Chapitre 24
PDV Madelen 📸
Je quitte la fac dans un état second. Je ne suis pas allée à la bibliothèque comme je l'ai spécifié à Sacha.
Impossible après notre rencontre.
J'écoutais d'une oreille distraite ce que me racontait Mick en sortant de l'amphithéâtre quand le sentiment d'être observé m'a fait lever la tête. Et comme si un fil invisible m'avait guidé, mon regard est tombé directement dans deux pupilles couleurs de jade qui me transperçaient.
Plus aucun bruit autour de moi ne filtrait, j'étais prisonnière de cette sensation que me fait ressentir Sacha à chaque fois qu'il est près de moi. Il efface tout. C'est un peu comme si nous étions un tableau dans lequel seules nos silhouettes s'animent alors que la toile reste blanche.
Je ne devrais pas gommer le monde autour, pas aujourd'hui, pas tandis qu'il m'a caché un pan important de son passé.
Je reprends mes esprits quand je vois Sacha se raidir et menacer d'un regard noir Mick qui était toujours enjoué de me raconter sa soirée de la veille.
La tête haute, les jambes flageolantes, je passe devant lui sans m'arrêter, mais j'aurais dû me douter que Sacha n'avait pas la même perception que moi, du verbe ignorer.
Sentir son parfum à la lavande, mélangé à l'odeur de tabac qui le caractérise si bien, m'a rendu nostalgique de ce que l'on est plus. Encore plus, quand en le fixant, je me suis rendu compte qu'une fois encore nous étions le miroir de l'autre.
La douleur, la tristesse, maquillaient ses traits comme elles l'ont fait avec le mien.
Impossible de rester.
Mick n'a pas tout compris de mes explications plus que nébuleuses, sur les marches du perron, une fois à l'extérieur, où j'ai pu reprendre une respiration normale, mais il n'a pas insisté, me rappelant que si j'avais besoin de lui, je n'hésite pas.
Ce n'est pas de toi dont j'ai besoin. Mais de celui qui m'a brisé en deux. Celui qui a pris mon cœur en otage et mon âme comme esclave.
Je suis lessivée psychologiquement et physiquement.
Dès que je suis rentrée à mon appartement la veille, vide, Liam devait être chez un de ses plans culs, et il valait mieux pour lui, car sur le moment je lui aurais balancé tout ce qui se serait trouvé à portée de main, pas sûr qu'il approuve, je me suis couchée en boule sur mon lit. Mes larmes se sont décuplées, mouillant l'oreiller qui portait encore l'odeur de Sacha, j'attrape son t-shirt qui traînait dessous pour le porter à mes lèvres et étouffer tous ces sanglots qui ne veulent plus s'arrêter. C'est pire. Mais...
Impossible de le lâcher.
Si seulement il m'en avait parlé.
Et donc ? Vous ne seriez même pas ensemble, s'il l'avait fait.
Ouais enfin le résultat est le même.
Ma nuit a été courte, entremêlée de pleurs, de cauchemars, je n'ai pratiquement pas fermé les yeux. Dès que je baissais les paupières, des images de Sacha et miss Vegas se faisait un plaisir de défiler.
Mick me fait un dernier signe de la main que je lui rends et je décide de rentrer à pied jusqu'à chez moi, le froid me fait du bien, pas les deux sacs que je dois porter par contre. Quand j'ai réalisé ce matin avant d'aller en cours que j'avais laissé toutes mes affaires chez Sacha, j'ai pesté, mais il était hors de question que je retourne là-bas pour aller les récupérer.
J'aurais dû me douter qu'il me les rapporterait.
Je presse le pas, serrant mon écharpe contre ma bouche et mon nez et en un peu moins d'une demi-heure, je suis sur le palier de notre colocation à Liam et moi, cherchant mes clés dans le foutoir de mon sac quand la porte s'ouvre à la volée sur mon frère, les cheveux hirsutes, la chemise à moitié rentrée dans le pantalon et un sourire béat sur sa figure de traître.
Ok il vient de baiser et la meuf doit encore être là, si j'en crois la voix de crécelle que j'entends depuis le salon. Liam ne m'a pas encore vu.
— Tu bouges, ma sœur va arriver et je...
— Bouh ! Fais-je, sans pouvoir me retenir.
Liam sursaute en poussant un cri.
— Pas très viril comme son, le provoqué-je, en passant sans manquer de le bousculer.
Il se frotte l'épaule.
— C'est quoi ton problème Mad ?
Il est interrompu par la fille interchangeable qui fait claquer ses talons comme si elle se trouvait sur un catwalk.
— Mon problème Liamou, c'est que dès que j'ai le dos tourné, tu en profites pour en baiser une autre... et franchement celle-là, je ne sais pas où tu l'as trouvé, mais...
Je fais exprès de détailler la fille avec une moue dédaigneuse.
C'est un jeu entre Liam et moi quand les filles se font trop collantes, mais aujourd'hui j'ai une revanche à prendre, et si la meuf n'est pas trop bête, l'espoir fait vivre, ça devrait fonctionner.
Clac.
Ce son me redonne une esquisse de sourire.
Une petite joie mesquine dans mon monde sans lumière.
— Connard, je ne touche pas aux mecs maqués.
— À ouais, et tu voulais que je te le spécifie à quel moment ? Quand tu avais ma queue dans ta bouche ? Ou non, attends, peut-être lorsque je t'ai pris en levrette sur le canapé, hurle mon frère, une main sur sa joue rouge où cinq doigts mains la tatoue.
— Franchement, je te plains, sortir avec un queutard pareil, ça ne doit pas être facile tous les jours, ajoute-t-elle à mon intention.
Je n'ai pas le temps de lui répondre, que cela ne la regarde pas, qu'elle ne demande pas son reste et sort de l'appartement sans manquer de claquer le battant toujours ouvert en grand, faisant tomber le cadre posé sur la commode.
— Bon, elle, pas la peine de la rappeler.
Liam souffle, puis s'approche pour me donner un baiser sur le front. Je recule, lui faisant froncer les sourcils.
— Comme si tu allais le faire.
Je me baisse pour ramasser la photo et la remettre à sa place.
— C'était un bon coup.
Je lève les yeux au plafond puis je me dirige vers la cuisine pour me servir un verre d'eau.
— Ouvre la fenêtre Liam, ça pue le sexe, crié-je en passant dans la pièce à vivre.
Je me retourne et suis surprise de le trouver si proche de moi.
— Bon, et si tu me racontais pourquoi tu es à cran ?
Tout en posant la question, il entre ouvre la baie vitrée.
Je prends mon temps pour boire mon verre d'eau, cela me permet de rassembler mes pensées.
— Mad, me supplie-t-il, il s'est passé un truc avec Sacha ? Je n'arrive pas à le joindre depuis hier et...
Sacha égale goupille.
J'explose.
— Tu te fous de moi Liam ? Tu n'as vraiment aucune idée de pourquoi je pourrais être à cran comme tu dis ?
J'ai l'impression qu'il cherche en moi une idée, alors je vais l'aider.
— Las Vegas, mariage, je continue ou tu as assez d'indices ?
— Ah ! Je vois.
Son flegme met mes nerfs encore plus à vif.
— Ah ! Tu vois ? Le singé-je. Ben heureusement, parce que apparemment ce n'était pas très clair il y a six mois, dis-je, sarcastique.
— Mad arrête tes conneries.
Il se fout de moi ou quoi ?
— Ce n'est pas moi qui en ai fait des conneries.
— Putain ! J'avais aucune obligation de te raconter nos plans baises du week-end merde !
Et Sacha non plus.
— Quand ça concerne mon petit... ex-petit ami, me reprends-je, attend, si.
— Il ne l'était pas à l'époque. Et c'est toujours ton mec Madelen.
— Non. Tu as oublié dans ton délire alcoolique qu'il s'est marié, que la preuve est arrivée hier, donc non, officiellement il ne l'est plus. IL. EST. MARIE, hurlé-je.
Mes yeux sont inondés de larmes, ma gorge me brûle, je tremble de colère. Liam fait un pas, je tends les mains en avant pour qu'il se stoppe.
— Peut-être, mais c'est ton prénom qu'il prononçait pendant qu'il la baisait.
Je me bouche les oreilles, ne voulant pas entendre les détails, si savoir comment il le sait, mais mon frère est lancé et il est impitoyable, il fera un très bon avocat, comme notre père.
— Il était tellement fait, que Sacha croyait que c'était toi, Mad.
Liam se tire les cheveux de frustration.
— Et quand vous étiez dans cette chapelle aussi ? Son hallucination était telle qu'il me voyait à sa place Liam ?
Mon frère se tait. Une première.
Je secoue la tête dégoûtée, je quitte la cuisine pour me saisir de mon sac posé sur le fauteuil en cuir, fonce jusqu'à ma chambre pour m'emparer de mon appareil photo et retourne dans le salon pour quitter cet appartement, mais Liam m'intercepte au moment où j'ouvre la porte.
— Tu sais Madelen, tout le monde fait des erreurs, personne n'est parfait. Mais s'il y a bien une seule putain de personne sur cette terre qui ne te ferait jamais de mal intentionnellement,, c'est Sacha. Il a merdé, moi aussi d'ailleurs...
— Je m'en tape Liam.
— Non, attends, il me retient par le bras. Il t'aime à en crevé, il voulait que tu nous rejoignes, il allait t'envoyer un message, mais c'est moi qui lui ai pris son téléphone pour qu'il se lâche...
— Y'a pas à dire, tu as réussi, craché-je mauvaise.
— Je vois que tu es encore sous le choc, alors je ne vais pas insister, mais réfléchis ma madeleine. Sacha doit être aussi mal que toi, si ce n'est plus. Et je ne te parle même pas quand ses parents vont l'apprendre... les nôtres aussi d'ailleurs.
Je tire sur mon bras pour me défaire de sa prise, je pivote prêt à partir, puis en le regardant par-dessus mon épaule, je balance.
— Papa et maman nous ont appris à toujours assumer nos bêtises, comme Aaron et Léane, mais là je vous souhaite bien du courage. Et oui, il m'aime, mais il en a épousé une autre...
Impossible de terminer ma phrase.
J'avance jusqu'à la cage d'escalier, Liam ne me retient pas, je descends les étages pour me retrouver sur le trottoir noir de monde.
Je marche sans but précis, je déambule, prenant en photos des individus, des lieux, pour m'apercevoir que j'ai marché jusqu'à Green Point, et que je suis devant la devanture du bar/discothèque de Jayden.
Il est encore tôt, mais je pénètre à l'intérieur en saluant Max le vigile qui me reconnaît, le monde de la nuit n'a pas encore envahi les lieux, une majorité d'étudiants et de jeunes cadres occupent les banquettes en cuir ou les tabourets de bar. Je me faufile pour atteindre celui-ci quand mon ami m'appelle depuis le fond de la salle. Je lui fais signe puis je me dirige dans sa direction.
— Hey ! Comment vas-tu Mad ?
— Bien.
Jayden m'examine, pas dupe de mon mensonge.
— Allez, vient me raconter ma madeleine, dit-il en passant un bras par-dessus mes épaules.
La chaleur de ses bras me réconforte un instant, ma conscience m'envoie des signaux afin de me rappeler que lui aussi était à Vegas ce week-end maudis. Jayden me lâche pour contourner le comptoir immense en bois où trois personnes s'activent.
— Qu'est-ce que je te sers ?
— Un truc fort.
— Houla, c'est sérieux, me taquine-t-il.
— Tu n'as pas idée.
Il secoue la tête, m'abandonne pour préparer ma commande.
À croire que j'aime le risque.
Le tintement de la sonnette quelques minutes plus tard de la porte fait dévier mon regard vers l'entrée du bar, et je me fige quand je vois Sacha y pénétrer avec Melly qui le suit de prêt. Sacha a dû se sentir observé, car il arpente la salle du regard avant de tomber dans le mien.
Et comme plus tôt dans l'après-midi, plus rien ne compte autour de nous.
Un mouvement sur sa droite, une main sur son biceps, celle de Sacha sur sa taille, j'ai envie de vomir face à ce geste. Il la touche. La rapproche de lui, comme il l'aurait fait avec moi. Un pieu s'enfonce dans ma poitrine.
Elle nous vole cet instant.
Impossible de continuer à le regarder.
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