Chapitre 27
Connor
En arrivant à destination, je gare ma voiture au même endroit que la première fois. À l'abri des regards et surtout non loin du grillage abimé pour pouvoir partir rapidement.
Quelle bande d'abrutis, ils ne l'ont même pas réparé. Des putains d'incompétents... Que je remercie.
Je sors de l'habitacle et insère l'oreillette avant de rabattre la capuche de mon sweat noir sur ma tête. L'instant d'après, un léger son m'indique que la communication avec Riley est établie.
- Je te préviens, la geek. Si tu hurles dans mes oreilles comme la dernière fois, je te promets que tu vas...
- Tu vas quoi, Hawkins ? Hein ? me nargue-t-elle de sa voix insupportable.
- Fais pas ta maligne à l'autre bout du fil, dis-je d'un ton glacial qui sonne légèrement faux.
- Blablabla. Bon allez, bouge tes fesses, le psychopathe en carton. Ma sœur est à la maison, j'aimerais profiter d'elle au lieu d'être au téléphone avec toi.
Qu'est-ce qu'elle est chiante...
Je secoue la tête, blasé, et me dirige de l'autre côté du bâtiment vers la petite forêt en contrebas.
La nuit commence à tomber, enveloppant le paysage d'un léger voile d'obscurité presque palpable. J'avance prudemment. Chacun de mes pas est mesuré pour éviter de faire craquer les feuilles mortes sous mes chaussures.
Le silence est seulement interrompu par le bruissement léger du vent dans les feuilles et le cri occasionnel d'une chouette.
Mes yeux s'habituent peu à peu à l'obscurité et scrutent les ombres mouvantes, cherchant à distinguer les formes familières des arbres des éventuels dangers.
Les buissons épais et les fougères hautes forment des cachettes naturelles, et j'en profite pour me glisser dans les ombres et éviter d'être repéré. La lune, qui gravite dans le ciel, éclaire faiblement le chemin, mais je préfère rester dans les zones les plus sombres, là où je suis le moins visible.
Je me rapproche petit à petit de ma cible et quand j'aperçois sa silhouette debout devant moi, je me baisse légèrement. J'utilise les troncs d'arbres comme couverture, me déplaçant de l'un à l'autre avec une agilité presque féline. Puis je passe une main derrière mon dos pour récupérer mon arme coincée à l'arrière de mon jean.
Je me redresse doucement en me rapprochant et braque mon arme à l'arrière de son crâne.
- Alors les fiottes de militaires, comment ça va ?
Logan, qui a dû me sentir m'approcher, sort son arme et me braque à son tour. Son instinct parle à sa place, mais quand il reconnaît ma voix et aperçoit mon petit sourire, il baisse son arme en lâchant un profond soupir.
- Ne refais plus jamais ça, bordel. J'ai failli t'explosé la cervelle.
- Mmmmh tellement tentant, rétorqué-je en jouant des sourcils, mon flingue toujours braqué sur la tête de son connard de frère.
Mason se retourne pour se retrouver face à moi, mon arme visant son front. Il me regarde un air de défi coller sur sa tronche de merde.
- Aaaaah au secours, j'ai peuuuur... blague Mason en levant les mains pour mêler le geste à la parole.
- Alors je te manquais, ducon ?
Il penche la tête sur le côté, scrutant mon regard meurtrier.
- Le message a été clair apparemment. T'es pas aussi con que tu en as l'air.
- Connor tu as fini tes conneries, j'ai pas la soirée devant moi, ronchonne Riley dans mon oreillette.
- Ferme là, la p'tite voix, lancé-je en baissant mon arme avant de la ranger dans mon dos.
Les deux frères me regardent comme si j'étais un parfait cinglé. Je tapote mon oreille pour leur faire comprendre à qui je parle.
- Qu'est-ce que tu fous là Hawkins ? Ne me dis pas que tu viens une nouvelle fois sauver Raiponce pour l'abandonner comme un lâche après ?
- Ça ne te regarde pas, connard ! Je suis surtout venu pour te remettre les idées en place. Ne t'avise plus jamais de refaire ton petit numéro.
L'air menaçant, il s'avance un peu plus vers moi, de sorte que nos fronts soient pratiquement collés.
- Et toi, ne t'avise plus jamais de me pointer ton flingue sur moi.
- C'est bon vous avez fini tous les deux, râle Logan en interrompant notre petite guéguerre.
N'ayant pas bougé d'un pouce, les yeux toujours rivés dans ceux de Mason, je lui indique :
- Je retourne la chercher et vous deux, indiqué-je en les pointant du doigt à tour de rôle. Tâchez de regarder ailleurs, c'est clair ? Vous êtes là pour gérer le psy pas pour me casser les couilles.
Ravie de mon petit effet de surprise, je tourne les talons pour m'éloigner des deux militaires sans rien dire de plus et je pars en direction de l'hôpital.
Quelques mètres plus loin, je traverse le grillage abîmé et marche jusqu'à la porte de service sans me faire repérer. Exactement comme il y a quatre jours. Toutefois, je lance un doigt magistral en direction de la forêt. Je sais que plus loin, la tête de con de Baker est en train de me mater.
Puis j'attends que Riley me donne le feu vert pour pénétrer à l'intérieur du bâtiment.
- Tu peux y aller. Tu as exactement cinq minutes pour entrer et retrouver sa chambre avant que le garde ne revienne.
Muet, je me concentre et écoute attentivement la petite voix dans mon oreille et fais ce qu'elle me demande.
Une fois à l'intérieur, je referme la porte discrètement avant de scruter les alentours en me dirigeant vers l'escalier qui mène à son étage. Les couloirs sont toujours aussi lugubres et aucun bruit ne vient interrompre ce silence oppressant.
Plus je m'engouffre dans le long chemin aux murs blancs dégageant des odeurs de produits chimiques, plus je me demande vraiment comment les gens arrivent à guérir dans cet endroit. Même une personne saine d'esprit finirait par devenir cinglée entre ces murs. Alors les personnes déjà atteintes, bonjour le travail...
Le fait de remettre les pieds dans cet endroit me procure une nouvelle envie d'y foutre le feu.
- Après l'escalier, tu tournes à gauche et va jusqu'à la chambre...
- Eh la geek, j'ai pas Alzheimer. Je me rappelle du chemin, chuchoté-je à son attention. Dit moi juste si je dois buter quelqu'un ou pas.
- C'est tellement satisfaisant de travailler avec toi, dit-elle sarcastiquement avant de continuer. Bref vas y tu n'as personne sur ton chemin pour le moment. Mais reste sur tes gardes quand même.
Plus je m'approche du numéro 217, plus les battements de mon cœur martèlent ma poitrine. Quatre jours que mon âme est restée bloquée aux pieds de cet endroit. Etant de retour, je suis assailli par mes sentiments. Toutes les émotions et sensations que me procure le fait d'être à côté d'elle reprend possession de tout mon être.
Je sais que nos retrouvailles seront pire que la fois précédente, vu la façon dont on c'est quitté. Je sais aussi, que prendre le risque de revenir une seconde fois, va me foutre dans la merde auprès de Marco, mais aussi auprès de mon cœur. Je ne pourrais pas la laisser partir une nouvelle fois.
Si elle vient avec moi ce soir, je ne pourrais plus la laisser partir. Plus jamais.
Je continue mon chemin et arrive devant sa porte de chambre. Ma main attrape la poignée et s'apprête à la baisser quand un doute s'immisce dans ma tête. Et si je faisais une grosse connerie. Putain qu'est ce que je fous ici bordel ? Quand est-ce que je suis devenue la personne qui s'inquiète pour les autres ?
- Connor qu'est-ce que tu fous ? Entre dans cette chambre, maintenant avant de te faire repérer, dit Riley dans l'oreillette.
Trop accaparé par mes doutes qui remplissent mon esprit, je n'entends que la petite voix dans ma tête et non celle dans mon oreille. Je reste bloqué et n'arrive pas à bouger.
- Bordel Connor ! Quelqu'un arrive vers toi, bouge toi le cul avant d'être repéré.
Je ne suis pas cette personne là... Je ne suis pas une bonne personne et je pourrais clairement me retrouver à sa place, interné dans cet endroit de barge...
- Connor, maintenant !
L'ordre de Riley me fait sursauter et me sort de mes pensées. J'entends le bruit des pas qui arrivent dans ma direction, puis l'ombre d'une silhouette se dessine à ma droite sur le carrelage gris.
Ma main toujours posée sur la poignée ouvre la porte à la volée et je la referme derrière moi avant de me faire repérer.
- Putain abruti, deux secondes de plus et on était foutu ! me réprimande la geek dans l'oreille.
Mais dès l'instant que mes yeux se posent sur le corps d'Emilie, allongé sur son minuscule lit, dos à moi, dans cette chambre dépourvue de chaleur. Tous mes doutes, toutes mes questions se dissipent en un claquement de doigt.
Sûrement alarmée par le bruit de la porte, elle se retourne pour me faire face. Elle papillonne des cils et marmonne quelque chose d'inaudible avant de se redresser et de s'asseoir sur son matelas.
- Salut Blondie, lâché-je en mettant les mains dans mes poches.
- J'avais pourtant été clair, Connor. Je ne veux plus te voir. Jamais, dit-elle d'une voix légèrement enrouée par la fatigue.
- Sauf que depuis le temps tu dois savoir que je ne prend pas en compte ce qu'on me dit. Jamais, rétorqué-je railleusement en m'approchant un peu plus d'elle.
Elle se pince les lèvres en une ligne fixe et elle croise les bras sur sa poitrine.
- Laisse moi tranquille et va t'en. Tu n'as rien à faire ici.
- Je sais que tu es en colère contre moi...
- C'est un euphémisme, me coupe-t-elle sèchement.
Touché...
- Je ne vais pas te supplier de sortir. Si tu ne veux pas me suivre, tant pis je repars sans toi. Ce qui serais dommage vu le super programme que j'ai organisé pour fêter ton évasion...
Je vois qu'elle a de nouveau revêtu son masque pour ne pas que l'on aperçoive ses faiblesses. Emilie continue de me scruter sévèrement sans répondre à mon chantage.
Cette facette d'elle ; La nana chieuse, plus têtue qu'une mule qui me fixe une moue boudeuse au visage me rend tellement dingue.
- D'accord, comme tu voudras... Au revoir Blondie, lancé-je feignant d'être résigné.
J'enlève les mains de mes poches, hoche la tête en scrutant la moindre parcelle de son visage et tourne les talons prêt à quitter sa chambre.
- Attends !
Mes lèvres s'étirent dans un sourire victorieux. Je savais que tu craquerais ma belle.
Je fais demi tour, penche la tête et attend qu'elle parle.
Tout en soufflant, elle se lève de son lit et pointe un doigts dans ma direction l'air menaçant.
- Je viens avec toi, mais je te préviens si je met un pied en dehors de cet endroit. Je ne reviendrais pas et si tu te met en travers de mon chemin...
- Mmmh arrête tu m'excite, la coupé-je pour la taquiner.
Ce qui n'a pas l'air de lui plaire car elle continue de pointer son doigt vers moi et me fixe de son regard sombre.
J'enlève le sac a dos de mes épaules, ouvre la poche central et sort des vêtements pour Emilie.
- Tiens met ça, dis-je en lui lançant les fringues. Parce que ça la, expliqué-je en désignant son accoutrement. T'es loin de la tendance hivernale, si tu veux mon avis.
Elle récupère les affaires au vol et part se changer dans ce qui lui sert de salle de bain. Quand elle revient devant moi, je ne peux m'empêcher de la déshabiller du regard et je vais pas tarder à me sentir à l'étroit dans mon jean.
Visiblement, la geek et elle font la même taille, car les vêtements épousent parfaitement les courbes de la blonde. Le legging noir moule ses fines jambes et lui fait un cul d'enfer. Le sous-pull de la même couleur lui fait une seconde peau, mettant en valeur sa poitrine généreuse. Elle s'attache les cheveux en queue de cheval, puis elle se rassoie sur son lit pour enfiler et lacer les bottines en cuir.
Emilie se redresse et pose les mains sur ses hanches, pendant qu'elle continue de me fixer le regard pétillants.
- Tu comptes continuer à me mater encore longtemps ou on peut y aller ?
J'esquisse un sourire plein de sous-entendus dans sa direction avant de reprendre la communication.
- Riley, on est prêt à sortir.
- OK, attends mon feu vert. Je fais tourner en boucle les caméras et je regarde où se trouve l'agent de sécurité.
En attendant les instructions, j'explique une nouvelle fois le plan à Emilie, et lui tends ma main.
- Viens, et surtout, ne lâche pas ma main. D'accord ?
Elle se rapproche de moi, avec un visage qui exprime à la fois la crainte et l'enthousiasme devant le danger que nous courons. La blonde hoche la tête avant de plonger sa main dans la mienne.
La petite voix dans mon oreille nous indique que la voie est libre. J'ouvre la porte doucement et jette un œil aux alentours avant de sortir de la chambre, Emilie toujours derrière moi.
Nous empruntons le couloir silencieusement tout en écoutant Riley me dicter le chemin.
Notre progression est lente et prudente. Nos mains liées, je peux percevoir la panique que ressent Emilie. Chaque petit bruit la fait sursauter, alors je resserre mes doigts autour des siens pour la rassurer.
De mon côté, mon esprit est en alerte maximale pour étudier le moindre petit détail qui risquerait de nous empêcher de mener à bien cette évasion.
- Descendez l'escalier et après tourner à droite.
Nous descendons les marches une à une en essayant de faire le moins de bruit possible. Nous tournons à droite pour prendre la direction du dernier couloir qui nous sépare de la porte de sortie.
Un léger bruit vient soudain perturber le silence angoissant dans lequel nous sommes plongés depuis tout à l'heure. Quelqu'un s'approche de nous. Les faisceaux d'une lampe torche se projette sur le mur.
Mon cœur commence à battre à tout rompre et je me fige. Emilie qui n'a pas dû s'apercevoir que je m'étais arrêté me percute le dos.
Je me retourne face à Emilie pour lui dire de ne faire aucun bruit.
- Putain Riley, quelqu'un s'approche de nous, ralé-je à voix basse pour ne pas se faire remarquer.
Je tourne la tête, balaie l'espace autour de nous pour trouver une solution. Je cherche frénétiquement une cachette, quand la voix de la geek retentit une nouvelle fois.
- Merde, d'où elle sort celle-là, râle à son tour Riley. Connor, il y a un local ménage plus loin, dépêchez-vous d'y aller. Troisième porte sur votre droite.
- Là-bas. Suis moi, chuchoté-je à Emilie en me dépêchant d'atteindre le placard en question.
Nous nous glissons à l'intérieur et je referme la porte derrière nous juste à temps. Serré l'un contre l'autre dans cet espace clos, je mets mon doigt sur ma bouche pour qu'elle ne dise rien. Je sens sa respiration s'accélérer contre mon torse et une goutte de sueur perle sur son front.
Les traits de lumière arrivent à notre hauteur et la personne passe devant le placard, s'arrêtant un instant comme si elle avait senti notre présence. La panique d'Emilie redouble et son souffle devient de plus en plus rapide.
Je pose ma main sur sa joue et caresse sa peau délicate de la pulpe de mon pouce, pour essayer de la calmer.
Muet, nous continuons de nous fixer intensément et je suis happé par la beauté de ses iris bleu azur. La chaleur de son corps glisse sur ma peau et j'ai envie de sentir à nouveau la douceur de ses lèvres sur les miennes. Le risque de se faire prendre exacerbe ce que je ressens pour elle. J'ai envie de la garder contre moi, pouvoir glisser mes doigts sur son corps nu.
Après ce qui me semble une éternité, la personne reprend son chemin. Éloignant la source de lumière de notre position. Le soulagement s'empare de moi, mais un léger soupçon de frustration l'accompagne quand je me décale de la blonde.
- Putain, c'était moins une, soufflé-je soulagé. Ça va toi ?
- Oui, oui je crois. Mais sortons d'ici et vite s'il te plait.
- Riley, c'est comment dehors ?
- Vous pouvez y aller. L'infirmière a été chercher l'agent de sécurité pour un problème au sous-sol a priori. Vous avez le champ libre, mais ne trainez pas en chemin. Sortez vite de là.
J'ouvre lentement la porte et jette un coup d'œil rapide avant de sortir du local.
Le couloir est de nouveau désert.
Nous sortons de notre cachette et Emilie glisse à nouveau ses doigts dans les miens.
Après quelques mètres, nous atteignons enfin la porte de service. Je jette un dernier coup d'œil derrière nous avant de franchir le seuil et de sortir de l'hôpital.
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