Chapitre 5 : « Son ex, donc. »

Profitant de l'absence de Luke à leur bureau, Alec a passé une partie de la matinée à faire des recherches sur Camille Belcourt, l'ex petite-amie de son fiancé. Et s'il y a une chose qu'il peut dire sur cette femme, c'est qu'elle sait se faire discrète. Trouver des informations sur quelqu'un vivant dans la même ville n'est déjà pas forcément évident, mais quand la personne habite à l'autre bout du pays c'est encore pire. D'autant que le brun n'est jamais allé à San Francisco, et s'il continue à ne rien trouver, il va devoir se déplacer.

Il baisse à nouveau les yeux sur son calepin où il a noté ce qu'ils ont pu apprendre, la veille, grâce à la lettre. Il tapote le papier du bout de son stylo, ses neurones fonctionnant à plein régime. Cette histoire est bizarre. Dans sa lettre, qui date de début décembre, Camille a écrit qu'elle se sentait en danger depuis quelque temps, surveillée, mais qu'elle n'est pas allée voir la police. Alec se demande si tout ça a vraiment un sens ou si elle n'était pas simplement paranoïaque. Et pour le moment, tout ce qu'il sait, c'est qu'elle a quitté San Francisco peu après avoir vu son avocate. Il n'a rien trouvé sur ce qui s'est passé entre son départ et son décès.

Son téléphone vibre sur le bureau, le sortant de ses pensées. Il se hâte de répondre à son meilleur ami à qui il a envoyé un message, plus tôt, lui demandant de l'appeler dès qu'il le pouvait.

— Hey, Alec ! salue Jace. Ça va ?

— Oui, oui. J'ai juste... Besoin que tu me rendes un service, si possible.

Il soupire. Il doit contacter la police de San Francisco, à propos de la mort de Camille. Le problème, c'est qu'il y a de fortes chances qu'ils ne veuillent pas lui répondre. Les flics n'aiment généralement pas trop les détectives privés. Et encore moins ceux qu'ils ne connaissent pas. Voilà pourquoi il a besoin de Jace.

— Ouais, tout ce que tu veux. Rien de grave, j'espère.

— Eh bien... Si. En quelque sorte.

En quelques mots, Alec explique au blond que Magnus a eu la visite du fantôme de son ex et qu'il doit en savoir plus sur les circonstances de son décès puisqu'elle n'a rien su en dire. Jace n'est presque pas surpris, ça le déroute encore de réaliser que les esprits existent bel et bien. Il essaie néanmoins de faire comme si c'était on ne peut plus normal, après tout, tous les autres s'y sont fait.

— Ah, souffle-t-il. Voilà qui explique certaines choses. Clary va être rassurée.

— Comment ça ?

— Ils se sont appelés l'autre soir, avant-hier, je crois. Et elle l'a trouvé un peu ailleurs. Elle m'a dit qu'il devait avoir un pressentiment mais comme il ne lui en a pas parlé directement, elle s'inquiétait.

Un pressentiment ? Alec fronce les sourcils et passe une main sur son visage, dérangé. Il ne se souvient pas d'avoir vu Magnus au téléphone, avant-hier. Sans doute a-t-il appelé son ancienne assistante avant qu'Alec ne rentre.

— Hm... Il ne m'en a pas parlé, avoue-t-il.

— Et tu n'as rien remarqué ?

Le brun est heureux que son ami ne soit pas dans la même pièce pour voir l'expression sur son visage. Non, il n'a rien remarqué. Comment a-t-il pu ne pas le remarquer ? Sa première pensée est que Magnus l'a probablement caché... Puis il s'en veut et se rappelle que c'est lui qui est distant et trop concentré sur ses propres pensées. Si Magnus n'a rien dit, c'était sans doute pour ne pas l'inquiéter inutilement.

Le silence est une réponse claire pour Jace qui continue, d'un ton concerné :

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Mais rien, pourquoi ?

— Tu te fous de moi ? T'es le premier à t'inquiéter dès que Magnus change de comportement, et là, tu ne l'as pas vu ? Je te connais, Alec. C'est pas normal.

— C'est hm...

— Vous vous êtes disputés ? questionne le blond, sentant les réticences de son ami.

Encore une fois, Alec soupire. Longuement. Non, ils ne se sont pas disputés mais peut-être qu'ils auraient dû. Ça aurait peut-être évité cette situation ridicule. Il aurait dû lui dire ce qu'il pense vraiment, qu'il ne comprend pas sa décision, plutôt que de se terrer dans cette mascarade en attendant que ça s'arrange tout seul.

— Peu importe, répond-il enfin. Je n'ai pas très envie d'en parler. Et ce n'est pas pour ça que je t'ai demandé d'appeler.

— D'accord, d'accord, capitule Jace. Son ex, donc. L'avocate ne dit rien de plus dans sa lettre ? Vous ne savez rien de plus ?

— Oui. Une chose... Il y a un enfant. Un petit garçon de cinq ou six ans.

— Et il est où, ce môme, maintenant ?

— Dans sa lettre, elle explique que si elle est morte, son fils a sûrement été enlevé.

— Quoi !?

L'exclamation de Jace pousse Alec à écarter le téléphone de son oreille en grimaçant. Il s'attendait à ce genre de réaction, cela dit, parce qu'il s'est retenu d'avoir la même, en lisant hier.

— C'est pour ça qu'elle a fait envoyer la lettre à Magnus, reprend-il. Pour qu'il retrouve Micah.

— Elle savait pour son don ? Ou « sait » ?

C'est vrai, elle est morte mais c'est un fantôme. Est-ce qu'ils sont censés parler d'elle au passé ou non ? À l'autre bout du fil, Jace secoue frénétiquement la tête pour se remettre les neurones en place. Quelques collègues le regardent, comme s'il devenait fou.

— Oui, ils... Ils sont restés ensemble pendant plus d'un an.

— D'accord. J'appelle tout de suite San Francisco. Avec un peu de chance, le môme sera en sécurité dans un foyer ou une famille d'accueil.

La lettre de Camille a été écrite dans la panique, Alec ne peut pas le nier, mais la situation lui paraît invraisemblable. Après tout, il ne la connait pas... Mais compte tenu de son passé commun avec Magnus, il vaut peut-être mieux qu'il ne formule pas d'opinion, il ne serait pas objectif.

— Avec un peu de chance, répète Alec, incertain.

La conversation dure encore quelques minutes durant lesquelles Jace essaie de tirer les vers du nez à Alec, mais le détective reste déterminé à ne rien dire. Et ils finissent par raccrocher.

Il va devoir en parler. Il ne va pas avoir le choix, de toute façon, puisque Jace ne tiendra pas sa langue alors qu'il a senti que c'était important. Alec est persuadé que le lendemain, à la même heure, Izzy l'aura déjà appelé pour l'engueuler. Mais pour l'instant, il a d'autres choses en tête.

La tête dans les mains, il essaie de ne pas penser au pressentiment que Magnus a eu à propos de Camille. Enfin, ce n'était peut-être pas à propos d'elle, c'est peut-être autre chose. De toute façon, son fiancé ne lui a encore rien dit. Mais il ne lui a pas non plus demandé, à vrai dire. Il aurait dû, comme il aurait dû voir que quelque chose le tracassait. Il souffle. Se promettant que quand toute cette histoire sera réglée, il parlera à Magnus.

Aux alentours de midi, comme Luke n'est pas revenu, Alec décide de se rendre à Brooklyn. Ça fait un moment qu'il n'est pas allé voir Magnus à la boutique. Généralement, il y va au moins une fois par semaine. Mais pas ces dernières semaines. Si bien que, quand il passe la porte, Dorothea ouvre des yeux ronds et le brun comprend tout de suite qu'elle sait que Magnus et lui ont quelques problèmes.

— Alec ! lance-t-elle, ravie, en s'approchant. Magnus ne m'avait pas dit que tu devais venir.

— Ce n'était pas prévu. Il est là ?

— Oui, il est là-bas, répond Dot en désignant la porte derrière le comptoir. Je vais le voir, de temps en temps.

Inquiet et mécontent, Alec traverse la boutique alors que Dot se mord la lèvre. Il ouvre la porte avec délicatesse pour ne pas tirer Magnus trop brutalement de sa transe et il le trouve assis sur un canapé bleu, les yeux fermés et une main sur la tempe. L'autre main serrée sur une petite voiture orange, en plastique. Le détective essaie de ne pas se demander quand cette pièce a été aménagée, alors qu'elle n'était qu'un débarras, il y a un mois.

— Bébé, l'interpelle tout de suite Alec. Je t'avais demandé d'attendre qu'on en sache plus.

Il est mécontent, ses mots montrent qu'il l'est mais sa voix n'arrive pas à être autre chose que douce alors que son fiancé ne se sent pas bien. Le détective s'approche alors et il pose sa main froide sur le front brûlant de l'extralucide qui soupire aussitôt d'aise. Les yeux chocolat s'ouvrent lentement.

— Désolé, souffle Magnus. Si ce petit est en danger, je peux pas attendre.

— Bien sûr. Mais je voudrais que tu fasses attention à toi, quand même.

Magnus hausse les sourcils et hoche la tête. Ce n'est vraiment pas le moment de lui dire qu'il a abusé de son don ces dernières semaines. Il sourit en attrapant la main d'Alec qui redescendait sur sa joue.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? lui demande-t-il. Je ne m'attendais pas à te voir ici, aujourd'hui.

— J'attends que Jace me rappelle, je lui ai demandé de se renseigner sur le décès de Camille.

— Oh, bien. Tu veux... Qu'on sorte pour déjeuner ?

Le cœur de l'indonésien arrive à se mettre à battre plus fort et à se serrer d'appréhension en même temps tandis qu'il attend la réponse de son compagnon. C'est une sensation perturbante et désagréable qu'il n'avait pas ressenti depuis longtemps. Et jamais depuis qu'il a rencontré Alec.

— Ok, répond simplement le plus jeune.

Magnus se mord l'intérieur de la joue. Au moins, la réponse n'est pas négative. Il se lève et attrape son manteau avant de suivre Alec dans la boutique. Quand il se tourne vers Dot, celle-ci cache mal un sourire.

— Vas-y, lui dit-elle. Je fermerai la boutique le temps d'aller me chercher un truc à manger ! Prends ton temps !

Il la remercie et les deux hommes sortent pour prendre la direction du restaurant qu'ils ont l'habitude de fréquenter. L'asiatique se concentre du mieux qu'il peut sur le fait qu'ils vont déjeuner ensemble, ce qu'ils n'ont pas fait depuis près d'un mois, plutôt que sur le fait qu'ils ne se tiennent pas la main... Et que quand il a essayé d'effleurer les doigts d'Alec, celui-ci s'est encore esquivé.

Ils en sont au dessert quand Jace rappelle Alec qui décroche aussitôt. Ils ont évité d'aborder le sujet depuis plus d'une demi-heure qu'ils sont ici pour ne pas inquiéter Magnus davantage. Mais, clairement, il ne leur est plus possible de garder leurs questions sans réponse. D'ailleurs, Jace n'attend même pas d'être interrogé par le détective.

— Je ne vais pas te faire le coup de « j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle » parce que... La seule bonne que j'ai c'est que la personne que j'ai eu au téléphone a bien voulu me répondre et qu'en prime, elle va m'envoyer une copie du rapport d'enquête.

— Donc il y a eu une enquête ?

Alec regarde Magnus qui se tend. Instinctivement, leurs mains s'attrapent. L'indonésien voudrait pouvoir entendre, malheureusement ils sont dans un lieu public donc ce serait très malvenu d'activer le haut-parleur. Alors il doit se contenter des réponses d'Alec.

— Oui, confirme Jace. Camille Belcourt est décédée dans un accident de voiture. De ce qu'ils en savent, c'est arrivé durant la nuit du 16 février, mais elle n'a été retrouvée que le lendemain matin, dans la baie de San Francisco.

— Elle s'est noyée, comprend Alec.

Il resserre ses doigts sur ceux de Magnus qui tentent de s'échapper. L'horreur de la situation frappe l'extralucide et il se rappelle des cheveux flottants de son ex petite-amie, comme un halo autour de sa tête. La vision mystique devient alors carrément macabre. Si ses cheveux flottent c'est parce qu'elle est morte immergée. Il en a la nausée.

— Des plongeurs ont découvert la voiture en bas du Golden Gate, c'est ce qui a mené à la thèse de l'accident. Elle a sans doute perdu le contrôle.

— Et l'enfant ?

— D'après l'enquête, ses affaires étaient dans la voiture et... Personne ne l'a vu depuis. Ils en ont conclu qu'il s'est noyé aussi et que le corps a été emporté par le courant. Ils ont enterré un cercueil vide à côté de Camille.

— D'accord, je... Je te rappelle plus tard.

Il raccroche et reporte son attention sur son fiancé qui le fixe, désespéré. Il déglutit difficilement.

— Je suis désolé, bébé, murmure-t-il. Micah est... Avec Camille.

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