Chapitre 20: Sous les décombres du bar
- Pourquoi je ne suis pas capable d'avoir des p... des relations saines !
Félice hurla dans la nuit, sa voix brisant le silence oppressant qui l'entourait. Les mots ricochèrent dans la forêt comme un écho cruel de sa propre frustration. Un sanglot monta dans sa gorge, mais elle le réprima violemment, préférant frapper une bûche de son pied.
Le choc fut bien plus dur que prévu, et une douleur aiguë remonta le long de sa jambe, lui arrachant un cri perçant. Mais ce n'était pas la douleur physique qui la faisait hurler ainsi. C'était tout le reste : la peine, la colère, la culpabilité qui se mélangeaient et la consumaient.
Autour d'elle, des corbeaux s'envolèrent dans un bruissement sinistre, fuyant son explosion de rage. La nuit noire était épaisse, pesante. Les hululements distants des chouettes semblaient se moquer de son désarroi. Félice essuya rageusement ses joues humides avec la manche de son manteau, ignorant les gouttes de sang qui s'en échappaient.
Elle alluma son bâton de mage, une lueur pâle et tremblante illuminant son visage fatigué. Ses mains tremblaient légèrement alors qu'elle consultait son téléphone. L'écran indiquait l'endroit exact où devait se trouver son piège magique.
- Fais chier... murmura-t-elle en serrant les dents, avant de reprendre sa marche, boitant légèrement.
Chaque pas réveillait la douleur dans son dos blessé, mais elle refusait de ralentir. Sous son manteau, le sang continuait de couler doucement de ses blessures non soignées, mais elle s'en moquait. L'adrénaline maintenait son esprit focalisé sur deux choses : atteindre son piège et essayer d'éteindre l'incendie émotionnel qui consumait son esprit.
Des souvenirs refusaient de lui laisser un moment de répit, remontant à la surface comme une vague déchaînée. Les images de son histoire avec Elektra s'entremêlaient douloureusement avec celles de Mia. Deux relations si différentes, mais portant en elles les mêmes blessures, les mêmes échecs.
D'abord, il y avait la peine. Une douleur sourde et déchirante. Félice se maudissait d'avoir cru, même un instant, que son frère avait changé après tout ce temps. Sa naïveté lui coûtait cher, une fois de plus. Mais plus encore, c'était le souvenir de ce moment précis, lorsqu'elle avait dû supplier Lupa de ne pas le tuer, qui lui serrait la poitrine. Son cœur avait hurlé alors qu'elle se tenait là, impuissante, devant la bête qu'il était devenu.
Ensuite venait la peur. La peur pour Elektra, son ex, qui n'avait rien demandé et s'était retrouvée mêlée à un chaos dont elle ne méritait pas les conséquences. Elektra n'était pas la plus puissante des magiciennes, et Félice savait qu'elle n'aurait pas pu se défendre seule. Mais ce n'était pas la seule peur. Elle avait eu peur de Mia, de la violence aveugle de sa jalousie.
Enfin, il y avait la colère. Une rage brûlante, suffocante, qui semblait vouloir l'étouffer de l'intérieur. Elle était en colère contre Mia, pour ses accusations, pour sa possessivité étouffante. En colère contre son frère, pour tout le mal qu'il causait encore. En colère contre Lupa, pour son impulsivité animale. Mais surtout, elle était en colère contre elle-même. Pour ses erreurs, pour ses faiblesses, pour ses choix qu'elle regrettait amèrement.
Elle renifla, ses épaules secouées par des sanglots silencieux qu'elle refusait de laisser éclater.
- Pourquoi moi ? murmura-t-elle à personne, sa voix se brisant dans la solitude glaciale de la nuit.
Elle continuait à avancer, déterminée malgré tout. Peut-être qu'attraper la créature piégée ne changerait rien. Peut-être que rien ne s'arrangerait. Mais c'était au moins une distraction, une raison de ne pas s'arrêter, de ne pas sombrer.
- Quelle est donc cette lumière ?!
Une voix masculine la fit sursauter, alors qu'elle se retrouvait nez-à-nez avec un homme suspendu dans le vide par une corde, ligoté par des anneaux magiques... Son piège magique, et Ray à l'intérieur.
=^.v.^=
- Arrête de bouger ! dit sévèrement Perséphone en attrapant fermement le bras de Lupa, où le plâtre et le sang formaient un mélange chaotique.
La vampire avait le regard dur, ses yeux d'un bleu glacial détaillant les blessures avec une précision clinique.
- J'vais bien, arrête ! grogna Lupa, bien que son ton geignard trahissait sa douleur. La loup-garou, toujours agitée, faisait tout son possible pour se lever, malgré les protestations silencieuses de son propre corps.
Perséphone l'avait installée de force dans un canapé miraculeusement intact du bar. Elle était à genoux devant elle, un coton imbibé d'alcool à la main, appliquant des gestes précis sur les blessures de la loup-garou tout en fronçant les sourcils.
- C'est ça. Tu es idiote ou aveugle ? lança la vampire sèchement, bien décidée à ne pas se laisser attendrir.
- Les deux, commandante, grommela Lupa, avant de pousser un petit cri de douleur lorsque Perséphone toucha une plaie sensible. Aïe, doucement !
- Tu vois que tu as mal. Alors arrête de te comporter comme une gamine, répliqua la blonde, sa voix aussi froide que ses mains.
Pourtant, malgré le ton glacial de Perséphone, Lupa sentit son cœur battre un peu plus vite à chaque fois que les doigts fins et glacés de la vampire effleuraient sa peau. Elle détournait instinctivement les yeux, une teinte rouge s'étalant sur ses joues. Ce mélange de douleur et de proximité éveillait une chaleur qu'elle ne savait pas gérer.
Finalement, incapable de supporter cette étrange tension, Lupa s'ébroua violemment, se libérant des soins que Perséphone lui imposait.
- Hé ! Je n'ai pas fini, siffla la vampire en lui lançant un regard noir, ses yeux brillant.
Plutôt que de s'excuser ou de se justifier, Lupa posa ses mains griffues et ensanglantées sur les joues glaciales de Perséphone. La vampire tressaillit légèrement au contact soudain, relevant un sourcil incrédule.
- Qu'est-ce que tu fais, espèce d'idiote ? murmura-t-elle, mi-exaspérée, mi-surprise.
Lupa, l'air ailleurs, plongea ses yeux dans ceux de la vampire. Perséphone sentit son cœur rater un battement lorsque le visage de la loup-garou se rapprocha dangereusement du sien. Une fraction de seconde, elle perdit ses moyens, et tendit elle aussi ses lèvres, mais se reprit aussitôt et repoussa brusquement Lupa d'une main ferme.
- Tu as les mains couvertes de sang ! répliqua-t-elle, les joues légèrement rosies. J'espère que tu ne m'en as pas mis dessus, c'est affreux.
- Merci, Perce, souffla Lupa avec un sourire sincère, comme si rien de tout cela n'avait d'importance.
- J-Je... De rien, bafouilla Perséphone, détournant rapidement les yeux, visiblement déstabilisée par la situation.
Avant qu'un silence embarrassant ne s'installe, Elektra entra dans la pièce, soulevant le rideau d'un geste brusque. Perséphone, toujours à genoux devant Lupa, se redressa aussitôt, reprenant sa posture froide et distante. Elektra ne leur accorda qu'un regard indifférent avant d'essuyer son cou marqué de bleus et de tendre le téléphone à Lupa.
- "Mia la Tepu" t'appelle, annonça Elektra avec un ton neutre qui contrastait avec l'ironie de ses paroles.
- Tu l'as vraiment surnommée comme ça dans tes contacts ? demanda Perséphone, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres.
Elle tendit la main.
- Donne-moi ça. Vu l'état de tes mains, tu ne pourras pas le déverrouiller.
Sans attendre de réponse, elle décrocha et porta le téléphone à son oreille, son ton immédiatement sec et autoritaire :
- Allô ?
Lupa, toujours curieuse, se rapprocha et posa sa tête sur l'épaule de Perséphone pour écouter la conversation. Pendant ce temps, Elektra s'appuya contre un mur, les bras croisés, observant la scène d'un air impassible.
- Non, ce n'est pas Lupa, c'est Perséphone. Non, elle ne peut pas te répondre. Elle a besoin d'être soignée.
- Mais je te dis que j'ai pas mal ! protesta Lupa, boudeuse, ce qui lui valut un regard exaspéré de Perséphone.
- Elle a définitivement besoin de soigner ses deux neurones restants, lança Perséphone avec un soupir agacé, bien que l'ombre d'un sourire effleurait encore ses lèvres. Puis son expression changea brusquement. Attends... Mia, tu pleures ? Qu'est-ce que Félice a fait ?
Elektra, qui jusque-là semblait désintéressée, se redressa soudainement, écoutant la vampire.
- Merde... Non, tu ne te couperas pas les veines. Non, tu n'es pas une personne affreuse, non tu...
Perséphone roula des yeux et finit par lâcher d'un ton impatient :
- Mia, arrête de dire de la merde, et ne reste pas toute seule à te morfondre sur toi-même. C'est ridicule, enfin. Rejoins nous au bar de la Lune.
Elle raccrocha d'un geste sec, balançant le téléphone sur les genoux de Lupa, avant de croiser les bras. La brune récupéra l'objet en lui lançant un petit regard à la fois respectueux et apeuré.
- Qui est Mia ? demanda Elektra d'un ton neutre, bien que son regard semblait pesant.
- Mia ? grogna Lupa en se frottant la nuque. Mon ex. Vraiment une folle doublée d'une...
- Tu veux vraiment que je m'en aille, hein ? l'interrompit Perséphone d'un ton glacial, les bras toujours croisés, ses yeux plantés dans ceux de Lupa.
- Quoi ?! Non, attends ! s'empressa de répondre Lupa, cherchant ses mots. Je rectifie, Elektra. Mia, c'est juste... une loup-garou que j'ai fréquentée et qui... vit sa vie... avec Félice. Voilà.
Perséphone resta immobile, fixant Lupa avec une expression indéchiffrable. Elektra, elle, soupira doucement, un sourire narquois se dessinant sur son visage.
- Voilà pourquoi... Je comprend mieux.
- Pourquoi le frère de Félice vous a-t-il attaqué ? demanda Perséphone en regardant tour à tour la blonde aux cheveux coupés courts et la brune affalée sur le canapé.
- Ça fait un an qu'il cherche à me tuer, murmura Elektra en se mordant la lèvre.
- Je ne comprend pas. On a vécu notre enfance ensemble... Il a un pet au casque, mais je ne le croyais pas capable de tuer.
- C'est un sorcier qui manipule la magie noire. Il semble évident qu'il aurait pu tous vous tuer, dit Perséphone en soupirant. Et pourquoi cherche-t-il à te tuer ?
- Parce que je suis sortie avec sa soeur, bougonna la barman en serrant ses mains contre ses cuisses, gênée d'annoncer cela à sa patronne et à une totale inconnue.
- Avec Félice ? dirent les deux femmes en même temps, choquées.
- Oui, on s'est fréquentées pendant quelques mois. Mais c'est fini depuis quelques temps, déjà.
- Dingue, souffla Lupa d'un air amusé. Féliçounette est une vraie tombeuse. Elle a de bons gouts !
- Merci de ton intervention, Lupa, marmonna Perséphone en lui lançant un regard en biais, excédé. Nous n'avons plus qu'à espérer que l'ambulancier qui a emmené Hélios à l'hôpital le gardera le plus longtemps possible là-bas. On touchera deux mots à Félice à ce propos.
- Le bar est complètement détruit à cause de lui, finit par dire Elektra en regardant autour d'elle, les yeux remplis de larmes de frustration.
Il faudrait quelques jours de rangement et de nettoyage intensif pour redonner de la vie aux chaises renversées du bar, au plafond décollé, et aux gravats qui encombraient la rue devant la vitre brisée du bar de la Lune. Le coeur de la barman se serrait alors qu'elle regardait les dégâts. Lupa se mordit la lèvre, et posa sa main sur le coeur d'Elektra en se levant, juste au dessus du sein:
- On va s'en occuper.
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