1. La déesse qui chantait sous la douche

Après une soirée de sexe torride et bestial, Asalfé Do Ishtann, déesse des plaisirs féminins, adorait le retour à la maison. Au point même qu'elle le considérait comme pleinement intégré à l'acte sexuel.

Si les corps n'étaient pas entrés en fusion ou que les deux parties (ou plus) ne s'étaient auparavant pas mises d'accord sur sa finalité, marcher dans les rues pouvait s'avérer un exercice pénible. Ce sentiment de devoir affronter le regard des gens que l'on considérera — irrationnellement bien sûr — comme accusateur ne constituait pas la conclusion idéale d'une soirée.

À l'inverse, si le sexe s'était déroulé tel qu'il devrait toujours se dérouler, alors tous ces inconnus semblaient nous dresser de véritables champs Élysée. Une avenue que l'on traversait fièrement, la tête haute et le sourire radieux. Et cette nuit-là, la déesse des plaisirs féminins la classait dans ses plus belles réussites. Un succès que le matin célébra comme il se doit en offrant soleil, oiseaux qui chantent, et douce odeur de viennoiserie.

Une partie d'un croissant en main et l'autre dans la bouche, Fey gravit d'un pas bondissant chacune des marches menant au modeste logement du cinquième étage où elle vivait depuis plus d'un mois. Elle ralentit toutefois le pas en apercevant sur le pas de sa porte un homme inconnu, un quinquagénaire, accompagné d'un adolescent d'une douzaine d'années. Ils quittaient tout juste l'appartement, raccompagné par le colocataire de Fey.

− Allez Noé. Ça m'a fait plaisir de te voir, fit le plus vieux en le serrant dans ses bras.

− Moi aussi, papa. Et, Gabriel, fais gaffe à mon jeu cette fois-ci !

− Oui, je ferai attention, promit l'adolescent un peu agacé, un boîtier de jeu vidéo entre les mains.

− Et est-ce que... je « lui » passe le bonjour de ta part ? se hasarda à demander le père de Noé.

− Tu... dis-lui...

Le garçon s'interrompit. Il baissa la tête, n'osant pas affronter le regard attristé de son père. Il aurait voulu lui faire plaisir et prononcer les mots qu'il espérait. Mais il s'en sentait tout bonnement incapable.

− ... Non, rien... Désolé.

L'homme poussa un soupir déçu. Ni lui ni son fils cadet ne furent pourtant surpris par sa réponse. Malgré le temps passé, Noé était toujours incapable de pardonner à sa mère.

Tous les trois se saluèrent en feignant quelque peu leur sourire avant de se séparer. En croisant la famille de son colocataire en haut de l'escalier, Fey les gratifia d'un « bonjour » auquel ils répondirent poliment. L'adolescent, aux cheveux aussi sombres que son frère, jeta néanmoins une œillade très peu discrète sur le décolleté de la plantureuse jeune femme. La déesse rentra ensuite à l'intérieur, sous le regard abasourdi de Noé.

− Hé ! Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous fichez chez m— ... Fey ?!

Sous cet aspect, Noé ne l'avait pas reconnu tout de suite. Il avait fallu que l'exorciste ressente son aura pour deviner qui se cachait derrière cette charmante rousse aux yeux verts qui avait pénétré sans la moindre gêne dans son appartement.

− J'avais oublié que tu étais capable de changer ton apparence, grommela-t-il en refermant la porte.

− Oui, c'est l'un des rares pouvoirs que j'ai conservé suite à ta tentative d'exorcisme, confirma-t-elle en posant négligemment son sachet en papier rempli de miettes de croissants sur la table basse du salon.

Lors de leur première rencontre, Fey avait réalisé pour Noé une démonstration de son incroyable capacité de métamorphose en devenant une copie conforme d'Odessa. Elle avait alors espéré convaincre le jeune homme de lui offrir étreinte charnelle et énergie spirituelle. L'effet fut toutefois très différent de ce qu'elle s'était imaginé, Noé n'ayant pas vraiment apprécié la plaisanterie.

− Cette fois-ci, c'était pour une fascinante jeune femme rencontrée au bar hier soir, poursuivit la déesse tout en s'affalant sur le canapé. Une nageuse pleine de fantasmes très coquins à assouvir et un petit faible pour les rouquines. C'est revenu à la mode apparemment.

En effet, d'ailleurs, Noé, comme beaucoup d'hommes, s'était découvert un intérêt tout particulier pour les rousses. Si pour certains le déclic était venu avec l'actrice Emma Watson, lui avait un faible pour Karen Gillian dans le rôle d'Amy Pond, compagne du 11e Docteur.

− Et j'en ai plein d'autres en stock, annonça la déesse en se relevant.

En quelques secondes, Noé assista à un défilé de belles jeunes femmes aux origines ethniques et aux physiologies différentes dans une mise en scène semblable au clip de Black or White de Michael Jackson. La référence culturelle n'échappa pas non plus à Fey qui mimait la chorégraphie du célèbre « morphing », jusqu'à reprendre sa forme habituelle :

− ... car je sais que c'est comme ça que tu me préfères, badina la jolie blonde en le gratifiant d'un clin d'œil séducteur.

La performance fut suivie d'applaudissements et d'un salut au public.

− Tu ne peux que te transformer en femme ? interrogea toutefois Noé, curieux.

− Eh oui, soupira Fey. Je ne peux plus dépasser la frontière des sexes comme avant. Dommage, ça m'était bien utile. Ce sera sans doute le premier pouvoir que je réactiverai dès que je le pourrai.

− « Réactiver » ?

− Hum...Comment t'expliquer, réfléchit-elle un court instant. Ah ! Je sais ! Tu vois, nous les divinités, on est un peu comme des personnages d'un jeu de rôle.

− Hein ?!

− L'énergie spirituelle joue le rôle des points d'expérience. Lorsqu'on en a suffisamment, on peut les attribuer à des compétences — des pouvoirs — qu'on souhaite acquérir ou améliorer.

− Et c'est inscrit où tout ça ? Dans un jeu de rôle, on dispose d'une liste de capacités en fonction de la classe de son personnage, un arbre de compétences sur lesquels on navigue, continua Noé, décidé à aller jusqu'au bout de la métaphore. Ne me dis pas que tu as une « fiche personnage » ?

− Bien sûr que non. Nous sommes beaucoup plus libres que ça. En réalité, il nous suffit de penser à la capacité que l'on souhaite obtenir, n'importe laquelle, comme « changer de sexe à volonté ». Et si nous disposons de l'énergie suffisante, ce pouvoir s'éveille en nous. Si par contre, notre réserve d'énergie spirituelle baisse, « par exemple », en se faisant exorciser avec un sortilège inadapté, ces pouvoirs disparaissent.

− ... Je vois.

Noé entreprit de se remémorer tout ce qu'on lui avait appris lors de sa formation d'exorciste. Jamais l'un de ses maîtres n'avait fait mention de la manière par laquelle les divinités obtenaient leur pouvoir. Sa proximité avec Asalfé Do Ishtann, déesse des plaisirs féminins, lui avait apparemment permis d'acquérir une information inédite sur leurs adversaires.

− Mais au fait, quelle est ta véritable apparence ? la questionna-t-il, avide d'en savoir plus.

Soudain, la déesse le fixa avec circonspection, comme si l'exorciste avait posé la plus étrange des questions. Un air qu'elle délaissa au profit d'un sourire amusé tandis qu'elle se décidait finalement à lui répondre :

− Ben... je suis ce que je veux être, Noé.

Riant comme si elle venait d'énoncer une évidence, Fey quitta son colocataire pour prendre le chemin de la salle de bain. Et alors que la déesse ouvrait le robinet de la douche, Noé ramassa la poche de boulangerie laissée par Fey sur la table du salon, y découvrant au passage un croissant acheté à son attention.

Soudain, on frappa à la porte.

Lorsque Noé l'ouvrit, il sentit son cœur battre la chamade. Comme à chaque fois qu'il apercevait ces yeux de biche.

− Salut Noé !

− Bonjour Odessa !

Tous les deux se regardèrent quelques instants sans rien dire, jusqu'à ce que la jeune fille demande timidement :

− Je peux entrer ?

− Euh... oui, bien sûr !

Noé lui dégagea le passage avant de lui offrir une place sur le canapé, tout en se maudissant d'échouer à se comporter de manière un tant soit peu détendue avec son ex-petite amie. Toutefois, cette dernière ne faisait pas beaucoup mieux. Ses mouvements s'avéraient d'une raideur inhabituelle et elle était bien moins bavarde et enjouée qu'à l'époque où tout paraissait si simple entre eux. Elle finit néanmoins par expliquer le motif de sa visite en lâchant :

− J'ai senti une aura bizarre.

« Alors, c'est comme ça. Ce seront les seuls motifs de tes visites désormais ? »

− Euh... Ah ?

− C'est le frère d'une... euh, amie, il...

Odessa s'interrompit tandis qu'une voix féminine hurlait « Roxanne », le refrain du morceau de The Police diffusée à la radio dans la salle de bain.

− C'est... Oh ! Je vois ! D... désolée, Noé, je... je repasserai plus tard ! balbutia Odessa en rejoignant au pas de course la sortie.

− N... non, attends ! la retint Noé. Ce n'est pas ce que tu crois. C'est juste ma coloc' ! Elle...

« Quel abruti ! »

Noé blêmit. Il réalisait tout juste la situation délicate dans laquelle il s'était lui-même empêtré. Odessa se trouvait aujourd'hui dans le même appartement qu'Asalfé Do Ishtann, déesse des plaisirs féminins, qui, quelques semaines auparavant, l'avait possédée pour qu'elle couche avec Noé. Si la jeune fille semblait a priori s'en être remise, il n'était pas certain qu'elle accueillerait avec joie le fait que l'entité soit devenue la colocataire de son ex-petit ami. Noé devait donc la faire déguerpir en vitesse, mais, à vouloir dissiper le malentendu, il avait raté une belle occasion.

− Elle... ? l'incita-t-elle à poursuivre, surprise par ce silence qui durait plus que de normale.

− Elle... ben, c'est bien une fille ! se pressa-t-il de répondre. Je me suis dit : pourquoi pas ?! On est au 21e siècle après tout !

Odessa acquiesça d'un léger hochement de tête. Elle connaissait trop bien Noé pour ne pas deviner qu'il lui cachait quelque chose. Elle considéra toutefois que ce n'était pas ses affaires et reprit l'exposition du motif de sa présence :

− Donc, je disais : le frère d'une amie. Leur mère est décédée récemment. Un cancer. Et hier, quand je suis passée chez eux, j'ai senti... quelque chose... accrocher à lui. C'était comme... une... présence un peu-

− Un fantôme, conclut Noé pour faire accélérer les choses.

− Ou-oui. J-je pense. J'en suis même sûr.

À la simple mention du mot « fantôme », Odessa était devenue pâle comme un linge et avait serré ses mains si fort l'une dans l'autre que ses jointures blanchirent. Noé s'en voulut de s'être montré aussi direct. Mieux que quiconque, il savait à quel point son ex-petite amie avait un lourd passif avec le monde spectral. Hélas, il n'avait pas le choix. Odessa devait quitter l'appartement avant que Fey ne sorte de la douche. D'autant que le robinet venait tout juste d'être coupé. Noé estima qu'il ne lui restait guère plus que cinq minutes, le temps que la déesse se sèche et se rhabille.

− Écoute. Aujourd'hui, je travaille au Lemon. Mais demain, si tu veux, on pourrait rendre visite au frère de ton amie. Je verrai alors ce que je peux faire.

Sans lui laisser le temps d'accepter ou non sa proposition, Noé se leva, l'invitant implicitement à s'en aller. Le stratagème marcha puisqu'elle rejoignit sans protester la porte d'entrée.

− OK. Je t'appelle dans la journée pour te donner rendez-vous.

Odessa s'apprêtait à quitter les lieux quand elle vit surgir derrière Noé une magnifique jeune femme dans son plus simple appareil.

Portant une simple serviette enroulée dans ses cheveux dorés, elle marchait tranquillement dans l'appartement en sifflotant l'air de « Roxanne », tout en se dirigeant vers la cuisine. Elle ne s'arrêta qu'en apercevant enfin la présence d'une tierce personne sur le pas de la porte.

− Ah. Désolée, je ne m'étais pas aperçu qu'on avait de la visite, s'excusa-t-elle sans toutefois esquisser le moindre geste pour dissimuler sa nudité. Bonjour, je m'appelle Fey, la coloc' de Noé !

Le temps parut soudain se ralentir pour Noé alors qu'il réalisait que le plan d'évacuation expresse d'Odessa comportait une importante faille : Asalfé était Asalfé.

Pour la déesse des plaisirs féminins, les vêtements servaient uniquement à se protéger du froid et des intempéries. Le reste du temps, ce n'était pour elle qu'une énième convention sociale que Noé lui forçait à respecter.

Mais chasser le naturel...

− Bon-bonjour, salua en retour Odessa, sans doute la plus gênée des deux.

− Fey !!! gronda Noé en lui intimant par divers signaux visuels d'aller se couvrir, espérant ainsi la voir déguerpir au plus vite.

− Ça va, c'est bon, je vais enfiler quelque chose, accepta-t-elle en boudant.

− Attends !!!

L'ordre d'Odessa la stoppa net et fit sursauter Noé. Elle fit ensuite quelques pas en direction de Fey, dépassant le garçon. Elle s'arrêta toutefois à proximité de l'exorciste. Puis, en tremblant, elle tendit son index droit vers la déesse.

− Tu... tu es, balbutia-t-elle, de la sueur d'angoisse perlant son front. Noé ! J-je la reconnais ! C'est... c'est l'aura du médaillon !

Quand elle tourna sa tête vers lui, affichant un mélange de colère, de peur et de confusion, Noé sut qu'il avait atteint le point de non-retour. Il avait sous-estimé les capacités extrasensorielles d'Odessa. Ils étaient certes faibles, mais suffisamment développés pour reconnaître l'aura puissante d'une divinité auquel elle avait, qui plus est, déjà été exposée. La question qu'il avait tant cherchée à éviter s'annonçait imminente :

− Pou-pourquoi ?! Noé, qu'est-ce que cette chose fait chez toi ?!

***

Il fallut de longues minutes à Noé pour calmer Odessa. À l'évidence, elle ne s'était pas aussi bien remise qu'il l'avait naïvement imaginé de sa précédente possession par Asalfé. Il prit ainsi tout le temps nécessaire pour justifier la présence de la déesse dans son appartement. Autant dire que, soumis à l'interdiction de révéler l'étendue de sa mission à une profane, l'exercice s'avéra encore plus périlleux qu'avec Abigaël.

Fort heureusement, Odessa avait conscience depuis longtemps que son ex-petit ami ne pouvait lui révéler certaines choses sur sa nature d'exorciste sous peine de se voir infliger une lourde sanction. Bien que frustrée par certaines explications vagues, voir même des refus nets et non négociables d'en dévoiler plus, elle finit par accepter qu'il devait avoir une excellente raison de garder la déesse sous sa surveillance. Flatté de cette confiance, Noé la remercia puis, avec son accord, autorisa Fey à revenir.

Cette dernière avait profité de cet exil pour faire du lèche-vitrines dans les boutiques aux alentours. De retour avec une BD, elle se joignit à eux sans toutefois déchaîner son habituel enthousiasme débordant. Elle fit au contraire preuve d'une délicatesse bienveillante envers Odessa qui n'osait pas croiser son regard. La déesse s'assit ainsi à côté de Noé qui séparait du coup les deux jeunes femmes, attendant patiemment que la discussion s'engage. Par un jeu de regards, l'exorciste lui fit toutefois comprendre qu'il espérait autre chose d'elle. Fey se pencha dans l'espoir d'apercevoir le visage d'Odessa, et, d'une voix douce, lui dit :

− Je... je tiens à m'excuser pour l'autre jour.

En entendant ses paroles, Noé se détendit un peu. Au moins, la déesse avait compris où il avait voulu en venir.

La suite, par contre...

− Pourtant, je t'assure que je pensais bien faire. J'ai senti nettement le désir sexuel que tu éprouvais pour Noé. En plus, l'attirance semblait réciproque donc, je ne comprends pas ce qui-

− Fey !!! l'interrompit Noé pour l'empêcher de prononcer d'autres paroles gênantes voir blessantes.

− Noé ! s'exclama à son tour Odessa à la grande surprise de ce dernier. Désolée, je... je n'ai pas besoin que tu me protèges tout le temps.

Stupéfait, il se contenta d'acquiescer. Puis Odessa se tourna pour enfin oser faire face à la déesse.

− Écoutez Asalfé. Vous vous faites peut-être appeler la déesse des plaisirs féminins, mais ça ne vous donne pas le droit de débarquer dans la vie des autres pour tout bouleverser sous prétexte que vous pensez faire le bien, expliqua-t-elle d'un ton ferme et posé. Je refuse que vous ou qui que ce soit d'autre ne se mêle de ma vie sexuelle !

Ce fut au tour de Fey d'être abasourdie. Celle qui se voyait l'alliée de toutes les femmes sur Terre ne s'était pas attendue à se retrouver la cible de telles remontrances et surtout à être soumis à un vouvoiement si distancié. Noé la vit chercher ses mots, mais aucun ne dépassa le seuil de sa bouche. Profitant de son mutisme, Odessa soupira avant de lui asséner une ultime question :

− Vous ne vous êtes jamais dit que votre vision des plaisirs n'était peut-être pas partagée par tout le monde ?

L'exorciste ne pouvait qu'adhérer à ces paroles. Il était toutefois persuadé que s'il avait voulu lui faire lui-même la leçon, Fey s'en serait sorti par une plaisanterie aguicheuse et/ou un discours passionné sur sa mission divine. Pourtant, en face d'une simple humaine, l'une des femmes qu'elle s'était juré d'épanouir sexuellement, elle s'était avérée incapable de répondre aux reproches sur son « travail ».

Odessa en ayant terminé, elle se leva du fauteuil et, suivie de Noé, prit le chemin de la sortie.

− Je t'appelle ce soir... pour mon amie.

Après avoir salué le jeune homme, elle quitta l'appartement sans esquisser le moindre regard à Fey. Noé l'accompagna jusqu'au seuil, trop intimidé pour oser dire quoi que ce soit. Odessa lui avait toujours paru si fragile avec les autres, si timide. Elle lui avait pourtant dévoilé aujourd'hui une force de caractère insoupçonnée. Bien que ravi de voir son amie s'affirmer, il ne put s'empêcher d'éprouver une certaine tristesse. Noé venait de réaliser que malgré leurs presque trois années de couple, il ne connaissait peut-être pas la vraie Odessa. Pris de mélancolie, il referma la porte.

Fey, elle, avait disparu.



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