Chapitre 1: Se faire chier, tout un apprentissage

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Il y avait pas mal de choses qui pouvaient agacer un loup-garou. Tout d'abord, la pleine lune. En seconde position, le fait de passer autant de temps dans un carrosse fermé à regarder le temps passer.

Lupa regarda sa montre en soupirant. Sur sa peau dorée, les derniers rayons du soleil se posaient, laissant une empreinte chaude. Au dehors, les arbres et les plaines défilaient et s'assombrissaient peu à peu. Comme on aurait pu le croire, ce n'était pas la nuit qui causait cet effet. Il était d'ailleurs seize heures. Le royaume de Brières était connu pour être particulièrement sombre.

En effet, le soleil venait tôt le matin et se couchait aussi rapidement qu'il était venu. Avec cela, de plus en plus de végétation obscure envahissait les paysages. Lupa voyait de plus en plus de grands saules pleureur rouges, marbrés de sève noire, qui balayaient le sol de leurs grandes branches. Le ciel se ternissait, devenait noir et inquiétant.

Pourtant ce n'était pas ce qui inquiétait le plus Lupa. Il n'était pas de sa nature de s'inquiéter pour si peu. Après tout, c'était simplement un paysage plus noir, plus rouge. Ce qui l'inquiétait un peu plus, c'était les personnes avec qui elle allait à la Brières.

Elle passa sa grande main sur la vitre embuée. Les veines sur ses mains menaient à des griffes blanches à la place de ses ongles. Ses yeux noirs qui ne laissaient pas indifférents dévisagèrent à présent sur la femme qui était à ses côtés. Il était évident qu'elle aurait dû être dans ses bras, que Lupa aurait dû entourer sa taille de ses grands bras musclés. Mais Mia ne cessait de jacasser, et elle avait arrêté de l'écouter depuis maintenant un bon quart d'heure.

Les yeux flamboyants et pétillants de la jeune loup-garou avaient par le passé captivée Lupa. Seulement,elle s'était lassée. Deux jours sans s'arrêter dans un carrosse, sans en descendre en sa compagnie... Ses cheveux violets où sa bouche avait jadis passé tant de temps, ses courbes qui avaient été à la forme parfaite pour ses mains, son esprit qui avait fasciné la femme, aujourd'hui ne faisait que l'énerver.

Mia ne semblait pas avoir remarqué ce changement d'attitude. Cela faisait six mois qu'elles étaient ensemble. Pour elle, ça faisait visiblement assez de temps pour ne pas regarder désormais les réactions de sa petite amie.

Lupa se trouvait un peu lâche de ne rien dire. Mais elle se fichait de ce désagrément. Devoir supporter cette pipelette juste quelques semaines de plus, histoire de se satisfaire, et de satisfaire son égo, ce n'était pas compliqué. Et puis que pourrait faire la petite Mia ? La mignonne Mia ?

Lupa était toujours sortie avec des filles qu'elle pouvait manipuler facilement. Elle n'avait peur de rien, mais c'était toujours plus facile de se séparer d'une petite loup-garou qui ne faisait que deux mètres sous forme de loup, qu'un fantôme, par exemple. Elle qui était grande, dominatrice, tranquille, elle laissait jouer les petites vélanes autour d'elle.

Comme une reine, elle attendait qu'on la serve et choisissait la plus belle des femmes, la plus menue, avant de la jeter avec négligence.

Elle agita ses cheveux courts, bruns, où Mia avait passé une main en parlant tranquillement à leur amie commune, Félice. En baillant, elle découvrit ses dents acérées, ses crocs. Elle coupa la parole à Mia et déclara:

- Vous savez quand on arrive ? 

- Dans deux heures, déclara Mia en regardant la montre à son poignet.

Elle releva ses prunelles aussi dilatées que celles d'un chat. De ses lèvres rosées, elle prononça ces quelques mots, sourcils froncés:

- Pourquoi ? Tu t'ennuies ?

- Ouais, dit Lupa en se redressant, dépassant Mia de deux têtes. 

Félice soupira légèrement par le nez. Le caractère emporté et direct de la loup-garou était connu de tous, et Mia était connue pour se vexer facilement. Elle qui était plus discrète, ne prit pas la parole alors que la femme aux cheveux violets répliquait d'un ton acerbe:

- Tu n'as pas moufté de tout l'après-midi pour me dire que tu te fais chier ?

- Oui.

- Honnêtement, j'ai essayé de lancer la conversation ! Tu vois, j'avais commencé à parler de la Brières quand toi tu détournes la tête et t-

- Tu ne veux pas te taire pour une fois ?

Lupa, agacée, passa sa grande main sur son front. Elle fronça son nez, où tinta un anneau d'argent.

- Pardon ? 

- J'ai vraiment la flemme de t'entendre.

Mia écarquilla les yeux, blessée par le ton blasé et neutre de sa petite amie. Elle se retourna vers elle, la mâchoire serrée. La main qu'elle avait laissé dans ses cheveux se crispa. Les griffes au bout des doigts serrèrent ses mèches mais la grande femme ne fit pas de remarque.

- T'es sérieuse ?

- Très. Et d'ailleurs, arrête de me toucher. 

Lupa repoussa un peu Mia sur la banquette. Elle regarda les deux bouts de mousse de chaque côté des fenêtres qui servaient de canapé, et rêva que Mia était sur celui d'en face, avec leur amie, et qu'elle la laissait tranquille.

Le visage fin de Mia se figea lorsqu'elle entendit ça, et ses babines découvrirent ses crocs blancs. La colère déforma ses jolis traits alors qu'elle s'exclamait:

- Non mais ça va pas ? T'es gonflée !

Lupa se tint la joue, les yeux écarquillés. La petite loup-garou venait de lui mettre une gifle. Sa peau était brûlante, autant que son égo qui venait de se prendre un coup magistral. Mais la colère ne vint pas. Elle était nonchalante, et poussa légèrement Mia avec un sourire en coin.

- Vas sur l'autre banquette, chérie, j'ai envie de dormir sur celle-ci.

Même si elle n'avait pas répliqué, qu'elle n'avait pas prit les poignets de Mia et les avait plaqué contre la vitre pour l'embrasser avec vigueur et fureur -comme elles aimaient le faire-, elle était en colère contre Mia. Elle s'était retenue de la gifler aussi, mais elle savait à quel point la jeune femme était plus petite qu'elle. Cela n'aurait servi à rien d'autre qu'à choquer leur amie Félice.

Qu'on la frappe, ça ne choquait personne, mais qu'elle puisse toucher la joue de Mia, ça, ce n'était pas possible. Lupa gronda. Elle détestait la pleine lune, encore plus quand elle se retrouvait avec cette fille qu'elle trouvait de plus en plus stupide et de moins en moins sexy. 
Allez. Pour ce voyage, et ça ira. Quand on était aussi égocentrée et vaniteuse que Lupa, on en payait le prix.

Sa mère, Amande de Brières, n'avait jamais aimé ses agissements. Bien sûr, le fait de sortir avec de nombreuses filles n'avait jamais été un problème, que ce soit des filles ou des garçons, ou des chauves-souris, elle s'en fichait. Mais la façon dont elle les traitait occupait plus sa mère. Evidemment, il n'avait jamais été question de violences (du moins pas physiques). Lupa n'était ni une violeuse, ni une perverse, ni une folle. Elle prenait ce qu'elle voulait, elle laissait le reste.

Combien de filles Amande avait elle vu, le maquillage ruiné, les vêtements froissés, après une nuit pleine de désir et d'amour (ce qu'elles croyaient), sur le perron de leur dépendance ? Lorsqu'on lui demandait, Lupa haussait les épaules et souriait de toutes ses dents coupantes. 

"J'ai fait ce qu'elles aimaient, pendant une nuit. Et j'ai fait ce que j'aimais: les mettre à la porte. Qu'est-ce qu'il y a de mal là-dedans ?"

On avait beau prévenir les plus ingénues, les plus désireuses. Ce charme qu'elle entretenait, cette aura, ce corps, d'un façon si minutieuse qu'elle faisait tourner la tête de toutes les filles. Lupa prenait, Lupa jetait. Et elle s'en fichait. Le monde autour d'elle avait beau tourner autour de la frustration et du sexe, elle n'en avait rien à faire. 

Elle, n'était jamais frustrée. Mais cette fois-ci, plus que prévu. Déjà, elle avait prévu de quitter Mia, et en avait parlé à sa mère. Celle-ci battait déjà de la queue en l'entendant parler du sujet.

- Quoi ?! Mais ça ne fait que deux mois que tu es avec elle ! Pour une fois que je me réjouissais d'une relation sérieuse !

- Elle m'énerve, m'man, avait dit Lupa en rabattant sa casquette sur ses cheveux en carrés. 

Elle avait haussé les épaules, mais Amande ne l'avait pas laissée partir sur le sujet, et avait décidé, d'un coup, que Lupa et elle partiraient pour un voyage d'affaires et la rejoindraient dans un manoir.

Des vampires. Et puis quoi encore. Lupa sentait qu'elle allait beaucoup s'ennuyer là-bas.

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