Every Cloud Has a Silver Lining
Avertissement : ce texte contient des allusions très précise à la mort, au suicide, et des violences et insultes. Si vous êtes sensibles, je vous conseille de ne pas le lire.
Il contient des émotions à l'état brut, de la vérité pure. Il n'y a que la vérité qui blesse.
Et le pire, c'est que je peux même pas dire que c'est égoïste. Parce que c'était pas un suicide. Parce que le savais-tu, toi, que tu t'endormais pour ne pas te réveiller ? Nous, non. On pensait, on croyait que ce serait comme "d'habitude". Sauf que d'habitude, il n'y a pas d'eau dans les poumons. Pas de difficultés respiratoires terribles....
- Ezi? Viens, s'il te plaît. Je dois t'avouer que moi non plus, je n'ai pas passé une très bonne journée...
Et aussitôt cette sensation, ce pressentiment. Ce mot, lâché du bout des lèvres, ce mot, dont je me doutais, ce mot que je redoutais en fait, ce mot qui, depuis le début de la journée, me titillait la langue.
- Papy ?
- Oui. Mamie a appelé dans la matinée...
Il devait y avoir une suite à la phrase. Mais je la savais déjà. Par cœur. Comme ce mot. "Mort". Terriblement barbare ! J'ai fondu en larmes. Pendant dix secondes, j'ai fixé le fauteuil, hébété. Puis j'ai pensé à tout ce que j'avais manqué. A la dernière fois que je t'avais vu. A ce que j'avais oublié de te dire, de faire avec toi.
Et là, là j'ai pleuré. Ma mère m'a prise dans les bras et je pense que je me souviendrais toute ma vie de cette phrase... "On n'a pas encore inventé la fontaine de jouvence, ma chérie. Et il faut de la place pour les générations futures..."
Mais bordel ! La Terre va disparaître, toute polluée de partout. Personne me comprend. Personne sait. Y a juste mamie, peut-être. Est-ce que maman elle-même a pleuré ? Je sais même pas ! et j'en doute, d'ailleurs.
Je sais pas quoi faire. Du coup j'écris dans le carnet.
Tu sais ce que je vais demander au connard tout de noir vêtu qui sera chargé de te faire cuire à grandes flammes ? De mettre le carnet avec toi. La petite voix, les petits yeux larmoyants et le carnet rose bonbon, il n'y verra que du feu. Larme à l'œil, il me dira "oui oui, petite, ne t'en fais pas je le fais" et ensuite ça sera bon. Tu brûleras avec mon cahier, et depuis l'Elysée où tu résides désormais, tu liras ceci. De la lecture ! Pour l'éternité ! en attendant que je te rejoigne...
La mort est un paradoxe. D'un côté c'est la fin de la vie, et de l'autre c'est la vie éternelle. Parce que depuis le joli palais où tu es, c'est comme une nouvelle vie, une nouvelle jeunesse. Pour l'éternité ! C'est ce qu'on cherche tous comme des rats dans ce monde, alors qu'une balle dans la tête et c'est fini.
Mais si c'était vraiment fini ? Si tous mes fantasmes de vie éternelle n'étaient qu'une énorme "Fake New" ? J'en ai peur, finalement. Si c'était vraiment fini ? Je ne veux pas que les gens se suicident malgré tout ; non, je ne suis pas assez importante pour influencer la mort.
Papy, de toute façon tu seras le seul à lire ces pages ; j'ai donc le droit de te dire ce que je pense vraiment ?
Je n'ai pas envie de me suicider, malgré tout ce que je viens de déclarer. Je ne veux pas la vie éternelle. Je veux juste que tu sois en vie. Qu'on soit tous en vie. Tous ensemble. Avec maman, papa, Nathan si tu veux. Je lui ai souvent crié dessus et maintenant je suis désolée que tu aies assisté à certaines disputes. Bien que tu en aies réglé un certain nombre.
Je pleure tout le temps, c'est trop horrible ! Mégane Tackler s'est moquée de moi parce que mon mascara avait coulé. Je lui ai donné une gifle qui a laissé une jolie empreinte rouge sur sa joue de pute, et je me suis faite convoquer. La C.P.E a accepté de fermer les yeux grâce - ou à cause... - de toi, au grand dam de Mégane qui a retrouvé son groupe de pestes. Elles doivent sûrement chercher un moyen de me piquer mes cahiers de maths pour les faire tomber dans le caniveau, à l'heure qu'il est !
Aujourd'hui et hier, je n'ai porté que du noir. Je pense que je vais le faire très souvent. Me dire que je te verrai plus, même te casser la gueule dans les marches du restaurant (triste mais drôle), je n'entendrai plus ton rire et ta voix, tes gentilles anecdotes sur les guerres et les rois. C'est trop bizarre ! Je déteste cette idée. Je déteste ça.
Tu vas me manquer, tu sais.
Tu vas manquer à tout le monde.
Mamie va devenir chèvre sans toi !
Qu'est-ce que je peux bien faire ?
Me morfondre ?
Ou vivre ?
Ce matin, j'ai chaussé mes baskets. Demain j'irai à l'enterrement. Le cahier n'avait pas beaucoup de pages, papy, me juge pas sur la longueur. Tu le verras pas parce que ça sera des cendres, mais c'est la pure vérité !
Ce matin, donc, je suis sortie.
Ce matin j'ai respiré l'air pur et le ciel bleu, la forêt, les vaches, les pissenlits et les boutons d'or, les champs, la rosée du matin, les chevaux, l'écurie, les briques, le ciment, les poules et les jardins de bourges autour.
Ce matin j'ai couru longtemps.
Ce matin j'ai senti mes pieds décoller du sol ; crois-moi si tu veux, ça m'est égal. Je ne te dis que ce que j'ai ressenti. Vu. Écouté.
Ce matin, j'ai vu les paysages défiler, alors que je courais à allure régulière sur la route bitumée.
Tu ne vas sûrement jamais me croire, papy... Mais que tu veuilles le croire ou non, c'est la vérité. Ce matin...
J'ai volé.
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