Chapitre 39: Au revoir Ray

Ray se tenait dans le grand hall du manoir, le visage fermé, mais une ombre de tristesse marquait ses traits. La nouvelle était tombée brusquement. Son frère, son seul lien de sang dans ce monde vaste et cruel, s'était gravement blessé. Mortellement, disaient certains. Ray essayait de garder son calme, mais une angoisse sourde lui serrait le cœur. Il rassembla ses affaires en silence, le souffle court, ses pensées tournant en boucle. Il n'avait pas vu son frère depuis des mois, pris dans les tourments de ses propres affaires, et maintenant, il pouvait le perdre sans avoir eu la chance de lui dire au revoir. Cette idée le hantait. Il se demandait comment il tiendrait face à cette absence. Chaque mouvement qu'il faisait pour se préparer au départ semblait plus lourd, comme s'il retardait l'inévitable. Mais il ne pouvait pas fuir. Il devait partir, coûte que coûte.

Alors qu'il franchissait la grande porte, il tomba nez à nez avec Perséphone. Elle se tenait là, droite, imposante, comme une silhouette de marbre sous la lueur pâle du soir. Son visage était aussi froid que le vent qui soufflait légèrement, et ses yeux, bien que perçants, ne trahissaient aucune émotion.

- Ma chère et tendre Perséphone, future femme de ma maison, murmura-t-il, inclinant légèrement la tête.

Elle le fixa un long moment sans répondre. Le silence entre eux était glacial. 

- Je pars, je pars pour toujours, dit il théâtralement. C'est terrible, c'est affreux !

Elle leva les yeux au ciel imperceptiblement et hocha à peine la tête, sa voix s'élevant dans un murmure distant.

- Allez. On se revoit plus tard.

Pas un mot de plus. Aucun réconfort, aucune chaleur dans ses paroles. Ray laissa échapper un souffle tremblant, comprenant qu'il n'obtiendrait rien de plus. Il s'inclina de nouveau légèrement avant de tourner les talons, sa poitrine lourde d'amertume. Perséphone n'avait jamais été tendre, mais ce soir-là, cette froideur lui faisait plus mal qu'à l'accoutumée. Peut-être parce qu'il s'attendait à un soupçon de compassion, ou peut-être parce qu'il espérait, malgré lui, un geste d'humanité en ce moment de doute.

Ray sortit finalement du manoir, ses bottes claquant contre les pavés humides alors qu'il se dirigeait vers la calèche qui l'attendait. Le cocher, un squelette austère, leva à peine les yeux en le voyant approcher, et ouvrit la porte avec un geste automatique. Ray monta sans un mot, refermant la porte derrière lui avec un claquement sec.L

e bruit des sabots de chevaux résonna doucement dans la nuit alors que la calèche s'ébranlait, quittant les vastes terres du manoir. À l'intérieur, Ray s'affala contre le siège, son regard se perdant dans l'obscurité à travers la petite fenêtre. Le paysage défilait, mais ses pensées étaient bien ailleurs.

Dès que la calèche se fut fondue avec les arbres qui l'environnaient et l'encerclaient pour finalement l'avaler, Perséphone leva une main délicate:

- Je t'entend.

- Quoi ?! s'exclama Lupa d'un air outré. Comment t'as fait ? C'était la porte qui grinçait, c'est ça ?

- Non. Tu respires aussi bruyamment que trois hippopotames en rut.

- Alors, pour les trois hippopotames, ce n'est pas sympa mais question hormones je...

Perséphone se retourna magistralement, posant son index sur les lèvres de Lupa qui se tut en la regardant de ses pupilles fluorescentes. Perséphone ne sourit pas en la voyant, mais son visage paraissait plus détendu qu'en présence de Ray, et elle s'autorisa à tiquer lorsque Lupa entrouvrit les lèvres d'un air aguicheur.

- Tais toi. Pas ici.

- Pas ici, pas là bas, fais ci, fais ça... T'es bien à l'aise quand même, ronchonna la loup-garou 

- Je n'ai que faire de tes revendications. Je t'avais dit de ne pas venir me voir. Tu m'as désobéi.

- Ouais. Et alors ? Tu vas faire quoi ? se rebella Lupa alors que dans ses yeux brillait une certaine lueur joueuse.

- ... Rien. Comporte toi bien.

- Arrête de me donner des ordres.

- C'est simplement la façon dont je parle habituellement ! 

- Et bien je n'aime pas la façon dont tu parles habituellement, déclara la brune en prenant la main de la blonde dans la sienne.

- Tu n'aimes pas grand chose chez moi, dit soudain Perséphone, les sourcils froncés, la mâchoire serrée.

D'un coup sec, elle dégagea sa main pour la poser sur son coeur dignement, levant le menton d'un air menaçant vers la louve qui la regardait d'un air stupide. Clignant des yeux, elle s'exclama:

- Mais si, j'aime des choses chez toi, qu'est-ce que tu racontes ?

- Ah oui ? répondit cyniquement la vampire du tac au tac.

- Evidemment. Tes lèvres, euh, tes seins, tes cuisses, ta... Hé, ne part pas ! C'était pas ce que je devais dire ?!

- À ton avis ?! s'exclama la vampire, blessée et excédée.

- Non ! Non, mais pardonne moi, je ne sais pas quoi dire ! Je veux dire, j'adore ton esprit, euh, ta sagesse...

- Va te faire foutre.

- Perce ! Arrête... Ne t'en vas pas ! Je ne sais pas quoi...

- Tu es indigne de moi. Arrête de me suivre.

- Perce ! Perce...

Lorsque Perséphone s'éloigna brusquement, Lupa resta figée, immobile au milieu du couloir, le regard fixé sur la silhouette de la vampire qui s'éloignait avec une dignité glaciale. Un silence pesant s'installa, entrecoupé seulement par le bruit des talons de Perséphone frappant le sol de pierre, chaque pas résonnant comme un écho cruel dans l'esprit de Lupa.

Le cœur de la louve-garoute battait à tout rompre, une sensation étrange et confuse la submergeant. Indigne. Ce mot résonnait en boucle dans sa tête, une lame tranchante plantée dans son orgueil. Lupa était habituée à l'adrénaline, à la violence, à la passion brutale, mais ce rejet froid, cette blessure d'un autre genre la laissait désarmée. Elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais aucun son ne sortit, comme si ses propres mots la trahissaient.Elle se sentait idiote. Pourquoi avait-elle dit ça ? Tes lèvres, tes seins, tes cuisses ? Vraiment ? En cet instant, elle voulait s'enfouir sous terre, disparaître dans les ombres et ne jamais refaire surface. C'était censé être une plaisanterie, un compliment maladroit, quelque chose qui, dans sa tête, devait alléger la tension. Mais elle avait mal calculé. Comme souvent avec Perséphone.La douleur qui montait en elle n'était pas physique, mais profonde, viscérale. 

Elle se sentait rejetée d'une manière qu'elle n'avait jamais vraiment connue. Perséphone avait cette capacité à frapper là où ça faisait le plus mal, sans même élever la voix, sans crier. Juste par ce mépris, cette indifférence tranchante qui laissait Lupa démunie.

La louve se mordit la lèvre, passant une main tremblante dans ses cheveux emmêlés, cherchant un moyen de se ressaisir. Mais la colère grondait en elle, une rage contre elle-même, contre son incapacité à comprendre ce qu'il fallait dire ou faire. Elle avait l'habitude de se battre pour ce qu'elle voulait, mais là, face à Perséphone, elle était perdue. Chaque tentative pour la séduire ou l'amadouer semblait se retourner contre elle.

Un rire amer s'échappa de sa gorge, un son étrange et désespéré. Indigne. Ce mot l'écorchait. Peut-être qu'elle l'était. Peut-être qu'elle ne serait jamais assez bien pour quelqu'un comme Perséphone. Pas assez subtile, pas assez intelligente, pas assez... parfaite. Et pourtant, elle la voulait, d'une manière dévorante, désespérée.

Lupa finit par s'appuyer contre le mur, le cœur lourd, incapable de suivre Perséphone. Elle aurait pu la rattraper, la prendre dans ses bras, la supplier de rester, mais à quoi bon ? Elle n'avait que des griffes et des crocs à offrir. Perséphone voulait autre chose, quelque chose que Lupa n'était pas sûre de savoir donner.

Une vague de frustration monta en elle, la poussant à cogner le poing contre le mur, juste assez fort pour sentir la douleur vibrer dans ses os. Elle laissa échapper un grondement, un râle primal qui venait de ses tripes.

- Perce ...  murmura-t-elle dans un souffle, les yeux brillants d'une colère contre elle-même qu'elle ne savait pas comment apaiser. Je t'aime aussi. Evidemment que je t'aime.


Elle se redressa finalement, comme un animal blessé, traînant ses pieds pour quitter le couloir, le cœur lourd d'une blessure invisible, mais profonde.

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