Chapitre 8 : « Je m'inquiète seulement pour toi. »
— Donc tu as réussi à établir un lien avec lui ? demande Alec, en rejoignant son homme.
Le trajet en voiture a été très silencieux, dans la mesure où Magnus était à moitié conscient. Il s'est repris quand ils sont arrivés, faisant de son mieux pour ne pas inquiéter davantage Alec. Le brun a donc gardé pour lui ses interrogations et préféré attendre que le médium se sente mieux. Mais celui-ci a tout de suite filé dans la salle de bain pour se nettoyer le visage et changer de chemise, puisque celle qu'il porte est à présent tâchée.
— Je devrais porter plus de noir, souffle-t-il simplement. Ça m'éviterait de me demander si je vais pouvoir sauver mes vêtements...
L'indonésien se tourne pour appuyer sa hanche contre le lavabo et commence à débouter sa chemise bleue. Arrivé au milieu du vêtement, il le retire en le passant par-dessus sa tête et le balance dans un coin en grognant :
— Je l'aimais bien, celle-là, pourtant...
Alec reste silencieux, il essaie de ne pas se laisser distraire par le torse nu de son fiancé et les muscles fermes qui roulent sous sa peau, ce qui aurait été plus simple si ça ne faisait pas si longtemps qu'ils ne se touchaient plus. Après quelques secondes, il secoue la tête :
— S'il te plaît, Mags, peux-tu répondre à ma question ? Ou au moins me dire combien de temps tu comptes garder l'information pour toi ?
— Oh, pas plus de cinq heures, si je me fie à l'heure à laquelle tu as reçu le mail de Jace, et celle à laquelle je l'ai lu.
Ah d'accord. Le détective souffle longuement. Il aurait dû savoir que Magnus ne prendrait pas bien le fait qu'il l'ait tenu à l'écart du dossier et, même s'il avait ses raisons, il est évident qu'elles ne pouvaient pas lui convenir. Peu importe son besoin de le protéger, de l'empêcher de prendre des risques inconsidérés avec sa santé... Ce n'est pas ça dont Magnus a besoin.
— Excuse-moi, j'ai hésité à t'appeler. Mais entre cette histoire et...
— Et quoi ? insiste l'aîné devant ses réticences à parler de leur situation. Le fait qu'on ne se parle quasiment plus depuis des semaines ?
C'est assez désagréable pour lui de se rendre compte que ses fausses accusations lors de leur fausse thérapie sont devenues vraies aussi vite. Agacé, Magnus passe près d'Alec pour sortir de la salle de bain mais le brun place son bras en travers de la porte ouverte pour le retenir.
— Pardon, bébé. J'aurais dû te le dire, j'aurais dû t'appeler sans attendre et sans y réfléchir. Je voulais pas qu'il arrive ce qui est arrivé... Mais si je t'avais prévenu tu l'aurais fait à la boutique, avec Dot pour te surveiller.
— Je suis pas un gamin, Alec, j'ai pas besoin qu'on me surveille !
— Non, je sais. C'est pas ce que je voulais dire...
La main d'Alec vient chercher celle de Magnus qu'il caresse timidement. Comme l'indonésien ne s'écarte pas, le brun laisse ses doigts remonter le long de la peau caramel jusqu'à son épaule. Il voit, avec une certaine satisfaction, son fiancé frissonner sous sa caresse. Il continue, laissant sa main redescendre sur le torse nu de Magnus, jusqu'à sa taille. Le médium réprime un léger sursaut quand les doigts d'Alec se resserrent sur sa peau.
— Je m'inquiète seulement pour toi, grogne presque Alec en ne quittant plus des yeux le corps superbe devant lui.
Malheureusement, une sonnerie de portable résonne dans la pièce et Alec se rappelle qu'il a oublié de rappeler Dot pour la prévenir que tout va bien. Il s'écarte en attrapant son téléphone, il constate que c'est bien elle.
— Je vais rassurer Dot. Reste pas comme ça, tu risques d'attraper froid.
Sur ces mots, il ressort de la salle de bain. Magnus soupire, il aurait aimé que cet instant ne soit pas si brutalement interrompu et, il l'admet, se sent un peu vexé qu'Alec ait préféré répondre plutôt que de continuer sur sa lancée. D'accord, Dot ne mérite pas de se ronger les sangs à cause de lui mais, compte tenu de la situation, elle aurait compris qu'ils soient trop occupés pour répondre. Il voudrait appeler ça un progrès, après tout Alec ne le touchait plus du tout depuis un mois alors ce genre de caresse était inespéré. Il devrait sans doute s'en contenter. Mais ça le met un peu de mauvaise humeur quand même.
Il attrape le premier t-shirt propre qui lui tombe sous la main et l'enfile avant de retourner dans l'entrée pour récupérer l'enveloppe contenant la lettre de Camille dans son manteau. Lui aussi, il a quelqu'un à rassurer... Enfin... Si on veut. Parce que même si Micah est vivant, pour l'instant personne ne sait où il est.
Il est en train de fixer l'enveloppe, posée sur la table basse du salon, quand Alec le rejoint.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je vais prévenir Camille que j'ai établi le lien avec son fils.
— Donc tu as bien réussi, souligne le brun qui n'avait pas encore eu de réponse claire.
— Oui. C'est encore léger mais c'est là, je l'ai senti.
— Et ça t'a demandé beaucoup d'énergie. Tu devrais attendre avant de contacter Camille.
Magnus hausse les sourcils, surpris par la remarque de son fiancé. Il n'a pas pensé que ça pourrait lui coûter de faire ça maintenant, parce qu'il sait que ça ne lui coûtera pas. En revanche, Alec est encore inquiet, alors il lui sourit.
— Non, ne t'en fais pas. Je n'ai pas besoin de me concentrer pour me lier à elle.
Il espérait que cette phrase le rassurerait, mais le plus jeune fronce davantage les sourcils en s'approchant.
— C'est facile, avec elle ? demande-t-il d'un ton sec.
— Hum... Oui ?
— Comme avec moi ? C'est facile parce que tu étais tellement amoureux d'elle ?
Le cœur d'Alec se serre. Il croyait que le lien qu'il a avec Magnus, dû à son don, était spécial. Mais peut-être qu'il s'est lié ainsi à tous ses partenaires... Camille, Aldertree... Qui sait qui d'autre encore ?
— De quoi tu parles ? s'étonne Magnus en se levant.
— De rien ! Vas-y, fais-le, dis-lui ce que tu ne veux pas me dire !
— Alexander... C'est pas...
Il s'interrompt d'un soupir, il comprend la jalousie que son fiancé cache mal sous sa colère. Il essaie lui-même de contrôler sa mauvaise humeur pour ne pas envenimer les choses. Mais comment Alec peut-il croire que ce qu'ils ont n'est pas spécial ?
— Ça n'a rien à voir avec les sentiments que j'ai pu avoir pour elle, explique-t-il calmement. Je pense que c'est parce que c'est elle qui a voulu me contacter en premier lieu. Elle devait attendre que je reçoive sa lettre pour chercher Micah.
Alec passe une main sur son visage, l'explication de Magnus ne le calme pas autant qu'elle le devrait. Il secoue finalement la tête.
— Fais-le, redit-il. Je vais préparer le repas...
Après avoir regardé son compagnon quitter la pièce, l'asiatique se rassoit sur le canapé et attrape la lettre. Pour le moment, il vaut mieux qu'il se concentre sur ça. Alec est en colère mais il sait que Magnus n'a jamais été lié à personne comme il l'est avec lui. Il le sait parce que Magnus le lui a dit clairement.
À la seconde où ses doigts touchent le papier dans l'enveloppe, Camille apparaît silencieusement à côté de lui. Cette fois, elle est assise, comme si c'était normal qu'elle soit là. Pourtant l'étonnement se voit dans son regard. Un sourire étire ses lèvres quand elle voit Magnus et elle se rapproche légèrement. Ses cheveux flottent toujours et le médium essaie de ne pas y faire attention.
— Tu as trouvé Micah ? demande-t-elle, pleine d'espoir.
— Non. Mais j'ai réussi à me lier à lui.
— Oh... Je suis contente. Ça a été difficile ? Ça a pris du... Temps ?
Pas besoin d'être extralucide pour comprendre, en entendant la jeune femme prononcer le mot « temps », qu'elle n'est plus certaine de savoir ce que c'est.
— Un peu. Ça t'a paru long ?
— Je n'en sais rien. J'attendais que tu viennes à moi. Mais... Je ne sais pas si j'ai attendu longtemps ou pas.
— On s'est parlé il y a deux jours, lui dit-il. Mais hier, je... J'ai cru qu'il était parti, lui aussi.
— Parti ? Pourquoi ?
Les doigts de Magnus se serrent doucement sur la lettre, bien qu'il essaie de ne pas l'abîmer. Comment expliquer à Camille ce qui lui est arrivé ? Doit-il le faire ? Elle tend la main vers les doigts crispés, dans un geste d'apaisement qu'elle n'avait jamais eu avec lui. Leurs mains se traversent sans que ni l'un ni l'autre ne sente quoi que ce soit.
— J'ai réussi à avoir le dossier de ton accident, reprend-il en levant les yeux vers elle. Les policiers pensent qu'il était avec toi quand tu es morte. Est-ce que... C'était le cas ?
— Non ! Non, je... Enfin, je ne crois pas !
Elle se prend la tête dans les mains, comme pour essayer de se souvenir. C'est sans doute traumatisant de se souvenir de sa mort, Magnus s'est toujours dit que c'est pour ça que les esprits ne se souviennent pas comment ils sont passés de l'autre côté.
— Quelle est la dernière chose dont tu te souviens, Camille ?
Agitée, elle se lève et fait quelques pas pour s'éloigner de son ex petit-ami. La dernière chose ? Il s'en est passé tellement !
— Pourquoi est-ce que tu penses que Micah a été enlevé ?
— Je n'en sais rien !
— Cam... Qui était cette personne qui t'a fait peur au point de craindre pour ta vie ? Dans ta lettre tu en as dit trop peu et... Et je ne comprends pas ce qui se passe !
— Je ne sais pas ! Arrête d'insister, laisse-moi ! Trouve-le ! Je t'en supplie, trouve-le !
L'apparition se laisse tomber à genoux par terre et continue de supplier encore et encore, sans plus vraiment faire attention au médium. Magnus lâche la lettre, comprenant qu'elle ne lui dira rien de plus et qu'essayer de continuer cette conversation ne fera que les tourmenter l'un et l'autre. Il se cale contre le dossier du canapé et ferme les yeux. Camille lui cache quelque chose, mais il ne sait pas dans quelle mesure c'est fait exprès, ni dans quelle mesure c'est dû à sa nouvelle condition. Camille a toujours été douée pour cacher des choses, alors comment savoir ?
Dans la cuisine, Alec ne peut s'empêcher d'entendre la conversation de Magnus. Enfin, il entend les questions que le médium pose au fantôme de son ex, mais pas les réponses, évidemment. Et il ne peut pas non plus s'empêcher d'entendre le trouble dans la voix de son fiancé quand il s'adresse à cette femme. Il est étrange depuis deux jours, non ?
Le détective essaie de se concentrer sur ce qu'il fait, même s'il est certain que ce ne sera pas aussi bon que ce qu'il espère vu qu'il a clairement l'esprit ailleurs malgré ses efforts. Magnus lui a parlé de Camille, il y a longtemps. De ce qu'il s'en souvient, c'est lui qui est parti, il a même quitté la ville peu après leur rupture. Est-ce que c'était trop difficile de la croiser ? Il aurait dû lui poser toutes ses questions à ce moment-là, mais il ne pensait pas qu'un jour cela viendrait le tourmenter.
Une pensée incongrue se met soudain à germer dans sa tête alors qu'il se demande quand est-ce que Magnus est parti de San Francisco. Micah a quel âge, déjà ? Dans la lettre, Camille a écrit quoi cinq ou six ans ? C'est pourtant lui qui l'a eu en main pour lire, il devrait s'en souvenir ! Peu importe, il n'est de toute façon pas certain de croire en ce qu'elle a écrit. Magnus lui a dit être arrivé à Saint-Louis en 2014... Même en comptant les mois de grossesse, l'enfant aurait sept ans, pas moins.
Il souffle en posant le fouet qu'il a dans la main. D'ailleurs, sa main tremble. Bon... Les dates n'ont pas l'air de correspondre. Et pourtant, l'idée ne veut pas partir. Tout comme celle que Magnus lui a caché ça. Parce qu'il ne veut pas d'enfant ? Ou alors... Il ne veut pas d'enfant biologique, parce qu'il en a déjà un ? Merde ! Et si Micah était réellement le fils de Magnus ?
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