「1.4」

◤♧◢

« Le corbeau se réveille. »

Il fronça les sourcils, se redressant. Il avait passé la soirée à réfléchir. Si Midorikawa avait dit vrai, il pouvait donner deux votes à quelqu'un. Qui pouvait-il soupçonner ?

Il excluait d'emblée Tobitaka et Touko, sauf s'ils jouaient la comédie. Il refusait d'accuser Endou, ou bien Shirou. Il avait passé la journée à observer ses amis. Alors il trancha. Il ne pouvait pas laisser les loups tuer quelqu'un d'autre.

« Le corbeau peut se rendormir. »

Il revint dans son lit, qui grinça. Qui dormait réellement ? Qui restait éveillé en attendant d'être appelé ? Si au moins il savait ça, il pourrait éliminer des gens.

« Les loups-garous se réveillent et se rejoignent à l'extérieur de leur chambre. »

La porte s'ouvrit doucement. Le corbeau se redressa.

« Où tu vas ? (Il se tait quelques secondes.) Tu n'es pas un loup, hein ?

- Bien sûr que non. Je vais juste boire un coup. Tu me fais confiance ?

- ... Oui. »

Le blanc sortit. Il vit ses autres camarades. Et il sourit. Une fois au rez-de-chaussée, leur « leader » demanda s'il avaient une cible.

« Je consens à ce qu'on laisse les personnes qu'on aime le plus en vie, pour l'instant. Mais à un moment où à un autre, il faudra trancher.

- Je propose Natsumi, dit l'un d'eux.

- Ça ne m'étonne pas venant de toi. Ton côté sombre reprend le dessus, on dirait.

- Natsumi me va, dit le plus jeune d'entre eux.

- Moi aussi, répondit le colocataire du corbeau.

- Et toi ?

- Je suis la majorité. »

Et elle remonta la première. Son colocataire la suivit. Une fois dans leur chambre, il ne prit pas la peine d'allumer la lumière.

« Est-ce que ça va ?

- J'ai l'air d'aller bien ?

- S'il te plaît, raconte-moi.

- Depuis quand tu es aussi prévenant envers moi, Kogure ? »

Il baissa les yeux, et releva la tête vers elle.

« Tu as peur pour Kidou, c'est ça ? »

Elle ne répondit pas. Bien sûr qu'elle avait peur. Elle tomba sur son lit, assise, sanglotant.

« Je n'y comprends plus rien... ce n'est qu'un jeu ! Pourquoi on doit... pourquoi... ? Je ne veux plus que quelqu'un meure !

- Otonashi, on a pas le choix. C'est eux ou nous. On ne sortira pas tous vivants d'ici. Je refuse de mourir. Et encore plus de te laisser mourir. Même ma mort ne suffirait pas à Kidou.

- Kogure...

- Je ne suis plus un gamin. Je suis prêt à prendre mes responsabilités et tuer tout le monde s'il le faut. Même Kidou. »

Elle aurait pu avoir peur, le repousser, le dénoncer. Mais au lieu de tout cela, elle le remercia. Et, comme elle pleurait encore, il la prit dans ses bras, sans la brusquer, se retrouvant entre ses jambes écartées. Lorsqu'elle s'accrocha à son dos en redoublant de pleurs, il resserra son étreinte.

Sais-tu depuis combien de temps je suis amoureux de toi, Haruna... ?

« Le loup-garou blanc se réveille. »

Il avait été boire, comme prévu. Pour avoir une excuse à donner aux autres. Et pour réfléchir. Il ne savait pas qui désigner cette nuit. Mais il se souvint des mots de leur leader.

« Nous devons découvrir l'identité de la voyante et la tuer. »

Fudou, peut-être ? Kidou ? Endou ? Il ne savait pas. Il devait pourtant le faire, pour survivre. Il devait tuer tout le monde.

Atsuya... qu'aurais-tu fait à ma place ?

Mais il ne répondit pas. Alors le blanc remonta. Il ne tuerait personne, cette nuit.

Il entra dans sa chambre, fermant derrière lui. Une main ferme l'attrapa par le visage, l'empêchant de parler.

Someoka...

« Shirou... comment as-tu pu ? »

Sa voix était à la fois colérique et triste. Remplie de déception. Ses yeux se remplirent de larmes. Il ferma les paupières.

« Je te faisais confiance...

- Uhh... »

Le rose écarquilla les yeux en sentant des larmes couler sur sa main. Shirou pleurait.

« Shirou... ? »

Le blanc saisit la main de l'attaquant avec les siennes. Il la serra doucement, geignant de plus en plus. La main fut retirée.

« Pourquoi tu pleures ?...

- Je suis désolé... Someoka... j'aurais voulu que tu ne le saches pas. Parce que maintenant, j'ai peur que tu ne survives pas à cette nuit. »

Shirou avait saisi la plaquette portant les kanjis du nom de son petit-ami. Et malgré le sourire glaçant sur son visage, la lumière réfléchie par la lune venait titiller ses larmes.

◤♧◢

« La sorcière se réveille. »

Cette fois-ci, il n'avait pas vu son colocataire se lever. Il l'entendait ronfler légèrement. Alors il se leva. Sur son bureau, comme la veille, une plaquette brillait.

« Cette personne va mourir cette nuit. Veux-tu la sauver et utiliser ta potion de vie ? Ou préfères-tu tuer quelqu'un d'autre ? »

Il n'avait encore toute sa raison. Il n'était pas prêt à tuer. Il fixa la plaquette brillante. Puis il se tourna vers son colocataire. Il serra les poings, les dents, et, pris de remords, il retourna se coucher.

« Sauver tout le monde, tu parles... je suis pitoyable... » se murmura-t-il à lui-même.

« La sorcière se rendort, et la nuit passe lentement... »

Pardonne-moi. Je t'aimerai toujours, même si toi tu me hais après ce que j'ai fait.

C'est Gouenji qui s'éveilla le premier. Il tenait doucement Natsumi dans ses bras. Alors comme ça, elle ne voulait pas de rapprochement entre eux ? Le blond esquissa un sourire, avant de s'asseoir sur son lit. Y avait eu un mort, cette nuit ?

La porte s'ouvrit à la volée, éveillant « princesse Natsumi ». C'était Shirou, une expression macabre sur le visage. Il ne releva pas la scène qui se tenait devant lui :

« Gouenji...

- Il y a eu un mort... ?

- Someoka... » souffla le blanc, avant de fondre en larmes, accompagnés de cris.

Le corps fut retrouvé une dizaine de minutes plus tard, dans la chambre de Shirou et de l'intéressé. La voix avait annoncé son rôle ; Corbeau. Gouenji fit vite son constat : assassiné. Il sortit son téléphone et montra les photos à ceux qui avaient le courage de regarder.

« Là, vous voyez, ça ressemble beaucoup trop à des griffures.

- Attends, t'es vraiment en train de nous sortir qu'il y a des loups-garous parmi nous ?

- Ça se voit que t'as tout écouté, Kidou, ricana Fudou en tapant dans ses mains.

- Outre la mort de Someoka, j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. On va devoir choisir quelqu'un. Et ce quelqu'un va mourir, comme Fuyuka. »

Les mots de Gouenji firent à nouveau l'effet d'une bombe. Alors ce serait ainsi pour les jours à venir ? La roulette russe, comme l'avait dit Kazemaru ?

« Déjà, il faudrait savoir qui a deux votes d'office contre lui, fit Midorikawa, reniflant, les yeux rouges.

- J'ai trouvé ça dans ma chambre, dit Tachimukai en tendant une feuille pliée à Hiroto.

- Voyons voir... »

Le sang du Kiyama se figea. Il laissa tomber le papier, attrapé par Midorikawa.

« Someoka avait attribué deux votes à Hiroto... ?

- Ça se tient, dit Tobitaka. Ça doit aussi être pour ça que certains ont voté contre Midorikawa, hier. Vous savez tout, vous êtes les cibles idéales.

- Ce n'est pas vrai ! Jamais je n'oserais faire ça ! Pas vrai, Endou ? »

Le silence lui répondit. Aki demanda si quelqu'un avait vu Endou. Touko remarqua également l'absence de Kazemaru. Ils étaient sûrement restés dans leur chambre.

« Laissons-les. Nous déciderons à la majorité. Recommençons un vote sur papier, ordonna Kidou. Plus vite ce sera fait... »

Il ne put pas finir sa phrase, il ne trouvait pas les mots. Si même Endou avait laissé tomber, il devait pourtant faire quelque chose.

Kazemaru est parti...

La seule fois où Endou avait pleuré. Refusé de toucher un ballon. Refusé de s'alimenter. Et ça revenait. Fudou avait raison. Le capitaine ne s'en sortirait pas sain psychologiquement. Kidou cria presque :

« Allez ! Je sais que c'est dur. Mais on a pas le choix. C'est eux ou nous. Ils vont voter avec nous. Vous allez voter avec nous, les loups ! Et sans doute faire en sorte qu'un villageois meure. Quelqu'un a des propositions... ? »

Personne n'osa parler. Voyant que le temps passait, Tobitaka s'avança.

« Hiroto. Je pense que tu es un loup. Et je suis prêt à voter contre toi. »

Et sur ces mots, il saisit la feuille avec le nom de Hiroto et ajouta une barre à son prénom. Ils se fixaient du regard, avant d'entendre un ventre gargouiller. Les têtes se tournèrent vers Aki, qui baissa la tête, honteuse.

« Je suis désolée...

- Il n'y a rien de mal, dit Gouenji. Nous devrions déjeuner et réfléchir un peu. Nous voterons après. Qu'en pensez-vous ? Un bon repas ne pourra que nous faire du bien.

- Sans moi, souffla Tobitaka. Mais je veux bien amener quelque chose au capitaine et à Kazemaru. »

Tachimukai fixa quelques secondes Hiroto. Quelque chose d'étrange émanait de lui... Mais quoi... ?

Lorsque le petit-déjeuner se termina, Midorikawa arriva le premier dans la salle de réunion. Il ne savait pas quoi faire. Ce n'était qu'un jeu, à la base...

« Midorikawa... »

Le vert se tourna vers Haruna.

« C'est toi, Otonashi...

- Est-ce que ça va aller ?

- J'en sais rien... nos amis sont morts, Hiroto est accusé et personne ne peut nous porter secours... je sais plus quoi faire...

- Midorikawa...

- Je ne peux ni le protéger, ni sauver quelqu'un... »

La bleutée détourna le regard, avant de venir à ses côtés, fixant le corps de Someoka.

« Moi aussi, je ne comprends pas pourquoi on doit mourir. J'ai peur de devoir tuer des gens que j'aime par-dessus tout. Juste parce qu'ils n'ont aucun scrupule à nous tuer, eux. J'ai peur pour Onii-chan, pour Endou-san, pour Natsumi, pour tout le monde.

- Ça va être l'heure de voter... » coupa le vert, une expression macabre sur le visage.

A onze heures, les joueurs et les manageuses se réunirent. Kidou rappela qu'il y avait trois votes contre Hiroto, donnés par Someoka et Tobitaka.

« D'après ce dernier, Endou refuse de voter, ce qui pourra poser problème. Nous partirons du fait que tant que votre vote ne sera pas gravé noir sur blanc sur la feuille, vous pourrez le changer. Vous avez eu trois heures pour réfléchir. Maintenant, nous devons choisir. Ceux qui se sentent prêts à voter sans retour, la feuille vous attend. »

Kidou écouta le silence pesant qui suivit son petit laïus. Il se mordit légèrement la lèvre inférieure. En l'absence d'Endou, il se devait de montrer qu'il tenait debout.

« Puisqu'il faut y aller... » lâcha Fudou en attrapant un stylo.

Il se pencha vers la feuille, et, au dernier moment, il se tourna vers Shirou.

« Rappelle-moi comment on écrit ton nom, déjà ? »

Shirou déglutit. Kidou n'osa pas demander pourquoi il avait fait ce choix. Il avait la même intuition.

« Je ne comprends pas. Pourquoi tu accuses Fubuki ? Demanda Gouenji.

- Je pars du principe que la chambre de Toramaru est à côté de celle de Fubuki et Someoka. Il a pu entendre la porte s'ouvrir. Et aussi, le fait qu'il ait pu tuer Someoka sans problème. Si ça avait été quelqu'un d'autre, il se serait réveillé et aurait attiré l'attention, non ? »

Kidou décroisa les bras. Il approuvait le raisonnement de Fudou. Alors Kidou prit le stylo des mains de Fudou et écrivit le nom du joueur d'Hokkaïdo. Il y avait deux votes contre lui.

Kogure alla de Shirou à Hiroto, puis d'Hiroto à Shirou. Désigner quelqu'un d'autre que l'un d'eux devenait problématique. Alors il leva les yeux vers Haruna. Lui vota contre Hiroto et elle contre Shirou. Natsumi détourna le regard. Elle ne savait pas qui choisir. Alors elle laissa les autres voter, un à un. Et quand elle passa, elle choisit.

« Voici les résultats. Nous avons été quatorze à voter. Il y a six votes blancs. Cinq contre Hiroto et trois contre Fubuki.

- Non ! Je-

- Ryuuji ! »

Le vert, en larmes, leva les yeux vers son petit-ami.

« Si tu as le rôle que je pense, je refuse que tu le fasses. J'ai été choisi, alors je vais mourir, c'est tout.

- Hiroto...

- Je t'aime, Ryuuji. Ne l'oublie jamais.

- Mais je veux pas que tu meures !

- Moi non plus ! Personne ne veut mourir ! Fais de ton mieux pour survivre ! Redeviens Reize, s'il le faut ! »

Il se tourna vers les autres et leur fit un sourire.

« C'est comme ça. J'ai été choisi, alors je mourrai. Dites au revoir à Endou-kun de ma part. Et désolé pour tout.

- Hiroto ! Hiroto ! »

Le roux s'éloigna du groupe, ignorant son petit-ami.

« Reviens ici tout de suite ! T'as pas le droit ! Hiroto ! »

Un bruit sourd fit taire Midorikawa. Il resta figé quelques secondes avant de marcher vers la salle des morts. Il s'approcha du corps d'Hiroto, au sol, inerte, avant de s'accroupir.

« Hiroto... ? Eh, t'es pas mort, hein ? Tu me mens, pas vrai... ? »

Gouenji posa une main sur l'épaule du vert. Il secoua la tête. Ryuuji tenta de se retenir, mais ses cris et pleurs remplirent rapidement l'espace. Kazemaru, alerté par les cris, descendit. Il vient voir ce qu'il se passait.

« C'est pas vrai... Hiroto... est mort ?

- Ouais. Tu comptes mettre le capitaine au courant ?

- C'est pas comme si j'avais le choix.

- Kazemaru, comment va Endou ? Demanda Kidou.

- Il a mangé un peu. Là, il dort. Dire qu'il se remettait à peine de tout ça... »

« Les villageois ont aujourd'hui voté contre Hiroto Kiyama, qui était un loup-garou. »

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Des morts du jour ?

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『12/03/2020』

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