Chapitre 36: La stabilité et l'élégance de Mia

« Excusez-moi, Lupa. Vous n'en auriez pas une deuxième, si ce n'est pas indiscret ? »

L'élégant vampire s'était penché légèrement, son sourire indéchiffrable, une ombre de malice dans les yeux. Dracula. Toujours impeccable dans son costume sombre noir et rouge, taillé à la perfection, chaque geste mesuré, chaque mot pesé avec soin. Une présence magnétique, comme s'il était habitué à dominer l'espace autour de lui sans jamais élever la voix. Il tendait sa main gantée vers Lupa, la loup-garou, assise à l'autre bout de la table. 

Lupa, adossée nonchalamment à une fenêtre, tourna ses iris fendues vers lui. Elle n'aimait pas qu'on la prenne par surprise, encore moins par quelqu'un comme Dracula. Trop de charisme, trop de raffinement. Trop de... vampire. Elle fronça légèrement le nez, comme pour se donner une contenance, mais ses doigts agiles glissèrent tout de même dans la poche intérieure de sa veste pour y extraire un second cigare. Elle le lui tendit sans un mot, le regard rivé sur la table devant elle.

- Je vous remercie, murmura Dracula en prenant le cigare avec la même délicatesse qu'un bijou précieux. Vous avez des goûts excellents, je reconnais là un Don Tomas Corojo Gigante.

Lupa ne répondit pas tout de suite, fixant un point invisible dans la pièce, ses pensées ailleurs. Elle n'avait jamais su comment gérer ses interactions avec lui. Il y avait toujours cette tension sous-jacente, une espèce de tiraillement intérieur qu'elle refusait de reconnaître. La proximité avec Dracula éveillait quelque chose en elle, une fierté animale et un désir de le défier, de ne jamais lui montrer la moindre faiblesse. Et pourtant... il y avait cette attraction. Un secret bien enfoui, qu'elle tentait de réprimer.

- En effet, vous êtes observateur, répondit-elle enfin, d'une voix grave, presque cassante, sans lever les yeux. Si vous en voulez un autre, vous saurez où les trouver. 

Un silence tendu s'installa. Mais Dracula, imperturbable, alluma le cigare d'un geste élégant, soufflant une première bouffée avec satisfaction. Ses yeux, aussi sombres que la nuit elle-même, observaient Lupa avec une attention qu'elle tentait d'ignorer.

- J'espère que vous vous plaisez chez nous. Nous n'avons pas eu le temps de bien se parler, encore, dit-il après une pause, sa voix suave et posée. Vous étiez certainement occupée à prendre connaissance auprès de mes filles. 

Il marqua un temps, laissant ses mots flotter dans l'air comme une caresse à peine perceptible. Lupa serra la mâchoire, les doigts crispés sur le bord de la table. Sur les nerfs, la louve semblait percevoir chaque phrase, chaque sourire, comme provocation soigneusement déguisée. Elle leva enfin les yeux vers lui, son regard dur comme le roc.

- Qu'est-ce que vous lui trouvez, vous, à ce Ray ?

Dracula, nonchalant, esquissa un léger sourire, amusé par son brusque changement de ton. Il aimait cette rudesse, ce refus de se plier à la courtoisie qui fascinait tant les autres. Lupa n'était pas aussi niaise que les gens courtois, et c'était précisément ce qui la rendait si intéressante à ses yeux

- C'est le fils d'un grand ami à moi, répondit-il avec douceur. Et puis, la compagnie des humains est toujours rafraichissante. Je sais que Perséphone s'ennuie beaucoup ici, avant d'avoir l'âge de sortir.

Lupa plissa les yeux, suspicieuse. 

- Et moi ? Pourquoi moi, pour Adèle ? Honnêtement, vous ressemblez à ce genre de personnes pour qui l'homosexualité n'existe pas. Alors un mariage lesbien ? 

Il se pencha légèrement vers elle, son sourire disparaissant pour laisser place à une expression plus sérieuse, presque paternelle. 

- Je pense que je n'ai pas à vous révéler ce que j'ai en tête en faisant cela. 

Le cœur de Lupa fit un bond, mais elle ne laissa rien paraître. Elle ne connaissait pas cet aspect de lui. Le vampire souverain pouvait être implacable et calculateur, mais il pouvait aussi être effrayant, et elle se sentait un peu mal à l'aise.

- Vos filles sont des gens bien éduqués. Pas moi, répliqua Lupa d'une voix plus sèche qu'elle ne l'aurait voulu. Je ne comprend pas l'intérêt pour des vampires de bonne famille de faire ce genre de mariage contreproductif.

Dracula inclina la tête, ses yeux se posant sur elle avec une intensité nouvelle. 

- Je n'ai absolument pas besoin de votre avis pour gérer ma famille. Je sais ce que je fais en vous léguant ma fille.

 Il tira une bouffée du cigare, le regard toujours fixé sur elle. 

- Et je pense que vous... avez une certaine influence sur elle. Une influence que je ne peux pas ignorer. 

Lupa resta silencieuse, ses doigts battant doucement la cadence sur la table en bois. Elle détourna le regard un instant. De qui parlaient-ils réellement...?

- Je ne la connais pas. Elle ne me connait pas non plus. Nous ne voulons pas l'une de l'autre... Je suis incapable d'émotions, monsieur.

- Ne soyez pas si dure avec vous-même, Lupa. Vous êtes jeunes et il faut vous laisser le temps de vivre. Vous apprendrez plus tard à gérer vos sentiments, sa voix s'était adoucie, presque cajoleuse. C'est pour cela que pour l'instant, ce sont nous et votre mère qui gérons ce genre d'affaires.

Lupa garda son regard braqué sur le dehors, le silence retombant entre eux, lourd et oppressant. Une vague de chaleur monta en elle alors que ses pensées se tournaient vers la belle blonde. Des sentiments... 

- Vous vous trompez,  lâcha-t-elle finalement, froide. Vous mariez de force des couples qui ne peuvent pas se faire. Ray est un petit con qui crois que VOTRE fille est un p'tain d'objet, et je ne suis pas capable d'aimer qui que ce soit.

Dracula resta calme, son sourire ayant à peine bougé. Mais ses yeux, eux, s'assombrirent. 

-  Peut-être. Ou peut-être est-ce simplement plus facile de fuir, de chercher le problème ailleurs alors que la solution se trouve en nous-même.

Il se redressa enfin, dans toute sa grandeur, mais sans perdre cette aura paternaliste. 

- Réfléchissez à ce que je vous ai dit, Lupa. Vous savez où me trouver. 

Il fit volte-face, s'éloignant dans l'obscurité du couloir, laissant derrière lui une Lupa encore plus perturbée. Tandis que son parfum subtil flottait encore dans l'air, Lupa se mordit l'intérieur de la joue, tentant de refouler les sentiments qui se bousculaient dans sa poitrine.

=^..^=

Mia traversait le couloir d'un pas rapide, ses bottes résonnant lourdement contre le sol grinçant. Elle était encore énervée après sa confrontation avec Félice. Son esprit bourdonnait d'une colère sourde, alimentée par ses propres erreurs et la froideur inattendue de la rousse. Mais quelque chose d'autre, ou plutôt quelqu'un d'autre, la mettait encore plus sur les nerfs. 

Perséphone. Elle n'avait jamais pu la supporter. Cette vampire prétentieuse, toujours calme et distante, comme si tout ce qui l'entourait n'était que jeu d'ombres et de lumière à contempler de loin. Mia la trouvait insupportable. Et après tout, c'était avec elle que Lupa l'avait trompé, la trompait toujours ! cela n'avait fait qu'attiser sa jalousie et sa rancoeur.

Alors, quand elle aperçut la silhouette élancée de Perséphone dans le couloir, le dos tourné, ces longs cheveux blonds féeriques, elle sentit la rage monter en elle comme une vague irrésistible. Ses griffes se rétractèrent presque par instinct. La vampire semblait aussi froide que d'habitude, lisant un vieux manuscrit, plongée dans son monde détaché de tout.

- Perséphone ! lança Mia d'une voix rauque, coupante, en s'approchant. 

La vampire se retourna lentement, sans précipitation, comme si elle n'avait pas la moindre intention de répondre à cette provocation. Son regard d'un bleu abyssal se posa sur Mia, un sourcil arqué en signe de mépris à peine voilé. Elle referma son livre avec une délicatesse exagérée.

-Mia, dit-elle calmement, de sa voix douce. Bruyante, à ce que je vois. 

Mia serra les poings, ses crocs se montrant brièvement dans un sourire sarcastique. 

- Toujours aussi hautaine, hein ? C'est vrai que ça te donne un certain charme, je comprend Lupa soudainement. 

Perséphone haussa à peine les épaules, un sourire fin, presque imperceptible, se dessinant sur ses lèvres. Elle s'approcha légèrement de Mia, son regard perçant chaque parcelle de loup-garoute avec une froideur désarmante. 

- Je pense que tu ne veux pas comprendre que mal se comporter avec une femme induis le fait de fâcher celles qui sont dans son camp. Dans ce cas de figure-ci, je dirais simplement que tu ne t'es toujours pas excusée auprès de Félice.

Mia laissa échapper un rire sec, presque un grognement. 

- Tu penses vraiment que ton petit air supérieur impressionne qui que ce soit ? Ce masque que tu portes... Tu caches bien tes faiblesses, Perséphone. Mais je vois clair dans ton jeu. 

Perséphone cligna des yeux, feignant l'indifférence. « Mes faiblesses ? » Sa voix était un murmure glacé. 

-  Dis-moi, Mia, qu'est-ce que tu pourrais bien comprendre de moi ? Toi qui ne contrôles même pas tes propres pulsions ? 

Elle esquissa un sourire tranchant, son regard glissant sur Mia comme un coup de lame. 

- Tu penses que Félice va se laisser séduire par cette... fougue incontrôlable ? Elle mérite mieux. Elle mérite de la stabilité, de l'élégance. Deux choses que tu ne possèdes manifestement pas. 

Le nom de Félice alluma une flamme de colère pure dans les yeux de Mia. 

- Oh, je vois ce que tu essaies de faire,  cracha-t-elle, avançant d'un pas, réduisant la distance entre elles. Faire passer ta situation pour la situation idéale alors que tu as fais pire que moi. Tu veux jouer la femme parfaite, la reine de glace au cœur inébranlable ? Je t'en prie. On sait toutes les deux que tu n'es rien de tout ça. Je fais ce que je peux avec Félice, c'est pas facile.

Perséphone resta imperturbable, son sourire s'élargissant légèrement.

- Vous êtes vraiment à dresser, vous les louves. L'amour, Mia, est un concept que tu ne sembles pas saisir. Tes sentiments sont une tempête, éphémères. Ils brûlent fort, mais se consument rapidement. Félice mérite mieux que ça. 

Mia la fixa, les poings serrés, la rage grondant dans sa poitrine. Mais elle se força à sourire, un sourire tordu, sauvage.  

- N'appuie pas sur la plaie. 

- C'est toi qui est venue me chercher des noises. Qui fait le malin, tombe dans le ravin. 

Le visage de Mia se referma alors qu'elle restait ainsi dans le couloir, debout, sa haine inébranlable ayant soudain disparu pour laisser place à de la frustration et la douleur du rejet de Félice que Perséphone lui mettait sous les yeux.

- Qu'est-ce qu'elle a fait ? demanda la blonde, légèrement amusée par l'air de chien battu de la violette.

- Elle a repoussé mes avances, grogna Mia en reniflant.

- Tu l'aimes ? 

- Un peu.

- Aime-la beaucoup, on en reparlera. 

- ... Mhrm. Lupa est au rez-de-chaussée, elle te cherche, finit par murmurer Mia, peu fière d'elle.

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