Prologue

7 Mai 1943


- Clive Hawkson.

La voix du Commandant Bull retentit avec force sur les murs lisses et froids de la base militaire de l'Utah. Le vent faisait tinter les médailles militaires sur les poitrines des soldats au garde-à-vous.

Ils se trouvaient dans "la Cour", un espace extérieur de bitume craquelé, utilisé pour faire le sport journalier obligatoire.

Clive Hawkson était un soldat. Il voulait devenir militaire depuis son plus jeune âge. C'était son onzième année de service. Il se redressa, claqua des talons.

- Yessir !
Cinquante-neuf militaires le regardaient avec une jalousie apparente.
- Soldat Hawkson, reprit le Commandant Bull avec sa voix de stentor. Vous avez été sélectionné pour une mission de repérage à Hiroshima. Votre but est d'évaluer le nombre exact de chars et de bombardiers japonais. Il n'y aura pas d'escale ; votre avion aura assez de carburant pour effectuer l'aller et le retour d'une seule traite. Vous n'avez pas l'option de refuser. Vous partez dans une demie-heure. Tâchez de ne pas mourir. Vous pouvez disposer.

Clive Hawkson n'attendit pas qu'une demie-heure soit passée pour aller examiner l'avion qui lui était assigné. Il traversa la Cour d'un pas vif. En ouvrant le grillage extérieur, il se coupa avec un fil de fer tranchant. Il n'y fit pas attention.

Une centaine de mètres plus loin de trouvait une bande de bitume large comme deux rues et longue d'environ neuf cents mètres. Un hangar immense se dressait à côté, d'une taille suffisante pour abriter une cinquantaine d'avions de chasse divers et six bombardiers moyens.

Un appareil élancé se trouvait sur la piste. Clive remarqua les quatre propulseurs massifs situés sous les ailes.
L'avion était robuste, doté de plaques d'acier trempé recouvrant sa surface entière.
Personne ne se dressa sur son chemin quand Clive s'approcha. Il rconnut enfin l'appareil ; c'était un magnifique Lockheed Ventura, peint en teintes de bleu.
Il se détourna de l'appareil et commença à marcher. Il aurait le temps de faire plus ample connaissance avec la machine. Il préférait profiter de la terre ferme, tant qu'il le pouvait encore.

Il ne réalisa qu'une demie-heure s'était écoulée qu'au moment où il se retrouva devant le Lockheed. Le Commandant Bull de tenait à quelques mètres. Il tenait un fusil.
- Soldat Hawkson, dit-il. Voici une arme.
Clive accepta l'arme et la soupesa.
- Un M1917 Enfield, dit-il.
Le Commandant Bull sourit. C'était rare.
- Exactement. Soldat Hawkson, au nom de l'Amérique, je vous souhaite bonne chance.
Clive comprit qu'il était temps pour lui de partir.

Lorsque la coque en verre du cockpit se referma au-dessus de lui, il attacha sa ceinture à six points et s'y harnacha. Il vérifia l'état des instruments de bord, et à ses yeux de connaisseur, tout était en ordre. Il abaissa la poignée de sécurité et mit les contacts.
Un grincement se fit entendre, suivi par un raclement assourdissant, puis un ronronnement monumental, et l'avion se mit à vibrer.
Lentement, les quatre moteurs se mirent à tourner, et suite au déplacement d'air grandissant, l'appareil commença à rouler. Même sous son casque de protection, les oreilles de Clive se mirent à tinter.
L'appareil prit de la vitesse. Les roues cahotèrent sur les nids-de-poule crées suite aux innombrables atterissages. L'avion retrouva sa stabilité. Les pales se mirent à hurler. L'appareil accéléra encore, puis, finalament, perdit contact avec le sol et décolla laborieusement. La base militaire de l'Utah avait déjà disparu.

Clive mit son masque d'oxygène. L'altimètre venait de France, donc utilisait le système métrique. Clive pouvait le lire. Il indiquait 2 000 mètres. Selon la durée de son trajet et la carte qu'il tenait, il venait de dépasser la côte américaine en passant par le comté de Humboldt. En regardant par la coupole, il ne vit que l'océan bleu fonçé à perte de vue.
Il mit l'avion sur pilote automatique, se renfonça dans son siège et s'assoupit.

Le premier éclair le réveilla. Il se redressa en jurant et vérifia les instruments de bord. L'altimètre indiquait 2 600 mètres, mais commençait à descendre. L'avion s'inclina légèrement vers l'avant.
Clive éteignit le pilote automatique et prit les commandes. Il redressa l'avion tant bien que mal, entouré par le ciel apocalyptique en furie. L'altimètre se stabilisa, et l'avion de redressa brusquement. Clive souffla.

Soudain, une douleur absolue se fit maître de son corps. Son sang bouilla et s'évapora, son système nerveux gela et se craquela en une multitude d'éclats tranchants qui transperçèrent chaque millimètre carré de sa chair. Son cerveau cala et se brisa en des trilliards de facettes infinitésimales de sa conscience. Tous les instruments de bord explosèrent, et leur coquille en verre fracassée entailla les mains et le visage du soldat.

Dans un moment de lucidité, Clive comprit qu'un éclair avait frappé l'avion en plein fouet. Il réalisa également qu'il pendait dans sa ceinture comme une poupée de chiffon.
À tâtons, sonné par la douleur lançinante,, il chercha le bouton d'éjection d'urgence. Il le trouva, le pressa, mais rien ne se passa.
Les nuages gris hurlaient, à moins que ce n'étaient les quatre moteurs maintenant immobiles. Puis, tout aussi brusquement, l'avion troua les nuages et continua à tomber en chute libre,
au-dessus de l'océan rageux, faiblement éclairé par la douce lueur de la lune.
La pression devenait intenable à l'intérieur du cockpit. Clive était aplati contre la paroi de l'avion, sa jambe gauche pliée dans un angle anormal. Et l'avion tombait encore.

Le temps de... Un éon ? Une microseconde ?... Clive comprit ce qui allait se passer. Il ne ressentit pas de rage, pas de désespoir, pas de peur... Seulement de l'abandon. Et lorsque le Lockheed Ventura fumant tomba du ciel et s'écrasa sur une plage de sable blanc immaculée, il sentit une explosion de douleur empoisonnée dans son pied gauche et sombra dans l'inconscience.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top