Partie unique

Je vous conseille vivement d'écouter de la musique des années 80 en lisant (Michael Jackson, Madonna, Elton Jones etc) y a pleins de playlist super sur YouTube sur jamais vous n'avez pas d'idée :)

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21 juin, 1984, quelque part une horloge sonne quatre fois. Le vent chaud souffle sur la ville, le soleil est encore haut. Les portes du lycée du coin s'ouvrent et une nuée d'adolescents se ruent dehors. Les cris de joie se font entendre alors qu'ils dévalent les rues en pleurant à la liberté et à l'été tant attendue. Les plus âgés d'entre eux sont au volant de leurs voitures dont la carrosserie est déjà pleine de poussière. Les habitants du voisinage regardent cet essaim de jeunes gens trop occupés à vivre le moment présent pour se soucier de l'avenir. Les préoccupations viendront plus tard, aujourd'hui il faut faire la fête !

« Qu'est-ce qu'il se passe ? Demande une vieille dame sortie de sa sieste par les cris.

- C'est la fin des cours m'dame ! lui répond un garçon brun, un grand sourire habillant ses lèvres.

- Déjà ? » s'étonne l'octogénaire.

Mais le garçon est déjà reparti se perdre dans l'euphorie générale. Elle ne connaît pas son prénom, elle ne sait même pas quel âge il a, elle sait juste que son sourire était communicatif. Il lui rappelle son mari à son âge.

Ah la jeunesse... Les normes ont beau changer, les états d'esprit resteront toujours les mêmes : le parfum de liberté comme seul moteur.

Les couloirs du lycée sont désormais vides, seuls quelque nostalgiques traversent les couloirs, leurs regards s'attardant sur chaque porte, chaque carreau, chaque affiche, les souvenirs les habitants faisant briller leurs yeux. Hyunjin est de ceux-là. Il n'est pas encore totalement prêt à laisser son expérience lycéenne de côté. La vie étudiante lui fait peur, l'angoisse du futur lui serre la poitrine, la mélancolie lui brouille l'esprit.

Avec un soupir, il s'appuie contre son casier et ferme les yeux. Combien de fois s'est-il plaint de ses profs et des innombrables devoirs qu'ils avaient à faire à cet emplacement précis ? Combien de fois a-t-il rigolé aux blagues idiotes de ses amis ? Combien de fois a-t-il recopié les devoirs de Seungmin en quatrième vitesse ? Combien de fois a-t-il contemplé ses camarades se rendre en cours en essayant d'imaginer leurs vies ?

« Hyunjin ? »

Il relève la tête. Le garçon roux qui se tient devant lui a les mains dans les poches de son jean, un tee-shirt blanc et une paire de lunettes de soleil sur la tête. Pas de sac, juste les clés de sa voiture dans les mains.

« On y va ? »

Hyunjin décolle son dos de son casier et ils sortent ensemble du lycée. Leurs baskets blanches foulent la dernière fois ce lino gris et bientôt les voilà dehors. Ils se tiennent là, comme les rois d'un royaume affreusement petit, le soleil faisant briller les cheveux roux de Minho. Ce dernier glisse ses lunettes sur son nez et tourne la tête vers Hyunjin qui a, une fois de plus, fermé les yeux. Les rayons de cette fin d'après-midi lui caressent la peau et réchauffent son cœur qui se cache sous ses habits humides de transpiration. Qu'est-ce qu'il fait chaud.

« Tu vas à la soirée ce soir ?

- Je sais pas.

- T'as envie ?

- Bof.

- On n'y va pas alors ?

- On ?

- Si t'y vas pas, j'y vais pas. »

Le roux s'est assis sur un banc, un bras reposant sur le dossier. Il le regarde par-dessus ses lunettes de soleil, un air sérieux sur le visage et jouant avec ses clés.

« J'ai pas envie de voir du monde, avoue alors Hyunjin.

- J'm'en suis douté. »

Minho saute sur ses pieds et descend l'allée du lycée, entrainant malgré lui Hyunjin qui ne veut pas rester tout seul.

« Minho ! Eh Minho attends moi ! »

Si Hyunjin s'était dépêché, il aurait pu voir un petit sourire flotter sur les lèvres de Minho, petit sourire que peu de gens ont l'habitude de voir. Il faut dire que Minho traîne pas avec grand monde. À part Hyunjin, ses potes sont tous déjà partis à l'université. Lui, il a redoublé et le hasard a fait qu'il s'est retrouvé dans la même classe que le blondinet qui passe son temps à dessiner et également meilleur pote du copain de son meilleur pote à lui. Il le connaissait vaguement - grâce à Changbin et Félix - et avait déjà fait quelques soirées avec lui, mais à part savoir qu'il aimait dessiner et qu'il avait une résistance à l'alcool proche de zéro, il savait pas grand-chose sur lui. Enfin, rapidement, ils sont devenus inséparables. On ne voyait plus l'un sans l'autre. Ça a surpris tout le monde au début : Hwang Hyunjin, le beau gosse de terminale qui traîne avec Lee Minho, le redoublant aux airs de badboy un peu dépassé. Mais les lycéens se lassent rapidement, bien vite ils sont passés à un autre sujet de conversation et Minho et Hyunjin sont entré dans la norme.

« Mais vous parlez de quoi quand vous êtes ensemble ? avait demandé Félix à Hyunjin un jour. Vous n'avez rien en commun.

- Justement, on parle pas. »

Félix l'avait regardé avec de grands yeux. Lui qui subit les blablatages incessant de son meilleur ami à longueur de temps avait été plus que surpris de savoir qu'avec Minho ils ne "parlent pas". En réalité, c'est un peu plus compliqué. Bien sûr qu'ils parlent, mais pas comme avec Félix, pas avec des mots. Minho lui parle en lui amenant une barre chocolatée lorsqu'il ne le voit pas au self, Hyunjin lui parle en lui prêtant ses fiches de révisions, Minho lui parle en l'emmenant faire un tour en voiture quand ça devient trop tendu chez les Hwang, Hyunjin lui parle en lui faisant des cassettes pour qu'il puisse écouter de la musique dans sa voiture.

« On va où ? demande Hyunjin en prenant place sur le siège passager.

- Où tu veux, répond distraitement Minho en baissant le pare-soleil.

- C'est ta voiture.

- C'est toi qui est de mauvaise humeur.

- Je suis pas de... Bon tu sais quoi, va où tu veux je te fais confiance. Tant que c'est pas chez moi. »

Alors Minho tourne la clé dans le contact et juste comme ça, il quitte le parking dans lequel il s'est garé presque chaque matin pendant quatre ans. Hyunjin a ouvert la fenêtre et a posé sa joue dans sa main, son coude reposant sur le rebord de la fenêtre et ses cheveux volent dans tous les sens. Les yeux fermés, il chantonne distraitement la musique qui passe à la radio. Ses yeux brillent un peu, mais personne ne sait si c'est à cause du soleil, de la vitesse ou bien de quelque chose d'autre. Peut-être la pression de la fin d'une ère ?

Minho ne dit rien, il se contente de rouler un peu au hasard dans la ville de leur enfance jusqu'à s'arrêter devant un dinner dont la peinture de la devanture s'écaille par endroit.

« Milkshake ? » demande-t-il plus par habitude que par réelle interrogation.

Hyunjin hoche la tête et dix minutes plus tard ils sont repartis, Hyunjin tenant dans sa main deux milk-shakes (un à la fraise pour lui et l'autre au chocolat pour Minho). Il sirote le sien tranquillement en regardant les maisons se clairsemer à mesure qu'ils quittent l'enceinte de la ville et tend parfois l'autre à Minho qui coince la paille entre ses lèvres. Après vingt minutes, ils finissent par s'arrêter en haut d'une petite falaise qui donne sur la mer. Le parfum iodé de l'océan parvient à Hyunjin qui sort de la voiture en s'étirant. Il fait encore beau et chaud, une fois que le soleil se sera couché peut-être qu'il devra mettre une veste, Minho en aura probablement une pour lui dans le coffre.

La porte de la voiture claque derrière lui et Minho apparaît à ses côtés, ses mains toujours dans les poches de son jean et ses fidèles lunettes de soleil sur le nez. Peut-être que s'il ne les avait pas mises Hyunjin aurait remarqué que c'était lui que le roux regardait et non le soleil qui amorce sa course vers l'horizon.

« Ça va ? fini par demander Minho après dix minutes de silence seulement troublé par le bruit des vagues s'échouant en contrebas.

- Ouais. »

C'est un mensonge et Minho le sait très bien, mais il ne forcera pas Hyunjin à parler. Il lui parlera lorsqu'il le voudra. Hyunjin il parle beaucoup pour ne rien dire en réalité. Ses vrais problèmes, il les garde pour lui, il les range dans un coin de sa tête et ils n'existent plus pour un temps, jusqu'à ce qu'ils prennent trop de place et qu'il recrache tout d'un coup. Ce n'est arrivé qu'une seule fois devant Minho. Un soir où les parents du blond l'avaient vraiment poussé à bout et qu'il s'était pointé devant chez lui, les yeux bouffis par les larmes. Minho l'avait écouté pendant deux heures, jusqu'à ce que Hyunjin s'endorme, la tête posée dans son cou. Ils n'en avaient plus jamais parlé. Hyunjin avait eu besoin de se défouler, Minho lui avait offert un endroit et un moment où le faire. Histoire pliée, finie, rangée. Parfois, Hyunjin se dit qu'il devrait s'ouvrir plus souvent aux autres. Qu'il devrait parler de ce qui le dérange au moment où ça le dérange. Mais lorsqu'il faut le faire il perd ses moyens et s'en sort toujours par une blague un peu nulle qui éloigne les interrogations de ses amis.

Le problème, c'est que des choses à se dire, ils en ont un paquet, mais que ni l'un ni l'autre ne veulent être le premier à se lancer. Minho a trop peur de briser les barrières que Hyunjin a mis si longtemps à ériger autour de son cœur, il a peur de ses réactions exagérées, il a peur de ne pas réussir à s'exprimer correctement et que Hyunjin comprenne tout de travers. Et puis Hyunjin, il a peur de paraître débile, il a peur qu'ils foncent dans un mur, il a peur de ce que les gens pourraient penser. Il a peur de beaucoup de choses Hyunjin, c'est une vraie poule mouillée. Ça ne plaît pas trop à son père qui se désole chaque jour un peu plus que sa femme n'est jamais réussie à lui faire d'autre enfant.

Bref ! Ils sont là, comme deux idiots appuyés contre le capot de la voiture, les yeux fixés tantôt sur l'horizon tantôt sur leurs mains qui sont ridiculement proches, mais pourtant si loin l'une de l'autre.

« T'es sûr que tu ne veux pas aller en soirée ? demande soudain Hyunjin, récoltant un regard surpris de la part de Minho.

- Pourquoi j'aurai envie d'aller en soirée ?

- Bah je sais pas... Avant qu'on ne commence à traîner ensemble t'étais tout le temps dans les soirées de Chan et Changbin.

- C'était avant. »

Fin de la conversation. C'était avant, point barre. Les choses ont changé. Maintenant, il préfère rouler toute la nuit avec Hyunjin qui s'égosille sur le dernier morceau d'Elton Jones ou de Michael Jackson sur le siège passager. C'est comme une soirée au final, mais sans les dizaines d'adolescents bourrés dont ils ne connaît pas le nom qui se pressent dans un salon trop petit, sans les dramas, sans les jeux pourris auxquels tout le monde participent pour se donner un genre. C'est juste mieux.

« Ça ne te manque pas ? Même un tout petit peu ? »

Minho pousse un long soupir et tourne la tête vers Hyunjin qui déglutit.

« Écoutes, je suis mille fois mieux ici avec toi que là-bas avec eux. Par contre si tu continues avec tes questions débiles, je changerai peut-être d'avis.

- Pas la peine de t'énerver, marmonne Hyunjin en fixant ses chaussures qui sont dans un état déplorable.

- Je ne m'énerve pas. »

Mais si, il s'énerve. Parce que dans deux mois, Hyunjin partira à l'autre bout du pays pour suivre ses rêves et que lui, il restera là à croupir dans cette ville qu'il n'a jamais quitté ; parce qu'avec Hyunjin, il a enfin l'impression de ne pas être complètement stupide ; parce que lorsqu'ils sont ensemble, il peut se permettre de partager son avis sur des choses pour lesquelles personne ne l'écoute habituellement. En fait, pour être totalement honnête, Minho il est super énervé. Un genre de colère qu'on couve pendant des mois, des années sans vraiment en avoir conscience. Le genre de colère qui éclate du jour au lendemain et qui surprend tout le monde.

« Si, t'es énervé, chuchote Hyunjin, les bras croisés sur sa poitrine.

- Parce que toi tu l'es pas? »

Aïe, ça sent le roussi. La voix de Minho est tombée dans les graves, Hyunjin s'est tendu.

« En colère contre quoi ?

- Contre le monde ? Je sais pas... Contre cette société de merde qui nous coltine dans des cases et qui nous envoie chier lorsqu'on fait mine de vouloir en sortir.

- Tu parles de la fac ? demande alors le blond d'une petite voix, impressionné par l'éclat de celle du roux.

- Pas que...

- Quoi d'autre ? »

Minho tourne la tête vers Hyunjin au moment où celui-ci relève les yeux dans sa direction. Les yeux dans les yeux, un million de non-dits naviguent entre eux. Les yeux sont le miroir de l'âme n'est-ce pas ? On peut en dire beaucoup avec un seul regard. Et Hyunjin et Minho n'ont jamais été doués avec les mots.

« Je parle de ça, » murmure alors Minho en posant sa main sur celle de Hyunjin.

Hyunjin baisse les yeux vers la paume de Minho qui repose sur la sienne. Leurs peaux l'une contre l'autre sont glacées. Pourtant la carrosserie jaune de la voiture est bouillante d'être restée au soleil toute la journée. C'est étrange, ça fait tellement longtemps qu'il a envie que leurs doigts se lient qu'il ne réalise pas vraiment qu'il aurait juste à retourner sa main pour que ce soit le cas.

« Hyunjin ? »

Il redresse la tête, sa lèvre inférieure emprisonnée entre ses lèvres et le regard fuyant. Qu'est-ce qu'il aimerait pouvoir retourner sa main. Ses doigts fourmillent. Et pourtant rien en se passe, il sent le regard suppliant de Minho sur lui, mais il entend aussi les remontrances de son père qui tourne en boucle dans sa tête comme un disque rayé. Au final, il n'est qu'un artiste raté, un bon à rien, inutile pour sa famille, incapable de s'offrir un bel avenir pour pouvoir s'occuper de ses parents plus tard.

Une légère pression sur ses doigts le fait revenir à la réalité et il ramène ses mains contre son cœur, comme si le contact avec Minho l'avait brûlé. Honteux, il évite soigneusement le regard du roux.

« Hyunjin, souffle une fois de plus Minho. S'il te plaît, pour une fois, on peut parler ? »

Sa voix tremble un peu et c'est ça qui finit par décider Hyunjin à tourner la tête. Il refuse quand même de croiser le regard du roux, mais au moins il ne lui tourne pas le dos.

« Je peux pas, Minho, chuchote-t-il. J'aimerai, vraiment, je t'assure. Mais... Mes parents-

- Oh mais qu'ils aillent se faire foutre tes parents ! s'emporte Minho. Ils en ont rien à foutre de toi, putain ! »

Il s'est détaché de la voiture pour se poster devant Hyunjin, les poings contractés et la gorge serrée, ses yeux noirs lancent des éclairs que Hyunjin prend en plein dans la tête.

« Sérieusement Hyunjin ! Qu'est-ce que ça peut bien faire ? Dans deux mois, tu déménages à l'autre bout du pays, pour ce que j'en sais, on pourrait très bien jamais se revoir-

- Dis pas ça, le coupe Hyunjin, montant en pression lui aussi.

- Pourquoi ? C'est la vérité, non ? Tu te barres et tu le fais en connaissance de cause. Enfin, je vais rien dire, au moins toi t'as les couilles de te barrer d'ici.

- Pourquoi tu pars pas si cette ville te fait autant chier, alors ? Qu'est-ce qui te retient ici, Minho ? »

Pendant un instant ils ne disent plus rien, ils s'affrontent seulement du regard. Trop énervé de ne pas réussir à dire ce qui leur brûle les lèvres. Qu'ils sont bêtes de se balancer des vérités trop dure pour être accepté comme ça, ici. C'est idiot les jeunes à cet âge-là, enfin, c'est ce qu'en disent les adultes. Au final, peut-être que ce sont eux, les vieux, les idiots, parce qu'au moins Hyunjin et Minho se sont levés tous les deux et se fixent avec une flamme dans les yeux comme jamais auparavant.

« Y a rien qui me retient ici, finit par murmurer Minho.

- Alors viens avec moi. S'il te plaît. »

Les flammes s'adoucissent dans les yeux de Minho alors qu'elles ne font que grandir dans ceux de Hyunjin. Lui aussi, il est en colère. Lui aussi il en a marre de devoir suivre les directives de ses parents, lui aussi, il aimerait pouvoir vivre sa vie comme il l'entend, en envoyant se faire foutre les dirigeants abrutit par l'argent, les pasteurs qui sont coincés dans un monde révolu, les businessmen qui oublient les principes fondamentaux de la vie humaine.

Les yeux toujours plantés dans ceux de Minho, il tend les mains devant lui et celles du roux viennent s'y poser, leurs doigts s'entremêlent enfin et un poids semble s'enlever de la poitrine du plus jeune. Il contemple les pouces de Minho qui font des allers-retours sur sa paume, caressant doucement ses mains pleines de peintures aux ongles noirs de fusain. C'est comme un baume sur le cœur, comme un ronronnement de chat, comme rentrer chez soi après être parti trop longtemps.

« C'est normal que mon cœur batte comme ça ? Demande-t-il dans un ricanement timide, provoquant le rire de Minho.

- C'est rien, lui assure-t-il. Moi aussi, il bat trop vite.

- Me voilà rassuré, dit Hyunjin en levant les yeux au ciel.

- C'est ironique ? Demande Minho, en pouffant.

- Possible. »

Ils se sourient et leurs cœurs accélèrent encore, à l'unisson.

« Dis, Minho, est-ce qu'on peut dire que pour ce soir plus aucune règle n'existe ?

- Tu veux aller braquer une banque ?

- Tentant... Mais non. Je pensais plus à autre chose. »

Sans vraiment savoir d'où lui vient l'assurance nécessaire, Hyunjin avance d'un pas jusqu'à ce que le bout de leurs chaussures se touchent et que leurs visages ne soient qu'à quelques centimètre l'un de l'autre. Alors il ferme les yeux et ses lèvres rentrent en contact avec celles de Minho pendant ce qui lui paraît être une éternité, mais qui ne se compte en réalité qu'en une poignée de secondes. Il se recule et ouvre les yeux pour trouver le regard goguenard de Minho en face de lui.

« Fais pas cette tête, marmonne Hyunjin.

- Pourquoi ?

- Parce que ! Je suis gêné ! »

Minho éclate de rire et lâche une des mains de Hyunjin pour venir attraper son menton entre ses doigts et attirer ses lèvres contre les siennes de nouveau. Cette fois-ci, le baiser – puisque s'en est un – dure plus longtemps. Hyunjin recule à tâtons pour s'appuyer contre le capot de la voiture tandis que la main de Minho glisse dans son cou. Leurs lèvres bougent tout doucement, pas bien sûr de ce qu'elles doivent faire à cet instant. C'est un peu bancale, pas très assuré, un peu trop baveux peut-être, mais jamais Hyunjin n'aurait pensé apprécier autant embrasser un garçon. Minho, c'est une autre histoire (qu'on gardera pour un autre jour) mais lui ça fait un moment qu'il sait. Encore une case dans laquelle il ne rentre pas.

« Wow, murmure le blond lorsqu'ils finissent pas se séparer pour reprendre leur souffle.

- Wow, répète Minho en souriant. Câlin ? »

Hyunjin sourit et noue ses mains autour de la taille du roux. Le nez caché dans son cou, il inspire à plein poumon le parfum de la nature qui les entoure, du sel de l'océan, des fleurs qui parsèment la route qui longe la falaise, du savon de Minho, du chocolat et de la fraise des milk-shakes qui se mélangent sur sa langue.

« Si tu savais depuis combien de temps j'attends ça, murmure Minho contre ses cheveux.

- Je crois que je n'avais pas conscience d'en avoir envie, répond Hyunjin en se mordant la lèvre. Je suis désolé.

- T'as pas à l'être, Jinnie. C'est pas simple, surtout en vivant dans une famille comme la tienne. (Il laisse passer un temps.) J'avoue que je suis quand même content que tu l'ai compris avant que tu partes.

- On est obligé de parler de ça maintenant ? On en parlera dans deux mois, non ?

- Sauf si je viens avec toi. »

Hyunjin se recule alors et plante son regard dans celui de Minho.

« Mais... Et la fac ?

- Ça m'intéresse pas, répond Minho en haussant les épaules et en repoussant une mèche de cheveux du front du blond. Je préfère travailler dès maintenant et être avec toi que moisir ici à étudier quelque chose qui me fait chier. »

Le soleil n'est pas encore couché, mais pourtant des dizaines d'étoiles naissent dans le regard de Hyunjin.

« C'est vrai ?

- Puisque je te le dis. »

Alors Hyunjin l'embrasse de nouveau. Et encore. Et encore. Et pendant un laps de temps indéterminé, ils ne font que ça : s'embrasser, rigoler, s'embrasser de nouveau, se perdre dans les yeux de l'autre, et s'embrasser encore. Les soucis auront bien le temps de venir demain, ce soir, ils sont les deux seuls rescapés d'un désastre planétaire, les seuls survivants de la race humaine, chargés de la dure mission de s'aimer le plus possible. Alors c'est ce qu'ils font, ils s'aiment tandis que le soleil disparaît et que la lune prend le relai, ils s'aiment lorsqu'il se met à faire froid et qu'ils vont se blottir l'un contre l'autre sur la banquette arrière, ils s'aiment en écoutant la radio qui crachote la discographie de Queen, ils s'aiment lorsqu'ils se regardent, lorsque leurs doigts se lient. Ils s'aiment et au final, c'est le plus important. Tout le monde s'en fout si Minho comprend rien en cours, si Hyunjin préfère lire des poèmes plutôt que les œuvres au programme, si Minho est fauché, si Hyunjin ne s'entend pas avec ses parents, si Minho préfère les chats à la compagnie humaine, si Hyunjin passe plus de temps à peindre qu'à faire du sport. Tout le monde s'en fout, parce que le monde n'existe plus, et c'est très bien comme ça.

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