꧁Chapitre II꧂
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𝕵𝖊 𝖒𝖊 𝖗é𝖛𝖊𝖎𝖑𝖑𝖆𝖎𝖘, secouée par le mouvement monotone de la route. Un voile gris recouvrait ma vue, tandis que j'ouvrais doucement les yeux. Mon esprit était embrouillé, et j'avais du mal à me rappeller tout ce qui était arrivé...
Mes lèvres étaient collantes et ma bouche sèche quand je marmonnai :
— Ava...qu'as-tu fait, encore, me suis-je dis.
J'étais dans une position très inconfortable : assise sur les genoux, sur un sol de métal, la tête penchée en arrière contre un mur froid. Et aucune lumière venait me réconforter, la pièce était plongée dans les ténèbres...comme le feu noir d'auparavant. Les souvenirs remontaient lentement, et j'avais horreur de ça, mais plus je pensais, plus un mal de tête se développait.
Sur mes mains, des cercles de fer bloquaient mes poignets, ainsi que mon cou. Et...mes cornes. Oui, je le sentais, c'est comme si cela propageait du brouillard dans mon crâne, exactement comme quand je les camouflais, petite. La pire des sensations.
Je grognais un peu et remuais. Je me souvenais...D' Aury ! Ils l'avaient attrapé ! Je devais la sauver et-...
Je failli tirer brusquement sur les chaînes qui retenaient mes membres puis me ravisai. Il ne fallait pas que je fonce tête baissée, ce serait idiot. Il y avait sûrement des vigiles qui protégeaient le véhicule.
Mais, je ne supportais pas de rester sans bouger, alors que je venais de me faire kidnapper. Je me fis violence pour garder mon calme, surtout que j'avais l'impression qu'on m'enfonçait de force des pics de fer dans le crâne.
Il fallait réfléchir. Il fallait se souvenir.
Et un souvenir remonta brusquement à la surface. Aury m'avait dit qu'ils cherchaient une fille "pas déclarée à l'état". Ça voulait dire que les États-Unis n'étaient pas au courant de mon existence ? Mais alors comment m'avaient-ils retrouvée...?
Puis j'eus un flash.
Les dossiers d'inscription pour le lycée. Si ma mère avait réussi à me faire entrer au collège et en primaire facilement, c'est parce que les établissements se trouvaient dans le village (qui s'était bien agrandi depuis, alors on le qualifiait plus de petite ville). Mais le lycée, lui, se trouvait dans une autre ville. Ma mère avait donc du fournir de vrais dossiers, si mon hypothèse tenait.
Et bizarrement, ça ne m'aurait pas étonné de ma mère, qu'elle me cache au pays.
Je soupirai longuement. Ça faisait beaucoup tout en un coup... comment, mais alors comment la "situation" avait pu changer aussi brusquement ? J'essayais vaguement de me redresser, même si je n'y voyais rien, et que le ballottement de la route me faisait basculer. En plus, les chaînes étaient beaucoup trop courtes...
Désespérée, je me laissai mollement tomber sur le sol en métal et me recroquevillai contre le mur. Je devais sembler pitoyable comme ça, mais je n'en pouvais plus. Et le taser du policier me faisait toujours un peu mal à l'estomac.
En faisant lassement parcourir mes doigts sur le sol glacial, je repensais à mon enlèvement (j'avais décidé de qualifier les "événements" comme ça). Ce feu noir...il était si sombre, si inquiétant...comme tout droit sorti des Ténèbres en personne. Était-ce vraiment moi qui avait créé ça ? Rien que d'y penser, une sueur froide me parcourai.
Mais quelque chose clochait. Comment avais-je pu voir ce feu, s'il était noir comme la nuit ? J'oubliais forcément quelque chose...
Fatiguée et agacée de réfléchir autant, je décidai de penser à autre chose. J'avais l'impression que ça me mettait de mauvaise humeur.
Puis, sans que je m'en rende compte, une larme coula doucement sur ma joue. Incrédule, je l'essuyai de la paume de ma main, les yeux ronds comme des soucoupes. Je ne voulais pas m'abandonner à ça, non, non...
Tout d'un coup, je me redressai. Le pentacle. Ça y est, je me souvenais de ça. Autour de moi, au moment où le feu se déployait majestueusement, un pentacle rouge éclatant était apparu, et il déterminait le cercle de feu sombre. Je me souvenais également de ça : les flammes se voyaient car toutes leurs extrémités étaient d'un orange flamboyant.
Revigorée et fière d'avoir enfin fini de recouvrer mes souvenirs, me me redressais...et finis projetée contre le mur du camion. Sonnée, j'entourai mes bras autour de mes côtes. Le coup avait été brutal.
Mes yeux étaient écarquillés vers le sol, ma tête tournait, et mon estomac s'était retourné, mais j'arrivai tout de même à réaliser que le véhicule s'était arrêté. Ça y est, j'étais arrivée à destination.
J'entendai un déclic, puis les portes s'ouvrirent brusquement en face de moi. La lumière n'était pas forte, il devait faire nuit, mais cela suffit pour m'aveugler. Les yeux plissés et l'esprit embrouillé, j'essayais vainement de distinguer les formes floues qui avaient détaché mes menottes et qui m'empoignaient maintenant fermement pour m'entraîner dehors. J'aurais aimé me débattre, mais mes membres tremblaient et mes forces m'avaient lâchement quittée. Et puis, il était plus judicieux de ne pas trop bouger...
Dehors, des immeubles au loin diffusaient de la lumière, et le ciel était d'un noir d'encre. L'air était gelé et me fit frissonner, dans mon crok-top idiot et mon cargo.
Puis, une voix rauque me tira de mes pensées :
— La voilà, Professeure.
Je sursautai. Une femme, une grande silhouette mince et élancée, était plantée devant moi et me reluquait d'un mauvais œil couleur noisette.
— Très bien. Emmenez-la, ordonna la femme d'une voix glaciale.
Ses cheveux étaient coiffés d'une tresse blonde négligée, qu'elle rejeta derrière ses épaules d'un geste arrogant. Et vu sa longue blouse blanche et son bloc-notes, elle semblait être une scientifique. Cette femme possédait un charisme effrayant, ai-je conclu en un frisson, tandis que les gardes me poussaient pour me faire avancer.
— Hé ! Lâchez-moi !
Je mis quelques secondes à me rendre compte que c'était moi qui avait lâché ça. En tout cas, j'avais réussi à attirer l'attention de cette femme. La scientifique se tourna vers moi, ses sourcils arqués, comme si elle était étonnée que je puisse parler.
Puis, elle sembla se reprendre et me gratifia d'un regard noir et perçant.
— Que veux-tu, fit-elle de sa voix lasse.
C'était évident, non ! Je me crispai, une pointe de colère qui montait en moi.
— Où suis-je, qu'est-ce que je fais ici, comment osez-vous m'enlever, où m'amenez-vous et qui êtes‐vous, ai-je énuméré entre mes dents, avec une voix plus méprisante que je l'aurais voulue.
La femme me considérera de haut en bas, ses yeux plissés, comme si elle me jugeait entièrement. Ça me mettait mal à l'aise, et j'avais de plus en plus envie de lui faire avaler son bloc-notes.
— Tu poses beaucoup de question, je trouve, jeune démon.
Je crus un instant qu'elle allait s'arrêter là, mais la femme finit par reprendre en soupirant :
— Appelle-moi Professeure, mais tu n'en aura pas l'occasion de toute façon, tu es dans un quartier reculé de New-York, et le reste, je ne veux et ne peux pas te dire, répondit la Professeure avec un ton désintéressé.
Au début, je ne réagis pas, j'étais trop perplexe. Je n'esquissais pas un mouvement tandis que je réfléchisais à toute allure.
New-York ? Mais, c'était si loin de chez moi, il faudrait au moins quatre ou cinq jours de route pour y arriver ! Moi qui croyais avoir dormi deux ou trois heures...ils avaient dû m'anesthésier, ces ordures.
Puis, une flamme de rage s'alluma dans mes yeux verts.
— Comment osez-vous me faire ça, ai-je dis avec un ton calme mais menaçant. Vous me devez des explications.
— Tu ne sauras rien, trancha la Professeure.
— Que voulez-vous me cacher, ai-je grogné, espèce de vieille bique ?
Les rides aux coins des yeux et des lèvres (que j'avais aperçues grâce à la lumière des réverbères) de la scientifique se contractèrent. Elle me fusilla du regard, et même si elle ne bougeait pas, je voyais bien son corps trembler d'indignation.
Ce qui m'arracha un sourire victorieux... qui s'effaça quand la Professeure brandit une main vers moi, et m'asséna une violente gifle dont je me souvenais toujours.
Hébétée, je fixai le sol d'un regard vide. Ma tête était partie en arrière sous le choc, et ma joue piquait. Apparemment, je l'avais bien touchée, juste avec une insulte de rien du tout.
La Professeure claqua autoritairementdes doigts.
— Allez chercher le marqueur, ordonna-t-elle en tournant son regard meurtrier vers moi. Je comptais t'endormir pour ça, mais tu ne le mérites pas, insolente.
Je me fichais royalement qu'elle me déteste. J'en étais plutôt fière, même.
Un homme qui revint de la voiture avec une sorte de tampon de fer chauffé au rouge me tira de mes pensées. Les vigiles resserrèrent leur poigne et me redressèrent le menton.
L'homme qui tenait le fer, lui, lança un regard hésitant à la Professeure, qui lui répondit pas un geste impatient de s'avancer. S'avancer vers moi. J'eus un mouvement de recul, bloqué par les gardes.
— Ne me dites pas que...vous... Me suis-je étranglée.
Honteux, l'homme se contenta de détourner les yeux puis se plaça juste à côté de moi, son tampon de fer chauffé au rouge pointé sur la base de mon cou. J'eus juste le temps de lire le nombre 592 quand une douleur fulgurante me transperçais.
J'avais l'impression que ma chair se consumait, ravagée par la chaleur et le liquide. Je n'eus pas la force de crier.
❁
Ils m'avaient mise dans une sorte de cellule, qui était sensée me servir de chambre.
Blême, j'effleurai la marque 592 gravée sur mon cou. Ma peau était rougie et infestée de cloques autour. Cette marque, je savais qu'elle ne s'en irait pas.
Sur la porte miteuse de ma cellule, il y avait écrit "Chambre - Expérience 592". Voilà ce que j'étais, pour eux, une expérience, un rat de laboratoire.
En tournant mon regard désespéré vers la petite fenêtre à barreaux de ma cellule, j'observais les lumières de New-York, et je jurais intérieurement de sortir d'ici au plus vite.
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