Chapitre 29
Emilie
Je pénètre dans la propriété, laissant mes bottines en cuir noir résonner sur le carrelage en marbre de l'entrée. C'est étrange de revenir dans la maison de mon enfance où j'ai plein de bons souvenirs après avoir passé un mois enfermée dans un enfer. Une bouffée d'air frais remplit mes poumons à cette pensée avant de me comprimer la poitrine.
Rappelle toi que tu es ici parce que tu as fui et non pas parce que l'homme qui t'a donné la vie l'a autorisé.
Connor presse sa main dans le bas de mes reins pour me manifester son soutien pendant que je prends une grande inspiration. Je laisse de côté la partie de mon être brisé pour remettre mon masque d'imposteur et arborer le sourire que j'ai appris à façonner depuis longtemps.
La tête haute, je m'avance près des escaliers et me dirige vers le grand salon où la voix de mon père résonne au côté de celle de mon demi-frère.
Parfait, autant faire une pierre de coup.
Je me focalise sur les émotions négatives qui me submergent pour ne pas flancher. Pour ne rien laisser paraître.
Je laisse toute la colère et la rancœur que je ressens pour les deux hommes qui font partie de ma vie et je décide de leur faire face avec détermination.
En arrivant près de la pièce, je remarque qu'ils sont dos à moi, assis l'un à côté de l'autre sur le grand canapé en cuir en buvant un café, leur silhouette éclairée par le lever du soleil. Les traits tirés de leur visage indiquent qu'ils ont dû passer une dure nuit à flancher, sur je ne sais quoi.
Je stoppe mes pas à l'entrée, toujours accompagné du brun derrière moi, avant de prononcer :
- Bonjour papá...
Ma voix tonne dans la pièce, rompant instantanément le silence religieux qui y règne.
Les deux hommes se retournent en même temps et quand je les vois me regarder comme si j'étais une revenante, cela me procure encore plus de satisfaction.
Surprise...
- Emi.. Mais qu'est-ce... bégaye-t-il choqué de me voir face à lui.
Mon père complètement confus me regarde avec émotion, mais son humeur change radicalement quand il pose les yeux sur l'homme derrière moi.
- Qu'est-ce que tu as fait ?! gronde-t-il à l'attention de Connor. Depuis quand vas-tu à l'encontre de mes ordres ?!
- Ne t'en prends pas à lui, m'agacé-je en faisant barrière entre eux. Il a fait ça pour m'aider, contrairement à vous deux qui n'avez fait que me trahir. Et je suis justement ici pour régler ce problème, alors asseyez-vous on va discuter.
- Ce n'est pas à toi...
- J'ai dit. Asseyez. Vous, ordonné-je plus sèchement en coupant la parole de mon père.
Il se tait aussitôt et hoche la tête en lissant les plis invisibles de son pantalon de costume avant de s'asseoir de nouveau sur le canapé, suivi par mon frère.
- Emi, comment te sens tu ?
Je serre les poings, essayant de contenir l'orage qui gronde en moi. Mais je ne peux dissimuler le sourire mauvais qui se dessine sur mon visage.
- Comment je me sens ? rié-je amèrement face à cette question totalement stupide. Tu as orchestré mon enlèvement pour me faire interner avec l'aide de ton fils adoré. Vous m'avez jeté dans cet hôpital de cinglé comme une moins que rien sans me donner aucune explication, laissant mes doutes et ma culpabilité me ronger. Comment crois-tu que je me sens ?!
Je m'approche un peu plus d'eux, menaçante, avant de continuer.
- Tu m'as envoyé là bas contre mon gré, déclarant que j'étais folle allier, sans prendre la peine une seule fois de te demander comment je me sentais. Aucun appel, aucune lettre, aucune visite. Tu m'as trahie. Vous m'avez trahie ! dis-je en pointant du doigt les deux hommes assis.
Emmett est incapable de soutenir mon regard plus longtemps, alors il baisse les yeux sur ses mains. Quant à mon père, il soupire avant de passer une des siennes sur son visage fatigué.
- Cariño, ce n'est pas ce que tu crois. Tu avais besoin d'aide et j'ai pensé que... Enfin... Je me sentais impuissant, alors que eux pouvaient t'aider.
- M'aider ? Non mais tu t'entends ?
Je ravale mes larmes qui menacent de couler et je continue à déverser ma haine face à celui que je respectais envers et contre tout avant toute cette histoire.
- Tu es mon père, qui d'autre crois-tu que je voulais auprès de moi ? Sais-tu ce qu'ils nous font subir là bas ? As-tu la moindre idée de ce que j'ai pu endurer chaque minute de ce putain de calvaire ?! Me faire revivre la souffrance de cette affreuse nuit au travers de souvenirs douloureux encore et encore. Tu crois vraiment que ça m'a aidé ?
- Je suis désolé, ma chérie, je pensais que c'était la meilleure façon pour guérir tes blessures et t'enlever cette envie de te faire du mal.
- Désolé, ne suffit pas, murmuré-je d'une voix brisée. Tu as perdu ma confiance. Comment pourrai-je encore te regarder dans les yeux et te pardonner après tout ça ?
Mon père se lève et fait un pas vers moi, mais je recule instinctivement.
- Écoute moi, c'est important... commence-t-il pris par l'émotion avant qu'Emmett pose sa main sur son épaule.
Son bras droit lui fait un signe de tête comme pour lui indiquer qu'il prend le relai.
- Nous avons mal agi, on le sait, mais si on t'en avait parlé, tu aurais refusé. Et pour être tout à fait honnête avec toi, petite sœur, il y a une autre explication et une autre raison importante à toute cette histoire.
Hébétée, je ne comprends pas ce qu'il veut dire, alors je continue de le fixer en attendant la suite.
- En effet, nous t'avons envoyé dans cet hôpital en premier pour ton bien. Seuls des médecins confirmés peuvent guérir des traumatismes aussi difficiles que le tien, mais ce n'est pas la seule raison.
- Tu comptes faire durer le suspense encore longtemps. Tu veux peut-être que j'aille chercher des pop corn ou tu vas enfin cracher le morceau, bordel !
- La seconde raison est à cause d'Alexander Barocchi.
Mon psy ? Quel est le rapport entre lui et moi ?
Voyant que je ne comprends toujours pas où il veut en venir, ils décident de tout m'expliquer. Ils commencent par leurs soupçons sur le fameux médecin, la mission des jumeaux et les allers et venues du psy. Quand ils finissent par tout m'avouer, je n'y crois pas.
- Attendez, vous saviez depuis le début que quelque chose n'allait pas et vous m'avez envoyé là bas quand même ? Encore pire, vous m'avez envoyé dans cet endroit prétextant que vous vous inquiétez pour moi, mais je devais simplement faire la taupe pour vous ! Putain c'est encore pire que ce que je pensais.
Je reste figée face à eux pendant qu'une douleur sourde envahit ma poitrine et que les larmes se coincent de nouveau dans le coin de mes yeux.
Tout en ravalant la bile coincée dans ma gorge, je me retourne pour faire face au brun derrière moi.
- Et toi, tu étais au courant ? Depuis tout ce temps, tu savais et tu ne m'as rien dit ?
- Emi...
- Est-ce que tu étais au courant, oui ou non ?!
Connor reste muet et hoche simplement la tête, révélant que depuis le départ, il savait. Il connaissait les intentions de mon père et il m'a quand même obligé à y retourner après m'avoir sauvé la première fois.
Une larme coule le long de ma joue, craquelant mon masque petit à petit. La rage bouillonne en moi, laissant chaque pensée de la trahison alimenter le feu de mon ressentiment.
Et sans que je puisse la retenir, ma main s'abat violemment sur sa joue. Son visage ne bouge pas, sa mâchoire se crispe et ses yeux plongés dans les miens transmettent toute la culpabilité qu'il ressent au fond de lui.
Devant eux, à cet instant, je me sens abandonnée, comme un navire à la dérive, sans port d'attache.
Le silence tombe autour de nous, rendant l'atmosphère lourde et oppressante.
Sentant que je suis à deux doigts de réellement craquer, je contourne Connor et décide de quitter la pièce. Je m'éloigne quand le bruit de la porte d'entrée claque indiquant que quelqu'un vient d'entrer dans la maison.
- Ton psy est dangereux, on doit à tout prix l'arrêter.
La voix grave de mon frère fait stopper mes pas et je me retourne à nouveau pour le regarder.
- Parce que tu crois que je ne suis pas au courant, réponds-je sarcastiquement. Tu n'as rien écouté de ce que je viens de dire ou il faut que je vous rappelle que c'est moi qui étais enfermée là-bas, avec lui ?
- Euh, salut... dis Kyle en sentant l'atmosphère tendue quand il arrive près de nous.
Faisant abstraction de leur arrivée, je me remémore tout ce que j'ai découvert au cours de ce mois passé entre les murs de cet endroit. Les mystérieuses disparitions, la rencontre avec le docteur Barocchi dans les couloirs après la nuit avec Connor et mon pseudo interrogatoire dans son bureau il y a quelques jours. Si ce qu'Emmett vient de dire est vrai, alors j'ai vu juste. Cet homme est directement lié à toute cette histoire étrange, et je ne veux pas imaginer l'horreur de la suite.
Je me rappelle aussi l'avertissement de Becky et égoïstement, je veux sauver ma peau. Je ne veux plus entendre parler de cet endroit ni y remettre les pieds. Jamais.
- Des jeunes femmes disparaissent et il est hors de question que je sois la prochaine. Alors bon courage, mais ce sera sans moi, lancé-je avant de tourner à nouveau les talons pour partir.
- Attends, comment ça des femmes disparaissent ? demande Connor avant de me rattraper par le bras. Blondie, qu'as tu découvert ?
C'est pas vrai, je ne vais jamais réussir à me barrer d'ici...
Résignée, je reviens sur mes pas et m'assied sur le canapé. Je décide de leur raconter ce que j'ai découvert durant mon mois d'enfermement.
- Je ne sais pas ce qui se passe dans cet asile, mais deux femmes ont disparu du jour au lendemain quand j'y étais et lorsque nous avons demandé avec Adeline où elles étaient passées, le personnel a refusé de nous en dire plus. Ils faisaient comme si ces femmes n'avaient jamais existé.
- Adeline ? demande mon père.
Tous les regards sont braqués sur moi en attendant que je développe.
- Oui une femme atteinte de TDI et patiente du docteur Barocchi qui est devenue mon amie. Le personnel n'a aucun problème à faire gober ce genre de chose quand on décrète que toutes les personnes internées sont folles allier et droguées chaque jour pour être de vraies loques.
- On pensait qu'il faisait partie d'un gang ou d'un réseau d'armement vu qu'il se fournit en arme chez nous, mais si en réalité on n'était pas du tout sur la bonne piste... dit Connor pensif.
Mon père pose son index sur son menton, comme il a l'habitude de faire quand il réfléchit.
- Tu as raison, avec ces nouvelles informations, ça change tout. Je pense qu'on a plus affaire à un réseau de prostitution ou de trafic d'organes. Ça expliquerait les disparitions, avoue-t-il après réflexion.
- Oui, mais comment font-ils pour dissimuler tout ça au reste du monde ? Et aux familles des victimes, demande Riley qui prend part à la conversation en croisant les bras sur sa poitrine.
- À vrai dire... Elles n'avaient pas de famille. Les deux femmes qui ont disparu n'avaient plus aucun proche, dis-je à son attention.
- Génial, un proxénète au pays des dingos. Ça promet d'être épique, lâche Kyle en fourrant les mains dans ses poches de jeans.
- Il faut qu'on arrive à stopper tout ça avant que d'autres personnes disparaissent. Il va falloir qu'on mette en place un plan sans faille pour kidnapper ce fameux Barocchi.
Ils se mettent tous à réfléchir et à énumérer des idées les uns après les autres. Certains font les cent pas, d'autres me rejoignent sur le canapé.
Moi aussi, je veux l'arrêter et sauver ces pauvres jeunes femmes, mais je veux plus que tout m'éloigner de ce bâtiment maudit.
Tout à coup, Riley se stoppe face à nous, les yeux pétillants comme si elle avait trouvé l'idée du siècle. Sauf que je ne m'attendais pas à ça. La seconde d'après, elle prononce les mots que je redoutais le plus.
- J'ai un plan. Un très bon plan, mais pour ça, il va falloir que tu retournes là bas, m'indique-t-elle d'un air désolé.
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