Chapitre 24: Terreurs nocturnes

- Hé, poulette. Ça gaze ?

Une jeune femme adossée à un muret, dans une ruelle, releva la tête. Ses yeux cernés remarquèrent un homme qui s'était introduit par le grillage, près du bar de la Lune. Elle serra le châle contre son corps dénudé, levant un sourcil.

- Mmh ?

- Tu travailles ici ? demanda l'homme en la fixant de ses yeux noirs, passant une main dans ses cheveux graisseux.

Malgré son air vaguement menaçant, la femme le regarda et hocha la tête. Il farfouilla dans sa sacoche, la regardant avec un air lubrique.

- T'es une putain, hein ?

- Ouais, marmonna la jeune femme en fronçant les sourcils, regardant le sac qu'il agitait, plongeant sa main dedans. 

- Tu vas me donner ton pognon tout de suite, grogna l'homme en sortant de son sac un coutelas. Allez !

La jeune femme sursauta, ne s'y attendant pas vraiment, et se plaqua contre le mur, cherchant à droite et à gauche une issue pour s'échapper. Malheureusement, la porte se trouvait derrière l'homme, elle devrait le contourner pour lui échapper. Cependant, la lame du couteau brillait, dangereuse. Il la brandit sous son menton, elle poussa un cri de surprise:

- Dépêche toi, salope !

- M-ma Patronne... bégaya la femme en sentant le fil de la lame contre sa gorge.

Elle déglutit et sortit lentement de sa poche une bourse pleine de l'argent qu'elle avait fait hier en travaillant, regardant la main de l'homme avec terreur. Celui-ci regarda la bourse avec cupidité, s'esclaffant:

- J'aime mieux ça. 

Il s'empara de la bourse, son arme s'éloignant de la gorge de la fille de joie, qui regardait derrière lui avec un air moins inquiet. L'homme leva un sourcil, se retournant:

- Tu r'gardes quoi, ma jolie ?

- Salut toi.

Il eut à peine le temps de voir l'éclat malveillant des yeux d'un loup-garou apparaitre dans la pénombre, qu'un poing prit son col et le colla au mur. Ses pieds décollèrent du sol alors qu'il lâchait la bourse en hurlant. Une silhouette haute, musclée, et surtout très en rogne, se plaqua contre lui pour lui grogner:

- T'as un souci avec elle ?

- N-non, aucun ! bredouilla l'homme, essayant de se libérer sans succès. 

- P'tit bâtard.

Le poing libre de Lupa se leva, armé en poing, prêt à frapper. Mâchoire serrée, yeux haineux, elle regarda son employée qui tremblait, à côté, puis à nouveau l'homme. 

- Il t'a prit combien ?

- J'avais cinq cent écus d-dans ma poche, répondit la fille de joie, un peu inquiète par l'attitude violente de sa patronne. 

- Fouille-le. 

Elle la regarda un moment, puis l'homme toujours brutalement plaqué au mur sans espoir de sortie. Le grillage par lequel il était rentré ne semblait pas adéquat pour partir en vitesse, et il était bloqué par Lupa. Elle ne craignait rien. Cherchant dans sa veste, elle trouva une montre en or, des bijoux, et de l'argent.

- Prend la somme qu'il voulait te voler, et donne moi le reste.

- D-d'accord, Patronne. 

- Si tu reviens embêter une seule des filles ici, gronda Lupa à l'homme, le lâchant, tu vas avoir affaire à moi. C'est clair ?!

- O-oui.

- Retiens bien ça dans ta caboche toute trouée. Casse-toi, maintenant. 

Elle le lâcha, et il détala, s'égratignant dans le grillage qu'il tenta de sauter, sans succès. S'étalant sur le trottoir d'en face, il se releva, l'arcade sourcilière en sang, et courut le plus vite qu'il put.

- Et bien. Quelle violence matinale, marmonna Perséphone, adossée au cadre de la porte, qui menait à l'intérieur du bar. L'argent que tu lui as donnée, c'est pour payer vos cachotteries ?

- Non ! s'exclamèrent Lupa et la prostituée, l'une excédée, et l'autre gênée. 

- Je plaisante, coupa la vampire en baillant, souriant doucement. J'ai tout vu, puppy. 

- Ah bon ? Tu m'as trouvée comment ? rougit la loup-garou, en tendant sa main pleine de bijoux.

- Très violente, ironisa la blonde en serrant contre elle son tee-shirt de pyjama.

Perséphone regarda la main tendue de la brune, plissa ses beaux yeux effilés, avant de pointer de son long index l'une des bagues représentant deux serpents entrelacés.

- Celle-la. 

Lupa acquiesça d'un air approbateur, et extirpa le bijou du petit tas dans sa grande main calleuse. Elle l'enfila doucement sur le majeur tendu de Perséphone, celle-ci poussa un petit soupir en se mordillant la lèvre. Contente d'elle-même, la loup-garou se pencha sur la fille de joie, murmurant à son oreille:

- Rejoins les autres, chérie. Même si j'adore casser des gueules et racketter des connards, je doute que ça me fasse une super réputation.

- Merci, Patronne, murmura son interlocutrice, tête baissée et joues rouges, sentant la présence charmeuse de Lupa près d'elle.

=^.x.^=

"Mia ! Mia, au secours ! Mia, réveille-toi ! Réveille-toi !!"

Le cri désespéré résonnait encore dans la tête de Mia lorsqu'elle ouvrit brutalement les yeux, haletante. Une inspiration profonde saccada sa poitrine, comme si elle venait de remonter à la surface après avoir été engloutie dans une mer noire et oppressante. Ses doigts tremblaient sur les draps humides de sueur, et son regard chercha frénétiquement un point d'ancrage dans la pénombre de la pièce.

Une main ferme mais hésitante se posa sur son épaule. Elektra, dans un marcel, se tenait près d'elle, ses cheveux blonds ébouriffés encadrant un visage marqué par le sommeil interrompu. 

Ses yeux clairs, voilés par la fatigue, scrutaient Mia avec une inquiétude sincère.

- Terreurs nocturnes ? demanda-t-elle doucement, sa voix enrouée trahissant un réveil difficile.

Mia secoua la tête avec véhémence, son souffle saccadé trahissant une panique qu'elle peinait à contenir. Sa voix jaillit, cassée, vacillant entre l'angoisse et le désespoir.

- Félice... Félice est en danger !

Elektra fronça les sourcils, une expression d'incrédulité se peignant sur son visage fatigué. Elle bailla, essayant de dissiper les brumes de l'incompréhension.

- Quoi ? 

- Elle est en danger ! répéta Mia, la voix plus forte, plus désespérée, alors qu'elle rejetait violemment la couette. Sa respiration était erratique, et ses yeux fouillaient la pièce comme pour chercher un indice qui confirmerait son instinct.

Peu importe qu'elle soit en tee-shirt ample et culotte. Peu importe le regard confus d'Elektra. Tout son être était tendu vers une urgence qu'elle seule semblait percevoir. Ses jambes se mirent à flageoler, et elle s'appuya maladroitement contre le mur le plus proche, cherchant à stabiliser son corps secoué par des tremblements incontrôlables.

Elektra s'approcha prudemment, posant une main légère mais rassurante sur l'épaule de Mia. Elle sentit la moiteur glaciale de sa peau, un contraste frappant avec la chaleur de la pièce.

- Mia, écoute-moi. Tu as fait un cauchemar, c'est tout, dit-elle d'un ton apaisant, bien qu'elle ne puisse dissimuler l'ombre de l'inquiétude qui s'insinuait dans sa voix.

- Non ! Ce n'était pas un cauchemar ! explosa Mia, la coupant net. C'était un appel de détresse ! Elle m'a appelée, Elektra. Je le sais ! Elle est là, quelque part, en danger ! Je dois la retrouver ! 

Le ton implorant de Mia laissait entrevoir une certitude que la barman peinait à comprendre, mais qui était impossible à ignorer. Elektra hésita, jetant un regard vers la fenêtre où un pâle filet de lumière annonçait l'aube naissante.

- Peut-être qu'on pourrait... attendre demain ? tenta-t-elle, espérant calmer l'agitation de la violette sans la contrarier.

Mais cette suggestion, bien que raisonnable, fut reçue comme une gifle. Mia explosa, les nerfs à vif.

- Bordel, est-ce que tu m'écoutes seulement ?! grogna-t-elle, empoignant Elektra par les épaules et la plaquant brutalement contre le mur.

Elektra, sous le choc, ouvrit de grands yeux. Les griffes de Mia s'étaient instinctivement déployées, menaçant de percer la chair à travers le tissu du marcel. Dans l'obscurité, les pupilles de Mia brillaient d'un éclat sauvage, presque bestial. Elektra sentit un frisson glacial parcourir son dos.

- Mia... calme-toi... Tu me fais mal, murmura-t-elle d'une voix tremblante, mêlant peur et douceur.

Ces mots percèrent la tempête intérieure de Mia comme une aiguille brisant une bulle. Elle relâcha sa prise d'un geste brusque, reculant comme si elle venait de se brûler. Un éclair d'horreur traversa son regard lorsqu'elle réalisa ce qu'elle venait de faire.

- Je suis désolée... tellement désolée...  balbutia-t-elle, croisant ses bras sur sa poitrine, comme pour contenir un élan de désespoir.  Je ne voulais pas... Je ne voulais pas te faire de mal... 

Elektra porta une main à son épaule endolorie, massant doucement les muscles malmenés. Pourtant, il n'y avait aucune rancune dans son expression, seulement une inquiétude profonde.

- Ce n'est rien,  répondit-elle, mais ses yeux disaient autre chose. Une prudence nouvelle, mêlée d'un effort sincère pour comprendre ce qui agitait Mia.

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, Mia reprit, ses paroles débordant d'urgence.

- Écoute-moi, Elektra. Il faut qu'on la retrouve. Maintenant. Elle a besoin de nous. Je le sens. 

La blonde soupira, son regard dérivant vers l'horloge murale qui indiquait à peine cinq heures du matin.

- Mia, il est trop tôt. Je suis crevée, et toi aussi. On pourrait attendre quelques heures, non ? Juste pour... reprendre nos esprits ? 

- Non.  La réponse claqua comme un fouet.  Pas quand Félice est en danger. Pas quand je sais qu'elle a besoin de moi. 

Elektra fixa son amie, ses lèvres pincées dans une expression de frustration contenue. Elle savait que Mia n'abandonnerait pas. Elle voyait dans ses yeux une détermination si farouche qu'elle en était presque effrayante.

- D'accord, finit-elle par dire en soupirant, levant les mains en signe de reddition. Mais qu'est-ce que tu veux que je fasse ? 

- Des sorts de traque. Tu sais en lancer, pas vrai ? 

- Oui... mais...  hésita Elektra, l'épuisement alourdissant encore sa voix.

- Je vais te donner un de ses vêtements. Il doit encore avoir son odeur. On pourra suivre sa trace. 

Elektra hocha lentement la tête, résignée. Elle savait que si elle refusait, Mia partirait seule, sans plan, sans préparation, et cela ne ferait qu'aggraver la situation. Les loup-garous étaient connus pour leur tempérament irréfléchi, et Mia semblait ne pas faire exception à la règle.

- Très bien,  dit-elle, tirant une chaise pour s'y asseoir. Mais je te préviens, tu me devras un café. Double dose. Non, triple. 

Un sourire fugace effleura les lèvres de Mia, mais il disparut aussitôt. Ses yeux restaient vifs, brûlants d'une inquiétude féroce. Il n'y avait pas de place pour la légèreté, pas alors que Félice était quelque part, perdue dans l'obscurité.

Mia...

=^.x.^=

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