Chapitre 25
Chris.
PDV Sacha 🎨
Je suis dans ma voiture garée le long du trottoir en face de l'entrée du TBD.
Mes yeux ne quittent pas la silhouette de Madelen assise sur un tabouret face au bar, en pleine conversation avec Jayden.
La buée sur les vitres ne me cache pas grand-chose de ses mouvements, et j'ai tout le loisir de l'observer sans craindre qu'elle me surprenne si elle tourne la tête vers la rue.
Mon cœur se crispe.
Mes pupilles s'embuent à force de la regarder.
Je cligne des yeux à plusieurs reprises pour évacuer ses larmes qui menacent de couler et retrouver une vision nette.
J'ai conscience que le timing est pourri.
Je ne savais pas qu'elle allait être ici ce soir, sinon j'aurais changé le lieu de rendez-vous. Mais c'est trop tard, car Melly vient de m'envoyer un message pour me dire qu'elle arrive.
Je n'ai aucun mal à imaginer sa réaction quand elle va me voir débarquer avec la fille que j'ai épousée un week-end de beuverie quelques mois plus tôt.
La peine que j'ai lu dans ses iris cette après-midi m'a broyé de l'intérieur. Et ce soir je m'apprête à lui en faire un peu plus. Mais je n'ai pas le choix. Une explication avec Melly s'impose et mieux vaut l'avoir dans un lieu public que chez moi.
Par contre je n'ai pas non plus de mal à concevoir qu'elle aurait été la mienne de réaction, si la situation avait été inversée.
J'en crèverais. Mais avant, je démontrerai le mec qui a osé lui proposer ça.
Logique. Fais ce que je dis pas ce que je fais...
Je reviens à la réalité en voyant Madelen qui rigole en sirotant le verre que Jayden vient de lui servir. La voir comme ça, heureuse, insouciante me tord le bide. Pourtant, je connais assez mon petit chat pour savoir que c'est de l'esbroufe, qu'elle ne peut être aussi détendue, insouciante, ou alors, elle a bu, beaucoup, et là c'est mon pote qui va avoir à faire à moi.
La gorge nouée, les doigts crispés sur le volant, je les desserre pour attraper une clope dans le paquet qui traîne dans le vide poche. J'ouvre la fenêtre à moitié, j'en glisse une entre mes lèvres, l'allume avec mon briquet, inspire une grande bouffée, puis je recrache la fumée dehors à travers la vitre quand un mouvement du côté passager attire mon regard.
Melly se tient droite, hésitante à ouvrir la portière, je la déverrouille en lui faisant signe de la tête que c'est bon.
Quand elle se glisse sur le siège et se penche pour m'embrasser sur la joue, j'ai un mouvement de recul par réflexe. Sentir des lèvres autres que celle de mon petit chat sur ma peau me donne des vertiges. La voir assise à la place de la fille qui peuple mes rêves, je trouve le tableau étrange, mais sentir son parfum bon marché trop fort, trop fruité, trop sucré, me donnerait presque la nausée.
Comment j'ai fait pour baiser avec ?
C'est la question à cent milles dollars mec.
L'alcool sûrement.
Je tire une dernière staffe de ma clope, anesthésiant un peu mon malaise, avant de l'écraser dans le cendrier.
Melly se rencogne dans le siège en triturant la anse de son sac à main, ouvre la bouche pour dire quelque chose mais je la devance.
— Bonsoir Melly. Désolé mais...
— Salut Sacha, t'inquiète, je comprends... je n'aurais pas dû agir comme si l'on était amis, prononce-t-elle d'une voix mal assurée.
— Non, c'est ok pour moi.
Je la détaille quelques secondes, me demandant où est passé la fille sûre d'elle que j'ai rencontré à Las vegas, les cocktails ont dû jouer un rôle important dans la façon qu'elle a eu de me draguer, avant de l'encourager à descendre.
— On y va ?
Plus vite le pansement sera arraché, plus vite je pourrais récupérer ma Madelen.
C'est bien d'y croire.
— Ok.
Une fois ma caisse verrouillée, je prends une grande inspiration, fixe mon regard sur l'intérieur de l'établissement de Jayden, comme si j'avais peur que Mad n'y soit plus, ou au contraire qu'elle me voit arriver et parte en courant en apercevant avec qui j'ai rendez-vous. Je suis rassuré, elle n'a pas bougé. Toujours en pleine conversation avec mon pote.
Et alors quoi ? Ton égoïsme est tel, que tu préfères la confronter à la meuf que tu as épousé ? Ton ego de connard est fier de la faire souffrir ?
Nan, mais je veux lui montrer que je fais tout pour arranger cette situation de merde.
Ouais. On en reparle mec.
Je verrouille tout.
Puis j'invite Melly à me suivre. Il y a la queue devant l'entrée, mais Max le videur me fait un signe, on se fait un check puis il nous ouvre la porte.
C'est parti.
Je pousse Melly en mettant une main dans le bas de ses reins, que je retire immédiatement quand je réalise mon geste.
Mad est là à quelques mètres.
A peine ai-je franchi la porte à double battant du bar que je sens son regard me perforer. Mon corps réagit. Des frissons envahissent mon épine dorsale.
J'ai la tête baissée, la gorge sèche, j'ai du mal à déglutir, le bras de Melly s'enroule à mon biceps, car quelqu'un vient de la bousculer et sans réfléchir je la saisi par la taille pour lui éviter la chute.
Allez mec. Courage.
Je scande alors la salle des yeux, retardant au maximum la collision avec ceux de Madelen, mais la tentation est trop forte alors je cède.
Et putain.
Je dégringole.
Sans filet pour amortir l'atterrissage.
Son visage reste impassible, mais son regard n'est que souffrance au début, puis il mute en haine quand elle le baisse pour le porter sur mon bras qui entoure la taille de Melly. Je le retire brusquement, comme si elle m'avait envoyé des flammes. Mais le mal est fait.
Putain, putain, putain.
Madelen se détourne de moi quand Jayden se penche pour lui parler.
Le contact est rompu. Je retrouve mon souffle, inconscient de l'avoir bloqué.
— Va t'asseoir, imposé-je à Molly, il y a toujours une table de libre pour nous au fond de la pièce près des tables de ping-pong, je lui indique d'un mouvement de tête. Je dois aller voir mon pote, je me passe une main derrière la nuque, et... Madelen.
— Pas de problème, je devrais trouver facilement, plaisante Melly en souriant.
Elle allait poser sa main sur mon bras mais se ravise.
Sans attendre, je me dirige droit vers le bar, bousculant quelques fêtards sur mon passage où Jayden et Mad ont une discussion houleuse si j'en crois la posture de mon pote, et les mains de mon petit chat qui font des moulinés dans le vide.
— Hey, les surprends-je.
Madelen se raidit sur son tabouret, alors que Jayden me lance des éclairs avec ses yeux.
Feignant l'indifférence, je me mets de profils, ma hanche appuyant contre le comptoir en bois, pour garder Mad dans mon champ de vision, un coude posé dessus, et affiche un air nonchalant.
Tu joues à quoi imbécile ?
Je sais pas, mes neurones ont déserté mon cerveau depuis quelques jours.
— C'est comme ça que tu accueilles tes amis ? Le provoqué-je sans quitter Mad de mes iris.
— C'est pas le moment Sacha.
— Pour ?
Je joue au con. J'en suis conscient. Mais c'est soit ça, soit je force Madelen à me regarder en saisissant son visage. Et personne ne peut savoir ce que je ferai par la suite.
Pas l'idée du siècle.
Je veux la faire réagir et qu'elle incruste ses magnifiques pupilles dans les miennes.
— Laisse tomber, je ne te savais pas si connard.
Wowowo !
— Et toi pas si hypocrite. Car je présume que le problème est notre séjour à Vegas ?
Jayden baisse la tête en la secouant de droite à gauche.
Mad pose la sienne sur ses bras croisés sur le comptoir.
À cet instant, plus rien n'a d'importance. Je n'ai qu'une envie, c'est de la prendre dans mes bras, de caresser ses cheveux en l'embrassant dans la cou, lui murmurer que je l'aime à en crever. Mais je m'abstiens.
Trop déconnant mec.
Pour l'instant. Car il va bien falloir qu'elle écoute ma version.
Ouais enfin ça, ce sera quand tu l'auras hein !
Jayden me fait un signe du menton en désignant mon petit chat, et je comprends qu'elle lui a tout raconté, alors je laisse tomber.
Je passe ma commande.
— Une O'Hara irish Stout et un mojito s'il te plaît.
Au son de ma voix, Madelen se redresse en me fusillant du regard.
— Quoi ? C'est un classique, non ?
— Tu as aussi oublié ce qu'elle a bu à Sin City ?
— J'ai pas envi de me battre avec toi Madelen, soupiré-je en passant un main dans ma chevelure. Je suis ici pour avoir des réponses justement.
Mad ricane. Mad m'ignore. M'enfonce un peu plus avec son sous-entendu.
— Un autre Jayjay, je vais en avoir besoin pour survivre à cette soirée.
Elle tend son verre à notre ami. Je le fusille du regard mais celui-ci hausse les épaules et se retourne vers ses étagères pour remplir le verre de Mad.
— Petit chat...tenté-je en saisissant une mèche de ses cheveux, quand nous sommes seuls.
— Ne m'appelle plus comme ça, et ne me touche pas Sacha, dit-elle avec hargne en tapant sur mon bras pour que je la lâche.
Ma mâchoire est tellement contractée que je me demande comment je ne me suis pas péter une dent. Mais je ne dis rien.
J'attrape les consos que me tend Jayden et part rejoindre Melly au fond du bar sans un mot de plus.
J'ai conscience que je réagit comme un gosse capricieux à qui on a cassé son jouet préféré, mais putain ça fait mal.
— Tiens, je n'ai pas fait très original, m'excusé-je, une fois arrivé à notre box, en essayant de faire redescendre la tension qui m'habite.
— C'est parfait, merci Sacha.
Rien ne la contrarie à cette fille ou quoi ?
Je m'assoie en face d'elle non sans jeter un dernier regard vers le début de la salle pour constater amèrement que Madelen me tourne le dos.
A quoi pouvais-je m'attendre ?
Je suis assis avec celle qui est ma femme sur le papier.
Un silence malaisant s'installe entre nous, Save your tears de The Weeknd sort des enceintes, comme un rappel à ma situation.
Foutage de gueule.
Melly se racle la gorge, boit une gorgée de son cocktail, puis se lance.
— Je suis vraiment désolée Sacha d'apparaître dans ta vie comme ça. Seulement, j'ai besoin que l'on signe ces papiers. J'ai fait le nécessaire de mon côté et j'aimerai que tu ne tardes pas trop...
— Je l'ai signé, précisé-je en sortant le document de mon sac à dos, et ce week-end, je vois mon avocat pour la procédure à suivre. Et c'est plutôt moi qui te dois des excuses.
Un silence s'étend entre nous.
— On est tous les deux fautifs et l'alcool aussi, sourit Melly.
Je la fixe un instant.
Elle rougit sauf que sa réaction épidermique ne me procure aucune envie de la prendre dans mes bras.
Pas comme avec...
Focus mec.
— Je peux te demander pourquoi maintenant ? Parce que moi honnêtement, je ne me souvenais plus de rien. Enfin pas en détail, m'excusé-je.
Melly tourne la tête en direction du comptoir, je l'imite et tombe directement sur Madelen qui nous observe, indifférente à Liam qui vient de la rejoindre et fait tout pour attirer son attention.
Je serre les poings sous la table, conscient que la discussion entre eux va forcément dégénérer. Liam m'a tenu au courant de sa dispute avec sa sœur tout à l'heure et je ne pense pas que cela s'arrange ce soir.
Alcool plus colère ne fait pas bon ménage.
Un mouvement de foule près de l'entrée détourne mon attention.
Putain il ne manquait plus que lui.
— Mon petit ami, reprend Melly me sortant de mes pensées morbide envers un quaterback au rabais qui vient de franchir la porte du bar, vient de me demander en mariage justement... et c'est au cours de la préparation de celui-ci quand le prêtre nous a demandé en riant si l'on avait déjà été marié que ça a fait tilt.
— Il a été un détonateur en quelque sorte.
— Voilà. J'ai tout raconté à Stéphen, qui l'a pas bien pris au départ.
Melly fait un pause que je respecte, puis reprend :
— Comme je ne voulais pas baser ma relation sur un secret, mais avec le temps il a compris que ce faux mariage ne représentait rien pour moi et que tout le monde faisait des erreurs...
— Tu as de la chance.
— Elle te pardonnera Sacha. Si elle t'aime vraiment, elle le fera.
Intérieurement je ricane.
— C'est ce que je souhaite en tout cas, car moi je suis fou d'elle depuis toujours.
— Oh ça je m'en doute.
Je hausse les sourcils à cette affirmation.
— Quand on a... enfin après notre mariage...
— Couché ensemble, la secoure-je devant son air gêné.
— Tu m'as appelé Madelen à plusieurs reprises. Idem pendant ton sommeil.
Je baisse la tête de honte. Je suis peut-être un salaud mais pas au point de me tromper de prénom quand je baise, même bourré.
Apparement si !
— Je suis désolé Melly pour le manque de respect que j'ai eu envers toi.
— Je te pardonne Sacha, et puis je n'étais pas très fraîche non plus, quand je me suis réveillée quelques heures plus tard. Je pensais avoir dormi avec le garçon dont j'étais amoureuse, alors... tu vois je n'ai pas non plus été honnête.
— Ok un partout balle au centre.
Nous rions ensemble. Je porte la bouteille de bière à mes lèvres et lui demande de continuer en l'interrogeant.
— Comment m'as tu retrouvé ? Liam a essayé de me prévenir que tu cherchais à me joindre, mais pour être franc je m'en foutais, et puis je ne voyais aucune raison de te recontacter.
— En fait, ma meilleure amie, celle qui est sortie avec Liam ce soir-là, avait conservé ses coordonnées donc je l'ai recontacté afin qu'elle passe par lui pour te joindre, cela à pris quelque mois, elle ne voulais plus avoir à faire à ton pote, mais quand je lui ai expliqué la situation en insistant elle a capitulé. Liam n'a pas été facile à convaincre, il ne souhaitait pas me donner ton numéro, je lui ai proposé de me rendre à New-York pour te rencontrer directement, il a accepté en me donnant le nom de ton université et des horaires où je pourrais te croiser... la suite tu la connais.
Ouais et putain je m'en serais bien passé.
— D'accord. Je vais remercier mon pote alors, dis-je sarcastique.
Melly baisse les yeux vers son verre.
— On m'a toujours appris à assumer les conneries, c'est ce que je vais faire, ne t'inquiète pas.
Des éclats de voix me parviennent depuis le comptoir, coupant la fin de ma phrase.
Je pivote sur ma chaise pour voir ce qui ce passe quand je me fige. Madelen vient de balancer le contenu de son verre sur son frère qui s'essuie le visage avec un torchon que vient de lui tendre Jayden.
Elle est furieuse d'après ce que je peux voir de là où je me trouve et la foule qui me barre une partie de la vue. Mais quand je m'aperçois qu'elle quitte l'établissement en courant je ne réfléchie pas, je me lève d'un bon, bouscule des personnes sur mon passage pour la rattraper. J'entends vaguement mon prénom, mais je ne m'arrête pas.
Je me retrouve sur le trottoir à la chercher du regard. Je distingue sa silhouette un peu plus loin, appuyé contre un mur, les bras entourant son corps, en protection.
De quoi ? De qui ?
Puis des sanglots étouffés me parviennent. Elle pleure.
Mon cœur se cisaille en deux parties. J'ai toujours eu beaucoup de mal à voir Madelen pleurer. Je ne le supporte pas. Déjà enfant je voulais combattre tous les monstres de ses cauchemars... ouais sauf qu'aujourd'hui le monstre c'est toi.
Je passe outre cette affirmation et me remets en marche.
Je m'approche à pas mesurés pour ne pas lui faire peur, Madelen relève son visage, fixe un point au loin, je marche sur un tesson de verre qui détourne son attention pour la porter sur moi.
— Dégage Sacha, va retrouver ta femme.
La virulence de son ton ne me surprend qu'à moitié.
Malgré tout, je ne réponds pas. Mad est malheureuse à cause de mes conneries. J'encaisse. J'avance ne tenant pas compte de son injonction.
Elle tremble.
— Sacha... s'il te plait... laisse moi...
Sa voix est hachée par les sanglots.
Ses pleurs redoublent, mon coeur se fissure un peu plus, je tends mes bras pour la prendre contre moi. Elle lutte au début, ses poings frappant mon torse, mais s'apercevant que je ne la lâcherai pas elle abdique d'épuisement, certainement.
Elle s'abandonne, et moi aussi.
Putain que ça fait du bien de là sentir de nouveau entre mes bras. Même si je sais que cela ne va durer. Mais je prends.
Elle est à sa place.
Je suis à la mienne.
Je respire. Enfin.
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