Chapitre 11 : « Il est mignon. »
D'abord, Magnus espère qu'Alec va revenir rapidement. Qu'une fois sa colère passée, il reviendra pour qu'ils puissent discuter dans le calme. Quelque part, il comprend sa réaction, mais il aurait quand même aimé qu'il lui laisse le bénéfice du doute. À présent, il a des choses à lui expliquer, des choses qu'il ne lui avait pas dit à propos de Camille. On ne dit jamais tout sur ses exs, et certaines choses lui paraissaient sans importance quand il a parlé d'elle à Alec, il y a quelques mois. S'il avait su...
À plusieurs reprises, il prend la lettre de Camille pour la reposer après quelques secondes sans oser la regarder. Il est en colère contre elle, il lui en veut de lui avoir fait un coup pareil. La relation qu'il avait avec elle était particulière. Ils n'étaient, certes, pas vraiment amoureux mais ils se comprenaient aisément. Et puis, ils étaient seuls, tous les deux. Magnus venait de perdre son père quand il l'a rencontrée, et elle avait perdu ses parents des années plus tôt. Enfin, de ce qu'elle lui en avait dit. Elle était du genre à aimer enjoliver les choses. La première fois qu'elle lui a dit que ses parents étaient morts, c'était dans un crash d'avion. Quelque temps après, elle lui a avoué qu'ils s'étaient noyés lors d'une croisière. Puis qu'elle avait coupé les ponts avec eux parce qu'ils étaient des bandits en cavale. Ok, celle-là, c'était évidemment pour plaisanter. Mais Magnus se fichait de ce qui s'était passé, tout ce qui lui importait c'est qu'elle comprenait ce qu'il ressentait à n'avoir plus de famille. Même s'il considérait déjà qu'il n'avait plus de père bien avant qu'on diagnostique un cancer à son paternel.
Leur relation était davantage basée sur le réconfort qu'ils s'apportaient mutuellement, que sur de véritables sentiments d'amour, si bien que l'indonésien a fini par réaliser que ça ne lui convenait plus. Durant ces mois qu'ils ont passé ensemble, il a fait le deuil de son père et de la famille idéalisée sur laquelle, à l'époque, il pensait devoir tirer un trait, mais Camille ne voulait toujours pas être seule. Il ne sait pas vraiment ce qui lui est passé par la tête, elle s'est sans doute rendue compte qu'il allait la quitter et a espéré qu'ainsi elle le retiendrait. Elle a arrêté de prendre la pilule sans le lui dire, pour tomber enceinte. Dès qu'il s'en est rendu compte, il a rompu avec elle. Elle connaissait son don, il lui avait dit que sa mère avait le même et que, à cause de ça, il ne voudrait jamais avoir d'enfant. Elle savait à quel point l'idée le terrifiait. Mais c'était quelqu'un d'égoïste qui n'a pensé qu'à sa peur de se retrouver seule. Comme ils fréquentaient les mêmes endroits, il a quitté San Francisco le mois suivant pour ne plus la revoir. Dire que, pendant plus de sept ans, il a cru qu'il avait découvert la supercherie à temps. Et maintenant, il a un enfant.
L'après-midi passe et Alec ne revient pas. Quand le salon commence à vraiment s'assombrir, Magnus retourne s'asseoir sur le canapé et, alors qu'il avait réussi à s'en empêcher ces dernières heures, il se remet à penser à leur dispute. À ce qu'Alec lui a dit avant de partir. Les larmes lui montent aux yeux alors que son esprit effleure la possibilité que son fiancé ne veuille plus rentrer, du tout.
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Après avoir, encore une fois, tourné et viré dans New York, Alec se rend au poste de police où Jace travaille toujours. Il se gare à quelques mètres de l'entrée et envoie un message à son meilleur ami pour le prévenir qu'il l'attend. En fait, il n'a aucune idée de l'heure qu'il est quand il y arrive, et c'est avec soulagement qu'il reçoit la réponse de Jace :
« Je finis dans dix minutes. »
Il est, effectivement, dix-huit heures passées et le brun n'a toujours pas envie de rentrer chez lui. Il a passé l'après-midi à ressasser sa dispute avec Magnus et ça ne l'a pas aidé à se calmer. Pourquoi Magnus n'a-t-il pas simplement admis lui avoir menti ? D'accord, il aurait quand même été en colère, mais au moins il n'aurait pas l'impression que son petit-ami le prend pour un idiot.
Le blond finit par entrer dans la voiture, une tonne de questions prêtes à être posées au détective privé dont le comportement est de plus en plus étrange. Il se laisse tomber sur le siège passager et regarde Alec :
— Bon, j'imagine que t'es pas simplement venu pour me ramener chez moi !
Pour toute réponse, il obtient un grognement qui lui fait lever les yeux au ciel alors qu'Alec démarre la voiture. Il envoie rapidement un message à Clary pour qu'elle ne s'inquiète pas de ne pas le voir rentrer.
— Dis-moi au moins où on va.
— J'en sais rien, n'importe où. T'as qu'à décider.
— Alec, qu'est-ce qui se passe ? C'est pas ton genre de débarquer comme ça, sans prévenir.
— J'avais seulement envie de sortir...
Cette phrase ne ressemble tellement pas au brun que Jace pouffe de rire.
— Toi ?
— Oui, moi. C'est si étonnant ?
— Oui ! D'accord, tu sors davantage depuis que t'es avec Magnus mais je sais que c'est plus pour lui faire plaisir que par envie.
Le brun hausse simplement les épaules. Il ne va pas se défendre de la bizarrerie de son comportement, il en est tout à fait conscient. Mais tant pis, il a besoin de lui parler et ça ne peut pas attendre.
— Comme tu veux, souffle finalement le blond. On a qu'à aller au Hunter's Moon.
— On y va pas assez quand Simon y joue ? râle encore Alec.
— Tu m'as dit de choisir, j'ai choisi. Alors, tais-toi et conduis.
Il leur faut une dizaine de minutes pour arriver au bar et, heureusement, il est assez tôt pour que les gens qu'ils peuvent potentiellement connaître ne soient pas là. En fait, il est assez tôt pour qu'il n'y ait que très peu de clients. C'est-à-dire qu'à part eux deux, il y a deux hommes installés au comptoir. Et c'est tout. Pas que ça dérange Alec, ceci dit, même si cet endroit a l'air un peu moins désagréable quand il n'est pas forcé d'écouter la musique de son beau-frère.
Jace va leur chercher deux bières et, dès qu'il est assis, Alec soupire :
— Je me suis disputé avec Magnus. Ou plutôt... C'est moi qui lui ai crié dessus.
Il passe une main sur son visage puis attrape le verre fraîchement déposé devant lui pour en boire une gorgée. Jace, qui s'attendait un peu à ça vu ce qui leur arrive en ce moment, se cale dans sa chaise, attendant que son ami se déleste de ce qu'il a sur le cœur.
— Le petit... Micah, reprend Alec après un court silence. Il s'avère que c'est le fils de Magnus.
Toussant bruyamment après avoir avalé sa gorgée de travers, Jace s'écarte de la table pour ne pas se retrouver avec de la bière sur les genoux. Il relève les yeux vers Alec, choqué :
— Tu pouvais pas attendre que j'ai bu pour me dire un truc pareil ! Oh putain... T'en es sûr ?
Il s'essuie la bouche du revers de sa manche alors qu'Alec attrape son portable. Quelques secondes plus tard, il lui montre la photo d'un petit groupe d'enfants mais, comme le détective plus tôt dans la journée, le regard du blond est immédiatement attiré vers la copie miniature de Magnus.
— Il est mignon, ne peut-il s'empêcher de dire.
Alec regarde l'écran de son téléphone et hausse à nouveau les épaules. Bien sûr qu'il est mignon, il ressemble à Magnus. Mais il a quand même du mal à l'admettre à voix haute. Il range l'appareil dans sa poche et s'accoude à la table.
— Je suis rentré en début d'après-midi pour avoir des explications. Mais il n'a fait que nier.
— Tu penses qu'il savait ?
— Comment aurait-il pu ne pas savoir ?
Jace se mord la lèvre, estimant qu'il y a sans doute un tas de raisons pour que Magnus n'ait pas su mais qu'Alec risque de n'être sensible à aucune d'elles. Il l'avait déjà vu jaloux à cause de leur ancien instructeur et maintenant il l'est à cause d'un fantôme ? Décidément, il est vraiment fou amoureux...
— C'est quoi le vrai problème ? demande-t-il finalement.
— Comment ça ?
— Pourquoi t'es en colère exactement ? Je veux dire... Tu es loin d'être idiot ou d'aimer te disputer avec lui. Je comprends que ça a dû te choquer d'apprendre que Micah est son fils mais au point d'être en colère toute la journée ? L'autre soir, on a tous vu que quelque chose ne va pas entre vous.
— Je suis en colère parce qu'il m'a menti !
— Mais ça n'allait déjà pas avant que tu le saches, n'est-ce pas ?
— De quoi tu parles ?
— Oh, Alec, tu te fous de moi ?
Sous le regard scrutateur de Jace, Alec détourne les yeux. Merde, il voulait lui parler et vider son sac, mais il n'y arrive pas. Sa colère l'empêche de trouver ses mots.
— Crache le morceau, mon pote, insiste le blond. Si tu n'en parles pas, comment veux-tu que ça s'arrange ?
Le brun se mord la lèvre. S'arranger. Est-ce qu'il n'a pas dit à Magnus qu'il n'était pas sûr que ça puisse se faire ? Oui, mais il ne le pensait pas vraiment. Peut-être sur le moment mais quelques minutes plus tard, il regrettait déjà d'avoir dit un truc pareil avant de partir comme il l'a fait.
Il souffle longuement avant de reprendre une longue gorgée de bière qui le fait grimacer.
— Il m'a dit qu'il ne voulait pas d'enfant.
— Quoi ? s'étonne son meilleur ami. C'est pas lui qui t'a dit vouloir fonder une famille avec toi ?
— Si. Oui, il en veut une. Mais après quelques temps à se renseigner sur l'adoption, j'ai réalisé que je voudrais qu'on ait un bébé à nous. Au moins, le premier. Quand on a compris que je ne pouvais pas le faire, je lui ai demandé d'être le père et il...
— Il a refusé ?
— Ouais. Soi-disant à cause de son don !
Alec renifle, agacé. Même après un mois, cette excuse lui paraît encore ridicule.
— C'est héréditaire ?
— Sa mère l'avait aussi. C'était la première mais il croit qu'il pourrait le transmettre au bébé.
Dans le silence qui suit, Jace observe toujours Alec et réfléchit. Le brun, lui, se cale contre le dossier de sa chaise et secoue la tête, essayant de calmer sa colère.
— Quelle connerie ! grogne-t-il. Si c'était vrai, il aurait pas fait d'enfant avec sa Camille.
— « Sa » Camille ? répète Jace avec un léger rire. On dirait que tu parles de sa maîtresse. Non seulement, elle est morte mais, en plus, ça s'est passé bien avant qu'il te rencontre. Je sais que ça te bouleverse mais tu ne peux pas lui en vouloir d'avoir eu une vie. Surtout maintenant que sa vie tourne autour de toi.
— Autour de moi ? Si c'était le cas, il ne refuserait pas de faire un bébé pour nous !
— Alec... Pourquoi tu lui en veux de ne pas pouvoir faire ce bébé ?
— Il peut !
— Non, ce que je veux dire c'est : pourquoi tu lui en veux à lui, parce que tu ne peux pas, toi, être le père de votre bébé ?
Le brun hausse les sourcils avant de les froncer en secouant à nouveau la tête.
— De quoi tu parles ? Ça n'a rien à voir ! Ce qui me met en colère, c'est qu'il a menti !
— Non, c'est faux. C'est toi qui te mens à toi-même. Tu ne sais même pas s'il t'a vraiment menti et, le connaissant, c'est certainement pas le cas mais tu as refusé de l'entendre. Et si tu lui en veux autant d'avoir eu cet enfant avec une autre, c'est pour ne pas affronter la culpabilité que tu ressens.
— Pourquoi je me sentirais coupable ? T'es complètement à côté de la plaque !
Alec se lève, termine rapidement sa bière et retourne au comptoir pour en chercher une deuxième. Il y reste quelques minutes, le temps de se calmer. Et, aussi, de réfléchir aux paroles de son meilleur ami. Jace le connaît bien. Trop bien.
Il finit par retourner s'asseoir en face de Jace qui a son téléphone à la main.
— Vous pouvez pas arrêter deux minutes de vous envoyer des messages ? râle-t-il.
— Je lui dis que, comme tu es un crétin, je vais passer la soirée avec toi pour te remonter le moral en essayant de t'empêcher de te souler.
L'obstination d'Alec les pousse à changer de sujet et, après environ une heure, les deux hommes quittent le bar pour aller manger. Le brun n'a pas envie de rentrer, il en a encore trop gros sur le cœur pour ça.
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