Chapitre 31: Confort, sécurité & love
Perséphone ne vomit pas dans sa douche, comme elle avait pensé le faire. Mais son estomac, noué, se contracta violemment, forçant la salive à remonter jusqu'à sa gorge. Elle toussa, le bruit sec résonnant dans la cabine carrelée, et repoussa les parois glacées de ses mains tremblantes. Elle cracha sur le sol de la douche, le goût amer et immonde de sa faiblesse lui laissant une amertume cuisante.
Elle n'avait pas la force de se déshabiller. Pas maintenant. L'idée même de se débarrasser de cette robe noire mouillée la dégoûtait. Cette robe qu'Isaac avait dévorée du regard, la réduisant à un simple objet d'envie dans cette sordide mascarade. Pourquoi avait-elle accepté de jouer ce rôle ? Elle serra les dents, le regret l'emplissant d'une douleur sourde et étouffante.
Elle tourna le robinet de la douche. L'eau brûlante jaillit, heurtant ses cheveux en cascade et ruisselant le long de son dos. Elle cria, un son perçant qui mêlait surprise et douleur, mais ne bougea pas. Elle laissa l'eau envahir ses vêtements, s'infiltrer dans ses chaussettes, les rendant lourdes et collantes. Ses yeux, déjà secs d'avoir trop pleuré, s'emplirent de nouveau d'une humidité impuissante.
Tremblante, elle s'appuya contre la paroi de la douche. Ses reniflements brisaient le silence, entrecoupés de gémissements rauques, des sons presque inhumains qui venaient du fond de sa gorge. Les larmes, pourtant invisibles sous le jet d'eau, traçaient leurs chemins salés sur ses joues noircies de maquillage. Elle baissa les yeux vers ses mains. Ses phalanges rougies et écorchées portaient encore la douleur des coups assénés à Lupa, et cette vision relança un torrent d'émotions.
- Lupa... murmura-t-elle, sa voix cassée par le chagrin.
Une voix calme, grave, et étrangement douce répondit, comme un écho apaisant :
- Je suis là.
Perséphone redressa légèrement la tête, sans se retourner, ses épaules secouées par un sanglot.
- Où... Où est-il ? demanda-t-elle faiblement, le dos toujours tourné à la grande brune qui venait d'entrer dans la salle de bain.
- À la cave. Ligoté et bâillonné. Lupa marqua une pause, observant la scène d'un regard perplexe. T'es... t'es habillée, dans la douche ?
Perséphone renifla, la voix à peine audible :
- J'arrive pas... J'y arrive pas.
Elle se retourna enfin, dévoilant son visage rougi par les pleurs et l'eau brûlante. Lupa se figea un instant. Elle réprima un frisson en voyant Perséphone ainsi : ses yeux d'un rouge sang, enflés et brillants d'une douleur presque palpable ; ses cheveux trempés collant à ses joues ; son maquillage qui traçait des sillons sombres sur sa peau. La grande brune ouvrit la porte de la cabine de douche avec une lenteur mesurée, un souffle imperceptible s'échappant de ses lèvres.
- Lève les bras.
Sans protester, Perséphone se laissa déshabiller. D'un coup précis de ses griffes, Lupa trancha la robe en deux, l'enlevant avec une délicatesse inattendue. Malgré la brutalité du geste, chaque mouvement qu'elle faisait semblait empreint de soin. Perséphone détourna légèrement la tête, refusant de croiser le regard de Lupa, incapable de supporter ce qu'elle pourrait y voir.
Pourtant, le regard de la louve n'était pas envahissant. Il était attentif, ancré sur le visage de Perséphone, scrutant ses réactions, ses moindres signes de détresse. Elle ne regardait pas la peau nue qui se dévoilait sous ses mains. Elle détacha d'un autre coup de griffe son soutien-gorge et attendit patiemment que Perséphone ôte ses chaussettes, lui laissant toujours le choix.
La blonde, bien que vêtue d'une simple culotte noire, se sentit mise à nu dans tous les sens du terme. Les larmes qu'elle croyait taries revinrent, débordant de ses yeux sans qu'elle puisse les retenir. Elle resta immobile, debout sous l'eau brûlante, sanglotant en silence.
Lupa tourna légèrement le pommeau de la douche, réduisant la température.
- C'est brûlant, tu vas t'ébouillanter.
Perséphone sentit la chaleur intense diminuer, remplacée par une tiédeur plus douce qui relâchait peu à peu les tensions dans ses muscles. Les yeux rougis, elle tendit un savon à Lupa sans un mot.
- Je peux ? demanda Lupa, ses paroles mesurées, presque murmurées.
En guise de réponse, Perséphone attrapa le col de la chemise blanche de Lupa et l'attira brusquement sous le jet d'eau. Lupa émit un petit cri de surprise, sentant l'eau tremper instantanément ses vêtements. Sa chemise, devenant transparente, révélait la couleur vive de son soutien-gorge rouge. Son jean, lui aussi, s'alourdissait sous l'eau.
Pourtant, elle ne protesta pas. Elle laissa simplement Perséphone se blottir contre elle, comme une enfant cherchant refuge. Silencieusement, elle savonna le dos tremblant de la blonde, leurs respirations se synchronisant dans une étrange harmonie.
Lupa poursuivit, méthodique et attentive, ses mains glissant sur les bras, le tronc, et enfin les jambes de Perséphone. Agenouillée devant elle, les vêtements collés à sa peau, elle frottait doucement les mollets de la vampire. Perséphone, presque désarticulée, laissa une main glisser dans les cheveux trempés de Lupa, en un geste aussi spontané que fragile.
Les deux femmes échangèrent un regard. Lupa, toujours silencieuse, ancrée dans l'instant, ne détourna pas ses yeux dorés de ceux de Perséphone. Dans ce moment suspendu, le bruit de l'eau masquait tout sauf cette connexion palpable entre elles, une douceur inattendue de la part de celles qui n'avaient fait jusque là que se détester.
=^.x.^=
- Désolée. Tu es trempée, soupira finalement Perséphone, la voix encore voilée par l'épuisement.
- J'm'en fous, rétorqua Lupa avec un demi-sourire. Laisse-moi juste le temps de me laver aussi, du coup. Tu veux qu'on fasse quoi après ?
Perséphone hésita, ses yeux clairs cherchant une réponse dans l'éclat chaleureux du regard de Lupa.
- J'ai faim.
- Je m'en occupe. Va te sécher.
La blonde hocha la tête et essora lentement ses longs cheveux trempés, une cascade blonde sombre dégoulinant sur ses épaules. Elle frissonna lorsque ses doigts rencontrèrent la fraîcheur de l'air après avoir éteint l'eau brûlante. Lupa, toujours silencieuse, se décala pour la laisser sortir et attrapa une serviette sur un crochet mural. Elle la tendit à Perséphone qui l'attrapa d'un geste rapide, leurs doigts se frôlant brièvement. Ce contact furtif fut son seul remerciement.
Les pieds mouillés de Perséphone laissèrent de petites empreintes sur le sol alors qu'elle quittait la salle de bain. Une étrange torpeur s'empara d'elle, mélange de fatigue, de résignation et de ce soulagement douloureux qui suit les larmes. Elle entra dans la chambre et s'écroula sur le lit, encore enroulée dans sa serviette. Le tissu épais lui apporta un semblant de chaleur, mais son esprit, lourd et embrouillé, s'éteignit rapidement.
Elle ne s'aperçut pas qu'elle s'endormait. Tout ce qu'elle ressentit fut une vague impression de légèreté lorsqu'elle posa sa joue contre les draps frais. Le sommeil la prit doucement, sans effort.
Quand elle ouvrit les yeux, ce fut au son de bruits discrets. Le léger froissement des vêtements enfilés, les pas prudents sur le sol. Elle se retourna lentement, encore engourdie, et réalisa qu'elle n'était plus simplement enveloppée dans une serviette. Elle porta une main à son torse et remarqua le tissu léger d'un top, surmonté d'une chemise à fleurs aux couleurs d'automne.
- J'ai dormi... longtemps ? demanda-t-elle en baillant, sa voix encore rauque.
- Non. Juste un moment, répondit Lupa en se tournant vers elle, un léger sourire étirant ses lèvres. Mais tu avais l'air apaisée... Alors je t'ai habillée. J'ai même réussi à ne pas te réveiller.
Perséphone émit un petit son étouffé.
- Bravo, murmura-t-elle, sa pâleur accentuée par la lumière tamisée de la chambre.
Lupa s'approcha, son regard doré irradiant d'une douceur surprenante. Elle tendit une main vers la blonde, paume ouverte, un geste invitant mais sans insistance.
- Viens, dit-elle doucement. On va manger un bout.
Perséphone attrapa sa main sans réfléchir, la sensation de chaleur réconfortante l'arrachant à sa léthargie. Elle se laissa guider hors de la pièce, descendant les escaliers dans un silence qui n'avait rien d'embarrassant.
En bas, le bar vivait toujours au rythme des discussions, des rires, et des bruits habituels des verres qu'on pose ou qu'on remplit. Une barman était accroupie, ramassant méticuleusement les éclats de verre laissés par l'incident précédent.
Lupa s'arrêta un instant, ses yeux fauves balayant la pièce comme si elle cherchait un signe de quelque chose ou quelqu'un. Une voix résonna soudain, claire et énergique, coupant le brouhaha ambiant :
- Lupa de Ranagan, Perséphone de Brières...
Les deux femmes tournèrent la tête en même temps. Une silhouette familière avançait vers elles, l'expression grave.
- Les filles, on a du nouveau au sujet de Félice.
Le nom tomba comme une enclume. L'ambiance, déjà tendue dans l'esprit de Perséphone, sembla s'alourdir encore. Ses doigts se crispèrent légèrement sur ceux de Lupa, qui, elle, restait immobile, attentive, les mâchoires serrées.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top