TOME I - VIII.

— Mais quelle plaie, quelle plaie ! grognait Ariane depuis qu'elle avait quitté la réunion en compagnie d'Aragorn.

— Calmez-vous, Ariane, la sermonnait-il.

— Non mais vous y croyez vous ? Il est gonflé, tout de même !

Si Ariane était énervée, elle avait une bonne raison. Après le moment solennel de la création de la Communauté de l'Anneau, Boromir avait une nouvelle fois ramené son grain de sel en certifiant qu'une "femme n'avait pas sa place dans un projet de cette envergure". Cette fois-ci, Ariane avait réagi, et pas des plus calmement :

— Ça va, hein ! La "femme" elle vous... avait-elle commencé avant d'être arrêtée par un coup de coude de la part d'Aragorn.

Elle avait reprit contenance en toussotant et avait ajouté :

— Ce que je veux dire, c'est que je n'ai pas d'ordre à recevoir de votre part.

Elrond l'avait éloigné avant que Boromir n'ait le temps de répondre. Il lui avait demandé de rester calme, et l'avait prévenu qu'il l'attendait dans son bureau dans une heure. Ariane avait éprouvé certains remords à avoir agi comme ça, puis finalement plus du tout en croisant le regard empli de fierté du Gondorien. Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'elle essayait de décolérer en se plaignant auprès d'Aragorn, qui ne savait plus si il devait en rire ou user de sévérité pour éviter le pire. En dernier ressort, il l'embarqua avec lui dans les jardins. C'était toujours là qu'elle se réfugiait. Aragorn l'avait souvent observée, s'interrogeant sur ses origines et la raison de sa présence ici. Lorsqu'Elrond et Gandalf lui avaient tout révélé, il fut plus que surpris. D'accord, la magie existait ici mais les mondes parallèles... Il avait du mal à y croire. Pourtant, Ariane était bien là. Au début, il avait refusé d'y croire et pensait qu'il y avait une explication plus plausible. Mais en observant son comportement, il comprit que le Magicien avait raison : cela ne pouvait pas être possible autrement. Ariane était trop différente des femmes qu'il connaissait. Non pas qu'il eût connu beaucoup de femmes, mais de celles qu'il avait croisé aucune ne ressemblait à la jeune fille. Cela ne la rendait pas moins sympathique, au contraire, il était agréable de discuter avec elle. La voir ainsi, le visage tourné vers le soleil, ses tâches de rousseur ressortant plus que jamais lui faisait se rendre compte qu'il s'était attaché très rapidement à elle. Ce qu'il ne savait pas, c'est que bientôt elle perdrait son sourire si réconfortant et son teint hâlé.

Apaisée, Ariane se tourna vers Aragorn.

— Bon, parlez-moi un peu plus de vous. Êtes-vous marié ? Des enfants, peut-être ?

— Oh, non, cette vie n'est pas faite pour moi... Je suis toujours sur les routes, vous savez. C'est difficile d'avoir une situation stable avec la vie que je mène.

— Oh, allez ! Un homme aussi charmant, il doit bien y avoir une jolie jeune femme qui vous attend quelque part !

Ariane vit bien qu'il hésitait.

— C'est compliqué, Ariane... La femme que j'aime ne pourra jamais épouser un homme comme moi.

— Ce n'est pas réciproque ?

— Si, j'ose y croire, mais je ne pourrais jamais construire ma vie avec elle.

— Il ne faut jamais dire jamais ! Allons, pourquoi êtes-vous si défaitiste ?

— La femme que j'aime est immortelle, Ariane. Et lorsque je viendrais à mourir, elle en souffrira tellement qu'elle mourra elle-même de chagrin.

Ariane resta silencieuse, la bouche à demi-ouverte, essayant de faire un lien dans sa tête.

— C'est une elfe ?

Aragorn acquiesça, le regard dans le vague.

— Vous la connaissez. Il se trouve qu'en ce moment-même, nous pourrions la croiser.

— Qui est-ce ?

Aragorn planta ses yeux gris dans ceux, noisettes, d'Ariane.

— Son père vous héberge depuis des mois.

Ariane comprit immédiatement.

— Oh... Mais il doit bien y avoir une solution... non ?

— Hélas, à part renoncer à son immortalité, j'en n'en vois aucun autre... Et je refuse qu'elle fasse cela pour moi, ajouta rapidement Aragorn en voyant Ariane ouvrir la bouche.

— Vous l'a-t-elle proposé ?

— Oui, plusieurs fois mais...

— C'est une merveilleuse preuve d'amour, Aragorn. Vous ne vous rendez pas compte... Cela signifie qu'Arwen préférerait vivre une vie de mortelle à vos côtés plutôt que de vivre éternellement dans le chagrin. Parce que vous savez qu'un elfe, une fois épris de quelqu'un, ne peut plus nier ses sentiments ?

— Évidemment, mais... Soyez raisonnable Ariane et comprenez-moi... Je ne veux pas qu'elle refuse sa condition d'elfe pour moi. Je n'en vaux pas la peine.

— D'après ce que j'ai cru comprendre, vous en valez plus que la peine ! Aragorn, vous êtes l'héritier légitime du trône du Gondor ! Arwen aurait une vie de reine avec vous, et c'est le cas de le dire.

— Encore faut-il que j'accède au trône.

— Revendiquez votre place auprès de l'Intendant !

— Ce n'est pas aussi simple que ça... Mais assez parlé de moi, parlez-moi de vous. Quelqu'un vous attend, chez vous ?

Aïe. Ariane s'était faite avoir à son propre jeu. Allait-elle réussir à parler de Thibault ?

— Plus maintenant, soupira-t-elle, la vue brouillée par les larmes.

— Pourquoi ? Que s'est-il passé ? s'inquiéta Aragorn en voyant son air déconfit.

— Mon compagnon m'a quitté quelques jours avant mon arrivée ici.

— Oh... Je suis désolé, Ariane, je ne voulais pas...

— Ne soyez pas désolé. C'était un connard.

— Un quoi ?

— Un imbécile, si vous préférez. Comment vous dites ici ? Un sacré goujat !

Elle rit nerveusement.

— Juste avant de me quitter, il m'a trompé. Je croyais qu'il m'aimait sincèrement...

Sa voix se brisa lorsqu'elle prononça la dernière phrase. Elle éclata en sanglots. Aragorn se retrouva déconcerté. Il n'avait jamais consolé quelqu'un, encore moins une femme. Il posa une main hésitante sur son épaule. Ariane se jeta dans ses bras. D'abord stupéfait, Aragorn se ressaisit bien vite et entoura la jeune fille de ses bras. La jeune femme y déversa toute sa tristesse, sa rancœur et ses regrets. C'était la première fois qu'elle parlait de son ancienne vie à quelqu'un... Et sa mère et Louise lui manquaient terriblement.

Aragorn garda le silence, se contentant de tapoter maladroitement son dos.

— On ferait mieux d'y aller, renifla Ariane au bout de quelques instants. Le Seigneur Elrond nous attend.

— Tout ira bien ? lui demanda Aragorn, légèrement anxieux.

— Oui, répondit simplement Ariane. Ne vous en faites pas.

Ils se dirigèrent lentement vers le bureau d'Elrond. Aragorn jeta un dernier regard en direction d'Ariane avant de frapper à la porte. La voix du Seigneur Elfe leur répondit immédiatement. Ils entrèrent suite à son autorisation. Gandalf était déjà là.

— Alors, comprends-tu en quoi ce Conseil te concernait, Ariane ? demanda le Magicien.

— Pas vraiment... Cela a un rapport avec mon retour chez moi ?

— En quelques sortes. Ma chère, le Seigneur Elrond et moi-même avons cherché longtemps une solution à ton problème, mais il s'avère que nous ne sommes pas assez qualifiés pour ce genre de magie. Pendant le voyage jusqu'au Mordor, nous nous arrêterons en Lòrien. Nous y trouverons le Seigneur Celeborn et la Dame Galadriel, qui ont beaucoup plus de pouvoirs que moi. Ils auront très certainement la solution.

Le visage d'Ariane s'illumina.

— Sérieusement ? Je vais pouvoir rentrer chez moi ?

— Il se pourrait bien que oui, sourit malicieusement Gandalf.

Ariane explosa de joie. Elle se mit à sautiller sur place, criant son bonheur au monde. Gandalf se mit à rire. Elrond, plus réservé, se contenta de sourire. Aragorn, lui, était partagé. D'un côté, il était heureux de savoir qu'Ariane retrouverait bientôt ses proches, mais de l'autre il peinait à croire à une magie si puissante qui ferait voyager la jeune femme d'une dimension à une autre. Si cependant cela fonctionnait, il ne pourrait que s'en réjouir.

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