Chapitre 2 : « Rien ! »

La clinique. Avec leur mise en scène, Alec avait réussi à enlever cette inquiétude de ses pensées. Il ne s'était jamais inquiété de ce genre de chose auparavant, tout simplement parce que jusqu'à il y a à peine moins de deux ans, il n'aurait pas imaginé rencontrer quelqu'un avec qui il voudrait fonder une famille. Mais c'est arrivé, Magnus est arrivé dans sa vie et l'a changée. Puis un jour, son fiancé a évoqué son envie d'avoir des enfants. Alec, qui n'y avait jamais pensé, a vu une fois de plus son univers chamboulé et ce, à la simple idée qu'ils deviennent parents. Lui aussi, à partir de cet instant, a eu envie d'avoir des enfants.

Ils ont réfléchi, fait des recherches sur les procédures d'adoption et le plus jeune a suggéré qu'ils pourraient avoir recours au don d'ovocyte et à une mère porteuse. Et alors ils devraient choisir qui, de Magnus ou d'Alec, serait le père biologique. Le médium lui a tout de suite proposé de le faire, avançant que puisque c'était son idée, il devait en avoir envie. C'était vrai. Après qu'ils en ont parlé à Catarina, elle leur a donné des adresses d'agences sérieuses qui pourraient les aider dans les démarches et Alec s'est rendu dans un laboratoire spécialisé pour effectuer des examens.

Cela faisait des jours qu'ils attendaient les résultats et qu'ils faisaient de leur mieux pour ne pas y penser. Pour Alec, cela a voulu dire se concentrer davantage sur son travail et se retrouver, ce soir, dans le bureau d'un psychologue pour le piéger. Et la fin de journée a été assez difficile comme ça, il espérait pouvoir passer une soirée calme avec son fiancé.

Il réprime un soupir alors que Magnus attend, près de lui.

— Tu... Tu l'as écouté ? lui demande-t-il, après quelques secondes de silence.

Le brun hoche la tête, sa gorge est nouée. Catarina et le médecin qu'ils ont choisi lui ont pourtant dit que ce n'était qu'un examen de routine, qu'il n'avait pas d'inquiétude à avoir puisqu'il est jeune et en bonne santé mais que, s'il veut être le père biologique, il faut bien vérifier que tout va bien. Inutile de préciser que ça a été terriblement gênant à faire et, promis, il ne se moquera plus jamais des personnages dans les séries qui se retrouvent dans la même situation avec ce récipient en plastique, enfermé dans une pièce très peu adaptée. Et en même temps, si elle l'était, ce serait carrément glauque.

Magnus se rapproche de deux pas, juste assez pour effleurer le bras de son amoureux. Alec tourne enfin la tête, mais s'éloigne pour aller s'asseoir sur l'accoudoir du canapé. Soucieux, l'indonésien le suit et vient se placer devant lui. Il pose ses mains sur les joues du brun pour lever son visage vers lui.

— Mon ange, souffle-t-il affectueusement. Est-ce que tu vas me dire ou je dois écouter le message moi-même ?

Les doigts du détective s'enroulent aussitôt autour du poignet de Magnus pour l'empêcher de le faire. Cette fois, il laisse son soupir franchir ses lèvres.

— Le labo n'a rien trouvé, réussit-il à dire.

— Rien ? Comment ça ?

— Rien ! s'énerve-t-il en se relevant pour fuir encore. Il n'y a rien dans mon...

Il n'arrive même pas à finir sa phrase. Mais Magnus se mord la lèvre, comprenant à la fois ce que son fiancé essaie de dire et pourquoi il est aussi agité. Il n'essaie plus de s'approcher de lui, décidant de lui laisser l'espace dont il a besoin. Lui aussi, cela dit, sent son coeur se serrer. Pour plusieurs raisons. Et il s'assoit sur le canapé en passant une main sur son visage. C'est difficile de voir Alec dans cet état, lui qui se montre toujours si fort. Inutile de se poser la question, le jeune homme vit cela comme un échec et il déteste échouer.

— Attends, se reprend-il néanmoins, il n'a rien dit d'autre ? Pourquoi est-ce que c'est comme ça, et si... ?

— Il a dit un tas de choses, le coupe Alec. Notamment que je dois passer une nouvelle batterie d'examens pour savoir d'où ça vient, si c'est réversible ou non.

— D'accord, c'est... Une bonne chose, non ? Ne penses pas tout de suite au pire.

Alec soupire à nouveau, exagérément, pour décourager Magnus de vouloir lui remonter le moral. Alors l'indonésien se tait et se cale contre le dossier du canapé en regardant le brun qui fait les cent pas dans le salon en espérant se calmer. D'accord, passer des examens ce n'est jamais très agréable mais si ça peut leur permettre de régler le problème, ce serait bête de ne pas essayer, non ? Après quelques minutes à réfléchir dans ce silence insupportable, il se relève pour aller vers le téléphone. Alec lui prend à nouveau le bras pour le ramener vers lui.

— Laisse, ne l'écoute pas, lui dit-il d'un ton ferme.

— Pourquoi ? Je veux juste... Je veux au moins entendre le ton de sa voix !

— C'est ridicule.

— Non, ça ne l'est pas ! rétorque Magnus en essayant de se dégager. Écoute, je sais que tu es bouleversé, je le suis aussi, mais...

— Alors s'il te plaît, Magnus, je ne veux pas en parler maintenant, l'interrompt à nouveau Alec. Je voudrais prendre le temps de digérer l'information.

Peu habitué à cette attitude de rejet et ce ton froid, Magnus hoche simplement la tête et Alec le lâche. L'indonésien retourne dans la cuisine, bien qu'il n'ait plus très faim. Il décide alors de préparer du café, histoire de faire quelque chose de ses mains. Et puis, il n'est pas certain qu'une tasse de café change quoi que ce soit à sa nuit de sommeil à venir.

Il finit par s'installer sur l'un des tabourets placés autour du comptoir qui leur sert parfois à prendre leurs repas. Ses pensées ne cessent pas et il déteste l'idée de laisser Alec seul mais si c'est pour qu'il le repousse encore et encore... Ça ne fera qu'augmenter la tension entre eux. Il ne veut pas se disputer avec lui et encore moins à cause de ça. Il fixe son café en cherchant les mots qui pourraient apaiser son amant. Qui sait ce qui se passe dans sa tête en ce moment ? Il voudrait trouver comment le réconforter, mais si Alec ne veut même pas qu'il le fasse...

Le temps s'égrène doucement et son café refroidit sans qu'il boive plus qu'une ou deux gorgées. Il s'apprête à prendre son téléphone pour appeler Izzy – après lui, qui de mieux placé pour parler à Alec ? – quand son fiancé arrive dans la cuisine, le pas hésitant. Il lève les yeux vers lui, attendant qu'il parle le premier.

— Excuse-moi, bébé.

— Il n'y a rien à excuser, je t'assure, répond le médium en reportant son attention sur sa tasse.

Alec vient s'asseoir à côté de lui, tourné vers lui. Il tend une main hésitante vers la cuisse de son amant. Il lui aura fallu près d'une demi-heure mais le premier choc commence à passer et ses idées se remettent un peu en place. La perspective de passer de nouveaux examens plus ou moins invasifs est loin d'être réjouissante, même si ça veut dire trouver une solution. Et si, malgré tout ça, il n'y en avait pas ?

— Je suis désolé, recommence le brun.

— Mon ange, tu...

— Non, pas pour tout à l'heure. Je suis désolé de ne pas pouvoir...

Agacé, gêné, embarrassé au dernier stade, Alec se pince l'arête du nez sans parvenir à finir sa phrase, encore une fois. L'extralucide se tourne à son tour pour lui faire face et laisse Alec prendre ses mains dans les siennes. Ce simple geste leur fait battre le cœur plus vite.

— On ne sait pas encore, tempère-t-il. Demain, tu appelleras le médecin pour prendre rendez-vous, d'accord ? Et on discutera de tout ça, ensemble. Hm ?

Il se penche vers Alec, approche doucement son visage du sien et frotte doucement le bout de son nez contre celui du brun. Il dépose ensuite un baiser sur sa bouche. Les yeux noisette se plongent dans les yeux chocolat et Alec appuie le baiser.

— Je n'ai pas... Et si je n'ai pas envie d'aller le voir ?

Surpris, Magnus hausse les sourcils. Ça ne ressemble pas à son compagnon d'abandonner aussi facilement. Vraiment, il voudrait savoir ce qu'il y a dans sa tête. Il lui sourit tendrement et caresse sa joue.

— Eh bien... Si tu ne veux pas, tu n'iras pas. Je ne te forcerai pas et n'essaierai pas de te convaincre à tout prix. Ce n'est pas notre seule option pour avoir une famille, tu le sais.

Le plus jeune hoche la tête, rassuré par la bienveillance de son fiancé. Il se penche pour poser sa tête sur son épaule et soupire longuement. Il lui semble que le poids sur son cœur est un peu moins lourd. C'est vrai, ce n'était pas la seule option qu'ils ont. Qu'il ne puisse pas avoir d'enfant lui-même ne les empêchera pas d'avoir leur famille.

Là où il s'imaginait un mini-lui en train de courir dans leur jolie petite maison, il se met à avoir l'image d'un mini-Magnus. La pensée le fait sourire. Élever un enfant venant de l'homme qu'il aime, est-ce que ce ne serait pas merveilleux ?

Il se redresse, un peu plus serein et prend les mains de Magnus.

— Tu as raison, je ne suis pas la seule option, dit-il en plongeant dans les yeux chocolat. Tu pourrais le faire, toi !

Dans un sursaut, l'asiatique retire ses mains et se redresse, regardant Alec d'un air plus seulement surpris, mais un peu choqué.

— Je pensais plutôt... À l'adoption...

— Oui, Mags, je sais mais...

Il s'interrompt en voyant son fiancé se lever. Ok, sa réaction est étrange. Qu'est-ce qui est en train de se passer exactement ? Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu Magnus aussi agité et il ne pensait pas que ça arriverait alors qu'ils parlent de... Leur famille ?

— Bébé, qu'est-ce qu'il y a ?

— J-je... Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.

— Pourquoi pas ? Que ce soit toi ou moi, le père, qu'est-ce que ça change ?

À ses yeux, ça ne change rien. Ce sera leur bébé, qu'ils aimeront et élèveront ensemble.

— Beaucoup de choses ! souffle Magnus en se tournant enfin vers Alec. Je ne peux pas...

— Euh... moi, je ne peux pas, rétorque le brun, tendu. Tu ne veux pas ! Et je veux savoir pourquoi.

— Mon ange...

— Maintenant.

Devant la colère naissante de son fiancé, Magnus préfère quitter la pièce. Il retourne dans le salon pour essayer de mettre ses idées au clair. D'accord. D'accord, il doit lui expliquer. Et il sait qu'il aurait sans doute dû en parler plus tôt mais puisqu'Alec voulait faire cet enfant, ça ne lui semblait pas indispensable. Le brun finit par le rejoindre et lui attrape brusquement le bras pour le tourner vers lui, instinctivement l'indonésien essaie de se dégager de la poigne douloureuse de son amant.

— Alexander... Tu me fais mal.

— Réponds-moi. Je ne comprends pas.

— Mais je... J'ai peur de transmettre mon don !

Les doigts se desserrent aussitôt et la colère d'Alec s'apaise un peu. Il n'avait pas pensé à ça. Ni à ce que le don puisse être transmis à un enfant, ni même que ça puisse perturber l'asiatique au point de ne pas vouloir concevoir. Le brun le fixe, à son tour perturbé. Comment est-ce que ça a pu rester un secret depuis tout ce temps ? Ça fait sept mois qu'ils sont fiancés et quatre qu'ils parlent d'avoir des enfants ! Comment Magnus a-t-il pu ne jamais lui parler de ses réticences ? Pourquoi... Pourquoi a-t-il gardé ça pour lui ?

— Tu n'en as jamais rien dit.

— Je ne croyais pas que c'était nécessaire. Et je ne savais pas comment te le dire...

— Ok. Ok... Est-ce que c'est quelque chose dont... Dont on peut quand même parler ?

— Non, chéri. Non, je suis désolé.

L'idée même d'infliger son don à quelqu'un d'autre terrifie Magnus. L'imposer à Alec au quotidien est déjà une chose avec laquelle il doit composer. Enfin, ce n'est pas comme s'il avait le choix puisque vivre sans Alec serait impossible. Mais à chaque fois qu'il voit l'inquiétude sur les traits de son fiancé lorsqu'il découvre une serviette tachée de sang, ça lui serre le cœur.

Comprenant que la discussion est close, Alec repose une main sur le bras de Magnus puis l'enlace. Il l'attire contre lui lentement, contrôlant la colère et la déception qui lui vrillent l'esprit et le cœur.

— D'accord, concède-t-il. Je n'en parlerai plus.

Magnus enfouit son visage au creux de son épaule et Alec le serre un peu plus fort, soulagé de le sentir contre lui. Tout ira bien. Tout ira bien.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top