15 : Je voulais juste être ici.

Septembre 2002, Séoul.

J'ouvre les yeux pour la quatrième fois de la nuit alors que le tonnerre gronde. Paniqué, je me redresse pour observer l'extérieur, contemplant la pluie qui s'abat violemment sur la fenêtre. Soulagé qu'il n'y ai aucun danger, je me rallonge pour me recouvrir complètement de mon épaisse couverture, gardant malgré tout les yeux rivés sur le vacarme de dehors qui m'empêche de retourner dans mes songes. Je regarde mon réveil, il n'est que cinq heure du matin. Les yeux gonflés, encore humides et complètement explosés par la fatigue, je referme mes paupières avant de me recroqueviller sur moi-même. J'ai l'impression que ma tête va exploser tellement j'ai mal. Je ne cesse de me remémorer leurs geste, leurs voix, leurs visages... Tout ça me rend complètement dingue, tellement dingue que je n'arrive plus à dormir. Insomnie sur insomnie, je tente tant bien que mal de penser à autre chose mais...que puis-je faire d'autre si je n'ai même pas la possibilité de fermer les yeux quelques heures ? J'attends impatiemment que le jour se lève même si je sais qu'une fois le soleil levé, je n'aurai toujours rien d'autre à faire que de me lamenter sur moi-même. Voilà à quoi se résume mes jours depuis que je suis rentré...

Sungkyung entre dans ma chambre en courant, un grand sourire sur les lèvres. Elle monte rapidement sur mon lit et saute sur moi joyeusement, à croire qu'aujourd'hui est la plus belle de ses journées.

– « Jaejoon ! Eomeoni demande à ce que tu viennes manger. » me cri-t-elle gaiement dans les oreilles. Je repose les yeux sur mon réveil, il est déjà treize heure. Je n'ai même pas vu la matinée passer. Mon esprit est si vide qu'en j'en oublie de vivre parfois...

– « Je n'ai pas faim, noona. » soufflais-je simplement d'une petite voix abîmée, sans aucune énergie. J'espère simplement qu'elle quittera ma chambre pour me laisser seul. Ça me donne envie de pleurer de la voir si heureuse. Ça me rappelle à quel point la vie est injuste...

– « Ya, pourquoi tu manges pas ? Abeoji va monter te gronder si tu viens pas manger. Aller ! » insiste-t-elle en me tirant le bras de toute ses forces pour me lever. « Viens ! Nos cousins sont là ! » Je me fige un moment. Pourquoi est-ce que ma tante vient nous rendre visite si subitement ? Je repousse sa main alors que cette dernière me fixe curieusement, cherchant à comprendre mon comportement étrange.

– « Pourquoi est-ce qu'ils sont là ? » demandais-je. Ma tante ne vient presque jamais chez nous depuis que abeoji s'est disputé avec elle concernant les parts de l'héritage de grand-père. Alors pourquoi est-ce que tout à coup, ils se reparlent ?!

– « Imo est venue quand tu étais en vacances. On a beaucoup joué avec nos cousins. Minho va dormir chez eux ce soir, il a trop d'chance ! » explique-t-elle en faisant la moue. Alors ils se sont réconciliés lorsque j'étais en vacances ? A croire que le fait que je sois loin d'eux leur importait peu... Ils ne pouvaient même pas faire semblant de s'inquiéter à mon sujet, ne serait-ce qu'un peu ? Puis pourquoi est-ce que Minho va dormir chez eux ? C'est plutôt bizarre tout ça... Je pousse Sungkyung hors de mon lit avec la plus grande délicatesse du monde même si je rêve de l'étouffer avec mon oreiller pour être si naïve. Je crois devenir fou avec toute leur joie de vivre. En vacances ? C'est la seule chose qu'ils ont trouvé à lui dire ? Parce que j'ai l'air d'avoir été en vacances, moi ?

Je traîne finalement des pieds jusqu'à la cuisine en évitant nos invités. Ils sont tous dans la salle à manger, ils rient, parlent...aucun d'eux ne se soucient vraiment de savoir ce que le pauvre petit Jaejoon ressent en ce moment. Je me sers un verre de jus d'orange alors que ma gouvernante me cri dessus, elle disait vouloir le faire à ma place. Je l'ignore comme je le fais si bien depuis que je suis rentré à la maison. Malgré ma méchanceté gratuite, elle propose de me faire mon plat préféré mais je décide de ne pas répondre. Je me resserre un verre, je suis visiblement complètement assoiffé. C'est étrange que je ne m'en sois pas rendu compte avant. Dahee entre dans la cuisine sans que je ne m'y attende et fait disparaître son faux sourire lorsqu'elle m'aperçoit.

– « Tu fais quoi ici ? Sungkyung a dit que tu ne voulais pas manger. » m'agresse-t-elle d'un regard méprisant. Je l'ignore elle aussi. De toute façon, ça ne sert à rien de discuter avec elle, elle ne m'aime pas. Je ne comprendrai jamais son comportement. Elle a treize ans, elle devrait cesser d'agir comme une peste et être plus mature que moi, non ? Elle tape du pied remarquant que je ne m'intéresse pas à elle puis quitte la pièce après avoir ordonné à notre gouvernante de réchauffer la sauce. Elle soupire et m'adresse un sourire de compassion avant de m'inviter à remonter me coucher.

– « Je vais t'apporter de quoi dormir. Tu es pâle, tu manques affreusement de sommeil » dénote-t-elle chaleureusement d'une voix sincère et inquiète. J'obéis sans rien dire sauf que cette fois-ci, je prends le soin de passer par la salle à manger pour remonter, histoire que les invités et mes parents sachent que je suis bien malheureusement toujours en vie. Le silence s'installe dans la pièce alors que je sens le regard meurtrier d'abeoji sur moi. Sungkyung me demande de les rejoindre idiotement ne comprenant toujours pas la situation. Cette petite est vraiment trop stupide pour comprendre les choses apparemment. Comment fait-elle pour ne pas voir que quelque chose ne va pas alors qu'elle est plus âgée que moi ?

Décembre 2002, Séoul.

Depuis que cet incident est arrivé, mes jours ressemblent à ça. Ils sont tous similaires, identiques, sans valeurs. Sans aucune vie, aucune conversation sauf quelque fois avec Sungkyung. Sans aucun sourire, presque aucune nourriture... Je suis affreusement seul. Complètement. Alors que je m'occupe en faisant des ronds avec le bout de mon index contre le matelas, j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir. Je lève les yeux et remarque qu'un homme est là, debout, juste devant mon lit. Je m'empresse de m'asseoir et de me coller contre le contour du lit, complètement affolé. Qui est-il ? Que me veut-il ? Je ne l'ai jamais vu auparavant...

– « Minhee ! Minhee ! Au secours, Minhee ! » hurlais-je de toute voix pour qu'elle me vienne en aide alors que l'homme me fait signe de me taire et de me calmer. Notre gouvernante entre en trombe dans la chambre avant de soupirer de soulagement, une main sur le cœur.

– « Jaejoon... Tu m'as fais tellement peur... » marmonne-t-elle tout en essayant de calmer sa respiration. Je cours rapidement dans ses bras, encore et toujours habillé de mon pyjama alors que ma poitrine tambourine. L'espace d'un instant, j'ai cru que mon enfer allait recommencer...que cet inconnu était venu pour me voler de nouveau.

– « Je crois que je l'ai effrayé. Je suis désolé, je n'ai pas eu le temps de me présenter, c'est de ma faute.» explique l'homme légèrement embarrassé. Minhee me caresse délicatement les cheveux avant de s'accroupir face à moi pour se mettre à ma hauteur. Alors...il n'est pas là pour me faire du mal ? Il ne va rien m'arriver ?

– « Jaejoon, ce n'est rien. Ce Monsieur est là pour t'aider. C'est Mme Lee qui l'envoie. » me susurre-t-elle d'une voix réconfortante alors que je le dévisage de bas en haut. Alors eomeoni a enfin décidé de me confier à un psychologue ? Ce n'est pas que l'idée me plaît, c'est juste que je pensais qu'elle y aurait pensé bien avant. Ça va déjà faire trois mois que je vis dans cet état, elle aurait pu m'apporter de l'aide avant. « Il va t'enseigner les cours à la maison. Vu que Mr Lee ne veut pas que tu retournes à l'école pour le moment. » Quoi ? Un professeur ? Est-ce qu'ils pensent sincèrement que j'ai envie de recommencer à étudier comme si de rien n'était ?

Au final, même si l'idée de reprendre ma scolarité en main ne me plaisait guère, j'apprécie avoir quelqu'un à écouter parler. Même si ce n'est que pour l'anglais, les maths ou les sciences, ça me permet d'oublier ce qu'il y a autour de moi et de cesser de repenser, d'une certaine manière, à ce que j'ai vécu avant. Professeur Choi est un homme fabuleux. De ses un mètre quatre-vingt, de sa voix rauque mais analgésique, il est l'homme que j'admire plus que quiconque. Il ne pose pas de question sur mon passé, il m'écoute et m'encourage à faire de mon mieux. Je n'échange pas beaucoup avec lui mais il me comprend. Puis il faut dire que c'est aussi la seule présence masculine qui m'entoure réellement. Contrairement à mon père ou à mes frères, Professeur Choi essaye de me faire rire, il me donne l'impression d'exister. Je lui en suis d'ailleurs infiniment reconnaissant.

Avril 2006, Séoul.

Revenir pour ma première année de collège à l'école, n'est sans aucun doute pas la meilleure idée qu'ils aient eu. Mais mes parents se foutent bien de savoir si oui ou non j'en ai envie. Eomeoni pense que comme quatre ans sont passés, plus personne ne se souviendra de mon histoire et du scandale qui a autrefois entouré ma famille mais elle a totalement tord. Comme à peu près tout le temps... Étant entouré de gosse de riche, il est évident que tout le monde connaissent mon histoire. Leur regard et leur sourire de focus m'insupportent plus que je ne l'aurai imaginé. Ils sourient par devant mais derrière ils s'amusent à me critiquer. Je fais semblant de ne rien savoir, d'être idiot et innocent mais en réalité, je ne souhaite que le pire pour eux. Certains s'acharnent sur moi comme si c'était normal mais j'arrive à le supporter. Ce que je supporte moins, ce sont les professeurs qui ferment les yeux pour les laisser faire. L'ignorance...c'est si facile pour eux d'agir de cette façon. Mes frères et sœurs sont dans le même collège et lycée que moi, alors on se croise assez souvent. Minho, lui, vient d'entrer à l'université, Dahee et Jongsuk entrent tous deux en dernière année de lycée. Quant à Sungkyung, elle entre en première année. Cependant, ils m'ignorent tous, sauf Sungkyung, qui sourit toujours comme à son habitude. Je me perds souvent dans mes pensées alors personne ne m'intéresse vraiment. En même temps, je ne cherche pas à me faire des amis. Je rentre chez moi en voiture avec pour seule envie de partager un moment avec Professeur Choi. Il continue de me donner des cours sous ma demande et mes parents le laisse faire pensant que s'il y a au moins une chose qui peut me faire parler, c'est plutôt bon signe.

– « Qu'as-tu appris aujourd'hui ? » me demande-t-il en attrapant un biscuit sur la table. J'imite son geste d'un léger sourire avant de lui répondre. J'aime ce genre de moment rien qu'avec lui et moi. J'ai l'impression d'être normal, au moins pendant plus de dix minutes.

– « Rien. » annonçais-je simplement. Il ricane pour se moquer de moi. Je n'apprends rien en allant à l'école, vu que Professeur Choi m'enseigne tous ce qu'il sait. Et puisqu'il est professeur à l'université, j'ai pour la plupart du temps beaucoup d'avance sur le programme et les autres élèves. Je suis le meilleur de ma classe, ce qui n'arrange pas forcément mon cas, mais cela m'est bien égal.

– « Je suis persuadé que ces biscuits sont les meilleurs, tu ne penses pas ? » m'interroge-t-il gentillement. J'hoche simplement la tête pour affirmer sa remarque. « Tu aimes le citron ? » Notre conversation pourrait sembler idiote si quelqu'un nous entendait mais c'est notre façon à nous de communiquer. Professeur Choi sait qu'il ne me faut pas grand-chose pour que j'ai l'impression de partager quelque chose avec lui. Alors, nous avons pris pour habitude de dire tout ce qui nous passe par la tête, même si c'est totalement inintéressant.

– « Seulement les biscuits au citron. Parce que c'est vous qui les apportez. » Partager ce genre de conversation me suffit amplement parce que j'oublie que j'ai vécu quelque chose de traumatisant lorsque je suis avec lui. Son sourire me réchauffe le cœur comme personne d'autre. Il est devenu comme un père pour moi.

Nous sommes restés discuter pendant plus de deux heures sans bouger. Minhee nous a apporté quelque chose à boire et est venu plusieurs fois vérifier si tout allait bien. Alors que nous étions captivé par notre discussion, nous sommes de manière inattendu intéressés par la musique qui retentit dans le grand salon. Mes parents organisent une réception pour fêter la hausse des parts de l'entreprise familial et les débuts de Minho en tant que secrétaire pour mon père, le grand PDG. Professeur Choi s'excuse poliment de devoir partir mais il a aussi une famille, je peux parfaitement comprendre qu'il veuille passer du temps avec son fils, qui a justement le même âge que moi. Je m'incline en espérant qu'il puisse venir me rendre visite la semaine prochaine. Lorsqu'il quitte ma chambre et que je me retrouve seul, je me sens comme nu, inutilement insignifiant. J'ai envie de descendre et d'aller voir du monde. Pour la première fois depuis mon incident, j'ai envie d'aller rire avec Sungkyung, d'aller parler avec des inconnus adultes comme enfants, peu importe... Alors, après avoir pris mon courage à deux mains, je descends lentement les marches de l'escalier avant de pénétrer dans le salon parmi les inviter tous aussi bien habillés que les autres. Des bijoux clinquants à droite, des robes soyeuses à gauche, des chaussures cirées comme jamais et des rires hypocrites un peu partout, j'avance vers eomeoni pour lui faire part de ma présence. Je n'ai malheureusement pas le temps de l'atteindre, abeoji m'a aperçu avant elle et son regard en dit extrêmement long sur ce qu'il pense de ma présence ici. Il vient brusquement vers moi et m'attrape par le col de la chemise que j'avais pris le soin d'enfiler juste avant de descendre, pour me mener à l'écart. Comme s'il voulait me cacher des autres...

– « Qu'est-ce que tu fais ici ? Pourquoi tu n'es pas dans ta chambre ? » s'énerve-t-il, furieux. Je suis effrayé par son expression et son regard sombre mais je m'empresse de répondre pour éviter de le mettre en colère plus qu'il ne l'est déjà.

– « Je voulais juste ... être ici. » soufflais-je timidement, les larmes aux yeux. Sa main vient claquer ma joue faisant couler mes larmes. Personne ne s'intéresse à nous, personne n'ose poser les yeux sur moi. La joue rouge, je porte ma main contre la douleur pour l'atténuer avant de me relever du sol que j'ai rencontré sous l'impact de son geste. Je courre jusqu'à ma chambre pour m'y enfermer, comme à chaque fois avant de plonger mon visage dans mon oreiller pour crier toute ma frustration. Abeojiest l'homme qui m'effraie le plus après mes ravisseurs. Il hante parfois mes rêves pour venir me faire la morale et rejeter la faute de mon calvaire sur moi. Je l'entends dans ma tête, hurler que c'est à cause de moi que tout ça est arrivé... Je le déteste, comme personne d'autre. Je le hais pour ne plus me traiter comme son fils, pour m'exclure de cette famille alors que nous partageons le même sang, pour m'ignorer et faire comme si j'étais mort. Je me relève, déterminé et attrape une feuille et un crayon et alors, je commence à écrire et à écrire sans m'arrêter. J'aimerai mourir, j'aimerai crever rapidement pour pouvoir oublier cette souffrance. Personne ne m'aime dans cette maison, personne ne se soucie de moi.

× × ×

Avril 2006, Takayama.

Je sors rapidement de ma classe, accompagné de mes camarades. Nous courrons tous excités à l'idée de terminer ce match de football que nous avons débuté plus tôt dans la journée. Je déteste perdre surtout lorsqu'il s'agit d'un combat pour savoir qui sortira avec Akiko. Je suis éperdument amoureux de cette fille alors pour rien au monde je ne laisserai Iku l'avoir, ma fierté serait gravement atteinte. Nous jouons sous le regard de tout le collège, je me sens poussé des ailes lorsque je vois toutes ces filles m'encourager mais surtout lorsque je remarque Akiko qui ne me lâche pas du regard. Kinsue me tape dans la main pour me féliciter d'avoir gagné, je suis vraiment fier de moi pour le coup. J'aime ce sentiment de tout réussir dans ma vie. Ça me donne tellement confiance en moi que je pourrai tout tenter et tout accomplir sous l'effet de l'adrénaline. Je m'approche d'Akiko et lui donne rendez-vous ici demain après-midi. Je suis vraiment impatient qu'on sorte ensemble tous les deux. Je suis surtout satisfait lorsque je remarque l'air dépité de Iku qui n'accepte apparemment pas la défaite puisqu'il s'énerve contre tout le monde.

Comme à chaque fois, ma mère vient me chercher à la fin des cours. Elle me prend dans ses bras et embrasse mes cheveux avant de me tendre une glace et de commencer à marcher à mes côtés.

– « Ouah, mon fils est si doué... Tu as passé une bonne journée ? » me questionne-t-elle d'un sourire chaleureux. J'hoche la tête pour lui répondre tout en léchant ma glace au citron. C'est fou ce que j'aime passer ce genre de moment avec elle. Lorsque nous sommes tous les deux, je prends toujours le soin d'imprégner profondément l'instant présent dans mon cœur. Je ne veux pas oublier, je veux me souvenir de chaque instant passé avec elle. Parce qu'elle est la femme que j'aimerai toute ma vie, bien plus que n'importe qu'elle autre. « C'était bien tes cours de coréen ? »

– « Mama, tu sais que je suis le meilleur de ma classe ? C'est Monsieur Park qui l'a dit devant tout le monde. Dans moins d'un an, je pourrais parler coréen mieux que notre voisine. » avouais-je, sûr de moi. Les cours de coréen ne sont pas obligatoire dans notre école mais grâce à notre voisine, je suis passionné par cette culture depuis tout petit alors je m'y investi beaucoup. Pas autant que pour le dessin mais presque, c'est un peu comme une passion. Mes journées ressemblent toutes à ça. Je suis toujours le meilleur dans ce que je fais, je suis populaire, les filles m'aiment et les garçons m'admirent mais ce n'est pas pour autant que je prends la grosse tête. Je reste modeste en toute circonstance même si intérieurement, je sais que personne ne peut atteindre mon niveau. Ma mère m'emmène faire les magasins ce soir, je suis impatient de m'acheter de nouveaux vêtements, comme ça, Akiko sera deux fois plus en extase devant moi demain. Mes parents sont les meilleurs parents du monde, ils m'encouragent dans tout ce que je fais et me poussent à me surpasser et à m'ouvrir au monde. Je suis sociable, positif, souriant et optimiste grâce à eux. Garde le sourire quoiqu'il arrive. C'est un peu la devise de notre famille, j'ai grandis avec cette façon de voir la vie. Je suis fils unique mais je ne me sens jamais seul. Ma mère est tout ce que j'ai et pour rien au monde je n'échangerai cette relation contre un frère ou une sœur. Après tout, j'ai Kinsue pour ça. Kinsue est mon meilleur ami. Il déteste le dessin et n'est pas vraiment très bon dans ses études mais on se comprend d'un simple coup d'œil, lui et moi c'est comme si un lien fraternel nous unissait.

– « Et celui-ci ? » m'interroge-t-elle en me proposant un autre t-shirt. Ouah, en plus d'être adorable ma mère a vraiment bon goût. Je m'empresse de lui dire oui et cours essayer mes nouveaux vêtements. « Tu n'en prends qu'un de chaque, hein. » Je parierai tout ce que j'ai que je repartirais avec le tout, tout simplement parce que ma mère ne peut pas résister à ma bouille d'ange et mon sourire innocent.

Janvier 2012, Tokyo.

J'ai eu un peu de mal à m'habituer au centre ville, surtout parce qu'à Takayama c'est beaucoup plus calme, plus vert et plus petit. Mais ma rencontre avec Imaku a changé mon regard sur tout ce qui m'entoure désormais. Je suis amoureux d'elle comme je n'ai jamais été amoureux. Elle hante mes jours et mes nuits et même si je sais que notre relation ne durera pas éternellement, je profite d'elle et de sa façon de me toucher parce que du haut de mes dix-neuf ans, je ressens le besoin d'être avec quelqu'un, d'être aimé et de profiter de la vie en étant accompagné. Je suis heureux que Kinsue garde le contact avec moi même si nous n'habitons plus dans le même quartier. Il m'appelle souvent, me donne des nouvelles de lui et de sa copine. Je me rends souvent à Takayama pour le voir jouer au football, il est devenu bien meilleur que moi désormais, il dit même vouloir en faire son métier plus tard alors je l'encourage. Mon père a été muté ici lorsque j'ai eu quatorze ans, je suis parti avec beaucoup de regret mais j'ai facilement réussi à m'intégrer et à me faire de nouveaux amis dès mon arrivée ici.

– « Oh, achetons des couple-T ! » me supplie-t-elle en léchant presque la vitrine. Je soupire d'admiration, elle me fait totalement fondre. Alors que je fais semblant de refuser, Imaku prend son air de petite fille pour me convaincre avant de me tirer à l'intérieur de la boutique sans me demander mon avis. Elle est vraiment à tomber par terre lorsqu'elle agit comme ça. « Celui-ci, t'aime bien ? »

– « Pourquoi tu veux acheter ce genre de chose ? » me plaignais-je, un sourire aux lèvres. Je sais pourquoi, c'est juste que j'aime l'entendre le dire.

– « Pour qu'on soit lier même si on n'est pas ensemble. Pour renforcer notre amour. » répond-t-elle philosophiquement. Je ris face à ses bêtises mais comme toujours, je la trouve vraiment adorable. Pourtant, ce n'est pas mon genre d'être aussi gaga d'une fille mais elle, elle est différente. Elle m'apprend tellement de choses sur ce que je peux ressentir et faire dans ma vie.

– « Qui ferait ce genre de chose ? » me moquais-je gentillement pour la taquiner. Elle vient promptement me frapper le bras, mécontente que j'ose ne pas la prendre au sérieux.

– « C'est pour que les gens sachent qu'on est amoureux. Tu sais...il y a des millions de personne qui ne demande qu'à être aimé et qui n'ont malheureusement pas cette chance alors vu que toi tu es le chanceux dont je suis tombée amoureuse, tu devrais le crier sur tous les toits. Et je ne vois rien de mieux que de s'acheter un couple-T pour ça. » conclu-t-elle en reprenant son souffle. Elle commence déjà à chercher ma taille de t-shirt alors que je n'ai toujours pas accepté mais finalement, nous savons bien elle et moi, que je n'avais pas mon mot à dire.

– « T'es sûr que c'est pas seulement pour éloigner les filles de moi ? » riais-je. Elle me fusille du regard avant de me pousser vers la caisse avec nos deux t-shirt en main. Elle est têtue et légèrement possessive mais ça me convient parfaitement. J'aime savoir qu'elle m'aime de cette façon. Je ne demande rien de plus que d'un amour partagé, parce qu'il n'y a rien de plus rassurant que de se savoir aimé. Je suis heureux, plus que je ne l'ai jamais été dans ma vie.

Juin 2016, Tokyo.

– « C'est vraiment étrange... » susurre-t-elle tout en caressant mes cheveux. Je l'interroge d'un haussement de sourcil pour l'inciter à continuer sa phrase alors que nous sommes allongés sur mon lit, l'un dans les bras de l'autre. « Dans quelques semaines, tu seras à Séoul et moi à Aomori. On sera vraiment loin l'un de l'autre... » Je me frotte les yeux avant de lever le regard vers elle. Elle est mélancolique et sûrement attristée par la manière dont tourne les choses. Mais nous ne pouvons pas faire autrement. Je vais réaliser mon rêve en allant dans l'une des plus grande école d'art de Corée et elle, elle va être mutée dans l'un des plus grand cabinet d'avocat du Japon. C'est triste mais, je suis plus déterminé qu'amoureux, alors je ne peux vraiment pas renoncer à mon rêve. Peut-être qu'une fois arrivé à Séoul, je me sentirai seul et triste mais je veux faire de ma passion un métier et pour cela, il faut que je m'éloigne de mes parents, de Imaku, de Tokyo et encore plus de Takayama, même si mon cœur aura toujours une part de lui-même consacré à mes origines.

– « Je t'appellerai souvent, on pourra toujours rester de bons amis, non ? » tentais-je de la rassurer prudemment. Je ne veux pas qu'elle fonde en larme ou qu'elle me demande de rester ou pire, de m'accompagner. Je l'aime vraiment mais je suis certain que je ne passerai pas le reste de ma vie avec elle alors il est préférable de se séparer maintenant pour le bien de notre relation et de notre futur.

– « J'espère que tu ne m'oublieras jamais et que...tu te trouveras quelqu'un de bien là-bas. » confie-t-elle avant de venir m'embrasser chastement du bout des lèvres. J'espère la même chose pour elle, elle le mérite réellement. Mais même si ça me rend légèrement élégiaque de l'entendre parler comme ça, j'ai hâte de découvrir la Corée du Sud et ses habitants. J'espère que mon colocataire ne sera pas un psychopathe, j'espère que ces deux longues années loin de mes parents seront bénéfiques pour mon avenir, j'espère faire des rencontres inoubliables qui m'apprendront des tas de choses sur ma personne et sur le mode de vie des coréens. Oui, Séoul va sans aucun doute être la meilleure expérience de toute ma vie. Mes parents sont réellement enthousiastes de m'envoyer là-bas, ils ont confiance en mes capacités. Ma mère est certaine que je finirai riche et célèbre grâce de mes œuvres. Elle est plus excitée que moi, même si elle est tout de même triste de se séparer de son unique fils qu'elle aime tant. Cependant, quoiqu'il arrive, je sais que je serai toujours en contact avec elle. Mes parents sont toute ma vie, je ne ferai jamais rien risquant de les décevoir. Ils sont mes modèles, je les respecte plus que quiconque. Je les aime tellement. Ils vont tellement me manquer une fois là-bas et je sais que la seule chose qui me fera vraiment souffrir, ça sera de ne plus sentir les bras de ma mère autour de moi durant ces longs mois.

Mes parents m'ont accompagné à l'aéroport une semaine après. La valise enregistrée, le billet en main, il est déjà temps pour moi de me séparer d'eux et de me diriger vers ma nouvelle vie.

– « Arrête de pleurer, ton fils ne part pas à la guerre ! » ricane mon père en regardant ma mère se moucher encore et encore. Je viens la serrer dans mes bras avant de venir effacer son maquillage qui a légèrement coulé sur ses joues. Elle me fait me sentir coupable, j'ai mal au cœur de l'abandonner de cette façon, pour ma propre personne. J'ai l'impression d'être égoïste en laissant ma mère vivre sans son fils. « T'as fini ? T'es en train de le faire pleurer ! » remarque mon père alors que je me pince les lèvres pour ne pas faillir.

– « J'y peux rien... Tu vas vraiment me manquer, mon chéri. » chouine-t-elle en me serrant dans ses bras.

– « Toi aussi, mama. » soufflais-je alors que les larmes roulent désormais sur mes joues. Elle vient les essuyer à son tour avant de m'attraper la tête de ses deux mains pour venir m'embrasser le front. Tu es toute ma vie, maman. Je t'aime.

– « Tu nous appelles dès que tu arrives, hein ! Et fais attention à toi, surtout ! » s'inquiète-t-elle une dernière fois alors que je marche à reculons vers le poste de sécurité après avoir embrassé mon père une dernière fois.

– « Oui, vous en faites pas ! » J'analyse intensément ma mère pour me souvenir de son visage dans les moindres détails avant de lui lancer un je t'aime sincère. « Aishiteru ! » Ils vont vraiment me manquer. Ils n'ont même pas idée du vide qui vient de se créer en moi d'une certaine manière comme si je pouvais appréhender la solitude qui va m'habiter une fois que j'aurai quitté le sol de mon enfance.

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