Chapitre 11 : « Je ne te savais pas jaloux. »
— Sérieux ? Déjà ?
Clary pouffe de rire en voyant le message que son meilleur ami a envoyé à Isabelle. Il ne lui a demandé son numéro que quelques heures plus tôt et elle pensait qu'il lui faudrait quelques jours pour trouver le courage de la contacter, elle ne le connaissait pas aussi entreprenant.
— Ça t'embête pas, hein ? demande Izzy.
— Pas du tout ! Vous étiez mignons ensemble, l'autre soir.
Izzy rougit, un peu gênée. Mais elle est contente que Simon ait pris les devants, bien qu'elle aussi songeait à demander son numéro à la rouquine. Elle repose son téléphone et soupire.
— Tu gardes ça pour toi, mais ça va me faire du bien de sortir de l'appartement un peu.
— Pourquoi ? Ça va pas avec Alec ?
— C'est Alec qui va pas. Magnus ne répond pas à ses messages, ni aux miens. J'ai demandé à Alec de ne pas aller directement chez lui, parce que Catarina m'a dit qu'il avait besoin d'être seul.
Clary hoche doucement la tête mais elle se mord la bouche. Elle, elle a des nouvelles de Magnus, parce qu'elle est encore passée chez lui ce matin pour lui apporter de quoi manger. Elle s'inquiète un peu, ça fait trois jours que ça dure, et même si elle ne le voit pas directement, il lui laisse des petits mots pour dire, entre autres, qu'il va bien.
— Quoi ? demande Izzy d'un air suspicieux. Tu sais quelque chose, n'est-ce pas ?
— Rah oui ! Mais cette fois, c'est à toi de le garder pour toi. Ton frère ne doit pas savoir, Magnus a été très clair là-dessus.
— Euh, d'accord, mais dépêches-toi avant que je me fasse des films !
— T'en fais pas c'est juste... Une autre disparition.
Izzy entrouvre la bouche, surprise. Elle ne s'attendait pas à ça. En même temps, si Magnus arrive à s'occuper de ça, c'est qu'il ne doit pas aller si mal. Ça la rassure, mais pourquoi Alec ne doit pas savoir ?
Elle écoute Clary lui expliquer que, trois jours avant, un couple s'est présenté à l'appartement de Magnus. Depuis un mois, ils sont à la recherche de leur fils de quinze ans, qui a fugué. La police a fait des recherches mais le temps passe et tout ce qu'ils ont dit aux parents qu'ils devaient être patients, que leur fils se cachait peut-être pour ne pas être trouvé. Comme toujours, Magnus a accepté et donc, depuis trois jours, il cherche. Mais ils sont originaires de Floride et c'est un endroit qu'il ne connaît pas, alors Clary l'aide de son mieux en faisant des recherches sur certains détails qu'il lui demande d'éclaircir.
— Il n'est pas trop fatigué après trois jours ?
— Je sais pas. Mais ça lui a pris près de deux semaines pour retrouver Jonathan, mon frère, alors je ne m'inquiète pas. Enfin si, un petit peu, mais s'il y avait des risques il m'en aurait parlé.
Izzy acquiesce, pensive. Clary a l'habitude de travailler avec lui, et puis il a passé des années à travailler seul, il n'y a sans doute pas de souci à se faire pour lui.
— Tu sais depuis combien de temps il fait ce genre de choses ? interroge finalement la brune, curieuse.
— Il avait dix-neuf ans quand il a commencé, je crois.
— C'est jeune. Il n'a pas fait d'études ?
— D'après Catarina, il est parti de New York dès qu'il a eu dix-huit ans, à cause de son père. Il a trouvé un emploi dans une boutique d'ésotérisme et, quelques années après, il a ouvert la sienne à San Francisco.
C'est quand même étrange qu'il ait déjà eu plusieurs boutiques, Izzy se demande pourquoi il a fermé les anciennes. Et s'il compte rester à New York définitivement ou s'il partira un jour en brisant le cœur de son frère. À moins qu'il ne parte à cause de son imbécile de frère.
Une fois leur déjeuner terminé, les deux amies se séparent. Izzy retourne au poste tandis que la rousse prend la direction de son appartement pour se remettre au travail. Elle observe le papier que son patron lui a laissé et se mord la lèvre. Il y a une tâche sur le coin qui ressemble à du sang. Elle s'arrête de marcher et se retourne, dans l'espoir de voir Izzy pour lui demander son avis, mais son amie a déjà disparu. Clary soupire. Magnus lui reproche toujours de trop s'inquiéter et elle n'a pas envie de l'embêter pour rien. L'appréhension commence à la gagner, mais elle essaie de se convaincre que ce n'est rien.
❖❖❖
La journée s'achève et Alec remonte de la salle d'entraînement où il a pu extérioriser inquiétude et frustration. Il a toujours le cœur lourd mais, maintenant, ses bras le sont aussi. En entrant dans le vestiaire pour aller se changer, il entend les voix de Raj et d'Andrew.
— Tu ne trouves pas ça bizarre, toi ? commence Underhill.
— J'imagine qu'elle a trouvé quelques irrégularités dans le dossier de ce dégénéré et a voulu se renseigner davantage.
— Et elle le fait elle-même ?
— Pourquoi tu te prends la tête ? Tu vas pas me dire que toi aussi tu fantasmes sur ce Bane.
— Pourquoi « moi aussi » ? C'est ton cas ?
— Ah beurk ! répond aussitôt Raj. N'importe quoi !
Ils ressortent sans même avoir vu Alec, qui soupire de soulagement. Ceci dit, il aurait préféré ne pas entendre cette conversation et imaginer que Raj puisse être attiré par Magnus. Enfin bien sûr qu'il devrait l'être – comment seulement lui résister ? – mais rien que l'idée que Raj pose ses sales mains sur son bel indonésien lui donne des frissons d'horreur. Les premières paroles de cet abruti lui reviennent en tête. Qui fait des recherches sur Magnus ?
Il enfile son sweatshirt et repart vers le bureau de sa mère. Est-ce qu'il oserait lui poser directement la question ? Il n'a pas l'occasion d'y réfléchir car, quand il passe devant le bureau, il l'entend parler. La porte est entrouverte, il s'appuie au mur et tend l'oreille.
— À Saint-Louis, tu dis ? demande sa mère.
— Oui, c'est là que Hodge avait été promu.
Alec sursaute. C'est la voix de Luke, ça ? Lucian Garroway est un détective privé basé dans le Bronx. C'était un ami de ses parents jusqu'à ce que son père et lui se brouillent, mais il n'avait aucune idée que sa mère continuait à lui parler. Même par téléphone.
— Je ne suis pas certain du nom et c'était il y a un moment, mais il m'a raconté qu'un des officiers voyait secrètement un homme qui tenait un magasin d'ésotérisme. Apparemment, il s'est retrouvé impliqué dans deux ou trois enquêtes liées à des disparitions.
— Comment ça « impliqué » ?
— Il a donné un coup de main. Ce serait une sorte de médium.
— Pourquoi on n'en a pas entendu parler ?
— Les informations sont restées sur Saint-Louis, tu penses ! La hiérarchie a décidé d'effacer toute trace de cet homme des rapports, il a été remplacé par des « informateurs anonymes ».
— Tiens donc.
Merde. Mais pourquoi sa mère a-t-elle ressenti le besoin de faire des recherches sur Magnus ?
— Et donc il sortait avec un officier, reprend Maryse, d'un ton désapprobateur, se disant que Magnus a peut-être un type d'homme.
— Ouais. Un sacré connard, si tu veux mon avis. Manipulateur, violent et marié.
— Pardon ?
— Et, toujours d'après Hodge, ça n'a duré que quelques mois. L'homme a été obligé de quitter Saint-Louis parce que l'officier le harcelait après leur rupture.
— Hodge en a déjà parlé à Robert ?
— Parlé d'un couple adultère et gay ? Non, il s'en est bien gardé ! Pour Robert, l'officier en question est toujours un des meilleurs éléments de l'état.
Incapable d'en entendre plus, Alec pousse la porte. Sa mère pousse un cri de surprise en le voyant entrer et elle se dépêche de mettre fin à sa conversation avec Lucian. Le silence s'installe entre la mère et le fils pendant une bonne minute. Il attend de voir si elle va en parler ou faire comme s'il n'avait rien entendu d'important.
— Je suis ta mère, je veux savoir qui tu fréquentes, se défend-elle. Même si c'est un homme.
— Je fréquente personne, Maman, soupire-t-il. C'est pas comme ça entre lui et moi.
Il aimerait. Il aimerait même que ce soit plus que ça mais depuis la dernière fois et les appels non répondus, il ne se fait plus d'idée. En plus, si ce que sa mère et Luke ont dit est vrai, il se sent encore plus mal qu'avant quant à son comportement.
Maryse fronce les sourcils, mais elle comprend qu'elle ne doit pas demander plus de détails.
— J'avais des doutes quand vous m'avez parlé d'informateur anonyme, Jace et toi. C'est Magnus qui a retrouvé cette petite ?
— Ouais. Mais il n'aime pas les flics alors il était réticent. Je l'étais aussi, je voulais pas que tu apprennes qu'on était allé demander de l'aide à un extralucide.
— C'est une idée d'Izzy ?
— Oui. Elle était là quand on a parlé à la mère et elle lui a parlé de Magnus. Alors la mère a voulu tenter sa chance.
Maryse hoche la tête, compréhensive. Bien qu'étant dans la police, si un de ses enfants disparaissait et qu'elle n'avait dans ses mains aucun moyen de le trouver, elle se tournerait vers toutes les solutions possibles. Même un médium. Un petit sourire amusé se glisse sur ses lèvres.
— Tu pensais que je ne découvrirais pas la vérité ? Tu sous-estimes ta mère.
— J'imagine que s'il n'avait pas été agressé, tu ne l'aurais pas eu sous les yeux tout de suite.
— C'est possible.
— Tu penses toujours qu'il recherche les drames ?
— Peut-être que certaines personnes n'ont juste pas de chance.
Alec hausse les sourcils, surpris par la réponse de sa mère qui baisse les yeux sur ses mains. Elle semble touchée par ce qu'elle a appris du passé de l'indonésien. Alec se rappelle que son père n'a pas toujours été violent que dans ses paroles. Peut-être a-t-il frappé sa mère, loin du regard des enfants. Peut-être est-ce pour cela qu'ils ne vivent plus ensemble. Maryse voit la colère apparaître dans les yeux de son fils, elle décide de poursuivre.
— J'ai réfléchi à... Aux choses que tu nous reproches d'avoir dit, souvent. Tu as raison. J'ai beaucoup de préjugés, j'ai cru que je vous protégeais. Je me suis trompée et je suis profondément désolée de t'avoir blessé.
— Merci.
— Je vais essayer de m'améliorer. C'est promis.
Elle esquisse un sourire que son fils lui rend. Il ne s'attendait pas à des excuses pour ça, mais il est content qu'elle l'ait fait, qu'elle avoue s'être trompé. Il sait que ça l'aidera à avancer. Il se relève, il a envie de rentrer chez lui. Ils s'enlacent avant qu'il ne quitte enfin le bureau.
Quand Alec arrive à son appartement, sa sœur est déjà là, installée sur le canapé, son téléphone dans les mains et un étrange sourire sur les lèvres. Pour le moment, il l'ignore et préfère aller se doucher. Il a besoin de réfléchir avant de raconter à Izzy ce qu'il s'est passé avec leur mère. Il a aussi besoin de faire de l'ordre dans ce qu'il a appris sur le médium. Vu son animosité envers les policiers, Alec n'aurait pas imaginé qu'il ait pu sortir avec l'un d'eux dans le passé. Enfin, ceci explique sans doute cela.
Est-ce que ce mec le frappait ? Et ensuite il l'a harcelé, c'est ce que Luke a dit ? Magnus a l'air tellement sûr de lui, c'est difficile de penser qu'il a pu se retrouver dans ce genre de situation. Idiot. Alec soupire, l'eau qui tombe sur ses épaules semble peser une tonne et il se sent écrasé par le poids de ses pensées. Il est idiot, il continue de se limiter à ce Magnus veut que les autres voient de lui. Pourtant il en a vu plus. Il sait que Magnus peut être aussi vulnérable que n'importe qui. Il n'a peut-être pas eu de chance dans sa vie mais Alec se promet de ne pas être un regret de plus.
— À qui envoies-tu des messages depuis tout à l'heure ? demande-t-il à sa sœur quand il revient dans le salon où elle n'a pas bougé d'un pouce.
— Oh euh... À Simon.
Il lui faut quelques secondes pour remettre un visage sur ce prénom. Ah oui, le geek. Alors ils ont vraiment accrochés. Alec ne savait même pas qu'ils avaient échangé leurs numéros.
— Vous vous écrivez depuis longtemps ? Continue-t-il, curieux et protecteur.
— Non. Clary lui a donné mon numéro ce matin. J'ai mangé avec elle, s'empresse-t-elle d'ajouter avant qu'il ne pose la question.
— D'accord. Elle t'a donné des nouvelles de Magnus ?
— Oui. Et il va bien. Il ne sort pas de chez lui mais elle va le voir tous les jours.
— Je croyais qu'il avait besoin d'être seul.
— Mais... T'es sérieux ? Je te rappelle qu'ils travaillent ensemble. J'imagine que les ventes par internet fonctionnent toujours même si la boutique est fermée.
Elle se retient de soupirer. Elle n'a jamais été aussi vive pour trouver une excuse. Même si elle ne sait pas pourquoi Alec ne doit pas savoir, elle n'a pas envie d'aller contre les demandes de Magnus. Avec un peu de chance, quand le garçon sera retrouvé, il demandera à Alec de venir le voir. Il faut qu'ils se parlent.
Le policier vient s'asseoir à côté de sa sœur et pose son regard sur la série qu'elle regarde. Elle repose son téléphone et ils se concentrent tous les deux sur l'écran. Enfin, ils font plutôt semblant, et après plusieurs minutes à chercher ses mots, Alec se lance.
— Tu te souviens de Luke ?
— L'ami de nos parents quand on était gamins ? Un peu, pourquoi ?
— Maman était au téléphone avec lui tout à l'heure. J'ai surpris leur conversation, ils parlaient de Magnus.
— Hein ? Pourquoi ?
Izzy se tourne vers son frère, les yeux écarquillés, et il lui fait le résumé de ce qu'il a entendu, ainsi que de sa conversation avec leur mère. Elle est tout aussi surprise que son frère d'apprendre que Magnus a vécu ce type de relation, mais elle comprend soudain mieux pourquoi Catarina se montre aussi protectrice envers lui. S'il vivait ça alors qu'elle n'était même pas près de lui pour le soutenir, même en ne la connaissant que peu, Izzy se dit qu'elle a dû beaucoup s'en vouloir.
— J'en reviens pas que Maman fasse des recherches sur Magnus, comme si c'était un délinquant.
— Peut-être, mais je crois que ça lui a fait changer d'avis sur lui.
— Au moins, ça va peut-être pouvoir t'aider.
— M'aider ? Comment ça pourrait m'aider ?
— Beh si Maman te soutient, peut-être que tu arrêteras de dire à Magnus les horreurs que tu as peur qu'on te dise à toi.
Cette fois, c'est Alec qui écarquille les yeux. De quoi Izzy est-elle en train de l'accuser ? Est-ce ce qu'il fait ? Elle reste silencieuse et il ne dit rien de plus. Il souffle encore avant de se détourner à nouveau vers la télévision. Cette journée est de pire en pire. Et en prime, un des personnages sur l'écran le fait penser à Raj. Il grogne en repensant à la conversation qu'il a surprise dans le vestiaire.
— Tu crois que Raj pourrait être intéressé par Magnus ? demande-t-il.
— Ah oui, carrément !
Isabelle éclate de rire devant le regard choqué de son frère. Comment peut-il ne pas remarquer des choses aussi basiques ?
— Il serait gay ? Non, j'y crois pas !
— J'en sais rien. C'est peut-être juste Magnus. Je crois qu'il est du genre à rendre confus un peu tout le monde.
— De quoi tu parles ?
Les rires d'Izzy repartent, ainsi que les frissons d'horreur sur la peau d'Alec.
— Je ne te savais pas jaloux, grand frère !
— Je ne le suis pas. C'est juste que Raj est une ordure.
— Ouais, c'est ça. De toute façon, il aurait aucune chance avec Magnus, ne t'inquiète pas pour ça.
— Qu'est-ce que tu en sais ?
— J'en sais que... Hm... Il a l'air de beaucoup t'apprécier. Et si t'arrêtais de faire n'importe quoi deux secondes, tu pourrais lui montrer que c'est réciproque.
Elle détourne les yeux avec un sourire énigmatique aux lèvres. Une fois de plus, Alec a l'impression qu'elle lui cache des choses et il n'aime pas ça. D'autant que ça concerne Magnus et que, pour l'instant, il est rongé par l'inquiétude. S'il n'était pas certain que l'extralucide le laisserait attendre indéfiniment devant chez lui et s'il pensait qu'il avait une chance de pouvoir lui parler, il s'y rendrait tout de suite. Mais en ce moment, il est peut-être la dernière personne que Magnus veut voir.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top