À midi, Dumbledore vint en personne, accompagné par Rogue et Hagrid, pour donner aux quatre Dragons de quoi les réchauffer de l'intérieur.

Ainsi, pour la première fois de leur vie, les quatre élèves devenus Dragons s'enfilèrent chacun un plein tonneau de Ogden's Old Firewhisky.

— La vache ! s'exclama Dragon-Harry, le corps parcourut de frissons. Ça réchauffe, c'est génial ! Merci, professeur !
— Mais de rien, dit Dumbledore en souriant. Gardez donc l'énergie que vous amassez, vous allez en avoir besoin.
— Pour quoi faire, il y a des cours cet après-midi ?
— Non, dit Rogue. Mais vous allez avoir le loisir de vous défouler un peu malgré la pluie.
— Ha... dit Dragon-Harry, perdant son enthousiasme.
— Vous savez, Potter, les rugissements de Dragons portent loin, dit Rogue en croisant les bras. Et je parierais – et gagnerais – mille Gallions sur le fait que vous et Malefoy n'étiez pas étrangers à ces hurlements de fureur ce matin.

Dragon-Harry baissa la tête et Hagrid flatta le ventre du Gryffondor qui le regarda d'en haut.

— T'en fait pas, Harry, dit Hagrid. L'essentiel c'est que tu ne sois pas blessé.
— Savez-vous ce qu'a Malefoy ? demanda alors Rogue.

Dragon-Harry le regarda puis hocha la tête et ouvrit sa gueule pour parler mais une chaîne siffla et rebondit sur le museau de Dragon-Harry qui baissa la tête en marmonnant de douleur, enserrant son museau de ses pattes avant.

— Dis un seul mot sur moi, Potter, et tu auras encore à faire à moi, gronda Dragon-Malefoy en s'approchant d'un pas lourd.

Rogue et Dumbledore reculèrent d'un pas et le grand Dragon blanc prit le museau de Dragon-Harry dans ses mains griffues.

— Tu n'as pas à te mêler de ma vie, pigé ?
— Lâche-boi ! s'exclama Harry. Du b'embêche de resbirer !
— M'en fiche ! dit Dragon-Malefoy.
— Lâche-moi !

Dragon-Harry repoussa alors violemment les pattes de Dragon-Malefoy qui recula de plusieurs pas.

— Tu n'as pas à m'empêcher de parler si j'en ai envie ! s'exclama Dragon-Harry en poussant Hagrid pour avancer. De plus, je répondais à une question d'un professeur !
— Ça m'est bien égal, je ne supporte pas que l'on parle de moi ! répliqua Dragon-Malefoy en levant ses pattes avant.

Dragon-Harry y plaqua les siennes en serrant ses griffes, et un énième combat s'engagea.

— Ça suffit ! tonna soudain Hagrid. Non mais, vous avez quel âge ?

D'un coup d'épaule, il sépara les deux Dragons et Dragon-Malefoy se détourna en maugréant. Il battit des ailes et s'envola sur quelques mètres pour ensuite se poser sur l'abri au toit de paille qui recouvrait l'abreuvoir.

— Quelle mauvaise foi, dit Dragon-Harry en passant une patte sur son nez endolori.

Rogue regarda alors Dumbledore qui hocha la tête.

— Potter, dit ensuite Rogue en s'approchant. Descendez-voir par-là...

Dragon-Harry baissa la tête puis s'allongea sur le ventre et Rogue sortit d'une poche intérieure de sa cape une fiole en métal.

— Nous savons que vous passez vos nuits près de Malefoy, Potter...
— Et alors ? Je ne fais rien de mal...
— Non, bien sûr, dit Dumbledore en s'approchant. Nous voudrions simplement que vous réussissiez à faire boire ceci à monsieur Malefoy.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda Dragon-Harry en regardant la bouteille.
— Une potion d'Oubli, dit Rogue.
— Non, dit alors Dragon-Harry. Je suis désolé, mais je ne peux pas faire ça.
— Mais pourquoi, cette expérience est en train de tourner au cauchemar, pour lui, dit Rogue. Potter... Ah mon Dieu, j'aurais jamais cru vous le dire un jour, mais... s'il vous plait, Potter...
— Pardon ? demanda Dragon-Harry en penchant la tête sur le côté. Vous me demandez « s'il vous plait » ? Alors ça ! C'est une première, professeur Rogue !
— Oui bon ben ça va, dit Rogue, une trace rouge sur les joues. Allez Potter, obéissez et faites en sorte que Malefoy boive cette potion.
— Non, j'ai dit, dit Dragon-Harry en plissant ses yeux verts, ce qui lui donna un air encore plus féroce. Malefoy est extrêmement malheureux, professeur, il a perdu sa mère, et son père est en train de crever en prison. Il lui faut quelqu'un pour l'aider à remonter et pas une potion pour oublier.

Sur ce, Dragon-Harry donna un coup de patte dans la main de Rogue et la fiole vola. Elle atterrit contre la palissade et rebondit. Son bouchon sauta alors et le liquide clair se déversa dans l'herbe en la faisant jaunir.

— Je suis certain que je peux réussir à avoir la confiance de Malefoy, professeurs, dit ensuite Dragon-Harry en se relevant. Ce n'est qu'une question de temps. Et puis, si je n'y arrive pas avant Noël, je continuerais après, jusqu'à que Malefoy me fasse confiance.
— Pourquoi, Potter ? demanda alors Rogue en se tenant le poignet. Pourquoi vous acharnez-vous ainsi ? Pour venger vos parents ?
— Je ne vois pas le rapport, dit Dragon-Harry en regardant l'homme en noir protégé de la pluie par un ciré gris foncé. Si je fais cela, c'est simplement parce que je sais ce que l'on peut ressentir quand on est tout seul, c'est tout.
— Tu n'as jamais été tout seul, Harry, dit Dumbledore en s'approchant d'un pas.
— Oh si ! Professeur, dit Dragon-Harry. Plus seul que moi ces dernières années, il n'y avait pas dans le monde entier, je puis vous assurer.

Dumbledore regarda alors Rogue qui pinça les lèvres, puis les deux professeurs quittèrent l'enclos avec Hagrid, et Dragon-Harry alla boire un peu d'eau dans l'abreuvoir. Lorsqu'il releva la tête, les babines dégoulinantes de bave et d'eau mêlée, son regard vert tomba sur la chaîne reliée à la queue de Dragon-Malefoy. Cette dernière pendait tristement du rebord du toit du cabanon et Dragon-Harry alla à la tête du Dragon blanc qui grogna sourdement en le reconnaissant.

— Tu cherches vraiment la bagarre, dit Dragon-Malefoy en plissant ses grands yeux gris métalliques. Tu ne voudrais pas me lâcher cinq minutes ?
— Pourquoi ? demanda Harry en se dressant sur ses pattes arrière pour être à la hauteur de Dragon-Malefoy.

Il pencha la tête sur le côté et ajouta :

— Dis-moi pourquoi tu restes dans ton coin comme ça au lieu de nous affronter pour comprendre comment fonctionne un vrai Dragon ? Ce n'est pas toi qui as accepté de devenir un Dragon uniquement pour venger tes parents ? Ais-je les tympans percés ?
— Tes oreilles sont en bon état, rassures-toi, dit Dragon-Malefoy en tournant la tête et en fermant les yeux.
— Alors ? dit Dragon-Harry. Pourquoi tu restes dans ton coin ? Tu veux m'en parler ?
— Je n'ai pas besoin de confident, encore moins en ta personne, cracha Dragon Malefoy en retroussant ses babines. Quand j'aurais besoin de toi, je te sonnerais, pigé ? Maintenant, fiche-moi la paix et si tu veux te battre, va voir le Serdaigle ou le Pouffsouffle.

Dragon-Harry ne dit rien mais il n'en pensa pas moins. Il se détourna et s'éloigna sans rien dire. Dragon-Malefoy le regarda s'éloigner puis il soupira et entreprit de faire une sieste.

~

Le reste de la journée passa très lentement. Personne ne vint chercher les quatre Dragons et ils s'ennuyèrent ferme. La pluie redoubla en fin d'après-midi et Harry, dégoulinant et baignant dans une véritable baignoire de boue, commença à trouver l'expérience plutôt inutile.

À la nuit, le tonnerre se mit à gronder et Dragon-Malefoy daigna descendre de son perchoir pour manger sa viande avant qu'elle ne soit imbibée d'eau boueuse. Dragon-Harry profita de ce que le Dragon blanc mangeait pour s'approcher de lui.

— Qu'est-ce que tu fiches ici ? demanda Dragon-Malefoy entre ses dents, tout occupé à cisailler un nerf un peu résistant. Tu veux encore une raclée ?

Dragon-Harry ne répondit pas et Dragon-Malefoy abandonna son morceau de viande mâchonnée pour relever la tête vers Dragon-Harry qui le regarda dans les yeux avant de s'approcher de lui et faire glisser son cou contre celui du blond qui se déporta sur le côté.

— Si tu crois que je marche aux câlins, tu rêves, Potter.

Dragon-Harry ne dit rien et ouvrit sa gueule. Il saisit entre deux de ses canines la peau à la base du cou du Dragon blanc et y laissa une profonde entaille en forme de V. Il rassembla ensuite un peu de gaz dans son gosier et souffla une petite flamme rouge qui cautérisa la plaie et y laissa une cicatrice noire.

— Putain ! s'exclama Dragon-Malefoy en faisant un bon sur le côté. Non mais tu joues à quoi au juste ? T'es cinglé ! Ca fait mal ! T'as fait quoi ?
— Je n'avais pas le choix, dit Dragon-Harry. Tu ne m'as pas laissé le choix.
— Mais le choix de quoi ! s'exclama Dragon-Malefoy en portant une main à la plaie d'une bonne trentaine de centimètres de long. Tu m'as bouffé le cuir et tu m'as brûlé en plus, crétin ! Ca veut dire quoi ?
— Malefoy, mets un bémol, tu veux ? dit alors Dragon-Montor en approchant. Tu as cherché, tu trouves maintenant.
— Mais putain, expliquez-moi ! s'exclama le Dragon blanc, furieux, en se dressant sur pattes arrière. C'est quoi ce truc ?
— Potter t'a marqué comme sa compagne, enfin son compagnon, dit Dragon-Ramons en se dressant sur ses pattes arrière et en s'appuyant sur le dos de Montor. En faisant ça, il t'oblige à lui parler, même si tu ne le veux pas.
— Mais c'est quoi ce bordel ! Je suis un mec, pas une meuf, nom de Dieu !
— Arrête de jurer, dit alors Dragon-Harry d'une voix calme.

Le Dragon blanc ouvrit la gueule et se jeta sur Dragon-Harry qui ne bougea pas. Dragon-Malefoy s'arrêta soudain et referma sa gueule.

— Tu ne peux pas m'attaquer, dit Dragon-Harry. Toi et moi on est maintenant liés, tu ne peux plus rien me faire jusqu'à ce que je décide de te libérer. Par contre, je peux t'obliger à me parler.
— Tu me le payeras, siffla Dragon-Malefoy. Je te jure que tu le payeras. Attend qu'on redevienne des humains et tu me le payeras, foi de Malefoy.
— Fais donc, dit Dragon-Harry. Je n'ai pas peur de toi et tu le sais très bien.

Dragon-Malefoy plissa ses yeux gris puis il se détourna et s'éloigna dans la pénombre. Un bruit sourd renseigna les trois autres Dragons sur l'activité de leur compagnon, et Dragon-Harry soupira.

— Tu ne crois que tu y as été un peu fort, Potter ? demanda Dragon-Montor.
— Je n'avais pas d'autre choix, dit Dragon-Harry. Il faut qu'il fasse un peu confiance aux autres. Je veux l'aider...
— Mais pourquoi d'abord ? demanda Dragon-Ramons. Hein ? Pourquoi est-ce que tu tiens tant à l'aider ? T'es amoureux de lui ou quoi ?
— Ramons, dit Dragon-Montor. Je t'en prie...

Dragon-Harry baissa les yeux puis il se détourna et alla se coucher contre la palissade la plus proche. Dragon-Montor et Dragon-Ramons soupirèrent puis allèrent également se coucher un peu plus loin.