En apercevant Giovanni, je m'écarte directement de Devon, gênée que mon petit ami actuel -et celui qui va prochainement devenir un ex- voit ma proximité avec celui qui va probablement devenir mon futur copain. Oui, dit comme ça, cela ressemble vraiment à une situation très compliquée, ce qui est sans doute le cas.

Je me lève avec précipitation et me positionne entre eux. Giovanni passe ses yeux de moi à Devon puis de Devon à moi, il doit deviner ce qui ce passe ou bien il ne doit pas être proche de la vérité.

De mon côté, j'effectue un sourire crispé en direction de l'italien, je suis presque sûre que ça doit plus ressembler à un grimace qu'à autre chose.

Un silence lourd s'installe.

Je voudrais bien dire quelque chose, là, maintenant, mais les mots me restent dans la gorge. Je suis tétanisée, figée. C'est le moins qu'on puisse dire.

Ayant conscience du malaise qui plane dans l'air, Giovanni, contrairement à moi, prend la parole même si j'aurais préféré qu'il se taise en entendant les mots qui sortent de sa bouche.

"Bonjour, je suis Giovanni, le petit ami de Skyller." Se présente-t-il en tendant la main vers Devon. Et voyant la tête que fait ce dernier, il n'est pas prêt de la lui serrer.

Une bombe.

Voilà ce que celui qui me sert accessoirement de copain vient de lâcher. Une bombe qui, d'ailleurs, a scotché l'autre homme.

Je ferme un instant mes yeux avant de les ouvrir à nouveau, je n'ose même pas regarder Devon qui doit être absolument dépassé par la situation. J'ai tellement honte! Et comme si ce n'est pas assez embarrassant, ce dernier pose une autre question qui ne va pas du tout à ma faveur:

"Giovanni Bonelli? " S'assure-t-il.

Ce que, évidemment, le concerné s'empresse de confirmer. Je sens le regard lourd de Devon sur moi, je ne préfère même pas être confrontée à cela et pour y échapper, je regarde partout sauf dans sa direction.

Avez-vous déjà eu l'envie de voir la terre sous vos pieds s'ouvrir afin de vous engloutir, six pieds sous terre? Parce que moi, c'est ce que je veux à l'instant.

Loin d'être stupide, il a dû déjà faire le lien avec le nom de la liste. Et Dieu seul sait ce qu'il doit se passer dans sa tête.

"Skyller a dû vous parler de moi mais ce qui est regrettable, c’est le fait qu'elle ne m'a jamais parlé de vous, vous êtes? "

Bon Dieu, achevez-moi!

"Elle m'a parlé de vous en effet, et je ne suis pas étonné qu'elle ne vous ait rien dit sur moi, je suis juste le voisin de l'étage du dessus." Ajoute-t-il en insistant bien sur la dernière phrase.

"D'accord, rien que ça."

"Oui, rien que ça. D'ailleurs, je vous laisse." Fait-il.

Aussitôt dit, aussitôt fait, il s'en va à grande enjambée vers la porte, l'ouvre et sort sans oublier de la claquer bien fort ce qui me fait sursauter légèrement.

"C'est bizarre, ton voisin semblait énervé." M'informe le seul homme restant.

Ça, je l'avais remarqué, merci. Chose que je comprends parfaitement. Après un revirement de situation de la sorte, qui à sa place ne le serait pas?

L'italien me prend ensuite dans ses bras et m'embrasse et à son grand étonnement, je me montre réticente. Néanmoins, il n'insiste pas.

Un autre malaise nait.

Je sais que je dois lui fournir des explications sur certaines choses mais tout de suite, je n'y pense pas vraiment. Devon accapare déjà beaucoup mon esprit et avant d'avoir une discussion avec lui, je ne serai pas du tout tranquille.

"Euh, je dois aller chez Devon une minute, j'ai oublié de lui dire quelque chose."

Sans lui laisser le temps de répondre, je sors précipitamment. Ne voulant pas perdre une minute de plus, je décide de monter trois par trois les escaliers qui mènent chez lui.

À peine quelques secondes après, malgré mon essoufflement, je me trouve déjà devant sa porte en train de toquer. Alors que j'imaginais qu'il n'allait pas ouvrir la porte, ce que j'aurais sûrement fait à sa place, il se trouve devant moi avec son air exaspéré.

"Qu'est-ce que tu veux?"

"M'expliquer."

"Ça tombe bien, je veux des explications." Dit-il d'un ton neutre avant de disparaître à l'intérieur.

À cet instant, je comprends que la tâche sera loin d'être facile, encore moins avec tout ce qu'il va découvrir dans les minutes qui viennent. 

J'entre chez lui craintive, je me prépare mentalement sur ce qui risque d'arriver. Peut-être des éclats de voix ou bien il peut décider de ne plus me revoir ou dans le meilleur des cas, tout ce finira bien. Je ne dois pas trop compter sur ce dernier présentement.

Je le rejoins à l'intérieur et le retrouve adossé contre le mur près de l'entrée de sa cuisine, tenant fermement son visage entre ses mains.

"Pour éviter que tu restes longtemps chez moi, je vais te poser des questions et tu y réponds. Après, tu pourras rejoindre ton copain tranquillement." Débute-t-il avec un ton froid.

Je ne l'ai jamais connu comme ça, aussi froid. J'ai plutôt l'habitude qu'il soit taquin, chaleureux, souriant. Je comprends maintenant qu'il est réellement touché par ce qui s'est passé. Ça me fait me sentir d'autant plus mal. 

Mes larmes menacent de jaillir.

J'acquiesce seulement de la tête, ne voulant pas le contredire au risque d'attiser sa colère.

"Qui sont les hommes sur la liste que tu m'as donnée ?"

C'est l'heure de la vérité non? Soit honnête Skyller, tu vas y arriver. Tu pourras enfin te débarrasser de toutes ses cachotteries, susurre ma conscience.

"Mes ex."

Une question, une réponse. Brève et directe. Je réponds juste sans m'étaler pour ne pas m'enfoncer encore plus.

"Pourquoi m'avoir demandé de les chercher ?"

"Pour retenter ma chance avec l'un d'eux." Dis-je prestement.

Rien qu'à sa réaction, je peux deviner qu'il ne s'attendait pas à cette réponse mais il fallait qu'il sache ce qu'il veut aussi. La vérité ou le mensonge ? Il devrait s'attendre à tout.

"D'accord." Chuchote-t-il à lui-même.

"Pourquoi?" poursuit-il.

"Disons qu'on m'avait reproché d'avoir eu beaucoup d'amants alors je me suis dit qu'il ne faudrait plus que j'augmente mon nombre, et cette idée m'est venue."

Je me sens mal, tellement. Même si je n'ai pas le droit de l'être. Après tout, c'est moi la coupable, celle qui l'a trahi. Si je lui ai raconté la vérité depuis le début, on n'en serait pas là aujourd'hui.
Certes. 
Mais d'un autre côté, si je l'avais fait, m'aurait-il regardé de la même manière ? Ou bien, j'aurais juste l'air d'une femme désespérée et pathétique à ses yeux?

Au départ, l'idée de retrouver mes ex était, pour moi, l'idée du siècle, l'illumination, la solution face à tous mes problèmes. Mais tout ça, c'était avant de tomber petit à petit sous le charme de mon voisin. Le beau brun au regard perçant, doté d'un charisme naturellement attrayant.

En fin de compte, mon seul regret est le fait qu'il ait découvert la vérité aujourd'hui, qu'il l'ait su avant que je n’ai pu rompre avec Giovanni car soyons honnêtes, s'il avait été au courant de tout dès le commencement, on ne se serait pas rapproché tel que l'on est maintenant.

Le plus ironique, c'est que tout ça a fait naître à chacun de nous de vrais sentiments pour l'autre, bien que ceux-ci aient comme base un mensonge qui risque de tour gâcher. 

Voyant qu'il ne réagit pas à partir du moment où j'ai répondu à sa dernière question, je suppose que je devrais m'en aller, le laisser se calmer et assimiler tout ça tranquillement. Puis, demain, j'irai le voir pour rentrer plus dans les détails.

Le cœur lourd et les larmes aux yeux, triste d'être la cause de son amertume. Je commence à lui tourner le dos avec la ferme intention de retourner chez lui demain. Sans un mot, j'effectue un pas qui est suivi par un autre.

"Attends, j'ai une dernière question." Entendis-je d'une voix blessée.

Je m'arrête net, sans pour autant le regarder.

"Est-ce que ce que tu as dit avant que l'autre n'arrive était vrai?"

Je laisse un silence se faire un instant avant de répondre.

"C'est l'une des seules choses vraies dans tout ça." Je réponds en plantant mes yeux dans les siens.

Je quitte définitivement son appartement, le laissant dedans seul avec ses pensées. Je ne peux pas faire autrement pour aujourd'hui, je dois m'occuper d'une autre chose ou plutôt d'une autre personne. Et il doit être assis dans mon salon à l'instant même.

Du courage Sky, du courage...