Chapitre 26 : « Tout ça, c'est de ta faute. »

Aussi vite qu'il le peut, Magnus retourne à l'hôtel pour récupérer les papiers d'Alec que, dans la précipitation, le jeune homme n'a pas pris, son portefeuille ainsi que la voiture de Micah, pensant que le petit aimerait avoir une chose familière près de lui. Il s'apprête à sortir de la chambre quand il pense à Camille. Il ne peut pas attendre plus pour la prévenir, mais pour ça, il doit d'abord trouver l'enveloppe. Il se met donc à fouiller dans les sacs et la valise jusqu'à ce qu'il la trouve, glissée dans un t-shirt noir plié. Cette fois, il peut dire qu'Alec l'avait cachée.

Heureusement, comme la ville est petite, il rejoint rapidement l'hôpital et se présente à la réception. Quand il explique la raison de sa présence, on le renvoie dans une salle d'attente, en lui disant qu'un médecin va venir le voir. Comme il n'a pas vraiment le choix, il obéit et se retrouve dans une salle blanche et vide, avec une télévision allumée à un volume juste assez bas pour être incompréhensible et agaçant. Il s'assoit sur un fauteuil inconfortable et ferme les yeux pour essayer de se calmer. Il avait réussi, dans la voiture, mais se retrouver dans l'attente l'oppresse de nouveau.

Il sort son téléphone, hésitant à envoyer un message à quelqu'un. Sauf qu'ils sont tous à New York et que, là-bas, il est quatre heures du matin. Même pour prévenir Izzy ou Maryse de l'état d'Alec, il va devoir attendre. De toute façon, le faire avant d'avoir les détails risquerait de les alarmer pour rien. Ses blessures n'avaient pas l'air très grave, encore que celle à l'abdomen...

Un homme vêtu d'une blouse blanche finit par entrer et vient s'asseoir à côté de Magnus.

— Vous êtes là pour Monsieur Lightwood, c'est ça ?

— Oui. Et pour Micah Belcourt.

Le médecin hausse un sourcil et tourne une page du bloc-note dans ses mains, il hoche la tête avant de demander :

— C'est votre fils ?

— Oui, répond l'indonésien, la gorge nouée.

— Il a été tout de suite emmené au bloc pour s'occuper de la fracture ouverte, sa blessure à la tête n'a pas l'air très grave, il était encore conscient à son arrivée. D'après les ambulanciers, lui et Monsieur Lightwood ont fait connaissance dans l'ambulance.

Magnus se mord la lèvre et réprime un soupir de soulagement. Savoir qu'ils avaient la force de discuter durant le trajet l'aide à tranquilliser son esprit.

— À son réveil, on lui fera passer un scanner pour s'assurer qu'il n'y a pas de traumatisme crânien. Quant à Monsieur Lightwood, sa blessure au bras n'est pas très grave, la balle n'a fait que déchirer la peau et semble à peine avoir effleuré le muscle. En revanche, il est également en chirurgie à cause de l'autre blessure. La balle n'étant pas ressortie, nous devons l'enlever et nous assurer qu'il n'y a pas de lésion grave au niveau des organes.

Encaissant le coup, l'asiatique reste silencieux. Ça fait beaucoup d'informations à intégrer pour son esprit déjà très fatigué. Il passe une main sur son visage avant de regarder à nouveau le médecin.

— Combien de temps avant que je puisse les voir ?

— Eh bien... Micah devrait sortir dans une heure trente environ, répond le médecin en regardant sa montre. Puis il sera conduit en salle de réveil. Monsieur Lightwood sortira avant, je pense, s'il n'y a pas de complication. Nous viendrons vous prévenir quand l'un ou l'autre sera emmené dans une chambre.

— Bien. Merci beaucoup.

L'homme en blanc se lève, serre la main de Magnus et sort de la salle, laissant l'indonésien seul, encore une fois. Magnus n'a plus qu'à attendre, maintenant, et espérer qu'il n'y ait pas de complication. Il se mord la lèvre, renverse sa tête contre le mur pour regarder le plafond. Il a, à présent, complètement oublié le bruit désagréable de la télévision.

Après de longues minutes, le médium attrape l'enveloppe de Camille et en sort la lettre. Le fantôme apparaît devant lui sans lui accorder la moindre attention, elle regarde autour d'eux pour comprendre où ils sont.

— C'est un hôpital ?

— Oui, répond Magnus dans un murmure pour qu'on ne l'entende pas. On a retrouvé Micah.

— Il est blessé ? Est-ce que c'est grave ?

— Non... Rien de très grave apparemment. Ils sont en train de l'opérer, je devrais pouvoir le voir quand il se réveillera. Ça va prendre un peu de temps.

— Le voir ? Pour quoi faire ?

La voix de Camille change, devient plus froide et elle fronce les sourcils.

— Comment ça « pour quoi faire » ? s'étonne l'indonésien. Je... Pour m'assurer qu'il va bien, pour qu'il ne soit pas tout seul. Que veux-tu que je fasse d'autre ?

— Le laisser. C'est ce que tu as fait avec moi, non ?

— Mais c'est différent. Je ne vais pas le laisser, c'est mon fils.

Son cœur s'affole quand il dit ça mais il ne ressent plus la sensation de rejet, le besoin de repousser ce petit être loin de lui pour oublier. D'ailleurs, il pensait que c'est ce que Camille attendait de lui. Elle éclate d'un rire froid.

— C'est mon fils, pas le tien. Tu n'as jamais voulu de lui, tu l'as abandonné avant même qu'il naisse ! Comment peux-tu dire que tu veux t'assurer qu'il va bien alors que ça ne t'a jamais effleuré l'esprit jusque là ?

— Je t'ai quittée, pas lui, et tu ne m'as jamais contacté pour me dire que j'avais un enfant.

— Tu serais resté avec moi si tu avais su ? demande-t-elle avec une note d'espoir dans la voix.

— Non. Mais j'aurais été présent pour lui.

Voyant une infirmière passer devant la salle d'attente, Magnus attrape son téléphone pour ne pas avoir l'air de quelqu'un qui parle tout seul. Il n'a pas vraiment envie qu'on le prenne pour un dingue, il a autre chose à faire que de défendre sa santé mentale.

— Tu penses que tu feras un bon père, hein ? reprend le fantôme avec amertume. Si je ne te l'ai pas dit, durant toutes ces années, c'est parce que je savais que ta présence ne lui apporterait rien de bon. Je ne veux pas que tu sois son père. Pas plus que j'ai envie que ton nouveau jouet s'approche de mon enfant !

Magnus se crispe et ses doigts froissent légèrement la lettre. À nouveau, la douleur commence à s'insinuer dans son crâne.

— Alec n'est pas un « jouet », c'est mon fiancé et il sera un père fantastique. Tu sais aussi bien que moi avec quelle détermination il m'a aidé à retrouver Micah, et je me fous de ta jalousie. Je t'interdis de l'insulter, est-ce que c'est compris ?

— Tu me craches si facilement ton bonheur au visage, c'est pathétique.

— Je ne crache rien du tout, Camille. Mais maintenant, que veux-tu de plus de moi ? J'ai retrouvé Micah, tu veux que je le laisse se faire emmener par une assistante sociale pour se retrouver seul au milieu d'inconnus ?

— Ce sera toujours mieux que d'être avec toi ! Qui voudrait être avec toi, hein ? Tu ne sauras même pas quoi faire de lui. Qu'est-ce que tu vas faire quand il va avoir des crises à cause de votre don « si précieux » ? Tu penses qu'il va avoir confiance en toi ? Tu crois que ta présence va le rassurer ?

— On apprendra à se connaître et à être une famille, rétorque-t-il, en essayant de camoufler ses incertitudes.

— C'est ridicule, Magnus ! Tu es ridicule ! Tu penses qu'il ne va pas comprendre que je suis morte à cause de toi ?

— M-mais qu'est-ce que tu racontes ?

— C'est toi qui lui as transmis ce don et, sans ce don, personne ne s'en serait pris à nous ! Tu m'as tuée, Magnus, que tu le veuilles ou non ! Tout ça, c'est de ta faute, ta fau-

Il fourre presque brutalement la lettre dans l'enveloppe, laissant tomber son téléphone sur le carrelage froid. Et la culpabilité, de laquelle il avait réussi à se défaire, revient insidieusement. En un sens, n'a-t-elle pas raison ? Il n'y avait pas encore réfléchi ainsi, mais il avait déjà craint que Micah puisse lui en vouloir pour ce don... Il pourrait également lui en vouloir de ce que ce don a provoqué. Et que pourrait dire Magnus pour se défendre ? Rien. Absolument rien.

Après avoir glissé l'enveloppe dans la poche de son pantalon, et réalisé que son manteau est certainement resté sur le sol de la cave, l'indonésien récupère son téléphone. En posant le regard sur le sol blanc, il aperçoit quelques gouttes de sang qu'il s'empresse d'essuyer avant de filer dans la salle d'eau la plus proche. La douleur lui paraît plus intense que d'habitude mais il ne s'affole pas et met ça sur le compte des nombreuses heures de sommeil qu'il lui manque.

Peu après qu'il est retourné dans la salle d'attente, une infirmière vient finalement le chercher pour s'occuper de la paperasse. Il remplit d'abord les papiers pour Alec puis essaie d'expliquer à la femme pourquoi le seul Micah Belcourt de San Francisco est décédé depuis le 16 février de cette année. Il faut absolument qu'il appelle le lieutenant Branwell à la première heure, et également l'homme dont on lui a donné les coordonnées et dont il a déjà oublié le nom, pour régler tout ça.

— Monsieur... Bane ?

Magnus se tourne vers le couloir d'où l'appelle un infirmier. L'infirmière avec qui il discutait lui dit qu'ils finiront quand il aura parlé avec la police, et il se lève pour rejoindre l'homme.

— Micah vous réclame, il vient de se réveiller.

— Je vous suis.

Soulagé, le médium se dirige vers la salle de réveil. Une femme est auprès du garçon et lui demande d'être patient. Il est allongé, un cathéter accroché à son petit bras et Magnus aperçoit, sous le drap, la forme d'un plâtre autour de sa jambe.

L'infirmier les laisse mais la femme reste près d'eux, s'occupant du patient d'à côté.

— Comment tu te sens ? demande doucement Magnus.

— J'ai mal... Et je suis fatigué.

— Tu devrais dormir encore quelques heures, ça ira mieux après.

— Mais je voulais te voir. Ça t'embête ?

— Non, Micah. Évidemment que non. J'attendais que tu te réveilles pour être sûr que tu vas bien. Alors maintenant, tu dois dormir, d'accord ? Je ne serai pas loin, je te le promets.

Le petit garçon hoche la tête et tend la main pour prendre celle de son père qui, de sa main libre, lui caresse le front. Les paroles de Camille reviennent troubler les pensées du médium, il se mord la lèvre en essayant de les chasser. Il se concentre sur la pression des doigts de l'enfant sur les siens, sur sa respiration qui s'apaise, comme s'il avait été agité avant qu'il ne le rejoigne.

Instinctivement, il se met à fredonner, jusqu'à ce que la main de Micah retombe sur le lit. Il cesse ses caresses après quelques secondes mais ne peut s'empêcher de le regarder encore un peu. Il a l'air si petit et si fragile. Il sent naître en lui le besoin de prendre soin de lui, jour après jour, mais... Et si ce n'est pas ce que Micah veut ? S'il ne voulait pas de la famille que Magnus et Alec peuvent lui offrir ? Et puis... Est-ce qu'il peut vraiment aller contre la volonté de Camille ?

Alors qu'il s'apprête à sortir de la pièce, des infirmières amènent un lit et vont l'installer plus loin. Magnus reconnaît son fiancé et soupire de soulagement. Il n'ose pas s'approcher mais l'une des femmes remarque sa présence.

— Vous êtes de la famille ? lui demande-t-elle.

— C'est mon fiancé.

— Il va mettre encore un peu de temps avant de se réveiller. Un médecin devrait venir vous voir pour vous expliquer comment ça s'est passé.

L'asiatique la remercie et quitte finalement la pièce pour retourner dans la salle d'attente. En chemin, il s'arrête à une machine à café. Ce n'est pas tant pour se tenir éveillé – pour ça, il ne devrait pas y avoir de problème – que pour se réchauffer un peu. Comme l'infirmière le lui a dit, il est à peine entré dans la salle d'attente qu'un médecin le rejoint. L'homme le rassure en lui disant qu'Alec va bien et devrait se remettre malgré les quelques complications qui ont eu lieu durant l'opération.

— Il va devoir rester quelques jours pour que l'on puisse s'assurer de son bon rétablissement, mais je ne suis pas inquiet.

— D'accord, merci beaucoup.

Le médecin prend congé et Magnus attrape finalement son téléphone pour prévenir les autres. Mais il fait défiler les noms sans savoir par où commencer. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top