chapitre 2

"Me dites pas que vous êtes d'accord avec ça ?" Tentais-je de faire sortir cette idée folle de leur tête.

"Tu as mieux à nous proposer ?" Dit ma sœur.

"Bien sûr." Parlais-je machinalement, sans la moindre réflexion.

Elles ont maintenant toutes les yeux rivés sur moi. Toutes, sans aucune exception avec, comme accompagnement, les sourcils froncés comme pour dire "On t'écoute."

"On attend ta suggestion." S'impatiente Vanessa.

Qu'est-ce que je disais ?

"On pourrait..." Et là, je ne sais pas quoi leur dire. Ça n'a jamais été moi qui choisissais les jeux. Quand je propose quelque chose, on me répond toujours que c'est nul ou ennuyant à mourir.

"C'est ce que je me disais." Conclut Christy face à mon silence.

"D'accord." Cédais-je en roulant des yeux.

J'abandonne. Je n'avais aucune chance de gagner face à elles toutes réunit. De toute façon, autant ne pas gâcher ma salive. Les dissuader ne servirait à rien.

Vanessa sort un petit carnet de son sac et le tend à Christy. Celle-ci se charge aussitôt de diviser les feuilles de façon à ce que chacune en ait une pour noter leur fameux nombre. Tout le monde sort un stylo ou un crayon pour écrire.

"Quand vous aurez fini de noter, gardez le bout de papier dans vos mains. On le montrera à tour de rôle." Indique Christy avant que tout le monde se mette à écrire.

J'essaie de me remémorer tous les gars avec qui j'ai couchés depuis le lycée jusqu'à présent, c'est-à-dire, depuis mes seize ans jusqu'à mes vingt-sept ans. Je fais le calcul mentalement avant de l'écrire comme prévu sur le bout de papier.

Brrr brrr brrr

"On avait interdit les téléphones durant notre soirée Sky." Me rappelle ma sœur.

Je jette quand même un œil sur mon cellulaire posé sur la table pour savoir qui m'appelle. Dès que je vois le numéro, je me précipite sur mon portable et décroche.

"Oui monsieur." Commençais-je lentement.

"Je ne vais pas faire de préambule mademoiselle Johnson, je vais tout de suite vous communiquer le motif de mon appel. J'ai cru comprendre que vous m'aviez demandé des congés il y a peu." Me dit mon interlocuteur.

Il y'a peu ? C'était il y a un an sale con,pensais-je.

"Exact." Acquiesçais-je sans savoir s'il me posait réellement la question.

"Comme vous n'en avez jamais pris depuis cinq ans, je vous offre deux mois de vacances d'affilés. Profitez-en car je ne suis pas aussi généreux tous les jours mademoiselle, au revoir." M'annonce mon patron. Et sans attendre ma réponse, il raccroche.

Voici mon cher patron. Il s'en fou complètement de ce que tu as à lui dire. S'il dit quelque chose, tu dois l'écouter en t'abstenant de tout commentaire. Je me demande bien quelle est cette soudaine faveur qu'il m'accorde. Peu importe, je suis bien contente car comme il l'a bien dit, il n'est pas aussi généreux tous les jours.

Je souris de toutes mes dents tout en sautillant comme une adolescente de quinze ans.

"En vue de la durée de ton appel, je parie que c'était ton patron." Lance Vanessa.

Je fais un mouvement de tête de haut en bas pour leur répondre positivement.

"Allez, racontes-nous ce qui te fais sautiller." Réplique Sharon.

Je mets fin à ma petite séance de danse et m'assois à ma place entre Christy à gauche et Vanessa à droite.

"Il vient de m'accorder deux mois de congés." Criais-je presque, ne cessant pas de sourire.

"Mais c'est génial, on va pouvoir se voir plus souvent alors." S'exclame Vanessa.

"Oui." Confirmais-je, heureuse.

"Maintenant, on revient à notre jeu." Dit précipitamment Christy. Je lève les yeux au ciel rien qu'en pensant qu'elle s'impatiente pour ce jeu stupide.

"C'est moi qui commence." Ajoute-t-elle.

Nous tournons toutes la tête en sa direction, attendant qu'elle tourne le papier pour voir ce qu'elle a écrit. Après quelques instants de suspens, elle le montre finalement.

"Huit ?" M'étonnais-je.

Venant de Christy, je ne m'attendais surtout pas à huit gars, loin de là. Cependant, on décide de ne faire aucun commentaire. Du moins, pas pour l'instant.

"À toi Kim."

Celle-ci tourne le bout de papier de façon à ce que tout le monde observe.

"Dix ? Tu viens de battre Christy." Taquine Sharon, ce qui a valu le rire de tout le monde, sauf le mien. Mes lèvres s'étirent en un sourire constipé. Je suis en train d'appréhender mon tour. Je ne le sens pas du tout.

"À moi." Jase ensuite Sharon, avant de lâcher son papier sur la table.
Nous nous penchons pour lire le nombre inscrit dessus avant de découvrir :

"Trois ? C'est peu ça, surtout par rapport au nombre de Kim." Rit Vanessa.

"De toute façon, je m'attendais pas à ce qu'elle ait eu plus de cinq gars vu qu'elle s'est mariée à vingt ans." Défendais-je ma sœur.

Quand je pense qu'elle l'a fait pour moi, je ne peux qu'en être éternellement reconnaissante. Elle a sacrifié ce qu'elle aime plus que tout pour moi : sa liberté et son ancienne vie.

Quand vient le tour de Vanessa, celle-ci nous avoue avoir eu sept amants. Puis, vient mon tour. Je redoute un peu la réaction de mes copines. Je sais que certaines ne mâchent pas leurs mots quand c'est pour dire ce qu'elles pensent. C'est très rassurant parfois mais à d'autres moments, c'est plus difficile d'accepter la vérité telle qu'elle est.

Tout le monde n'attend plus que mon papier pour pouvoir ensuite entrer dans les détails. Je souffle un grand coup et, à contrecœur, je dévoile le nombre que j'ai inscris.

Le choc.

C'est le moins qu'on puisse dire de l'expression qui s'affiche sur chacune d'elles. Elles passent leurs yeux du papier à moi, dans un silence des plus pesants. Si seulement j'avais la capacité de disparaître en ce moment précis. Pourquoi n'ai-je pas essayé d'écrire un nombre approximatif qui aurait pu être le leur ?

"T'as couché avec quinze gars ?" M'interroge Vanessa qui est sortie de son état de stupeur.

"Waw, tu vois tu n'es pas aussi innocente que t'en as l'air. " Ajoute Christy. "J'ai entendu dire récemment à la télé que les femmes ayant eu plus de quinze amants dans leur vie sont disponibles sexuellement qui, en d'autre terme, signifie pute. Enfin c'est pas moi qui ai inventé ça." Explique-t-elle, ce qui augmente ma gêne.

Voici un aperçu du type de vérité dont j'aurais aimé me passer pour ce soir. Des mots crus, mais véridique.

"Il n'y a pas de quoi en faire un plat les filles." Me défend Kim.

"Quinze bananes dans le même micro-ondes, bravo l'amie." Me sourit la blonde.

J'essaie le plus possible de faire croire que ça ne me fait rien, même si c'est un peu difficile. Je joue la carte de l'indifférence et de l'insensibilité.

"C'est pas comme si les bananes comme tu dis, étaient là en même temps hein." Lâchais-je calmement.

"Je confirme." Ajoute ma sœur, toujours là pour me soutenir.

Puis, la discussion se poursuit finalement par le résumé de la semaine de chacune. Vanessa commence par nous raconter la sienne. Elle est secrétaire dans une entreprise de construction appartenant à deux amis associés mais seul l'un de ses patrons reste régulièrement au bureau tandis que l'autre reste, la plupart du temps, sur les chantiers. En gros, son premier patron lui mène la vie dure pendant que l'autre, pour le peu de temps qu'il passe dans l'entreprise, lui tourne autour et d'après ce qu'elle dit, elle ne va pas tarder à craquer.

Puis vient le tour de Kimberley. Celle-ci nous informe, enfin m'informe car je suis la seule à ne pas être au courant qu'elle a perdu son travail il y a quelques jours à cause de son retard qui était, apparemment, trop fréquent voir, tous les jours. Donc, à présent, elle passe ses journées seule jusqu'à ce que son petit ami rentre du travail et cela semble tout à fait lui convenir.

Ensuite Christy, fidèle à elle-même, nous parle de son nouveau joujou sexuel de vingt-quatre ans, soit plus jeune qu'elle de cinq ans, rencontré sur son lieu de travail. En sachant qu'elle travaille depuis sept ans dans une boutique vestimentaire de luxe, je suppose que c'est encore une fois un jeune homme pleins aux as qu'elle fréquente, pour ne pas changer de ses habitudes.

Après elle, ma sœur nous raconte la dernière soirée romantique que son mari a organisée pour eux le week-end dernier : dîner aux chandelles dans un lieu privatisé qui s'est ensuite terminé dans un hôtel quatre étoiles. En étant une mère au foyer, celle-ci nous vante la joie d'être mère sans oublier de nous rappeler, comme elle a l'habitude de le faire, que nous devrions penser à en devenir une aussi.

En écoutant tout ça, je me rends compte à quel point ma vie personnelle est inexistante. Je n'ai pas de petit ami dont j'attendrais le retour à la maison, ni un petit jeune riche qui partage mon lit et encore moins un mari aimant et des enfants adorables qui me donneront envie de me lever chaque matin. Je n'ai rien de tout ça. En rentrant chez moi, je n'aurai droit qu'à la présence de mon vieux pote qui se nomme la solitude.

La discussion dérive à la fin sur des choses plus absurdes les unes que les autres. Je suis en quelques sortes soulagée de ne plus les entendre me faire part de leur vie de rêve car cela ne ferait que me rappeler à quel point la mienne est misérable.

Je n'écoute plus leur discussion qu'à moitié, je ris, souris de temps en temps pour qu'elles ne s'en rendent pas compte. Mes pensées font un tracé sinueux sur ce que l'une de mes amies disait plus tôt : J'ai entendu dire récemment à la télé que les femmes ayant eu plus de quinze amants dans leur vie sont disponibles sexuellement qui, en d'autre terme, signifie pute. Même si, selon cette hypothèse, je ne suis logiquement pas une pute, du moins, pas encore, je suis tout de même dans la merde. J'ai un gros problème, le même que celui de l'an passé et celui d'avant. Je suis toujours célibataire et je ne compte pas rester ainsi encore longtemps. Néanmoins, je ne compte pas non plus devenir une pute.

Je n'arrive toujours pas à croire que parmi ces quinze fameux amants, personne n'est resté ou plutôt, je ne suis restée avec personne. Je ne croyais pas si bien dire quand je me pensais désespérée. Je pense soudainement à eux. Où sont-ils ? Que font-ils ? Sont-ils en couple, mariés ou seuls tel que moi ?

Subitement, mon cerveau a un déclic, une illumination. Je ne vais peut-être pas rester seule finalement. Et si je décidais de les retrouver ? Ils sont peut-être dans la même situation désespérée que moi. Pour le savoir, je n'ai qu'à les retrouver. De toute façon, je n'ai pas grand-chose à perdre. Je ne compte pas devenir une pute de sitôt.

La chasse aux ex est ouverte...

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top