Chapitre 17

Comme je l'avais prédit depuis ce matin, la journée s'est déroulée à une vitesse insoutenable et abominablement lente, comme si on l'avait programmée au ralenti.

Je suis maintenant dans l'ascenseur  qui mène à mon étage et j'angoisse de plus en plus à l'idée qu'il puisse déjà se trouver devant ma porte à cette heure. Mes sentiments restent précaires quant à l'idée de le voir.

Le bip émit par l'ascenseur m'indique que je suis arrivée à mon étage. Je souffle un bon coup avant d'en sortir.

En apercevant que le sujet de sa présence sur l’embrasure de ma porte soit écarté, je suis en quelque sorte soulagée. Oui, je sais, je suis bizarre. Il y a encore quelques heures plutôt, j'avais hâte d'être en début de soirée et maintenant que j'y suis, je voudrais fuir ou du moins repousser l'instant que je redoute, le plus tardivement possible.

Je rentre dans mon appartement sans pour autant verrouiller ma porte, comme ça je n'aurai pas à l'ouvrir quand il viendra. Je m'oriente dans ma cuisine pour boire un verre de jus d'orange avant de faire les cents pas au milieu de mon salon. Ce que je ressens est contradictoire, je veux qu'il arrive maintenant afin que mon angoisse cesse, pour être fixée une bonne fois pour toute, mais je veux aussi qu'il prenne la décision de ne pas venir en ayant peur de ce qu'il veut me dire si urgemment. 

Dans tous les cas, je n'ai plus le temps de réfléchir bien longtemps car maintenant, j'entends un bruit venant de la porte d'entrée. Je suis quasiment sûre que c'est lui.  Je cours directement m'affaler sur le canapé et allume la télé. Je prends un air décontracté et attends qu'il frappe contre la porte une seconde fois pour lui demander d'entrer. Une fois fait, je crie :

"C'est ouvert."

Je me concentre sur ce qui se passe à la télé et apparemment, c'est un documentaire concernant des girafes. Je n'ai pas le temps de changer de chaine. Génial! J'espère au moins être crédible.

Je ressens sa présence dans la pièce et les battements de mon cœur se font de plus en plus vite, je n'ai pas été dans un état pareil depuis longtemps.

"Salut." Lâche-t-il.

Le son de sa voix est bas et calme cependant, je peux distinguer facilement la distance qui nous sépare rien qu'en sentant son odeur emplir mes narines. Son parfum de mâle viril ne m'est pas inconnu.

"Salut." Je réponds sans lui lancer un regard.

J'avoue que mon accueil est loin d'être chaleureux, cela a même laissé un froid immédiat dans la pièce. D'ailleurs, mon attitude n'est pas justifiée, pourquoi je suis à la limite de l'ignorer? Pour rien.

Je décide donc de le regarder afin de remédier à cet élan de froideur. 
Ce serait déjà bien pour commencer et ce serait la moindre des choses. Puis là, je me prends une belle gifle en pleine figure, rassurez-vous, pas dans la sens littéral du terme, non. Je suis juste frappée par tant de beauté dont l'homme en face de moi est doté. C'est moi où il est plus beau que d'habitude? Bref, dans tous les cas, ce n'est pas le moment de m'attarder sur ça.

Gênée de l'avoir relooké de la tête aux pieds avec autant d'insistance, je dirige mes yeux dans les siens. Il a l'air nerveux. Mon dieu, qu'a-t-il à me dire?

"Tu ne t'assois pas?"

"Euh non, est-ce que tu pourrais éteindre la télé?" Dit-il incertain.

À le voir, je crois qu'il est en train de paniquer alors si éteindre la télé peut le mettre plus à l'aise, j'exécute sans aucune objection.

Une fois la tâche faite, il s'assoit, non sur le canapé à côté de moi, il a plutôt préféré s'asseoir sur la table basse de façon à être face à moi.

"Écoute, il faut que je te dise quelque chose."

"Vas-y, je t'écoute." Je réponds avec tact.

Il plonge sa main droite dans sa tignasse brune, ce geste ne fait que confirmer ce que j'avais déduis il n'y a même pas cinq minutes: il est nerveux et étrangement, cela accentue mon angoisse qui est déjà présente.

"Bon, à propos d'hier, je..."

Sans lui laisser le temps de finir sa phrase, je m'empresse de lui couper la parole.

"Je sais, tu regrettes et je devrais faire comme si rien ne s'était passé mais ne t'inquiètes pas je ne le prends pas mal. Après tout, on avait tous les deux consommés de l'alcool, de ce fait, on a agi sans réfléchir donc ne t'excuses pas, c'était juste un moment d'égarement." Je parle à toute vitesse.

Je n'ai pas pu attendre qu'il finisse de m’avouer ce qu'il avait à me dire pour expliquer ce que je pense. Enfin, pas vraiment...

À vrai dire, je tiens seulement à me protéger. Si le but de sa venue est de me faire part de son regret par rapport à ce qu'il s'est passé, au moins, je n'aurai pas à l'entendre de sa bouche. Par conséquent, il y a de forte chance que ça me fasse moins mal quand il va confirmer mes dires.

Mais, quand je vois ses yeux se voiler de mélange de déception et de tristesse, je comprends tout de suite que j'aurais dû m'abstenir de l'interrompre quand il allait me parler de ce qui s'est passé hier soir signifie pour lui. Et s’il voulait me dire que...

"Était-ce pour toi juste un moment d'égarement alors ? As-tu regretté ce baiser Skyller?"

Que répondre à cette question? La vérité est que je lui ai demandé de m'embrasser en ayant conscience de tout ce que cela implique. Dans ce cas, la réponse à sa première question serait : non. Ensuite, en ce qui concerne la deuxième, c'est également non puisque je suis loin de regretter ce qu'il s'est passé. Néanmoins, j'ai peur qu'il n'ait pas ressenti la même chose que moi lors de ce baiser. Comme la délectation d'avoir sa bouche contre la mienne, de tenir son corps chaud dans mes bras; ces fourmillements de papillons dans mes entrailles, ou encore cette impression d'avoir touché une petite part de paradis. L'a-t-il senti ? Je garde l'espoir que si.

"Euh pas vraiment."

"Pas vraiment." Se dit-il à lui-même accompagné d'un rire sarcastique avant de poursuivre...

"Avant que tu ne me coupes, je voulais te dire que je m'excuse d'être parti après t'avoir embrassée, c'était lâche de ma part. Mais pour tout te dire, j'ai paniqué. J'ai eu peur d'aller jusqu'au bout de mes envies et que tu me rejettes juste après car crois-moi, avoir tes lèvres sur les miennes et ton corps en dessus du mien a éveillé en moi des sensations que je n'aurais jamais cru éprouver." Fait-il avant de faire une pause, puis il encre bien son regard dans le mien et continue...

"Par contre, j'ai cru ou plutôt espéré que nous serions sur la même longueur d'onde. Je pensais que tu n'avais pas de regret, je me suis visiblement trompé." Finit-il enfin d'une voix presque brisée.

À la fin de cette révélation qui m'a à la fois surprise, rassurée et... émoustillée, j'ose un petit rictus en coin. Je n'étais donc pas la seule à s'être perdue dans des multitudes de sentiments hier soir?

Je m'avance vers lui, pose mes genoux à terre et mes mains partent savamment se poser sur ses cuisses. Ma tête est maintenant parallèle à la sienne ainsi que nos regards.

Puisqu'il a été honnête envers moi, je me dois donc de l'être aussi. Sur cette pensée, je me lance à mon tour.

"Devon, je suis loin d'avoir regretté, si tu savais. La seule chose que je veux c'est de recommencer encore et encore." Je lui avoue sincèrement.

Une confession qui apparemment a fait naitre sur ses lèvres un sourire éclatant suivi du mien.

Alors, ça y est ? On a tous les deux dit ce qu'on avait sur le cœur et à présent, qu'est-ce qui va se passer? À quoi tout ça nous a amené? Est-ce que la scène qui suivra cette révélation serait lui, continuant sa vie de son côté et moi du mien ou bien nous deux, débordants de sueur après s'être embrassés et avoir fait sauvagement l'amour durant toute la nuit sur le pauvre canapé en cuir non loin de nous? Bon, je crois que mes esprits commencent à divaguer.

Et si je laisse tout se faire seul? D'une façon spontanée, c'est-à-dire sans monter tout un plan pour lui plaire, ou encore pour qu'on se revoit comme j'ai la fâcheuse habitude de le faire ses derniers temps.

L'écart entre nos visages est petit à petit engloutit par un rapprochement progressif, les voilà très proches. Les yeux soudainement chargés d'intensité, l'ambiance dans la pièce s'est radicalement changée du tout autour. C'est devenu plus brûlant et tentateur. La deuxième supposition serait-il au rendez-vous? celle où nous finirons l'un contre le corps de l'autre après des échanges endiablés ?

Enfin, j'oublie cette idée quand j'entends un bruit de pas.

"Euh, la porte n'était pas fermée..." Parle le nouveau venu.

Giovanni.

Je sens que la soirée va prendre une tout autre tournure...

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