« Les langues, ça craint ! » hurla Seungcheol en laissant sa tête tomber dans ses bras. Jeonghan rigola.

Il cogna par accident la table à laquelle ils étaient assis et la pile de gâteaux que la mère de Seungcheol leur avait apportée pour que les deux amis puis rassasier leur faim tout en travaillant, s’écroula.
Ils n’y prêtèrent pas attention.

« Allez, c’est juste du par cœur ! Tu vas réussir ce contrôle.

- Bien sûr que je vais le réussir ! Mais à quel prix ? » finit-il l’air faussement inquiet.

Jeonghan ria encore. Seungcheol l’observa silencieusement.

« Quoi ? » demanda-t-il en lissant du plat de sa main ses cheveux. Ils étaient bruns ce mois-ci. Argentés le mois dernier.

« Rien, rien… » répondit Seungcheol en retournant à sa liste de vocabulaire anglais à apprendre par cœur. « Le brun te va bien, c’est tout. »

Jeonghan rougit. Il bégaya des remerciements et se cacha à son tour dans son cahier.

*

Revenir à l’hôpital pour le second jour avait été très, très difficile. Il avait tellement trainé des pieds en chemin qu’il était arrivé avec cinq minutes de retard. Personne ne lui fit remarquer puisqu’ils ne connaissaient pas les modalités de sa présence (lui-même ne les connaissait pas ; juste venir était suffisant, non ?) et il comptait bien en profiter le plus possible.

Toujours pas prêt à revoir Seungcheol, il fit un long détour, passant d’un couloir à l’autre sans but ; prétendant découvrir les lieux. Finalement, après ce qui lui sembla une bonne heure d’errance, il décida de prendre la route vers l’aile pédiatrique.

Jeonghan était brave. Mais tout homme brave à ses points faibles et ses peurs. Alors, bien qu’il marchait avec une grande confiance dans les couloirs de l’hôpital, il n’hésita pas à se jeter contre un mur, derrière un distributeur de boissons, quand il aperçu son ex-mari au loin.

Il s’enfonça le plus possible dans sa cachette et attendit de ne plus entendre Seungcheol pour en sortir. Il ne s’attendit pas à se retrouver nez à nez avec celui-ci.

« Jeonghan ? »

Il bondit.

« Seungcheol ! H-Hey ! »

Le docteur le dévisagea. Pour cause : Jeonghan était rouge de honte et avait l’air complétement paniqué.

« Ça va ?

- Oui ! Oui, bien-sûr ! »

Seungcheol hocha lentement la tête.

« Tu as fini d’interroger les internes ?

- Heu… oui. Sauf s’il y a quelqu’un que je n’ai pas vu hier.

- Ils étaient tous là.

- D’accord. »

Un silence gênant s’installa.
Jeonghan porta toute son attention sur les différentes affiches qui étaient collées sur le mur à sa droite. Il ne pouvait regarder Seungcheol plus longtemps dans les yeux. Ce dernier sortit son téléphone de la poche de sa blouse blanche et fronça les sourcils.

« Je dois y aller. » annonça-t-il « Suis-moi. » il n’attendit pas de réponse, commençant déjà à se diriger vers son sens d’arrivée.

Jeonghan trottina pour le rattraper mais prit grand soin de rester légèrement en retrait. Il s’étonna de réussir à sourire poliment à l’infirmière qu’ils croisèrent malgré toute la tension réunie dans son corps.

Seungcheol le guida à son bureau et seulement là, Jeonghan réalisa qu’il aurait pu faire le chemin tout seul ; il était allé dans ce bureau des centaines (si ce n’est des milliers) de fois. Une vague de nostalgie s’écrasa sur son cœur.

Seungcheol déverrouilla la porte et laissa Jeonghan rentrer.

« Ton bureau est là. »

Décidément, Jeonghan ne pouvait pas se remettre de ses émotions tranquillement. Il s’approcha de la petite table tout juste assez grande pour mettre un ordinateur et un carnet. Au vu du désordre amassé proche du grand bureau de Seungcheol, celui-ci avait dû lui faire de la place. Dire qu’à une époque il n’y avait jamais rien à cet endroit là...

« Tu l’as gardé. » constata Jeonghan en effleurant le plateau en bois. « Merci. »

Il posa son sac dessus et glissa sur la chaise, tout content. Il tourna la tête vers Seungcheol toujours posé dans l’encadrement de la porte.

Celui-ci avait l’air troublé.

« Heu ouais… » répondit-il en baissant les yeux vers ses pieds. Son téléphone vibra dans sa poche et il se redressa brusquement. Il tapa un coup sec sur le mur. « Bon ! A plus tard ! »

Et il s’enfuit.

Jeonghan sortit son carnet et son ordinateur de son sac et ouvrit un nouveau document. Il savait qu’il aurait dû accompagner Seungcheol à sa destination et noter ce qu’il faisait mais leur court échange avait déjà été une sacrée épreuve… autant pour lui que pour Seungcheol.

On a beau ne pas s’être vu depuis longtemps, je le connais toujours un peu. Pensa-t-il en tapant le premier jet de son dossier. Il était nerveux, lui aussi.

Cette pensée le réconforta un peu.

*

Seungcheol revint une heure plus tard. Silencieusement, il ferma la porte et traîna des pieds jusqu’à son bureau. Se laissant tomber sur son siège, il posa son front sur le dos de ses mains jointes.

Après être resté cinq minutes immobile, il releva la tête. Pour croiser le regard attentif de Jeonghan.

Il sursauta.

« Jeonghan ! »

Celui-ci, contre tout attente pouffa de rire. Seungcheol l’observa faire, toujours surpris. Il avait complètement oublié que Jeonghan était là.

Le journaliste s’arrêta soudainement de rire, gêné du regarde du docteur.

« Désolée… il s’est passé un truc ? » Demanda-t-il pour changer de sujet.

Il s’attendit à ce que Seungcheol le rembarre ou lui dise que ça ne le concernait pas mais au contraire, il poussa un long soupire de fatigue, posa sa tête sur la table et commença à raconter son entrevue peut agréable avec un supérieur.

Jeonghan écouta aussi attentivement qu’il le pouvait avec ses souvenirs qui affluaient abondamment.

Quand ils étaient encore ensemble, Jeonghan venait souvent à l’hôpital ; c’était interdit mais le staff l’appréciait (surtout pour le fait qu’il ramenait pratiquement à chaque fois des pâtisseries) et donc personne ne faisait remarquer sa présence aux supérieurs. La table à laquelle il était actuellement assis, il l’avait acheté avec Seungcheol quand ses visites s’étaient faites plus nombreuses ; il s’installait dans ce même coin de la pièce et travaillait paisiblement sur ses articles pendant que Seungcheol allait et venait. A une certaine heure, son téléphone vibra pour lui indiquer qu’il était temps d’aller manger ; il partait prendre quelque chose à emporter dans un des nombreux restaurants du coin puis revenait juste à temps pour que Seungcheol puisse au moins manger la moitié de son plat avant de retourner s’occuper de ses patients. Ça avait été fun…

« Enfin bref ! Le problème est réglé.

- Oh. Super. » il tenta un sourire en direction de son ex-mari mais il réussit seulement à faire une grimace. Seungcheol en fit une aussi, la gêne de retour entre eux.

« Tu as quoi de prévu aujourd’hui ? Des rendez-vous, je veux dire…

- Le premier est dans cinq minutes. Tu ne pourras pas rester… »

Jeonghan hocha la tête. Jusque là, rien de nouveau.

« Tu me feras un vague rapport ? »
Seungcheol hocha simplement la tête.

« Ok. Je serai en salle de repos. »

Seungcheol hocha encore la tête et Jeonghan sortit.

Qu’est-ce qui va pas avec lui ?

*

La salle de repos était plus pleine que la veille et ce ne fut qu’une question de secondes avant que quelqu’un remarque la présence de Jeonghan.

« Mon dieu ! » S’exclama une femme en portant ses mains à sa bouche. Tout le monde se tourna vers elle mais seule une partie pris la peine de s’intéresser à ce qu’elle fixait.

Le journaliste fit un petit haussement d’épaule gêné.

« Bonjour Madame Kwon. »

Sa voix attira l’attention de trois infirmiers qui avaient décidé d’ignorer l’exclamation de Madame Kwon.

Bien tôt, il se retrouva acculé par trois infirmiers.

« Jeonghan, c’est bien toi ! Ça fait si longtemps ! » s’exclama une petite femme toute ronde.

« On pensait jamais te revoir. » ajouta un homme.

Jeonghan leur fit un sourire gêné.

« C’était un peu compliqué… »

Mme Kwon posa doucement sa main sur son épaule.

« On a apprit pour le divorce, Chou… Ça va ?

- Oui, oui. Ça fait trois ans déjà. »

La main de Mme Kwon glissa le long de son bras jusqu’à sa main qu’elle serra tout aussi doucement.

« On a encore un quart d’heure de pause, vient la passer avec nous ? »

Ils s’assîrent à une petite table dans un coin de la salle de repos et Mme Kwon, Mr Lee et Mme Kim lui racontèrent ce qui s’était passé de remarquable dans leur vie en trois ans ; Mme Kwon était grand-mère et Mme Kim avait déménagé dans un appartement en meilleur condition. Mr Lee lui annonça s'être enfin marié et Jeonghan le félicita grandement ; il savait que c’était l’un de ses rêves.

« D’ailleurs… docteur Choi sait que tu es là ?

- Oui… On travaille ensemble. ».

Leur expression choquée le fit presque éclater de rire.

« C’est pas trop mal. » avoua-t-il, l’amusement clairement audible dans sa voix.

« Comment tu fais ? Je n’aurai jamais eu ce courage !

- Il le faut bien. Ma promotion est en jeu.

- S’il se passe quoique ce soit, n’hésite pas à venir nous chercher. Choi a beau être super musclé, il ne pourra rien contre nous. »

Jeonghan ria cette fois-ci.

« Seungcheol ne me fera pas de mal. » puis, il comprit leur attitude. Son sourire s’évanouie. « Il ne vous a pas dit pourquoi on a divorcé ? »

Ils secouèrent tous la tête de droite à gauche.

« Il nous a juste dit que tu ne reviendrais plus et de ne pas demander pour toi.

- Oh… » il chassa la boule dans sa gorge « Il n’y a… pas de raison particulière à notre divorce si ce n’est qu’on ne s’aimait plus ; c’est tout, vraiment. »

Madame Kwon lui prit encore la main.

« Ça arrive parfois, Chou. On rentre ensemble ce soir ?

- Oui, pourquoi pas. »

Ils restèrent un moment à discuter puis Jeonghan dû les laisser pour retourner au bureau de Seungcheol. Quand il revint, celui-ci lui adressa à peine un regard. Ils n’échangèrent pas un mot de toute l’après-midi.
A vingt heure, Jeonghan rassembla ses affaires et salua poliment Seungcheol avant de partir.
Il rejoignit Mme Kwon sur le parking public.

« Comment s’est passée ta fin de journée ? » demanda-t-elle

« Bien… » il soupira « Madame Kwon, j’ai un problème. »

Elle le regarda avec curiosité.

« Qu’il y a-t-il ?

- C’est Seungcheol. Enfin non, c’est Seungcheol et moi. Notre relation— notre dynamique plutôt…

- Je ne suis pas sûre de comprendre…

- Je ne suis à l’hôpital que depuis hier et… Seungcheol et moi partageons les mêmes amis depuis des années, je savais qu’on était voué à se revoir un jour ou l’autre mais je ne pensais pas que ça se ferait ainsi ; à cause du travail.  Je pensais pouvoir me préparer à le revoir… J’ai l’impression d’avoir échoué à ne pas rendre la situation gênante entre nous.

- Je comprends mieux. » elle hocha la tête, pensive. Puis, elle s’arrêta de marcher. « Jeonghan écoute moi bien. Que tu te sois préparé ou non, ça aurait été gênant. Ça l’est toujours quand on croise quelqu’un avec qui on a eu une relation forte. On se rappelle la dynamique mais elle n’est plus d’actualité parce que ce n’est pas tout à fait la même personne ; il a changé mais tu as changé aussi. Le seul moyen d’arranger les choses, c’est de lui parler, de t’habituer à sa présence et d’ignorer comme tu peux la gêne jusqu’à ce qu’elle finisse par partir d’elle-même.

- Je vois… »

Elle lui tapota l’épaule.

« Ça va aller, Jeonghan. Et puis qui sait, peut-être qu’à la fin tu auras un nouvel ami. »

Un nouvel ami…

Il sourit.

« J’ai hâte. »

Alors oui, je suis grandement en retard d'une semaine et un jour. Figurez-vous que j'ai totalement oublié cette histoire, ne me demandez pas comment 😔 Quoiqu'il en soit, j'espère que ce chapitre vous a plu, on se revoit lundi prochain !

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