Chapitre 28
Emilie
Quand j'ai aperçu une nouvelle fois la silhouette de Connor dans ma chambre, la colère à de nouveau refait surface. Il n'a pas tenu compte de ce que je lui avais dit le soir où il m'a obligé à retourner dans cet enfer. Mais après avoir réfléchi, j'ai compris qu'il m'offrait encore une fois une porte de sortie et l'envie de fuir cet endroit surpassait toutes les autres émotions que je pouvais ressentir à cet instant.
Sortir de ce trou et ne plus jamais y remettre les pieds est une pensée qui me gonfle trop le cœur. Et même si la façon dont on s'est quitté il y a quelques jours n'était pas la meilleure, c'est le seule qui se soucie réellement de moi. Le seul qui ose enfreindre les règles pour moi. Donc quand il m'a fait son petit numéro et qu'il a commencé à quitter ma chambre, je ne pouvais pas rester ici sans rien faire, alors j'ai fini par le suivre.
Pendant notre fuite, j'ai été rapidement prise de panique et l'adrénaline s'est emparé de mon corps quand l'infirmière a failli nous surprendre. Comment Connor aurait-il réagi si nous nous étions fait prendre ? Et surtout, comment j'aurais pu échapper à la sanction ?
Je n'aurais jamais survécu à l'isolement. Cet endroit est pire que la mort.
Une minuscule pièce aux murs capitonnés blancs, avec un lit bordé de lanières qui permet d'attacher et de museler le patient. Une simple fenêtre au plafond permet d'apporter de la lumière et il y a toujours cette maudite horloge aux nombreux tics tacs qui me rendent complétement folle au quotidien.
Je ne veux plus jamais entendre ce bruit de toute ma vie.
Cependant, quand je me suis retrouvée bloqué entre l'armoire métallique et le corps imposant de Connor toute trace de colère ou de panique a disparu de mon organisme. L'alchimie et le désir ont vite pris le dessus. Sentir sa chaleur caresser ma peau à travers le tissu de mes vêtements, ses lèvres à quelques millimètres des miennes et son regard sombre me fixant comme s'il pouvait voir en moi et pénétrer mon âme meurtrie.
J'étais à deux doigts de craquer et de l'embrasser, alors que je ne sais même pas où nous en sommes. À chaque fois que nous nous sommes rapprochés, nous nous sommes blessés juste après.
Le baiser devant le feu de cheminée juste avant qu'il regrette. Le soir de ma première fuite quand nous nous sommes embrassées sous la pluie et le moment sous la douche où nous avons succombé tous les deux avant la session chez le tatoueur pour nous gravés des messages pleins d'espoir sur la peau. Mais même après tout ça, il m'a abandonné et obligé à retourner à l'hôpital.
Pourtant, c'est le seul homme qui me mette à l'aise et qui a réussi à me toucher depuis des années, mais je ne suis pas sûr d'être capable de lui donner plus que je n'ai déjà fait.
Et encore moins, le laisser m'atteindre au point de tomber amoureuse de lui.
Je ne sais déjà pas ce qui se passera en dehors de ces murs. Comment se passera le retour à la vie normale ? La confrontation avec mon père et mon frère : les personnes qui m'ont trahi. Et ce traumatisme qui ne cesse de revenir à la charge à chaque fois que j'essaie d'avancer.
Heureusement, Connor se décale de moi et me sort de mes réflexions.
Nous sortons rapidement du local pour nous diriger vers la sortie. Mon cœur bat à tout rompre quand nous franchissons la porte de service. Ma main moite est toujours dans celle du brun et une goutte de sueur froide perle sur mon front.
Je suis dehors. Encore une fois, nous avons réussi.
Connor remercie Riley pour son aide et retire l'oreillette, avant de me tirer pour s'éloigner du bâtiment. Il ne faut pas tarder au risque qu'un garde nous voit ou se rende compte que je ne suis plus dans ma chambre.
- Allez viens, on se tire d'ici, dit-il en me trainant à sa suite.
Comme la première fois, nous traversons la cour extérieure et les allées gravillonnés. Nous nous précipitons vers le grillage coupé pour sortir du domaine et j'avoue que le fait de ne pas être en pyjama et chaussons comme la dernière fois me réjouie. Ce début de février est particulièrement glacial même s'il ne neige plus depuis longtemps.
Nous montons dans sa voiture et naturellement, mes doigts glissent le long de ma cuisse habillée du legging noir à l'endroit où se cache le joli miroir et le papillon que l'homme à mes côtés a eu l'idée de me tatouer et le souvenir de cette nuit échauffe mes joues.
Après plusieurs minutes de route, nous arrivons devant un bâtiment en briques rouges à l'allure austère. Le logo mettant en image l'enseigne d'un club de tir est affiché en gros sur la porte vitrée devant nous.
- Vu que je te trouve légèrement à cran ces derniers temps, j'ai pensé que ça te ferait du bien, dit-il avant d'éteindre le moteur et de sortir de la voiture.
- Sans blague, Connor, et à ton avis, c'est à cause de qui ? rétorqué-je du tac au tac, face à son humour pourri.
Le brun est secoué d'un rire silencieux quand il passe devant moi et m'ouvre la porte. Nous entrons dans le hall du club et nous sommes rapidement accueillis par le bruit sourd des tirs et l'odeur de la poudre.
Le responsable du club, un vieil homme robuste avec une barbe grisonnante, nous rejoint pour nous saluer poliment.
- Bonjour, dit-il à mon attention. Connor, nouvelle session d'entraînement nocturne ?
- Salut Bary, c'est ça.
- Je te laisse faire comme chez toi, tu connais la maison, indique Bary en écartant son bras derrière lui.
Nous traversons un couloir peint de couleur kaki et orné de motifs militaires. Le brun m'entraîne dans une des salles vides, puis il s'approche de la table sur laquelle sont posées plusieurs armes à feu.
Un mélange d'excitation et de peur s'installe à l'intérieur de moi quand je m'approche à mon tour. Sur la table se trouvent plusieurs fusils automatiques et des armes de poings comme des Glock, des Magnums, des Colts...
- Tiens, essaie celle-ci. Elle est légère et facile à manier.
Je prends l'arme qu'il me tend - un Glock 37- avec précaution, puis je me déplace face à la vitre de tir. Connor me suit et se place derrière moi, collant son torse contre mon dos et ses bras entourent délicatement les miens pour me montrer comment tenir et viser correctement.
Je peux à nouveau sentir la chaleur de son corps contre le mien, ce qui a le don de me rendre fébrile. Sa bouche, à quelques millimètres de mon oreille, dégage un souffle chaud contre ma peau quand il commence à me donner ces conseils rendant ma respiration haletante.
Je ferme les yeux pour essayer de garder le contrôle et finis par me décaler pour instaurer une distance entre nous.
- Je sais me débrouiller, merci, lâché-je froidement pour contenir mes émotions.
- Tu comptes faire ta pétasse encore longtemps ?
Il se place à côté de moi et appuie son pied droit contre le mur derrière lui tout en me foudroyant de son regard noir.
Je tourne la tête dans sa direction pour maintenir le contact visuel et une lueur de défi traverse ses iris pendant qu'un sourire narquois se dessine sur ses lèvres charnues.
- Si tu sais si bien te débrouiller comme tu le dis, vas-y, braque moi, ordonne-t-il d'une voix rauque.
Quoi ? Il est taré ou quoi ?
Affolée, je regarde tour à tour l'arme posée dans ma main et l'homme face à moi. Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas risquer de le blesser, bordel.
Il lève un sourcil, l'air victorieux quand il me voit hésiter. Mon masque de l'indifférence ou de l'imposteur ne fonctionne pas avec lui, dès que j'essaie de l'arborer, il se craquelle aussitôt qu'il pose ses yeux funèbres sur moi.
Les souvenirs de son abandon, les réunions de thérapie avec le docteur Barocchi et la présence de Ruby au lieu de mon amie Adeline me reviennent en mémoire et j'ai soudain envie de lui faire effacer cet air de connard.
Je tends le bras qui tient le pistolet et le braque vers sa poitrine. Ma main tremble légèrement, mais j'essaie de calmer ma respiration et je continue de maintenir le contact visuel en essayant de paraître la plus sereine possible. Alors qu'au fond de moi, c'est tout un tourbillon d'émotions et je suis apeurée par ce qui est en train de se passer.
Je ne supporterai pas de faire du mal à nouveau à quelqu'un que j'aime.
Au lieu de reculer ou de lâcher l'affaire en se rendant compte que je ne cède pas et relève le défi qu'il m'a donné quelques secondes plus tôt, il s'approche un peu plus de moi. Puis encore un peu plus jusqu'à coller son torse contre le canon métallique.
Je cligne des yeux et retire immédiatement mon doigt de la détente.
À quoi il joue bordel ? Il est complétement con.
Sans jamais me lâcher des yeux, il fait un nouveau pas et mon dos heurte le mur derrière moi. Déstabilisée par cette proximité et par l'assurance qu'il dégage, les tremblements dans ma main redoublent et je sens une bouffée de chaleur enflammer mon corps.
Ce mec est tellement inconscient. Mais il est aussi tellement... Électrisant. Déstabilisant.
- Tu me crois vraiment bête à ce point, blondie ? susurre-t-il près de mon oreille.
Pourquoi je penserai qu'il est bête et quel est le but de tout ça au juste ? Me faire flipper ? Me faire perdre mes moyens ?
Il a gagné, car je crois qu'une petite partie de moi flippe carrément en ce moment.
- Si un jour, tu veux tirer sur quelqu'un, ajoute-t-il en désignant le chargeur de balle qu'il tient dans sa main droite. Tu devrais d'abord t'assurer que ton arme est chargée.
Il se met à rire et recule pour me redonner l'espace dont j'ai besoin pour reprendre l'oxygène qui me manque.
Quel connard.
- J'comprends pas que la fille du plus grand trafiquant d'arme ne sache pas manier un pistolet ou au moins vérifier que celui-ci est chargé.
- Je suis peut-être la fille de Marco, mais c'est justement pour ça qu'il ne m'a jamais montré. Il ne m'a jamais initié à tout ça, dis-je en désignant autour de nous les armes et le club. Pour lui, j'étais juste sa jolie petite fille fragile qu'il devait à tout prix protéger de son univers, mais cette fille fragile n'existe plus depuis longtemps alors, je veux que tu me montres. Apprends moi tout ce que je dois savoir.
Après deux bonnes heures intensives durant lesquelles Connor m'a expliqué tout ce que je devais savoir au sujet des armes. Comment les charger, les nettoyer. Comment contrôler ma respiration au moment de tirer. Il me laisse me défouler une dernière fois en pimentant un peu les choses en me défiant en cinq points.
Je savais clairement qu'il allait me battre à plate couture, mais j'aime passer du temps avec lui. Finalement, je suis contente qu'il n'ait pas pris compte de mon pétage de plomb de la dernière fois et qu'il soit venu me chercher.
Par contre, s'il continue de fanfaronner comme un gamin, je vais finir par lui foutre un coup de crosse.
- C'est de la triche, tu ne peux pas comparer ma première fois à tes années d'expériences.
- C'est vrai, tu as raison, dit-il en levant les mains en signe de reddition avant de s'approcher malicieusement de moi. Tu sais que cette phrase vaut pour plein d'autres choses mi corazón ?
- Arrrg, Ferme la ! ralé-je en me décalant du brun pour me diriger vers la sortie de la salle de tir.
Derrière son comptoir, le gérant nous souhaite une bonne soirée avant que nous regagnions l'extérieur du bâtiment.
- Et maintenant ?
- Maintenant quoi ? demande-t-il en fourrant ses mains dans les poches de son sweat.
- Que va tu faire de moi ?
- Mmmh... J'ai bien une petite idée...
- Connor, je suis sérieuse, le coupé-je avant de continuer. Je te préviens si tu me dis que tu me ramènes là-bas, je retourne à l'intérieur chercher un flingue pour te tirer dessus et cette fois-ci je t'assure que je toucherai ma cible.
Il se met à éclater de rire et il vient poser son bras au-dessus de mes épaules pour me ramener proche de lui.
- Je n'ai pas prévu de te ramener... Pour l'instant. C'est ta nuit blondie, à toi de choisir où tu veux que je t'emmène.
Je réfléchis et quelques gargouillement dans mon estomac me font choisir exactement la destination qui me fait saliver.
- Je sais très bien où je veux aller, mais avant, emmène moi manger quelque chose pour te faire pardonner d'avoir triché. La bouffe de l'hôpital était infecte.
Il hoche la tête suite à ma demande et nous prenons à nouveau place dans sa BMW.
Assise sur la banquette en cuir rouge du Diner, j'engloutis mon burger et bois une gorgée de mon milkshake vanille. Ce n'est pas le meilleur fast-food que je connaisse, mais le goût de cette nourriture m'a tellement manqué que je pourrais en engloutir plusieurs jusqu'à me gaver.
Je suis à deux doigts de me taper un orgasme culinaire.
Connor, assis en face de moi, me regarde avec un sourire complice aux lèvres pendant qu'il pioche dans ses frites. J'ai conscience que je dois être à l'opposé de la fille sexy qui déguste son repas, en léchant mes doigts plein de sauce barbecue, mais à l'heure actuelle, je me contrefou de la vision qu'il a de moi.
- Et maintenant ? demande Connor malicieusement en se penchant légèrement sur la table.
J'essuie ma bouche et me penche à mon tour pour me rapprocher de lui, laissant mes cheveux effleurer le bord de la table.
- Je veux rentrer chez moi.
Il écarquille les yeux et se recule d'un geste brusque comme si je l'avais giflé.
- Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée...
- Au contraire, le coupé-je en souriant de toute mes dents. C'est la meilleure idée depuis des lustres.
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