Chapitre 3: Le dîner sanglant

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Félice regarda autour d'elle, l'air extrêmement intéressée par les appartements. Elle passa ses doigts agiles sur les murs, le miroir craquelé et les rainures sur le plafond. L'ambiance brumeuse et effrayante rendait tout cela pour le moins assez excitant. On aurait dit que tout cela sortait droit d'un film d'horreur des années 90. 

- C'est fou, dit Mia avec un sourire. Ils ont des grands miroirs, mais ne peuvent pas se voir dans le reflet. 

- Ils voulaient peut-être s'amuser à tenir des objets devant la glace pour les regarder flotter, vu qu'ils ne se voient pas eux. 

- Ouais, j'avoue. On leur demandera, dit la jeune femme aux cheveux violets avec entrain.

Elle s'approcha de Félice pour se regarder aussi dans le miroir, et passa son bras autour des épaules de la magicienne. Elle les regarda dans le miroir avec un grand sourire, solaire comme elle l'était. La rousse, à ce contact, eut un imperceptible frisson et tourna son regard vers elle, surprise de ce geste.

- On est trop belles, ronronna tranquillement Mia. 

Mais remarquant les yeux un peu plus ouverts de Félice et son air timide, elle se tourna vers sa petite amie. Celle-ci était allongée sur le lit double et regardait le plafond rougeâtre avec ennui. La violette fronça des sourcils, elle détestait la façon dont Lupa se comportait ces temps-ci. Les premiers temps de leur relation, les trois premières semaines, la loup-garou avait été adorable avec elle. Elles multipliaient les sorties en amoureuses, les soirées romantiques, les matins nues dans les draps... 

Et désormais, Lupa devenait froide et égoïste. Quelle frustration pour Mia ! Qu'avait-elle fait ?

- Dit, on te dérange ?

- Y'a quatre moustiques morts, coupa la grande femme posée sur le lit. 

Elle leva un bras musclé et pointa son index vers le plâtre craquelé.

- Là.

- Formidable, ironisa Mia qui sentait la colère monter en elle avec une rapidité impressionnante. Je me demande vraiment pourquoi je suis là.

Elle eut un grand soupir, et adressa à Lupa, au travers du miroir, un doigt d'honneur qu'elle ne remarqua pas. Puis, elle contourna le lit pour aller dans la salle de bain se recoiffer, la queue battant avec énervement. Félice, lorsque cette dernière eut claqué la porte sèchement, se tourna vers son amie.

- Lupa... Je suis plutôt d'accord avec Mia. Pourquoi nous as-tu fait venir, si c'est pour te comporter ainsi ? 

- Tu sais très bien pourquoi, marmonna la loup-garou en se passant les mains sur le visage.

- Evidemment. Tout le monde le sait, c'est ta mère qui m'a raconté. Et encore une fois, je te dis clairement que je suis en désaccord avec toi.

- Sans blague ! ricana Lupa en se relevant et s'étirant, dévoilant ses biceps développés. Qui est d'accord avec moi sur cette planète ?

- Je suis sérieuse. Pourquoi tu ne l'as pas...

La rousse regarda autour d'elle, pour être sûre que personne ne les entendait. Elle s'approcha de son amie pour dire d'un ton sérieux à demi-voix:

- Pourquoi tu ne l'as pas quittée plus tôt ? Tu la fais souffrir injustement.

- Parce que j'attend le moment propice, le moment parfait. Genre... Après ce voyage, dit la brune en regardant ses ongles pointus en mimant un ennui profond.

- Ce n'est pas gentil. Vous vous engueulez tout le temps ! Elle n'est pas heureuse.

Lupa se leva si soudainement qu'elle fit sursauter la magicienne. Du haut de ses 1m80, elle surpassait d'une bonne tête son amie, dos droit, épaules dégagées. Son visage était dur, sérieux, intelligent. De sa bouche entrouverte ressortaient ses crocs acérés, qui avaient dû se planter dans la peau d'animaux encore vivants... Ses pupilles de chat jaunâtres qui ne cillaient pas, ses oreilles de loup en arrière montraient qu'elle semblait soudain menaçante.

- Depuis quand tu te soucies du bonheur de ma gow ?

- Depuis que vous vous criez dessus dans mes oreilles, dit Félice en se détournant, cachant son léger malaise. 

Elle se regarda dans le miroir, le coeur serré.

- Tu sais bien que je ne me soucie pas de cette fille. C'est parce que c'est une amie.

- J'espère bien.

Lorsque Mia fut sortie de la salle de bain, beaucoup plus gaie, Lupa vint la prendre par la taille. La plus petite des deux avait totalement oublié cette dispute passagère, et affichait un grand sourire sur ses lèvres pâles. Lupa les regarda avec satisfaction, puis croisa le regard de Félice. Parfait.

Elle se pencha pour rapprocher sa bouche de celle de sa petite amie. Celle-ci frétilla d'espoir et tendit aussi les lèvres, espérant un baiser amoureux avant de descendre diner. Il ne vint pas, leurs souffles s'entremêlant sans qu'aucun contact autre que leurs nez se touchant ne se passe. Elle rouvrit les yeux légèrement pour voir que la grande loup-garou était en train de fixer Félice.

Felice qui se trouvait là, impassible, les mains dans le dos, regardant Lupa sans ciller et avec courage. Lupa approcha finalement assez son visage pour qu'elles s'embrassent avec douceur. Mia posa ses mains sur le bas du dos de sa compagne mais Félice dit presque soudainement:

- Allons diner. Je crois qu'ils nous appellent depuis tout à l'heure.

- Oh ! dit Lupa, se séparant de Mia comme si ce n'était qu'un mouchoir de papier qu'elle laissait tomber au sol. Cool.

Elles rejoignirent une grande salle où siégeait une longue table rectangulaire. En bout se tenait une fille blonde qui rappelait vaguement quelque chose à Lupa. Sûrement la fille de l'accueil, un membre lambda de la famille. De l'autre bout, le jeune homme aux cheveux couverts de gel. Comme elle ne semblait pas connaitre l'autre fille, Lupa s'approcha en faisant un signe de sa main griffue. Les époux de Brières parlaient imperceptiblement à l'autre bout de la salle et l'étrange fille à la poupée les regardait arriver sans rien dire. 

La loup-garou tendit une main à Ray, qui tapotait les coins de la table avec impatience. Celui-ci se leva pour lui faire la bise, mais elle le repoussa très légèrement en lui tendant la main.

- Oh ! Pardon. J'ai entendu dire que vous étiez lesb... enfin, je veux dire, vous devez sûrement faire l'homme.

C'était dit si naturellement. Déjà que Lupa n'avait pas vraiment apprécié son sourire vide, filou, charismatique, mais il s'enfonçait... Elle se tourna lentement pour regarder les deux filles qui la suivaient. Mia avait les pupilles écarquillées, littéralement choquée par ce que venait de dire cet homme, et Félice se retenait de rire.

- Personne ne fait l'homme ici, déclara Mia en tendant sa main à son tour, montrant que si Lupa était sensée être un homme, elle le serait aussi.

Félice fit de même, toussotant dans son coude pour réprimer un fou rire qui prenait aussi Lupa. Et bien... Elle aurait dû se mettre en robe noire ce soir, au lieu d'adopter ce chemisier blanc ouvert légèrement sur sa poitrine, et ce pantalon noir baggy. 

- Formidable, marmonna Mia entre ses dents, en regardant Ray avec aversion.

Les trois femmes finirent par rigoler dans leur coin, seulement, la salle commençait à se vider de toutes ses petites conversations. Des membres fantomatiques du personnel venaient, chargés de plats brûlants et les posaient sur la table. La famille de Brières avait fini par s'asseoir. Amande, la mère de Lupa, semblait tellement bien s'entendre avec le couple qu'elle s'était assise à côté d'Elizabeth. Cette femme avait des cheveux blancs neige, ayant presque perdu de leur blondeur tant ils étaient clairs. Alors qu'elle n'était pas maquillée tout à l'heure, elle avait désormais ce teint rouge foncé sur ses lèvres qui faisaient ressortir la couleur pâle de sa peau.

Elle était magnifique. Lupa croisa son regard et eut un léger rougissement, ce qui amusa Félice, qui le remarqua. La rousse, qui s'était fait un chignon pour manger sans tremper ses cheveux dans ses aliments, murmura à ses oreilles de loup:

- Bah alors ? Tu kiffes les milfs maintenant ?

- Casse-toi, toi, dit Lupa en réprimant un petit rire amusé. Je la trouve juste fraiche.

- Vous parlez de quoi ? dit Amande d'un ton sévère, pour leur intimer indirectement d'arrêter les messes basses. 

- Rien, dit rapidement Lupa en baissant ses pupilles ardentes et froides. 

Le repas passa rapidement, tout était délicieux. En entrée, un velouté de bergamote et de citrouilles d'Halloween, puis un tartare de sang. Mia apprécia tellement cette dernière entrée que Lupa lui passa la sienne. Rien que de voir cette adorable -mais chiante- petite bouille les lèvres pleines de sang l'amusaient terriblement. En plat principal, un filet de cerf sanguin, que Félice ne toucha pas, trop dégoutée. Lupa ne voyait pas pourquoi, c'était succulent. Puis, des Saint-Jacques noires. Enfin, un fondant nocturne et une chauve-souris glacée qui croquait sous la dent -les chauves souris sont remplies de petits os-. Tout cela agrémenté de vin rouge corsé, ou d'un cocktail de sang, au choix.

Sans surprise, Félice prit un verre de vin. Mais comme elle n'était pas trop alcool, elle n'y toucha pas et ce fut Mia qui finit son verre, curieuse de ces saveurs musquées. Les deux loup-garous prirent un cocktail de sang qui était particulièrement sucré et divin. Elle ne savait pas si c'était l'effet du vin ou les saveurs de l'humain qui avait été tué pour le faire, mais Lupa sentait sa queue, dans son dos, battre comme un petit chien content. Amusant. 

Alors que Dracula posait des questions à Félice sur l'usage de sa magie, le dénommé Ray se leva, faisant racler sa chaise sur le sol. Tout les regards se posèrent sur lui lorsqu'il tapota sa cuillère sur son verre de cristal rempli de vin.

- Mesdames et messieurs, morts ou vivants, ou mort-vivants, j'ai une annonce à faire !

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