Connor

J'ai l'impression d'être dans une boucle sans fin et c'est épuisant. Depuis que je me suis autorisé à éprouver les sentiments que j'avais pour Emilie depuis des années, c'est toujours la même chose. Je me confie, ouvre mon cœur chaque jour un peu plus et en contrepartie, on me l'enlève, l'éloigne de moi toujours un peu plus.

Comme le soir de notre premier baiser. Le lendemain, Emmett la faisait interner dans ce foutu hôpital sans me prévenir. La nuit de notre première fuite, j'ai dû l'abandonner là-bas pour ne pas déroger aux règles de mon chef. Le jour où je suis retourné la chercher, envoyant valser toutes les règles et les ordres que j'avais reçus pour au final l'envoyer encore une fois dans cet endroit lugubre pour ce foutu plan.

Pourquoi il a fallu que ce putain de psy se fournisse chez nous, bordel ?

Sans pouvoir m'en empêcher, je fais les cent pas devant le bureau de Marco comme un lion en cage en écoutant d'une oreille le récit de mon meilleur ami. Mes poings se crispent, mes mâchoires se serrent à en faire craquer mes dents, et mon souffle devient un grondement rauque.

Mason et Kyle expliquent comment le plan a pu foirer. Comment ils ont perdu de vue la femme que j'aime. Malgré la rage qui bouillonne en moi, je n'en veux pas à mon ami, ou peut-être un peu.

Je sais qu'au fond, il n'y est pour rien. Je m'en veux surtout à moi. Je m'en veux d'avoir une nouvelle fois été loyal, d'avoir écouté les ordres comme un gentil soldat et d'être resté en retrait pendant qu'elle était en danger.

Une tempête de pensées furieuses tourbillonne dans mon esprit, chaque idée plus sombre et plus destructrice que la précédente.

Cette fois-ci, il est hors de question que je reste en retrait après tout ce qui vient de se passer. Comme je l'ai dit et répété, je réduirais ce bâtiment en tas de cendre s'il le faut, mais je sauverais Emilie des griffes de ce médecin tordu.

- On continue le plan comme prévu, mais cette fois, j'y vais aux côtés de Kyle et c'est non négociable, j'exige d'un ton ferme face au reste du groupe.

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Une clope entre mes lèvres, je fixe le bâtiment pendant que le blond m'explique une nouvelle fois les détails et me donne les infos que je n'ai pas, même si j'ai déjà pénétré à l'intérieur deux fois sans m'être fait attraper. Et je suis toujours ressorti avec son amie, moi...

J'essaie tant bien que mal d'apaiser ma colère en me concentrant sur notre mission et sur les bouffées de nicotine qui remplissent peu à peu mes poumons.

- Tiens met ça, indique Kyle en me tendant une oreillette noire.

Je m'exécute sans un mot et une fois l'appareil glissé dans mon oreille, j'appuie dessus avec mon index. L'instant d'après, un petit bip retentit indiquant que la connexion est établie.

- Les garçons, vous m'entendez ?

- Malheureusement, bougonné-je dans ma barbe.

- Connor !

- Quoi ? râlé-je contre mon ami en arquant un sourcil.

Je sais que ce n'est pas très fairplay de m'en prendre à Riley, elle ne fait que nous aider depuis le début, mais je suis à cran. Cette sensation me rend parfois con. Très con même.

- Oui c'est bon, Riley, on t'écoute, répond Kyle en secouant la tête face à mon comportement.

La jeune femme se racle la gorge avant de poursuivre.

- La priorité c'est Emilie. Tant que vous ne l'aurez pas retrouvé, nous ne passerons pas à la suite du plan. Kyle, le personnel t'a déjà vu hier et avec le badge que tu as récupéré, vous pouvez entrer naturellement. Ils vont sûrement se poser des questions au sujet de Connor, car les changements de personnel doivent être approuvés par le directeur. Tu diras qu'il est en formation avec toi après avoir fraîchement intégré la société. Par manque de temps, nous n'avons pas trouvé autre chose qui tiendrait la route, alors espérons qu'ils goberont tes belles paroles.

- Ça ira, la coupé-je sèchement.

- C'est vrai que vu ton profil ils ne vont pas du tout se douter de quelque chose.

Riley ne tient pas compte de son commentaire et continue de nous expliquer les points clés et les détails à ne pas oublier. Mes oreilles l'écoutent, mais mon esprit, lui, est focalisé sur un doux visage aux cheveux blonds brillants et aux yeux aux nuances de l'océan.

- Une fois Emi récupérée, il faudra agir vite. Si Barocchi s'aperçoit que quelqu'un l'a sauvé, ça peut une nouvelle fois mettre tout le plan en péril. Et c'est hors de question que vous restiez, vous aussi, enfermé là bas.

- Serais-tu en train de t'inquiéter pour nous, Riley jolie ? demande mon ami d'un ton mielleux.

Ma main se dirige toute seule vers lui et je lui mets une tape derrière la tête en fronçant les sourcils. Ce n'est vraiment pas le moment de faire son numéro de charme. En réponse, il me regarde avec un sourire narquois au visage et ses épaules se secouent dans un rire silencieux.

Bordel, qu'il m'agace quand il est en manque de sexe.

- On y va, laché-je impatient de retrouver celle pour qui mon souffle se coupe à chaque fois que je suis loin d'elle.

Pour une fois, nous pénétrons dans l'établissement non pas comme des voleurs par-derrière, mais par la porte de devant, comme des gens civilisés.

En arrivant dans l'entrée, Kyle montre son badge et salue un certain Ted derrière le comptoir qui parle avec une secrétaire.

L'homme aux cheveux quasiment roux nous regarde une seconde de trop à mon goût, puis ses lèvres s'étirent dans un petit sourire charmeur.

- Will mon chou, comment vas-tu depuis hier ?

Euh... J'ai loupé une étape ou quoi ? Will ? Mon chou ! Eurk...

- Qui est cet homme... Ted hésite un instant. Hum... charmant à sa façon, qui t'accompagne ? demande-t-il à Kyle en me dévisageant de la tête au pied.

C'est quoi son problème à celui-là ? Mon regard rivé sur le roux lui renvoie clairement le message "Arrête de me mater comme ça si tu ne veux pas finir par te faire bouffer le trou de balle par les asticots."

- Je te présente mon nouveau collègue Dan, il est en formation avec moi ce soir.

Les paroles du blond me font dévier le regard de ce fameux Ted, pour le fixer lui.

Dan ? Il est sérieux ! C'est quoi ce prénom de merde.
Bordel, je vais l'étriper ce con.

- Défroisse tes sourcils, on dirait que tu vas le tuer, marmonne-t-il discrètement entre ses lèvres pincées.

- Oh, lui ne craint rien, par contre toi, j'en suis plus si sûr.

La geek glousse dans l'oreillette. J'ai bien l'impression que le petit numéro que joue mon coéquipier à l'air de bien l'amuser. Et j'ai soudain envie de les tuer tous les deux. Ils pourront continuer de se foutre de ma gueule entre deux flammes de l'enfer.

Pour me changer les idées et éviter de tuer quelqu'un, je fais mine de regarder autour de moi. Comme un mec normal qui serait vraiment en formation. J'étudie surtout les alentours pour chercher le moindre indice sur la position de ma blonde.

Puis mon meilleur ami fait semblant de prendre son poste et me demande de le suivre pour me montrer les lieux en commençant les rondes.

Nous arpentons les différents couloirs en vérifiant méticuleusement tous les recoins, les chambres... Le plus naturellement possible pour ne pas se faire repérer.

Au bout d'une heure, Kyle alias Will me met un coup de coude et d'un geste du menton, il me montre une infirmière au loin. La femme doit avoir une cinquantaine d'années, les cheveux blonds au carré et les yeux bruns chaleureux.

Je le regarde dubitatif, ne comprenant pas ce qu'il veut me montrer.

- Suis-moi et ne dit rien, ordonne-t-il sérieusement. Laisse moi faire, tu fais trop tueur en série, elle va flairer le danger directement.

- Pfff n'importe quoi, bougonné-je entre mes dents.

Il s'avance vers elle avant de la saluer.

- Excusez moi... dit-il avant de regarder son badge. Becky, c'est ça ?

Elle braque ses yeux chocolat sur nous, puis avec un petit sourire, elle nous demande.

- Oui vous avez besoin de quelque chose ?

- Pourriez-vous nous dire où se trouve mademoiselle Muñoz. Le docteur Barocchi demande à la voir.

Ce coup de poker va nous coûter cher. Soit, elle nous croit sans poser plus de question et nous emmène directement à Emilie, soit elle va voir clair dans le jeu d'acteur pourri de mon pote et nous serons vraiment dans la merde.

L'infirmière semble surprise par sa question et après avoir cligné des yeux plusieurs fois, elle demande :

- Vous avez dit mademoiselle Muñoz ?

Eh merde...

- Oui pourquoi il y a un problème ? feint-il de ne pas comprendre.

D'un coup, son teint pâlit et elle semble mal à l'aise. Elle regarde autour d'elle, apeurée et mon cerveau vrille. Je ne veux pas qu'elle fasse foirer notre plan, qu'elle m'empêche de revoir Emilie.

J'avance brutalement vers Becky, mais Kyle s'interpose entre nous en m'obligeant du regard à rester calme. Il se retourne pour faire de nouveau face à cette femme et toute la suite du plan va dépendre de cette phrase idiote qu'il s'apprête à prononcer.

- La plupart du temps, je cerne bien les gens et je sens que je peux vous faire confiance. Alors, je vais peut-être faire une connerie en vous avouant ça, mais nous avons vraiment besoin de votre aide, il jette un œil autour de nous pour s'assurer que nous sommes seuls avant de poursuivre. Nous sommes de la famille d'Emilie et nous pensons qu'elle est en danger.

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