Chapitre 19 : « Il paraît que tu as rencontré ta belle-mère, hier ! »
Avec tendresse, Magnus pose ses mains sur les épaules de Clary et dépose un baiser sur son front alors qu'elle se met à rire.
— Je sais pas ce que je ferais sans toi, Biscuit !
— Avec ton charme, tu trouverais facilement une nouvelle assistante !
Il secoue la tête sans se départir de son sourire alors que le regard de la jeune femme ne quitte pas l'ordinateur posé sur la table basse. Lui, se recale contre le dossier du canapé, les yeux déjà fatigués de leur travail de la matinée.
Lundi est arrivé, et avec lui, la réalité et la nécessité de travailler. Sa journée a bien commencé, évidemment dans les bras d'Alec, chez le jeune homme où il a passé les trois derniers jours, puis il a reçu un appel de son assurance pour lui annoncer qu'il va pouvoir enfin faire refaire sa vitrine. Et en rentrant chez lui, il s'est rendu compte que Clary s'était occupée du site de la boutique tout le week-end pour valider des commandes qu'il vient d'aller expédier.
— Et puis j'aime ce boulot, reprend-elle en lui souriant.
— Vraiment ? Je ne vois pas bien ce qu'il y a de passionnant pourtant. J'ai toujours l'impression de te demander de faire mes corvées à ma place.
Elle le regarde finalement et aperçoit son air songeur. Même si ça fait plusieurs mois qu'ils travaillent ensemble, Clary vient de se rendre compte que Magnus est mal à l'aise de la traiter comme une employée, ce qu'elle est par ailleurs.
— Je paie ma dette, c'est normal, non ?
— Oui. Mon don est si précieux que tu me dois bien une vie entière de servitude !
Pourtant c'est Clary qui s'accroche à ce bout de papier qui les lie, incapable de laisser à nouveau Magnus seul même si, à présent, il a Alec. Mais quand elle l'a rencontré, il était seul et en était malheureux. Revenant à peine de New York, renouant difficilement avec ses amis, ses blessures étaient encore trop fraîches et pourtant il s'est donné entièrement pour l'aider, elle, une inconnue, à retrouver son frère, un inconnu également. S'il savait seulement ce qu'il représente pour elle !
La sonnerie de l'interphone retentit et les interrompt. Clary ferme les pages du navigateur et l'ordinateur dans la foulée, alors que Magnus se lève.
— C'est sans doute le livreur, dit-il. Je vais chercher notre repas.
— Parfait ! Je meurs de faim !
Elle le regarde sortir de l'appartement. Bon, peut-être vont-ils pouvoir avoir une vraie discussion maintenant ! Ils se sont peu vu, ces derniers temps, et c'est rare. En fait, depuis qu'ils ont travaillé à retrouver l'adolescent de Floride, elle ne l'a vu que le jeudi précédent. C'est avec joie qu'elle a remarqué qu'il semble si heureux avec Alec, mais elle s'est tellement inquiétée pour lui. Il n'a suffit que d'une journée, une journée sans nouvelle pour la mettre dans un état de panique qu'elle n'avait que rarement atteint jusque-là et se dire qu'il lui cache des choses importantes. Des choses importantes dont Alec est au courant. Sa réaction quand elle lui a dit que Magnus a passé quatre jours à utiliser son don était étrange. Une voix dans la tête de la jolie rousse essaie de l'alerter mais elle refuse de l'entendre. Si elle le fait et que c'était vrai, alors ça voudrait dire qu'elle a peut-être elle-même mis le médium en danger. Comment, elle n'en sait rien, mais elle sent qu'il y a quelque chose.
Magnus revient avec leur repas et ils se réinstallent sur la table basse pour déjeuner en parlant, d'abord, de leur emploi du temps de l'après-midi qui devrait se limiter à trouver une entreprise pour faire les travaux.
— Alors, il paraît que tu as rencontré ta belle-mère, hier ! Finit-elle par lancer avant de croquer dans un ravioli chinois.
— Oh Seigneur, t'es au courant de ça ?
Elle acquiesce en riant. Est-ce que quelqu'un ignore encore ce qui se passe dans sa vie ? Son adolescence avec Catarina et Ragnor était déjà délicate quand il sortait avec quelqu'un, mais avec Clary et Izzy en plus, ça devient compliqué de pouvoir dire quelque chose d'inédit à qui que ce soit !
◆◆ Flash Back ◆◆
Depuis plusieurs minutes déjà, il y a du bruit dans le salon. Magnus fronce les sourcils alors qu'Alec se redresse. Il attrape son téléphone pour regarder l'heure : 9 : 45.
— C'est pas bizarre que ta sœur soit déjà levée ? marmonne-t-il.
Ils se sont couchés tard, la veille, car ils ont décidé de regarder Le Seigneur des Anneaux, les trois films en version longue, et s'y sont mis à dix-huit heures environ. Bien sûr, l'idée est venue de Simon, et Izzy a défié son frère, un peu réticent, de réussir à rester concentré sur les films aussi longtemps. Ce qu'elle a sous-entendu, ce n'est pas qu'il ne puisse pas rester concentré tout court, mais concentré alors que Magnus est à côté de lui. Le souvenir fait sourire l'indonésien.
— Si. Surtout qu'ils ne se sont pas endormis tout de suite, grogne Alec.
— Ah ? Dire qu'on s'est retenus parce qu'elle s'est plaint que l'insonorisation est mauvaise ! Plusieurs fois !
— T'as rien entendu ?
— Non. Je dormais déjà pendant la dernière heure du dernier film ! Mais pour ma défense, une certaine personne m'a réveillé tôt hier matin.
Il adresse un sourire taquin à Alec qui rougit à l'évocation des câlins qu'ils ont fait la veille quand ils étaient encore juste tous les deux dans l'appartement.
Les bruits dans l'appartement recommencent, comme si quelqu'un s'affairait dans la cuisine. Ce qui ne ressemble pas à Izzy du tout. Alec se lève et enfile un pantalon en toile en disant à Magnus de ne pas bouger.
— Maman ? entend Magnus quelques instants plus tard.
— Bonjour mon chéri !
Magnus se redresse d'un coup. Est-ce que la mère d'Alec et Izzy est vraiment là, un dimanche matin ? Si ça avait été prévu, Alec l'aurait prévenu. Et de ce qu'il en sait, ça n'a pas l'air d'être une habitude de sa part de débarquer chez ses enfants sans prévenir. Sinon Alec ne l'aurait sans doute pas invité tout de suite.
Il écoute attentivement. Malgré la porte fermée, il entend plutôt bien leurs voix alors qu'Alec a l'air de faire en sorte de parler bas. C'est vrai que l'insonorisation est mauvaise !
— Je suis venue prendre le petit-déjeuner avec vous ! Ça ne te fait pas plaisir ?
— ... Comment tu sais qu'il est là ?
« Il » ? Avec un petit peu de chance, leur mère est inquiète de qui peut être le petit-ami de sa fille ?
— Je t'ai entendu en parler avec Jace. C'est normal que j'aie envie de rencontrer ton petit-ami !
Merde. Pour répondre, Alec baisse encore un peu la voix, mais Magnus l'entend encore. Très mauvaise !
— Je sais que ce n'est pas que ça. Je t'ai déjà dit que je ne voulais pas qu'on lui en parle.
— Tu ne crois pas qu'il est en droit de savoir que...
— Stop.
« Que » quoi ? La curiosité de Magnus le pousserait presque à se lever pour s'approcher de la porte. Mais si Alec arrive et le trouve là, il pourrait mal le prendre. Il se laisse donc retomber en arrière sur le lit et soupire.
Après quelques minutes, Alec le rejoint et s'assoit au bord du lit.
— Ma mère est là, commence-t-il, hésitant. Elle a envie de te rencontrer. Ça t'embête ?
— Tu as envie que je la rencontre ?
— Oui, je crois. Et je t'assure que mon appréhension ne tient pas à toi, mais à elle.
— D'accord, rit Magnus en s'asseyant à nouveau. Ça ne m'embête pas.
Le fait qu'Alec ait envie de le présenter à sa mère provoque une envolée de papillons dans son ventre. Il glisse un main derrière la nuque du brun pour le rapprocher et l'embrasser.
— Est-ce que j'ai au moins le temps de prendre une douche pour me rendre présentable ?
— Tu es parfait comme ça.
— Oh tu es adorable. Mais non.
Il réussit enfin à arracher un rire à Alec qui hoche la tête pour le laisser aller se préparer. Il fait de son mieux en vingt minutes puis rejoint Alec et sa mère dans la cuisine. Alec est le premier à se rendre compte de sa présence et se retourne avant même qu'il n'entre dans la pièce, puis il s'approche de lui pour passer un bras autour de sa taille. Maryse se tourne à son tour pour regarder l'indonésien. Elle sourcille légèrement en voyant ses cheveux relevés ornés d'une mèche bleue et le trait de crayon qui souligne le regard chocolat, mais elle lui tend poliment la main.
— Vous devez être Magnus. Enchantée, je suis Maryse, la mère d'Alec.
— E-enchanté, également.
Il lui adresse son sourire le plus doux en lui serrant la main et même elle ne peut y résister. Avant qu'ils puissent se mettre à discuter, Alec demande à Magnus d'aller réveiller sa sœur. Ça surprend un peu le médium, mais soit, il va frapper à la porte de la cadette.
Un peu plus tard, ils sont tous les cinq autour de la table de la cuisine. Simon et Izzy sont gênés, mais Alec est content d'avoir sa vengeance. Maryse, elle-même, ne s'attendait pas à rencontrer quelqu'un d'autre ce matin, mais après tout c'est elle qui est venue sans les avertir. Le petit-déjeuner se passe calmement, pas de scandale, juste un peu de gêne quand Maryse raconte des anecdotes embarrassantes sur ses enfants qui lui attirent des « Maman ! » outrés.
◆◆◆◆
Magnus raconte la matinée à Clary avec assez de détails pour satisfaire sa curiosité, pour une fois. Cela dit, ça lui fait du bien d'en parler et d'évoquer la conversation entre Alec et sa mère puisqu'il n'a pas osé en parler à l'intéressé. Pourtant, ils semblaient parler de lui, ça aurait été légitime de demander. Ceci dit, si c'était quelque chose d'important, Alec ne le lui cacherait sans doute pas. Il a confiance en lui.
— Il t'en parlera sûrement quand ce sera le moment. Sinon, rien ne t'empêche de l'interroger directement.
— Sans doute.
Il se masse la tempe, indécis. C'est vrai que le plus simple serait de lui en parler, plutôt que de se faire des scénarios improbables tout seul. La communication est quand même le meilleur moyen de démêler les choses. Tout comme ils l'avaient fait l'autre soir, dans la voiture, avant de... Hm.
— À quoi tu penses ? demande soudain Clary. T'es tout rouge.
— Non, rien !
Après le repas, Clary reprend l'ordinateur alors que Magnus commence à passer les coups de téléphone prévus. La petite rousse l'observe, il charme, il négocie, il lève les yeux au ciel, beaucoup. C'est toujours drôle de le voir communiquer avec des personnes qu'il n'apprécie pas. Et il se fait généralement vite une idée de ceux qu'il apprécie ou pas. L'unique erreur de son jugement – en tout cas pour ce qu'elle en sait – se trouve être Alec. Quoiqu'il l'ait tout de suite trouvé très séduisant.
Il lui faut environ une heure et demie avant de s'affaler sur le canapé, le rendez-vous est pris pour la fin de semaine. Avec un peu de chance, dans dix jours ils pourront rouvrir la boutique.
— Qu'est-ce que tu regardes ? demande-t-il à Clary, concentrée sur l'écran.
— Il y a eu des meurtres, à New York.
— Tu sais Biscuit, c'est malheureusement pas très étonnant.
— Non mais, écoute.
Elle lit quelques détails d'un article qui date du week-end et explique que plusieurs meurtres ont été commis, similaires, à New York mais aussi à Philadelphie. Les deux en sont assez mal à l'aise.
— C'est monstrueux, souffle la jeune femme. Qui peut faire des choses pareilles ?
— Je suis d'accord, c'est à peine concevable.
— J'espère qu'ils l'attraperont vite.
Alors qu'il s'apprête à répondre, des coups sont frappés à la porte. Magnus hausse un sourcil. Qui ça peut bien être ? Vu l'heure, ça ne peut pas être Alec ni un de ses amis, tout le monde est au travail. Les coups recommencent après quelques secondes. Il se lève donc, intrigué. Il ne prend pas la peine de regarder par le judas, car la personne frappe déjà une troisième salve de coups. Il ouvre et se fige.
— Oh Magnus, ça fait si longtemps !
L'homme s'avance d'un pas pour prendre Magnus dans ses bras, mais le médium recule aussitôt en levant une main devant lui pour garder ses distances. En face de lui, son ex le regarde avec un grand sourire et Magnus ne comprend pas. Pourquoi est-il là ? Et comment peut-il se trouver chez lui ? Comment l'a-t-il trouvé ? Et pourquoi, bon Dieu ? Pourquoi !?
Clary arrive derrière et sent aussitôt le malaise de Magnus. Elle s'approche, souriant au beau métis en costume sur le pas de la porte. Il a quelques années de plus que Magnus, ça se voit, mais il est séduisant et très classe. Le regard de l'homme se pose sur elle et il fronce imperceptiblement les sourcils, mécontent de découvrir quelqu'un chez l'indonésien.
— Bonjour ! Je suis Clary, une amie de Magnus !
Polie, elle tend une main vers lui, mais il reste sans bouger et répond d'une voix plus sèche.
— Victor Aldertree.
— C'est un... Un ancien ami de Saint-Louis, explique Magnus en se tournant vers elle.
Elle hausse les sourcils, la voix de son patron est différente. Plus faible, comme s'il avait du mal à parler. Et puis, un détail lui revient en tête. Clary ne connaît pas toute l'histoire mais Catarina lui a expliqué que Magnus a déménagé à cause d'un ex avec qui ça ne s'était pas très bien fini. Impossible que cet homme soit simplement un « ami ».
— Tu peux nous laisser discuter, s'il te plaît ? lui demande-t-il en esquissant un pâle sourire.
— Bien sûr.
Elle salue l'homme d'un signe de tête et repart dans le salon, anxieuse. Quand Magnus se retourne vers Victor, celui-ci est entré et referme la porte derrière lui. Il doit à nouveau reculer pour s'éloigner de lui. Bien sûr qu'il est entré sans attendre d'y être invité ! Il aurait dû lui claquer la porte au visage et le laisser tambouriner à la porte jusqu'à ce qu'il se lasse et parte.
Maintenant qu'ils sont seuls, le visage de Victor se détend à nouveau. Il porte une main au visage de Magnus qui la repousse vivement.
— Qu'est-ce que tu fais ici, Victor ?
— Je suis à New York pour le travail, alors je me suis dit que je pouvais passer te voir. Ça ne te fait pas plaisir ?
La bouche de Magnus s'entrouvre sous le choc. Est-ce qu'il est vraiment en train de lui demander ça ? Bordel, pourquoi faut-il qu'il soit venu quand Clary est là et qu'il n'ose pas en dire trop ? Aldertree profite de sa stupéfaction pour franchir la distance que Magnus gardait entre eux et il le prend dans ses bras. Bois de santal. Le médium a toujours la même délicieuse odeur.
— Je sais que ça ne s'est pas très bien passé, la dernière fois qu'on s'est vus. Mais je regrette, tu sais ?
— Tu regrettes ? Ah, vraiment ?
Le corps de Magnus commence à trembler, autant de peur que de colère. Il essaie de repousser Victor qui resserre son étreinte et plaque ses immenses mains dans son dos.
— Lâche-moi, Victor ! grogne le médium.
— S'il te plaît, Magnus. Tu me manques. C'est pour ça que je suis venu !
— Tais-toi, ça suffit ! Tu ne me manques pas, à moi !
Victor le lâche enfin, il fronce clairement les sourcils cette fois. Son regard s'éloigne vers le salon, où Clary a disparu.
— C'est à cause de cette...
— Fais attention à ce que tu dis, le coupe Magnus. Clary est mon assistante. Et mon amie.
— Alors tu n'as personne en ce moment ?
— Ça ne te regarde pas !
L'asiatique s'éloigne à nouveau de quelques pas, il a besoin de s'éloigner de lui, même si ça lui donne l'opportunité d'avancer un peu plus dans son appartement. Il ne faut pas qu'il le laisse s'attarder.
— Je sais que je n'ai pas le droit de te questionner là-dessus, mais...
— Non, effectivement ! l'interrompt Magnus, encore une fois. Et maintenant, je veux que tu t'en ailles !
— Pardon ?
La voix rendue grave par la colère, l'homme s'approche de Magnus et l'attrape par le bras pour le ramener contre son torse. Avec surprise, il croise le regard déterminé de son ancien amour. Il avait tant l'habitude de le voir baisser les yeux, surtout les derniers mois de leur idylle. Le voir lui tenir tête a quelque chose... D'excitant. Il serre plus fort ses doigts et le lâche après s'être perdu quelques secondes dans ce regard fier et tempétueux.
— Je reste quelques jours à New York. On aura l'occasion de se revoir, ne t'en fais pas.
Victor le dit sur le ton de la promesse, pour Magnus c'est presque une menace. Il tourne les talons et repart comme il est venu. Par un réflexe induit par l'expérience, l'indonésien se jette sur la porte pour fermer le verrou. Des larmes contre lesquelles il lutte embuent ses yeux, il ne peut pas craquer. Pas alors que Clary est juste à côté. Pas à cause de lui.
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