Le plan se déroulait exactement comme je l'avais prévu. L'explosion devait avoir lieu à l'ouverture de bal. C'était la panique totale dans la salle. Il n'y a plus que pour seule lumière l'embrasement provoqué par l'explosion. Des cris. Non, des hurlements. Des pleurs. Une cacophonie sans nom. Je ne sais pas qui est blessé, ni à quel degré. Mais je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une joie intense, un plaisir exquis.  Il n'y a pas eu de couac, c'est exactement ce qu'il était censé se produire. Je vais pouvoir enfin obtenir véritablement ce que je veux.

La SquidPolice arrive, le courant n'est toujours pas remis. Un agent se dirige vers moi avec sa lampe torche et m'aveugle en pointant le faisceau lumineux sur mon visage. On m'attrape sans ménagement, et on me passe les menottes. Avec ce qu'il venait de se produire, je n'en attendais pas moins. 

"Comment avez-vous su que c'était moi, monsieur l'agent ? 

- Ceci est un élément de l'enquête, cette information est donc confidentielle. Mais vous allez répondre à nos questions au poste de police."

Une fois sortis de la salle, nous ne nous rendons pas au poste de police. D'ailleurs, il ne s'agit même pas de véritables officiers de SquidPolice. Mon plan se déroulait avec une précision presque terrifiante. Bien sûr, ce plan, pour qu'il fonctionne, je l'avais fomenté avec des complices, qui continuent d'exécuter les ordres à l'intérieur de la salle. 

Octoboy est extrait de la salle et me rejoint. Vous verriez la terreur et l'incompréhension sur son visage comme je la vois, vous ne le reconnaîtriez pas. Il se dirige vers moi en furie, ne prend pas le temps de dire quoi que ce soit, et me frappe au visage. De toutes ses forces, avec une violence inouïe. Dans sa rage, il ne remarque pas que je n'ai plus de menottes aux poignets.

"Ordure ! C'est quoi ton explication, hein ? C'EST QUOI PUTAIN !

- Calme-t...

- Comment veux-tu que je me calme ?! TU FAIS PETER UNE BOMBE LE JOUR DE NOTRE MARIAGE !! COMMENT VEUX-TU QUE JE RESTE PUTAIN DE CALME SÉRIEUX ?!!!

- La suite est délicate, ça peut prendre du temps, je vais tout t'expliquer. Assied-toi. Tout d'abord, je tiens à te dire que je suis désolé pour la terreur et l'incompréhension que tout cela a provoqué. Nous sommes en danger de mort, Octo. Nous pensions que tout était terminé, mais ce n'était pas le cas. Peu de temps après que je sois allé chez Maléfique préparer les décorations pour le mariage, l'Amiral m'a contacté. Son équipe a découvert qu'un groupuscule voulait venger la mort de DJ Octave. 

Je suis désolé de t'annoncer tout ça comme ça, mais l'Amiral et tous ses agents n'étaient pas là par courtoisie ce soir. Ils sont là pour assurer la protection de nous tous. La bombe devait arriver au moment du dessert, et exploser à la découpe du gâteau, dissimulée à l'intérieur. Nous étions les cibles à éliminer, Octo. 

(Je peux voir le visage d'Octo changer de l'incompréhension à la colère. Des larmes coulent sur ses joues écarlates. Je commence à réaliser à quel point je l'ai éprouvé en lui cachant l'existence de ce plan. Cette vision me fend le cœur, je reprends mon explication, la voix beaucoup moins assurée, ce que j'ai à lui dire est en train de se produire actuellement à quelques dizaines de mètres de nous, nos deux familles toujours en danger.)

Les agents ont réussi  à intercepter le gâteau et provoquer l'explosion à l'extérieur pour qu'il n'y ai pas de victimes à déplorer et un minimum de dégâts. Si nous avons coupé le courant, c'était pour que les personnes cherchant à nous abattre ne puissent pas nous retrouver dans le chaos provoqué par l'explosion."

Je n'ai pas le temps de terminer que la lumière revient au loin dans la salle. Un mouvement de panique désolant est visible : tout nos invités s'échappent comme si leur vie était en danger. Ce qui est le cas. Le plan ne se déroule pas comme prévu. Nous entendons des tirs d'armes. L'échange de coups semble durer une éternité. Les invités se sont arrêtés nets dans leur course folle. Ce bruit est glaçant. Je ne peux m'empêcher de laisser couler une larme de peur. Ma famille se trouve coincée dans tout ce maelström. 

Les coups de feu s'arrêtent. Une poignée seconde qui nous semblent durer des heures passent avant que l'Amiral ne ressorte accompagné des agents 1, 2 et 4. Il se dirige vers nous, sa mine est grave.

"Les cibles ont dû être neutralisées. Tout s'est passé très vite. Nous avons des pertes civiles. Je suis désolé Evil, vraiment désolé."

L'entrée dans la salle est interdite, des cadavres gisants s'y trouvent. L'Amiral me laisse cependant passer et je ne peux contenir ma colère quand je vois qui sont les pertes civiles. Ce sont mes parents. Ces fumiers m'ont pris mes parents. Me prendre un ami n'avait donc pas suffit. Je savais que les risques étaient conséquents, mais c'était la seule solution.

Les véritables forces de l'ordre ainsi que les techniciens scientifiques arrivent. Les corps sont évacués dans cet ordre : MegaMew, mon père, l'agent 3, ma mère, puis...

"Ev ! Mais c'est Adem !

- Oui, Octo, c'était Adem et MegaMew derrière tout ça.

- Et, et tes parents ?!! Oh, Ev, je suis tellement désolé."

Octo s'effondre dans mes bras. Il est à bout de nerfs. Il a tellement d'informations à traiter en si peu de temps et tellement d'émotions à canaliser. C'en était trop pour lui. Et pour tout vous avouer, pour moi également. Le reste de la Squad nous regarde dans la plus grande compassion alors que l'Amiral leur fait le topo complet. 

Nous avons été trahis de l'intérieur. Adem, qui était tombé dans le hack depuis quelque temps, s'était rapproché de MegaMew en tant que mentor au début, puis il l'a rapidement dépassé. MegaMew, par son statut de complice avait écopé de prison, mais lors de son jugement il a été décidé que son implication était cependant moindre, et il n'est pas resté longtemps en prison. Adem a été aveuglé par son désir de vengeance, et il s'est rallié à sa cause. Son comportement avait légèrement changé depuis un moment, mais chacun avait repris sa vie, c'était cohérent, quelque part. Jusqu'à ce que l'Amiral me contacte.

J'avais pour ordre de ne rien dire. A personne. Adem pouvait nous avoir mouchardé. La Squad entière. Caméras ? Micros ? Logiciels espions ? Son alliance avec MegaMew faisait de lui un nouvel ennemi redoutable. J'étais tellement soulagé de voir que le plan se déroulait sans fausse note, ça signifiait que personne n'allait être blessé.

Mais ils avaient apporté des armes. Qu'ils avaient bien dissimulées. Maléfique m'explique que mes parents sont morts en essayant de protéger Octo. Ils ne pouvaient pas savoir qu'il était prévu qu'il soit mis en sécurité rapidement et qu'il se trouvait déjà en dehors de la salle. Adem et MegaMew devaient être interceptés sans avoir recours à des armes, mais ils ont tiré les premiers. Macalamar et ses agents ont été très rapides, mais pas suffisamment pour éviter toute perte Inkling. 

Nous restons à pleurer mutuellement dans les bras l'un de l'autre. Je ne veux pas quitter ce réconfort immédiat, car ça veut dire qu'il faut affronter la réalité. Je lui murmure encore une fois que je suis désolé. Et que je l'aime. Qu'il sera désormais ma seule famille restante. Et que je l'aime. Que j'ai besoin de lui. Il ressert son étreinte et m'embrasse tendrement. Nos baisers sont humides et pleins de larmes. Ce maigre réconfort m'apaise temporairement. Je sais que je ne peux pas fuir la réalité qui m'attend, mais je sais que je l'affronterai avec lui.

SIX MOIS PLUS TARD...

"Nous y voilà, beau gosse ! Notre lune de miel.

- Je sais pas si c'était une bonne idée cette croisière, Ev... Je crois que j'ai le mal de mer. 

- Ne t'inquiète pas, ça fait ça au début mais tu t'y habitueras. Attends, t'as vu où on est ?! Le MANTA MARIA ! Avec des escales sur des îles sauvages et d'anciens vestiges Inklings ! Après tout ce qu'on a traversé toi et moi, on a mérité ce petit repos luxueux ! Ils ont même une carte végane ! 

- Ahah ! Avoue, tu l'as choisi juste pour ça !

- Mais non !!! Par contre, il y a bien une raison pour cette croisière, en plus de célébrer notre amour.

- Ah oui ? Et quelle est-elle ?

- Eh bien, que dirais-tu de démarrer un nouveau chapitre de notre vie ensemble ? Comme, je sais pas, déménager ? Trouver un nouveau coin, qui nous plaise à tous les deux, pour aller de l'avant.

- Mais carrément, mon petit doudou en sucre ! (ça m'agace tellement ce surnom mielleux) Je nous imagine déjà !  Avec un paillasson marqué "Bienvenue chez OctoSquid" !!!

- Oulah, faut pas exagérer non plus, hein !

- Ouais, non, tu as raison, c'est p't'être un peu too-much.

- C'est même carrément too-much, ouais !... Par contre, j'ai une condition non négociable, je veux un canapé suffisamment grand pour qu'on tienne tous les deux ensemble quand on regardera un film et que je voudrais me blottir dans tes bras.

- Hmm, ça me va !... Mais Ev, rassure-moi, on va vraiment avoir des discussions aussi banales pour le restant de nos jours ?!

- Oh, je ne crois pas, tu sais, ce n'était que le début. D'autres épreuves vont ébranler ce monde. Le mal n'attend pas pour se répandre. Maintenant nous y sommes tous préparés, l'Amiral, la Squad, toi et moi.

- J'aime t'entendre dire "toi et moi".

 Attends, on est quand-même la légende de l'OctoSquid désormais ! Ahah !... Mais en attendant, on va profiter un peu de ces merveilleuses banalités tant que le calme est revenu dans nos vies !... Tu sais que tu me rends fou d'amour, toi ?

- Ah ouais ?...

- Si vraiment tu as un doute, viens-là, j'vais te montrer comment je t'aime, moi."