Chapitre 19 : « Ça ne te ressemble pas. »
Après s'être remise du choc, Camille apprend à Magnus qu'elle a remarqué le don de Micah l'été précédent, après qu'il lui a raconté un souvenir dont il ne pouvait pas avoir connaissance. Elle lui a rapidement expliqué ce qu'elle savait, ce que Magnus lui avait dit à propos de ce don, et l'a averti de garder le secret. Cela devait rester entre eux, personne d'autre ne devait savoir. Elle n'avait pas envie que ses amis le traitent de fou, bien que, de toute façon, ses transes incontrôlées suffiraient déjà à lui attirer des moqueries... Comme ça a déjà été le cas pour Magnus au même âge. Malheureusement, le secret n'a pas tenu plus de deux mois et Heidi, la nounou, a fini par découvrir les nouvelles capacités du petit garçon en surprenant une conversation entre l'enfant et la mère. Lui faisant confiance, Camille l'a mise dans la confidence plutôt que de risquer de créer des tensions qui n'auraient pas été bonnes pour Micah. Elle n'a cependant pas osé parler davantage de Magnus alors elle a laissé croire que le don venait de son côté à elle. Peu importait de toute façon, ce n'est pas comme si Heidi irait vérifier l'information... Et si elle essayait, grand bien lui en fasse, Camille n'a plus que Micah. Ils étaient seuls, rien que tous les deux.
Pour ne pas s'attirer une nouvelle fois les cris du fantôme, le médium attend qu'elle se soit calmée avant de lâcher la lettre. Alec s'occupe de la remettre dans l'enveloppe alors que Magnus va se laisser tomber sur le lit et lui répète ce qu'a dit Camille.
— Comment te sens-tu ? lui demande ensuite son fiancé.
— J'en sais rien. Tu crois que ça peut être elle qui a enlevé Micah ?
— Comme je te l'ai dit hier, je n'arrive pas à penser à une autre motivation que votre don. Pas avec la façon dont tout s'est déroulé. Alors si cette Heidi était la seule autre personne à savoir, il faut au moins essayer d'aller lui parler.
Magnus hoche la tête. Il essaie de ne pas penser au sentiment de trahison que Camille a largement ressenti et exprimé, peut-être que la baby-sitter n'y est pour rien. Enfin, pas directement. Elle a peut-être juste parlé du don à quelqu'un qui a ensuite décidé de s'en prendre à Micah. Cela dit... l'homme est bien à côté d'elle, sur la photo. Elle le connaît et a menti à Camille, ça, c'est indéniable.
Après avoir entré l'adresse de Heidi dans le GPS, ils s'y rendent sans attendre. Si c'est leur piste vers Micah, il n'y a pas à faire traîner les choses. Malheureusement, ils se heurtent à une porte qui demeure close. Ils attendent plusieurs minutes, à sonner et frapper, jusqu'à ce que la porte d'à côté s'ouvre légèrement. Un homme les regarde, sourcils froncés, à travers l'interstice de la porte entrebâillée.
— Y a personne qui habite ici, grogne-t-il.
— Pardon ?
Magnus relève les yeux vers le numéro de porte. Ils sont certains d'être dans le bon immeuble, pour avoir déjà vérifié plusieurs fois, mais peut-être se sont-ils trompés d'appartement. Non, 3A, c'est bien le numéro qu'a donné Camille.
— On vient voir Heidi McKenzie, explique Alec. Ça vous dit quelque chose ?
— Bien sûr, c'était mon ancienne voisine. Mais ça fait environ un mois qu'elle a déménagé.
Un mois ? Comme la date de son dernier post sur les réseaux sociaux... Et celle de l'enlèvement de Micah. Magnus regarde Alec, il espère l'entendre dire que ce n'est qu'une coïncidence, que quelqu'un d'aussi proche de Camille n'aurait pas fait ça. Mais le détective attrape son portable pour montrer la photo de l'homme qu'a vu Magnus.
— Vous le connaissez ?
— Bien sûr, c'est Daniel, le copain de Heidi. Ils ont des problèmes ?
— Non, monsieur. Merci.
Le brun attrape la main de son fiancé pour l'entraîner avec lui, à l'extérieur, afin qu'ils puissent discuter. Il est déjà sûr que s'ils restent dans le couloir, quelqu'un les écoutera. Si ce n'est pas cet homme, ce sera un autre voisin. Je déteste les commères !
Avec un soupir défait, Magnus s'appuie contre la voiture. Le regard porté sur l'immeuble, il se dit que l'endroit lui paraît familier. C'est une sensation similaire à celle de la voix de Micah, et du visage de ce « Daniel ».
— J'aurais dû demander à Camille qui a offert le jouet à Micah.
— La voiture ?
— Non, celui que j'ai touché dans sa chambre. Je crois que Heidi pourrait le lui avoir offert.
Pensif, Alec regarde son fiancé qui n'a pas lâché le bâtiment gris des yeux. Si c'est la nounou qui lui a offert, cela expliquerait comment le visage de son petit-ami a pu se retrouver mêler à toutes ces images.
— Tu crois que tu pourrais avoir créé un lien avec Heidi ? Peut-être que... Comme tu étais déjà lié à Micah...
— Je ne sais pas. Quand les images sont trop décousues, et que je sens qu'il y a trop de personnes différentes liées à l'objet, je n'insiste pas.
La douleur est tellement violente, de toute façon, qu'il n'arrive pas à rester concentré assez longtemps pour en tirer quoi que ce soit. Il se mord la lèvre, s'il était un peu plus résilient, peut-être réussirait-il ?
La main d'Alec sur son bras le sort de ses pensées. Le brun s'approche un peu plus, il voit l'indonésien s'enfoncer dans sa culpabilité. Il voit, sur son visage, les reproches qu'il se fait intérieurement, les défauts dont il s'accuse.
— Et pourtant tu as réussi à en tirer des images, lui rappelle-t-il alors. Le visage, et même l'immeuble, n'est-ce pas ?
— Pour ce que ça nous a servi. Et puis, on ne l'a pas encore trouvé, alors je...
— Mags, je t'en prie, l'interrompt Alec. Arrête de t'auto-flageller, ça... Ça ne te ressemble pas.
Magnus hausse les sourcils, surpris d'une telle remarque. Néanmoins, la seconde d'après, il réalise que son compagnon a raison. Cette façon de penser ne lui ressemble effectivement pas, il doit être fatigué. Alec lui caresse doucement la joue.
— Hey, cette fois on avance. On n'a peut-être pas encore trouvé Micah, mais ça va venir. Bientôt.
— Oui, tu as raison. Excuse-m-
Le détective embrasse le médium avant même qu'il finisse sa phrase, pour lui faire comprendre qu'il n'a rien fait qui mérite des excuses. Ils profitent de leur étreinte pendant quelques minutes, sans se soucier des passants autour d'eux. S'ils ne se gênent pas pour s'embrasser à New York, ils ne se gêneront pas pour s'embrasser à San Francisco, ni nulle part ailleurs. Alec est d'avis qu'il a passé bien trop de temps dans le placard pour ne pas se donner les mêmes droits que les hétéros.
Il enlace la taille de Magnus pour le serrer un peu plus contre lui, tout en s'appuyant davantage contre la voiture, et il ne rompt le baiser que lorsqu'ils ont tous deux le souffle court. Magnus pose ensuite la tête sur l'épaule du brun. Son cœur bat à toute allure mais il a l'estomac noué. Il se sent mal... Et plus il passe du temps à ne pas chercher Micah, plus il se sent coupable.
— On devrait aller voir le lieutenant Branwell, dit Alec après s'être repris.
— Pourquoi ? demande Magnus, clairement réticent.
— Parce que s'il faut retrouver Heidi, la police sera sûrement plus efficace que nous. On doit convaincre Branwell qu'Heidi a un rapport avec l'accident de Camille et à la disparition de Micah.
— Et comment ?
— Avec la lettre de Camille.
— Je ne peux pas leur donner ! Ils voudront la garder et je ne pourrai plus parler à Camille. Et même s'ils finissent par me la rendre, ils auront tous mis leurs pattes dessus et...
— Je la touche bien, moi, remarque soudain Alec, surpris de ne pas l'avoir réalisé avant.
C'est vrai que Magnus fait toujours attention à ce que personne ne touche les objets dont il a besoin pour créer un lien avec une personne disparue mais ça n'a jamais posé de problème avec Alec. Le médium soupire longuement, comme s'il était sur le point de répéter la même chose pour la énième fois :
— Mais toi, c'est différent. Notre lien fait partie de moi. Je le connais par coeur et il ne me gêne pas.
Sans s'en rendre compte, le brun se met à sourire, et Magnus ne peut pas rester renfrogné plus longtemps. Il détourne la tête, essayant de se convaincre que son petit-ami a raison.
— Si tu veux bien, je vais prendre la lettre en photo pour pouvoir la montrer à Branwell. On lui dira qu'on a pas l'original avec nous.
L'indonésien accepte finalement et ils entrent dans la voiture avant qu'il ne lui donne l'enveloppe. Pendant ce temps, Magnus démarre et prend le chemin du poste de police que Jace leur a indiqué.
C'était il y a neuf ans, et ce n'était même pas ce poste de police. Pourtant, quand Magnus se retrouve devant les portes, il ne peut s'empêcher d'angoisser à nouveau. Le nœud de son estomac se resserre un peu plus. À l'époque, il avait reçu une demande d'aide d'un jeune homme qui recherchait sa fiancée. Elle avait disparu depuis des mois et tout ce que les autorités trouvaient à lui dire, c'est qu'elle devait avoir décidé de le quitter. Qu'elle avait pris peur à quelques semaines de leur mariage et qu'elle avait fui. Mais son fiancé la connaissait bien, et c'est elle qui avait fait la demande en mariage.
Ne réussissant pas à joindre son contact habituel, Magnus s'était déplacé au poste de police d'où il venait pour obtenir l'aide nécessaire. Il pensait avoir trouvé la trace de la demoiselle et avait besoin de l'aide de la police pour certains détails spécifiques. Non seulement ils ont été mal accueilli parce que son « client » s'y était souvent rendu, mais quand ils ont compris comment Magnus avait trouvé ses informations, ils n'ont cessé de vouloir le faire passer pour un aliéné, arguant que s'il en savait autant sur la jeune femme, c'est peut-être parce qu'il l'avait lui-même enlevée.
Il s'est avéré qu'elle avait été agressée et laissée pour morte à des dizaines de kilomètres de là, sans papier et le visage assez abimé pour ne pas trouver son identité. Elle était allongée dans un hôpital depuis lors, dans le coma. L'histoire se finit bien, quelques semaines plus tard, elle s'est réveillée et a pu trouver son fiancé près d'elle. De ce qu'en sait Magnus, ils ont reprogrammé le mariage quelque temps plus tard.
A-t-il déjà raconté cette histoire à Alec ? Non, sans doute pas. À vrai dire, il l'avait presque oublié. Il essaie généralement d'oublier les choses désagréables, la vie est tout de même plus aisée sans se charger de mauvais souvenirs. Alors pourquoi ses épaules sont-elles si lourdes tout à coup ? Il sent la main d'Alec qui effleure la sienne sans la prendre, puis ils entrent. Le détective se dirige aussitôt vers la réception pour demander à parler au lieutenant, mais la seule réponse qu'ils obtiennent, c'est qu'elle est absente.
— Est-ce qu'on peut l'attendre ? demande le brun. C'est important.
— Si c'est à propos d'une affaire en cours, je peux peut-être vous envoyer vers une autre personne chargée de l'affaire.
— Non, c'est pour une enquête récemment clôturée.
Le réceptionniste fronce les sourcils et les envoient s'asseoir dans un petit couloir pour attendre le retour du lieutenant. Sentant la tension de Magnus, Alec lui prend finalement la main pour le rassurer. Ils ne partiront pas d'ici avant d'avoir fait admettre à Branwell qu'il y a un enfant en danger, quelque part, et qu'ils doivent tout faire pour le retrouver. Vite.
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