Chapitre 18: Fiancée de la lune
Lupa se leva en regardant du coin de l'œil Félice s'éclipser au loin dans un couloir obscur. Une chauve souris tournoya dans l'air, émettant le minuscule bruit caractéristique qui vrillait les oreilles sensibles de la loup-garou.
Seule dans la pièce, elle inspecta ses griffes, curant le dessous de ses ongles acérés avec ceux de la main opposée, murmurant une petite mélodie. Assise dans le petit canapé en velours vert, elle n'avait pour l'éclairer qu'un faible chandelier qui brillait au dessus de sa tête et la lucarne de la pièce.
- Ma fille.
Elle sursauta et ouvrit ses paupières qu'elle avait fermé pour écouter un hibou au lointain.
- Ah !
Amande de Ranagan venait de faire irruption à pas feutrés dans la pièce. On pouvait lire à ses oreilles et queue dressée, ainsi qu'à son sourire au coin des lèvres, qu'elle était particulièrement satisfaite. Et devant une telle mine, Lupa resta bouche bée, incapable de lui sauter à la gorge comme elle avait promis à Félice.
- Mère. Tu es fière de toi ?
- Plutôt.
Elle s'assit en face de sa fille et croisa ses jambes musclées, les mains sur les accoudoirs. Les trois boucles d'oreilles tintèrent lorsqu'elle tourna la tête vers elle.
- Il faut me comprendre, Lupa. Tu n'es pas assez mature et responsable de tes actes. Tu agis comme un enfant qui joue. Joue avec ses relations, joue avec ses ressentis, joue avec son corps... Tu dois comprendre que ce n'est pas réaliste.
- Je ne veux PAS me marier ! siffla la brunette, outrée.
- C'est à ton âge que je me suis mariée.
- Tu as eu un coup de chance, répliqua sa fille d'un ton acéré.
- Les parents de Félice aussi, dans ce cas, ironisa la louve. Et Elisabeth et Dracula de même. Ou encore les parents de Mia.
La brune croisa ses bras musclés et leva les yeux au ciel, lourdement, pour montrer sa colère.
- Je n'aime pas cette fille ! J'la connais pas !
- Comme tu n'aimais pas Mia, Nocturna, Fauve, Kéos, Emily, Soraya, et tellement d'autres que j'en oublie des noms, non ?
- C'était différent, répliqua amèrement Lupa en grondant, dévoilant ses canines larges et coupantes.
- Je n'aime pas ton comportement vis à vis des personnes de même genre que toi. Tu es vantarde, aguicheuse, insistante, égoïste. Si tu étais un homme, ces filles accepteraient elles ton comportement ? Non, parce qu'il n'est pas normal.
- Oh, je t'en prie. Ne viens pas me faire la morale, au vu de ton histoire avec Père...
- Ton père et moi avons des désaccords, déclara Amande d'un ton plus blessé. J'aime ton père, ça n'a jamais changé.
Lupa la fusilla du regard mais n'ajouta rien.
- Cette fille te conviendra parfaitement. Elle est jeune, jolie, et elle a du caractère. Elle ne se laissera pas intimider par tes manières de grosse brute.
- Je ne l'aime pas, répéta la brune en baissant les yeux.
- Tu l'aimeras. C'est un petit coeur, ça se voit.
- C'est mon amie.
- Allez, je comprend, tu es surprise par la nouvelle.
Amande vint tapoter la tête de sa fille avec sa main griffue, sans qu'elle n'y oppose de résistance en retour. Puis, elle se leva avec un large soupir et quitta la pièce sans rien dire, rejoignant le salon qui s'illuminait de paroles et de gens.
Dracula avait invité les fantômes à s'asseoir pour faire leurs revendications. Ils devaient être au nombre de quinze assis sur les chaises, laissant l'un deux se plaindre du toit dont les tuiles étaient arrachées, des toilettes bouchés, d'un manque de serviettes et de draps...
Perséphone suivait l'échange avec intérêt. Etant la plus vieille fille de ses parents, ce serait elle qui reprendrait le flambeau de la demeure, supposément. Ray s'était posé à côté d'elle et avait enlacé sa main avec la sienne. Elle n'y avait pas opposé de résistance.
La blonde était quelqu'un de très timide, renfermé, introverti. Elle ne se serait jamais permise de repousser un homme, encore plus son fiancé. Le brun semblait satisfait de cela, et la regardait avec insistance en essayant de faire la conversation.
- Alors, c'est fou tout ces fantômes qui sont là, hein... Ils ont tous une sale gueule dit donc.
Perséphone passa ses beaux yeux bleus délavés sur le visage fatigué d'un fantôme en répondant d'un ton renfermé et monocorde:
- Ce sont mes ancêtres.
Ray eut l'air mal à l'aise, et un silence s'installa entre eux, ce qui ne semblait pas déranger la blonde qui écoutait son père et ses domestiques.
- Moi, quand j'ai tué mon premier dragon, je ne savais pas si je devais prendre la tête ou pas. Parce que je savais que si je ne coupais pas la tête et la queue et que je ne les emportait pas, ça serait peu pratique ! Comme quand j'ai sauvé une princesse d'un donjon maléfique et qu'elle était tombée folle amoureuse de moi...
Perséphone se dit que c'était le bon moment pour ne plus écouter et regarder autour d'elle. Sa soeur et leur mère avaient visiblement profité de l'agitation pour aller se brosser les crocs et faire leur toilette nocturne. Félice semblait essayer de parler à Mia, et Amande et Lupa venaient de rentrer dans la pièce.
Lupa plongea son regard profond dans les yeux de Perséphone qui fut prise d'un léger frisson. Elle était belle, ainsi énervée. Ses cheveux voletaient en tout sens, sa mâchoire était crispée, sa queue battante autour de ses jambes. Etrangement, la blonde aimait ce tableau furibond, il s'en dégageait une certaine sensualité débridée. Elle avait envie de lui faire signe de venir vers elle, de l'embr...
Perséphone coupa le contact visuel nettement, les joues plus colorées qu'avant. Elle sentait des choses se passer autour d'elle, mais sa peau palpitait et son coeur battait un peu plus vite. Ray continuait à parler dans le vide, parlant encore et uniquement de lui, et Lupa ne voulait pas la lâcher de ses yeux ardents.
Elle se leva, prétextant une nausée, et Lupa et elle disparurent dans l'allée menant au dehors, l'une suivie dans l'ombre par l'autre.
- Je trouve qu'il ne fait pas trop chaud, c'est agréable, dit Félice, à court d'idée pour commencer une conversation.
- Non en effet, répondit presque sèchement la violette qui passa une main dans ses cheveux ondulés.
La rousse sentit son coeur se serrer significativement alors qu'elle hochait la tête et murmurait:
- Elles sont encore parties ensemble.
- Oui, je vois ça. Tu veux encore aller les protéger ? demanda Mia en levant ses yeux scintillants d'indignation vers elle.
Félice accusa le coup et baissa la tête honteusement.
- Mia... On en a déjà parlé.
- Ca tombe bien. C'est la dernière chose dont j'ai envie de parler. J'ai envie d'en pleurer, de le hurler, de le déchiqueter, mais pas d'en parler.
- Si ça ne va pas, tu peux me le dire.
- Ca ne va pas.
- D'accord... Tu veux aller dans un lieu où il y a moins de monde ?
- Oui, dit Mia, la gorge serrée.
- Pas de soucis, dit Félice d'un ton apaisant.
Elle mena Mia à leur chambre, marquée par les griffes de Lupa, et referma la porte derrière elles.
- Félice... Félice !
- Hein, quoi ?
Mia se tenait la tête, s'effondrant sur le cadre de la porte, comme touchée par une arme ou une blessure interne. Alertée, la magicienne se précipita vers elle:
- Quoi ?
- C'est... C'est la pleine lune, ce soir !
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