6. L'ange de la mort qui compatissait

« Disparitions inquiétantes à Saint-Martial », « vague de suicides », « meurtres inexpliqués ».

Si la presse locale avait tendance à surdramatiser ses titres pour appâter ses lecteurs, Noé lut cette fois-ci avec attention chacun des articles postés sur leurs sites web, espérant y déceler un indice sur la situation en ville.

Grâce à la scène dont il avait été témoin chez Sun, l'exorciste était parvenu à faire le lien entre des événements mêlant des individus a priori sans rapport. Pour le mois en cours, il avait ainsi recensé une quinzaine de meurtres particulièrement violents et de suicides tous suivis de la disparition mystérieuse d'un proche. Noé avait également quelques suspicions concernant des affaires similaires où le principal suspect disposait d'un alibi procuré par une poignée de témoins apparemment sans liens.

« Pour qui travaille Pantagri ? Et quel est leur but ? De simples meurtres gratuits ?! »

Noé se frotta les yeux et referma son navigateur internet.

On était samedi. Et s'il avait accepté de rester au lit durant toute une semaine, rattrapant les cours grâce à Fey, il se refusait de rater une journée de travail.

Comme à son habitude, la déesse faisait la grasse matinée. Noé fit le moins de bruit possible pour ne pas la réveiller. Par égard pour la barmaid de nuit, mais surtout pour celle qui lui avait sauvé la vie au détriment de sa propre santé.

En arrivant au supermarché Lemon Market, Noé constata l'absence de Marion, l'une des caissières. Abigaël révéla à son ami les rumeurs selon lesquelles elle aurait pris un congé sans solde à la suite du suicide de son ex-mari, d'une balle dans la tempe. Ce nouveau décès amena Noé à aborder avec son acolyte ses récentes découvertes.

Quelques heures plus tard, sa journée de travail terminée, l'employé de rayon rentra chez lui, marchant dans les rues sous la lueur douce des lampadaires municipaux. Il se trouvait presque à mi-parcours quand son téléphone sonna.

Un numéro inconnu.

− Allô ?

− Noé ? C'est Sun, s'empressa de préciser une voix dont l'intensité était volontairement basse. J'ai récupéré ton numéro sur le portable d'Odessa. Je ne te dérange pas ?

− ... Des nouvelles de ton frère ? demanda-t-il, préjugeant que seul ce motif pouvait justifier cet appel.

− ... Non. Mais... je suis à la boutique là.

Noé soupira.

− Ce n'est pas prudent. Tu devrais rester chez Odessa. Tant qu'on n'a pas réglé cette histoire, il ne faut pas que ses complices ou lui sachent que tu es toujours vivante.

− J'ai fait attention, s'agaça-t-elle. Et puis, je crois qu'ils sont déjà passés de toute façon.

− De quoi ?!

− Je suis montée chez moi en arrivant : tout est propre. Le couteau a disparu. Et plus une seule goutte de sang sur le sol. Je serai vraiment morte, personne ne le saurait.

Concernant le sang, Noé avait l'explication : le sang d'une divinité comme Asalfé Do Ishtann n'était en réalité qu'une excroissance de son corps. Un résidu d'énergie qui, s'il restait trop longtemps séparé du reste, finissait par disparaître de lui-même. Pour le reste, par contre...

− ... Quelqu'un est venu nettoyer les lieux.

− Et il y a autre chose, je... je pense savoir qui est la cause de tout ça. Du changement de comportement de mon frère. Tu peux me rejoindre ?

− J'arrive tout de suite, lui assura Noé qui n'avait pas attendu l'invitation pour prendre le chemin de la boutique.

Cinq minutes plus tard, il arriva devant le Tigre de Riz. « Fermé temporairement pour maladie » s'excusait auprès de la clientèle la pancarte sur la porte. La devanture plongée dans l'obscurité ne laissait aucunement présager la présence d'une des propriétaires à l'intérieur du magasin. Une marque de prudence que félicita Noé. Sun veilla également à confirmer son identité avant de lui ouvrir.

− Suis-moi, chuchota-t-elle après avoir refermé derrière eux.

Le jeune homme s'exécuta, suivant prudemment cette silhouette parmi les ténèbres en espérant ne pas trébucher sur un objet précieux.

Sun le mena jusqu'à une salle comportant un simple moniteur. Lorsqu'elle s'assit devant, passant dans le faible éclairage de l'écran et la lampe de bureau, Noé la découvrit bien moins élégante et fraiche que lors de leur première rencontre. Sun portait une simple marinière et un jean ample tous deux piqués dans la garde-robe d'Odessa. Elle avait coiffé ses longs cheveux en une simple queue de cheval et, à l'exception de son bracelet aux motifs lunaires, elle s'était cette fois-ci abstenue de bijoux et autres artifices. Ses cernes et ses yeux rougis confirmaient à quel point la semaine avait dû être difficile pour elle. Mais aussi que, très récemment encore, des larmes avaient coulé. Toutefois, ne sachant que dire, Noé la laissa pianoter sur l'ordinateur en silence.

Sun consultait les archives des quatre caméras de surveillance présentes dans la boutique. Elle remonta jusqu'à près de deux mois en arrière.

− C'était une semaine avant que... maman ne meure, expliqua Sun, les sentiments encore à vif. Yoon... il aimait tellement maman... Quand son foie s'est mis à dérailler, il a tenu à s'occuper de tout. Au début, je l'ai laissé faire. C'était... trop dur de voir maman dans cet état. Et puis... je voulais tellement continuer ma vie d'étudiante insouciante. Du coup, je... je n'ai pas vu... non, j'ai refusé de voir à quel point tout cela usait mon frère.

Seule une minuscule goutte roula sur sa joue. Noé se demanda si sa force de caractère retenait le reste.

Ou bien si Sun n'avait tout simplement plus aucune larme à verser.

− D'autant que... brusquement, du jour au lendemain. Il s'est mis à aller très bien. Encore mieux qu'il ne l'avait jamais été. Avec maman, on s'était même imaginé qu'il s'était enfin trouvé une copine ! Yoon a toujours été... si réservé, si difficile avec les femmes, digressa-t-elle, appréciant de se replonger dans un souvenir plus normal, un dernier îlot de bonheur. Mais, maintenant, je sais que quelque chose s'est passé ce jour-là.

Sun désigna la date et l'heure sur la vidéo, puis activa la lecture. Elle se leva ensuite pour laisser la place à Noé. Un prétexte pour s'écarter de l'écran.

La vidéo montrait Yoon rangeant soigneusement de nouveaux produits sur les étagères du Tigre de Riz qui, en ce mardi après-midi, connaissait une faible affluence.

La cloche d'entrée tinta.

Une cliente venait de pénétrer dans le magasin. Elle était habillée d'une robe estivale bien trop légère pour un mois de septembre aussi frais. Toutefois, ce qui interpela surtout Noé fut son visage. Non seulement il arborait une symétrie presque trop parfaite, mais surtout, il dégageait une douceur captivante, presque surnaturelle.

− On dirait un ange, hein ? commenta Sun en exprimant toutefois un profond dégoût.

Sitôt à l'intérieur, le regard de l'« ange » se porta sur Yoon. Ce n'est qu'après que le vendeur l'ait gratifié d'un « bonjour » poli qu'elle fit mine de s'intéresser aux produits du magasin.

Elle s'arrêta en face d'un tableau immense dont l'angle de la caméra ne permettait pas de discerner le sujet. Elle appela alors le vendeur qui la renseigna avec enthousiasme sur l'histoire de cette œuvre du XIXe siècle illustrant une scène de pique-nique en campagne.

Les apparences semblaient confirmer la théorie initiale de Sun et sa mère : Yoon avait rencontré quelqu'un avec lequel il flirtait sans que ça n'ait l'air de déplaire à la jeune femme. La suite de la discussion prit toutefois une tournure anormale au moment où le mystérieux ange posa soudain une bien étrange question :

− Dis-moi. Te sens-tu réellement heureux et libre, Yoon ?

L'étrangeté de la scène se poursuivit par la réponse immédiate et sans filtre de l'homme :

− Non. C'est même tout le contraire. Je me sens prisonnier. Étouffé. Ma vie actuelle m'asphyxie tellement. J'ai parfois envie de mourir.

À la mention de ces mots, Sun porta sa main contre sa bouche, mal à l'aise. Effrayée à l'idée de réentendre ce qui allait suivre, elle voulut se lever et partir.

Elle se ravisa finalement, confirmant cette force de caractère qu'avait soupçonnée Noé.

− Pourquoi es-tu si malheureux ? compatissait la douce inconnue dans la vidéo tout en lui caressant la joue.

− Ma mère est malade. Un cancer du foie découvert trop tard. Les médecins disent qu'elle ne s'en sortira pas. Ils ne lui donnaient pas plus de deux mois. expliqua avec froideur le frère de Sun avant de brusquement se mettre en colère. Mais cela fait six mois ! Et elle refuse obstinément de mourir ! Et je me retrouve là à affronter chaque jour son visage cadavérique, à l'emmener à l'hôpital pour rien si ce n'est entendre les docteurs prolonger son calvaire et le mien. Et puis il y a cette maudite boutique ! Je voulais voyager à travers le monde, moi, pas devenir un minable petit antiquaire !

− Mon pauvre...

− Et Sun ! Cette petite égoïste refuse de m'aider ! Tu parles : elle est bien trop contente de pouvoir continuer à mener sa petite vie bien tranquille pendant que son frère s'occupe de torcher le derrière flétri de sa mère !!! asséna-t-il avec rage comme autant d'autres coups de couteaux plantés dans la poitrine de sa sœur.

La femme de la vidéo, elle, l'écoutait avec une compassion sincère. Lorsque Yoon eut déversé toute cette rancœur qui pourrissait en lui, elle le prit dans ses bras.

Noé crut la voir lui murmurer quelque chose à l'oreille, mais il lui était impossible d'entendre ni même de lire sur les lèvres de l'inconnue. Heureusement, Yoon dit ensuite de manière intelligible :

− V-vous avez raison. C'est la seule solution. Je... je dois... Il suffit de me débarrasser d'elles ! C'est simple en fait ! Je vais les tuer ! Et comme ça, je pourrai enfin trouver le bonheur !

L'ange de la mort l'approuva par un autre de ses doux sourires. Elle s'écarta de lui le temps de récupérer un calepin dans son sac à main sur lequel elle griffonna une adresse qu'elle confia au vendeur.

− Serait-il possible de me le livrer à cette adresse, s'il vous plaît ? demanda-t-elle en désignant le tableau devant lequel ils se trouvaient.

− ... B... bien sûr, accepta Yoon en se saisissant du papier avant qu'il ne s'envole.

L'instant d'après, Noé se retourna pour confier une mission à Sun. Cependant, avant que la moindre consonne ne soit prononcée, elle plaqua un document sur le bureau à côté de lui.

La fameuse adresse.

Noé voulut féliciter Sun pour son efficacité. Mais, le regard toujours fixé sur l'écran, ce n'était clairement pas ce qu'elle recherchait.

La scène de la vidéosurveillance était en train de se terminer : un Yoon hébété observait sans bouger la jeune femme qui le salua avant de quitter le magasin.

« Ce serait donc elle, la fameuse Ananda ? » déduisit Noé. « Déesse ou démone, elle semble exercer une forme de contrôle mental sur les humains. Il va falloir être prudent. Mais au moins, je sais où la débusquer »

Le claquement de la porte sortit l'exorciste de ses pensées. Sun venait discrètement de quitter la pièce. Une envie de se retrouver seule.

« Je ne peux qu'imaginer à quel point ça a dû être difficile pour elle. Entendre son frère balancer toute sa haine à l'égard de sa famille. Elle doit également avoir compris que la mort de sa mère n'était pas totalement imputable à la maladie. »

Noé éteignit l'écran d'ordinateur. Il se saisit ensuite du bout de papier après avoir relu l'adresse d'Ananda.

« 34, zone d'activités Beljeanne ».

C'était à moins de deux kilomètres de l'endroit où Pantagri l'avait arrêté la semaine dernière.

En sortant de la pièce, Noé tomba nez à nez sur Sun. Son sac à main à l'épaule, elle était prête à repartir. En lieu et place d'un abattement qui aurait été plus que légitime suite à toutes ces tragédies, on pouvait en lire en elle une profonde détermination.

− Quel est le plan ? On va d'abord avertir la déesse de la mort ?

Il fallut un court instant à Noé pour se rappeler du mensonge que Fey avait servi à Sun et ainsi comprendre la question.

− Euh... Oui, je vais aller rapporter toutes ces informations à Asalfé. Toi, rentre chez Odessa. On va s'occuper du reste, promit-il en la dépassant pour rejoindre la sortie de la boutique.

− Attends ! Je viens avec vous !

− C'est... des affaires de divinités de la mort ! Trop risqué pour une Moldu.

− Hé ! Ne me « Potter » pas ! se plaignit-elle en le poursuivant dans la rue. Si tu crois que je vais rentrer pour une soirée pépère devant la télé pendant que mon frère est aux prises avec la chose qui l'a poussé à assassiner ma mère et à me charcuter... C'est qui d'ailleurs cette pétasse ?!

Noé refusa de lui répondre et pressa le pas, espérant sans trop y croire qu'elle se découragerait.

− Je connais déjà l'adresse de toute façon, lui rappela-t-elle. Et j'ai une voiture !

L'exorciste envisagea bien d'utiliser ses techniques d'assassin pour assommer et séquestrer la jeune fille le temps que tout soit réglé. Mais cette solution expéditive risquait d'engendrer trop de complications ultérieures.

− OK, concéda-t-il en s'arrêtant, au grand bonheur de sa poursuivante. Mais si l'on t'ordonne de rester sagement dans la voiture, tu obéis !

La sonnerie du téléphone de Noé retentit, juste à temps pour empêcher Sun de faire une promesse.

Fey.

***

− ... OK... on vous attend. À toute à l'heure !

La conversation terminée, Fey raccrocha. Il fallut toutefois à la déesse quelques instants puis une grande inspiration pour accumuler suffisamment de courage avant de se retourner et affronter Odessa, assise sur le canapé du salon.

− C'est bon. Il devrait arriver d'ici une vingtaine de minutes environ.

− OK.

− Sun l'accompagne. C'est d'ailleurs la raison de son retard : ils ont apparemment localisé où se cacherait Yoon.

− Bonne nouvelle.

Des réponses lacunaires. Un regard fuyant. C'est tout ce que Fey avait pu obtenir d'Odessa depuis qu'elle avait débarqué à la recherche de Noé, cinq minutes auparavant.

En l'invitant à entrer, la déesse avait espéré faire plus amples connaissances. Mais Odessa s'était refermée comme une huître et avait refusé tout verre, toute nourriture et toute discussion. Elle se contentait d'attendre que le temps passe en évitant au maximum tout contact visuel ou physique avec Fey.

« Moi qui pensais qu'on avait progressé la dernière fois... »

Une claque mentale poussa néanmoins la déesse des plaisirs féminins à ne rien lâcher :

« Allez Fey ! Ne te laisse pas démonter ! Début de l'opération Reconquête ! »

− OK, Odessa, je crois qu'il faut qu'on se parle toutes les deux, lâcha-t-elle en se laissant tomber à ses côtés sur le canapé.

La jeune fille entreprit de réinstaurer une certaine distance entre elles, mais se retrouva vite coincée par l'accoudoir du canapé, à la merci de Fey qui glissait insidieusement vers elle.

− Je tiens tout d'abord à m'excuser une nouvelle fois pour ce que je vous ai fait, à Noé et surtout à toi.

− Ce... ce n'est pas la peine, balbutia Odessa, gênée par la trop grande proximité de son interlocutrice. Je crois que tu devrais... passer à autre chose.

« Enfin le tutoiement. Il y a donc bien eu une progression finalement. »

− Tu sais que Noé m'a dit exactement la même chose ?! Mais je ne suis pas d'accord ! insista Fey. Tu avais raison l'autre fois : j'ai merdé lors de notre première rencontre quand je t'ai possédée. Trop de frustration sexuelle ! J'ai dérapé et je me suis comportée d'une manière complètement indigne de mon titre.

La déesse des plaisirs féminins semblait éprouver une honte tellement sincère qu'Odessa se surprit à compatir.

− Heureusement, j'ai compris mon erreur, sourit Fey en chantonnant ces mots.

La pétillante blonde bondit hors du canapé. Et tout en effectuant de nombreux va-et-vient en face d'Odessa, elle lui expliqua :

− Déjà, une évidence : ton attirance sexuelle pour le torse musclé de ce cher Noé.

− Hé ! Ça suf —, coupa la brune avant de se voir interrompre à son tour par la déesse qui s'était rapprochée.

− Et tout de suite après, une autre évidence, lui murmura-t-elle, leurs yeux à cinq centimètres à peine l'une de l'autre. Cette fille, aussi excitée soit-elle, n'est indubitablement pas amoureuse de ce type.

− Ce... ce n'est pas aussi simple ! Je... Noé, il...

− « Mais bon », me disais-je à l'époque, « elle a envie de lui, il a envie d'elle. Une mathématique simple ! », poursuivit-elle sans prêter la moindre attention aux balbutiements d'Odessa. C'est pour ça que j'aime le sexe : sa simplicité. L'un a envie, l'autre aussi : allons-y ! Hélas, les sentiments amoureux débarquent et complexifient très souvent cette équation. Ce fut là mon erreur. Une erreur de débutante ! Si j'avais un tant soit peu attendu, étudié la situation, je ne serai intervenu que pour te pousser à ENFIN bais — ... euh, je devrais dire « faire l'amour » à Sun !

− Ola, ola, calme-toi, tenta de tempérer Odessa en s'écrasant sur le cousin du canapé. Sun n'est pas... c'est... c'est juste ma meilleure amie !

− Appelle-la comme tu veux, mais elle, de son côté, attend seulement que sa jolie Odessa lui ouvre son cœur...

− Fey !

− ... avant de la plaquer avec sauvagerie contre un mur pour un baiser passionné tandis que sa main, tremblante et chaude, viendrait se glisser délicatement le long de ta —

− Fey !!!

− Quoi ?! s'exclama-t-elle, irritée d'être interrompue dans l'ébauche de ce bouillonnant récit érotique.

− Ce... ce n'est pas aussi simple ! Sun... je ne suis pas sûr qu'elle... et que je sois...

− Tu te moques de moi ?! Attends, on est clairement dans les mathématiques simples dont je parlais tout à l'heure. Mieux encore : elle a envie de toi ET elle est amoureuse, tu as envie d'elle ET tu es...

− Et Noé alors ?!

Odessa réussit enfin à stopper le flux d'arguments déchaîné par Fey. Cette dernière ne s'était pas attendue à ce que son colocataire débarque ainsi dans la discussion. Mais, incapable de transformer cet avantage, Odessa laissa de nouveau le champ libre à la déesse.

− Qu'est-ce que Noé vient foutre là-dedans ?! Vous n'êtes plus ensemble que je sache.

− Je... je l'ai embrassé l'autre jour.

− IL t'a embrassée ! corrigea immédiatement Fey avant de s'apercevoir de sa bourde. Oups, c'est vrai que je n'étais pas censé le savoir. Je... je vous ai observés. Désolée, c'était trop tentant. Mais il comprendra tes sentiments, je t'assure.

− Oui, bien sûr qu'il comprendra, s'emporta Odessa, bondissant à son tour du canapé. Noé est tellement compréhensif, tellement gentil et si attentionné. Il est sincèrement amoureux de moi et ne souhaite que mon bonheur. Et en plus de ça, ce corps athlétique, ses yeux menthe à l'eau... il est canon ! C'est le prince charmant dont on rêve, petite fille !

− Euh... il est mignon, certes, mais c'est aussi un maniaque de la propreté, psychorigide, handicapé des sentiments... lista la déesse. Et je suis sûr qu'il est du genre trop discipliné au lit : efficace, mais se contentant des classiques.

En plein état de confusion, Odessa resta sourde aux critiques formulées à l'encontre de son ex-petit ami.

− ... Alors pourquoi je n'arrive pas à être certaine d'être amoureuse de lui ?! conclut-elle, furieuse contre elle-même. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ?!

− On pourrait commencer par ta propension à te trouver des problèmes là où il n'y en a pas ? marmonna Fey entre ses dents.

L'attitude indécise d'Odessa agaçait profondément la déesse des plaisirs féminins. Toutefois, c'était précisément ce genre de comportement qui donnait tout son sens à sa mission. Les humains ont une vie tellement courte, tellement fragile. Pourtant, en plus de ceux jalonnant naturellement leur parcours, ils ne cessent de se poser à eux-mêmes des obstacles à leur bonheur.

Ayant fini par comprendre et accepter ce fait, Fey se retint d'exprimer trop ouvertement son exaspération. De toute façon, cela n'arrangerait rien.

− OK, malgré ses défauts, je reconnais que Noé est dans le camp des chics types. Mais c'est ta vie, t'en fais ce que tu...

Soudain, une illumination divine.

− Attends !

Fey marqua une courte pause avant de soumettre sa déduction :

− C'est pas vrai ! Tu... tu ne lui dois pas la vie quand même ?

Odessa ramena derrière son oreille une mèche de cheveux châtain tandis que ses pommettes s'empourpraient.

− Eh bien... en fait...

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