avec lui !

— Alec, doucement ! crie Jace en se tenant à la portière.

— C'est Raj, putain ! Je suis sûr que c'est Raj qui lui a donné son adresse !

— Tu débloques ? Qu'est-ce que Raj vient faire là-dedans ?

— Il vient de Saint-Louis !

Jace jure entre ses dents. Ok, ça suffit pour le rendre suspect, ce mec est un rat. Et c'est pas gentil pour les rats. En cours de trajet, il reçoit un nouveau message de Clary.

— Aldertree vient de partir.

Alec ne ralentit pas. Il n'est plus qu'à quelques minutes de l'appartement.

❖❖❖

— Magnus ?

Clary appelle son ami depuis l'entrée du salon. Depuis qu'Aldertree est parti, il est appuyé contre la porte, le visage caché et il ne lui répond pas. Elle n'ose pas s'approcher, elle voit qu'il est bouleversé mais elle ne sait pas quoi faire. Ce qui la rassure, c'est que Jace et Alec devraient arriver d'une minute à l'autre.

Des bruits de pas retentissent dans le couloir et on frappe à la porte. Un peu trop fort, car Magnus tressaille.

— Va-t'en !

— C'est moi, Magnus ! C'est Alec !

Il ouvre le verrou et s'écarte aussitôt, alors que la porte s'ouvre sur les deux policiers. Alec s'approche de Magnus qui se blottit contre lui, le brun referme ses bras puissants autour de son corps.

— Mags, ça va ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

Clairement, la deuxième question s'adresse à Clary, il lève les yeux vers elle. Elle secoue la tête, perdue, alors que Jace vient vers elle. Il lui prend la main pour la rassurer.

— Rien, Alexander. Ça va.

La voix de Magnus est légèrement étouffée, parce qu'il a le visage enfoui contre le cou de son amant. Ses bras serrent fort la taille d'Alec, ses mains s'agrippent à sa veste, dans son dos. Lui aussi, a besoin d'être rassuré. Il a eu peur que Victor revienne, comme il lui arrivait de le faire, quand il profitait que Magnus baisse sa garde. Pendant quelques minutes, il est revenu des mois en arrière, à guetter ce qui allait se passer. Et c'est éreintant.

Clary emmène Jace dans le salon, cette fois un peu plus sereine quant à laisser Magnus. Alec caresse le dos de Magnus, il attend qu'il soit prêt à parler. Mais après plusieurs minutes, le silence règne toujours alors il décide de commencer.

— Mags, bébé, murmure-t-il. Je sais qu'il s'est passé quelque chose. C'est Clary qui nous a dit de venir parce que ton ex était chez toi.

— Tu me fais surveiller ? demande Magnus, en essayant de donner un ton rieur à sa voix.

— J'ai même pas besoin, elle le fait toute seule. Mais, s'il te plaît, regarde-moi. Je dois t'avouer quelque chose.

Il n'a plus le choix. Maintenant que l'autre connard a débarqué chez Magnus, il doit lui dire ce qu'il sait. L'indonésien se redresse, perplexe, et Alec l'emmène dans la chambre. Il le fait asseoir sur le lit et prend place à côté de lui.

— Je sais pas comment te dire ça, j'espère que tu m'en voudras pas. Je... Je savais que ton ex devait venir à New York. Il est arrivé ce matin.

— Quoi ?

— L'enquête que ma mère a fait sur toi... J'ai lu son dossier après que tu m'as raconté ce que tu as vécu. Je voulais... Elle avait trouvé l'identité de ton ex et je voulais savoir qui c'était.

— Alexander.

— Excuse-moi, j'aurais dû te le demander directement mais ça me paraissait déplacé de t'en reparler.

— Plus déplacé que de chercher l'information dans mon dos ?

Alec se mord la lèvre. C'est vrai que dit comme ça, c'est vraiment pas glorieux. Mais il ne peut pas changer ce qui s'est passé.

— Je sais, c'est... C'était nul. C'était plus fort que moi, comme je savais que c'était un flic, j'avais peur que mon père le connaisse ou soit ami avec lui.

— Alors ? Verdict ?

— C'était mon instructeur quand je suis entré dans la police. Et celui de Jace aussi.

Magnus écarquille les yeux, tout aussi surpris qu'Alec lorsqu'il l'a découvert. Merde, le monde peut pas être si petit.

— Et comment tu savais qu'il serait à New York aujourd'hui ?

— Il fait partie du FBI et ils ont été appelés pour une histoire de meurtres qui ont eu lieu ici et à Philly. Je voulais te prévenir mais je ne savais pas comment.

— D'accord, attends. Ça fait beaucoup d'informations d'un coup.

Il monte une main à sa tempe. Beaucoup trop d'informations. L'idée que Victor soit à New York et qu'Alec doive le côtoyer, lui donne des nausées. Mais Victor ne doit pas savoir qu'Alec et lui se connaissent, ça pourrait vraiment mal se passer, il est tellement jaloux.

Il recommence à trembler. Pourtant il pensait être guéri de tout ça.

— Il y a autre chose, continue Alec, la voix hésitante. Tu te souviens de Raj ? Le connard qui a pris ta plainte l'autre fois.

— Un homme charmant, ironise Magnus. Comment pourrais-je l'oublier ?

— Il connaît Aldertree. Il vivait à Saint-Louis, jusqu'à il y a six mois. Est-ce que tu l'avais déjà vu ?

— Non. Je ne crois pas.

— Je pense qu'il a peut-être averti Aldertree que tu vis à New York. En fait, je voulais en parler avec Jace, avant que Clary lui envoie le message.

Les deux hommes se regardent, Magnus a l'air de porter un lourd fardeau sur les épaules. Alec l'embrasse avec tendresse et prend sa main pour qu'ils retournent dans le salon. Clary se lève et se jette dans les bras de Magnus, les larmes aux yeux.

— Je suis désolée, Magnus ! Si j'avais su qui était ce type, je t'aurais pas laissée tout seul avec lui !

— C'est moi qui t'ai demandé de nous laisser, Biscuit. Il est très jaloux et je ne voulais pas qu'il s'en prenne à toi.

Alec fronce les sourcils. Jaloux, c'est pas le mot. Contrôlant, possessif et complètement taré. Tout ça conviendrait bien mieux. Magnus pose ses mains sur les épaules de Clary pour l'écarter de lui.

— Écoute. Pendant qu'il est à New York, je ne veux pas que tu viennes ici, ou à la boutique.

— Mais il a dit qu'il reviendrait te voir !

— S'il te plaît, Clary. S'il vient, il vaut mieux... Il vaut mieux que je sois seul. A-Alexander, ce...

— C'est hors de question ! s'écrie Alec, comprenant déjà ce que son petit-ami va lui demander.

— Je suis désolé, mais je ne vous demande pas votre avis.

Les yeux noisette d'Alec s'assombrissent brusquement. Même Jace, derrière lui, se rend compte de son changement d'humeur instantané. La colère qu'il manifestait dans la voiture revient, démultipliée. Mais il se contrôle et, plutôt que de cracher tous les mots qui lui viennent, il tourne les talons et quitte l'appartement en claquant la porte derrière lui. Celle-ci rebondit, la laissant entrouverte sans que les autres ne s'en aperçoivent.

Le silence qui suit est tendu, Clary décide de le briser.

— D'accord, Magnus. Je vais continuer à m'occuper des commandes en ligne.

— Je te remercie.

— Mais tu ne devrais pas rester ici. Va chez Alec, ou chez Cat !

— Non, je ne veux pas créer de scandale chez les autres. Et puis, si je ne suis pas ici, il dévastera mon appartement et fouillera dans mes affaires. Je préfère autant que ça n'arrive pas.

— Seigneur... J'espère qu'il va vite partir.

— Si on trouve le tueur, il partira sans doute.

Clary et Magnus se tournent vers Jace, sa voix est pensive. Plus longtemps le FBI sera nécessaire ici, plus longtemps ils auront Aldertree dans les pattes. Maryse a peut-être raison, ils devraient peut-être demander l'aide de Magnus. Mais il a promis à Alec de ne pas le faire, il faut d'abord le convaincre de changer d'avis.

— Je suis d'accord avec Alec, finit-il par dire. Je ne suis pas sûr que te retrouver seul avec Aldertree soit une bonne idée. Surtout s'il a en tête de te récupérer.

— Tu crois que c'est ce que je veux ? rétorque Magnus, d'une voix sèche.

— Bien sûr que non ! C'est juste... Qui sait ce qu'il pourrait faire ?

— Crois-moi, il ne pourra pas me faire pire que ce qu'il a déjà fait. À part s'en prendre à ceux que j'aime.

Clary détourne le regard des yeux de Magnus qui laissent apercevoir, l'espace d'une seconde, le calvaire qu'il a été forcé de vivre. Elle n'ose même pas imaginer tout ce que cette simple phrase peut impliquer. Un bruit de coup résonne dans le couloir, Magnus soupire. Merde. Alec n'est pas parti, contrairement à ce qu'il pensait. Il le rejoint, d'un pas lent pour essayer de se recomposer une expression au moins neutre. Il s'appuie contre l'encadrement de la porte, bras croisé, dans une posture qu'il veut nonchalante.

— Frapper mon mur n'arrangera rien, tu le sais, non ? souffle-t-il.

— Je vais le tuer, gronde Alec.

— Certainement pas. Tu irais en prison et je serais seul. Comment tu veux tenir ta promesse, si tu n'es plus avec moi ?

Le brun lève enfin les yeux du mur qu'il a frappé un instant avant, son cœur lui fait foutrement mal. Ça le tue de savoir que Victor peut venir ici à tout moment et qu'à chaque fois, les blessures de Magnus vont se rouvrir un peu plus. Et ce qui inquiète plus le médium, c'est que son ex puisse s'en prendre à Alec, Clary, ou n'importe qui qui serait présent avec lui à ce moment-là.

— Et combien de temps ça va durer ? Combien de temps tu veux qu'on endure ça ?

— Si ça dure trop longtemps, je lui ferai entendre raison.

— Non. Non, je refuse.

— Alexander.

— M-moi aussi, je suis d'accord avec lui.

Derrière Magnus se tiennent Jace et Clary. La rouquine est, elle aussi, déterminée à ne pas laisser Magnus affronter seul son passé.

— Je comprends que tu aies peur pour nous, Magnus. Mais, et nous ? On ne peut pas avoir peur pour toi ?

Magnus laisse échapper un long soupir. Bien sûr qu'il comprend leur inquiétude, mais ils survivront à ça. Si le FBI est aussi efficace qu'il le prétend, ça devrait être rapide, l'histoire de quelques jours seulement. Victor sera occupé, il n'aura sûrement pas le temps de venir le voir plus d'une fois ou deux. Il survivra à ça, même en subissant ses insultes ou bien ses coups. Il survivra encore.

— Alec, commence Jace, rompant le silence qui s'installe. Je peux te parler, une minute ?

Sans lui laisser le temps de répondre, il part vers les escaliers et attrape Alec par la manche pour qu'il le suive. Clary et Magnus se regardent, surpris, et la jeune femme hausse simplement les épaules. Son petit-ami est difficile à suivre, parfois. Elle fait revenir Magnus dans l'appartement et le conduit jusque sur le canapé du salon avant de lui apporter un verre d'eau.

— Tu sais que tu trembles ?

— Ouais... Ça va passer.

C'est l'effet que fait Victor. Les tremblements sont légers, il espérait que personne ne le remarque. Mais si Clary l'a vu, c'est probablement le cas des policiers. Il prend le verre pour boire quelques gorgées, attendant avec un peu d'anxiété le retour des jeunes hommes.

La jeune femme s'approche de la fenêtre et les aperçoit, ils se sont éloignés. Un sourire caresse sa bouche, ça lui rappelle la première fois qu'ils sont venus à la boutique et qu'elle les a vu dans leur voiture, hésitants à sortir. Qu'est-ce qu'ils peuvent se dire ? Alec a l'air énervé encore. Elle se garde bien de raconter à Magnus ce qu'elle voit, surtout quand elle voit Alec donner un violent coup de pied dans une poubelle. Mais de quoi parlent-ils ?

La jeune femme sursaute en sentant soudain la présence de l'asiatique à son côté. En bas, les deux hommes reviennent vers le bâtiment.

— Tu m'as fait peur !

— Excuse-moi. Tu ne sais vraiment pas de quoi ils parlent ?

— Non. Mais je crois qu'ils nous ont caché quelque chose depuis plusieurs jours.

Magnus réfléchit. La douloureuse impression qui l'oppresse depuis cinq jours ne l'a pas quitté. Il se mord l'intérieur de la bouche alors que ses tremblements s'intensifient. Clary remarque son regard. Oh Seigneur, que va-t-il se passer encore ?

Les deux policiers arrivent dans le salon après quelques minutes, les deux autres se sont réinstallés sur le canapé et le fauteuil. Alec vient se laisser tomber à côté de Magnus et se passe une main sur le visage.

— Magnus, commence Jace. Il y a peut-être une solution pour que le FBI reparte vite, et Victor avec.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top