Chapitre 19

Connor

Mes amis continuent de me parler à l'autre bout du fil, mais au fur et à mesure que je prends conscience de la situation, ma colère monte en moi comme une marée noire, envahissant chaque recoin de mon esprit. Chaque nouvelle information qu'ils me communique résonne comme une trahison.

Comment ont-ils pu lui faire ça ? Prendre en excuse son mal-être pour récupérer des informations manquantes. Ils ont agi dans le secret, en estimant que la mission était plus importante que la santé mentale d'une des nôtres.

S'en est trop je ne peux plus rester sans rien faire.
Kyle m'en voudra sûrement de ne pas avoir tenu ma promesse, mais ça ne le surprendra pas venant de moi.

Je sors en trombe de ma chambre après avoir raccroché au nez de Kyle et Riley.
La porte claque violemment derrière moi et je me précipite dans les escaliers, mon esprit focalisé sur une seule chose : Emilie.

Chaque pas vers le bureau de Marco résonne comme un coup de marteau, amplifiant ma fureur. J'arrive devant sa porte, prends une profonde inspiration, en essayant de canaliser la rage qui bout en moi.

Je frappe brutalement contre le bois, et sans attendre de réponse, j'entre dans la pièce.

Les deux hommes présents debout derrière le bureau lèvent les yeux, surpris, mais je ne leur laisse pas le temps de parler.

- Pourquoi ? craché-je, ma voix tremblante de colère. Pourquoi m'avoir trahi en ne tenant pas compte de l'importance de ce que je venais de te révéler, demandé-je à mon meilleur ami. Et toi, dis-je en pointant du doigt mon patron. Pourquoi avoir envoyé ta propre fille dans cet endroit, en prenant comme excuse son mal-être ? Putain, vous l'avez réduite à un objet, sans prendre en compte qu'à l'intérieur, elle est en train de crever !

Ils se regardent simultanément, comprenant sûrement que je suis au courant de tout et Marco tente de se justifier, mais ses mots sonnent creux. Alors son fils intervient.

- Écoute, Connor....

- Oh non Emmett, ferme ta gueule, lui ordonné-je quand il commence à s'approcher de moi.

Marco se tient droit, les épaules carrées et le regard impassible avant de me sortir son baratin.

- On a agit pour son bien avant tout.

Mon cul oui !

Je ris amèrement face à ce débit de connerie et la rage est en train de me consumer intégralement, me rendant presque incontrôlable.

- Son bien ! Tu pensais surtout à te protéger toi-même. À protéger ton réseau à la con. Les informations qu'ils vous manqué sur ce connard de médecin sont plus importantes que tout le reste, claqué-je sèchement en serrant les poings. À aucun moment vous n'avez pensé à elle. Pas une seule seconde, vous vous êtes imaginé quel impact ça aurait sur son état !

- Bien sûr que si, nous avons pensé à elle, se défend son père en haussant le ton. C'est la raison pour laquelle nous avons lancé la procédure. Seul l'endroit a été choisi en rapport avec la mission. Mais tu sais très bien que c'était la seule solution...finit-il d'une voix plus douce.

Et c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase... Face à leur détachement évident, j'explose, littéralement.

Je laisse toute la colère qui me bouffe intérieurement prendre possession de mon corps.

Je vois rouge et je ravage tout sur mon passage, telle une tornade ravagerait un village entier.

J'envoie valser ce qu'il y a devant moi. La lampe de bureau s'explose brutalement contre le mur à ma droite, l'ordinateur portable émet un craquement puis un éclair jaillit de l'écran quand il atterrit avec force sur le carrelage.
Puis je m'acharne sur les documents qu'ils étaient en train d'examiner avant mon arrivée, en les faisant voler à travers la salle.

À bout de souffle et dans un état de transe, je sors mon arme de l'arrière de mon jean et la braque en direction de mon meilleur ami.

- Connor, tu vas trop loin là, souffle sévèrement mon boss, son regard passant de son fils à moi.

Emmett quant à lui, continu de me fixer sans rien dire, le regard dévoré par la culpabilité. Puis il lève les mains en l'air.

- Ne fais pas quelque chose que tu regretterais, m'indique le brun face à moi.

Mais j'en ai clairement rien à foutre...

La main tremblante, je resserre ma prise sur la crosse en métal froid et enlève le cran de sûreté.
Je perds la tête et n'arrive plus à réfléchir raisonnablement tant la douleur me consume et me compresse le cœur. Je cligne des yeux, me fais craquer le cou et quand j'entends des personnes hurler derrière moi, je dévie mon arme et je tire.

La balle atterrit dans le mur à quelques centimètres du visage d'Emmett, sans que celui-ci n'est bougé d'un iota. Dans le fond, il s'avait très bien qu'il n'y avait aucun risque que je le blesse, mais il ressentira une douleur à l'oreille à cause du bruit de la détonation pendant un moment.

Soudain des bras m'attrapent brusquement par derrière et on me tire pour m'éloigner.

- Connor, stop, hurle Kyle en m'agrippant fermement pour me calmer et Riley m'arrache le pistolet des mains.

Un silence de mort s'installe soudainement dans la pièce. Lourd et oppressant.

Mon cœur bat à tout rompre faisant résonner chaque pulsation dans mes tempes. La respiration saccadée, je dévisage toujours les deux hommes face à moi, avant que le blond m'attire vers la sortie.

Nous passons tous les deux la lourde porte d'entrée et le vent glacial fouette mon visage brûlant. J'agrippe la racine de mes cheveux, la relâche, puis l'agrippe à nouveau.

Émotionnellement au bord du gouffre, je tourne en rond et un cri de rage s'échappe du plus profond de mon être.

Mon ami s'approche de moi et presse affectueusement mon épaule.

- Connor, il faut que tu te reprennes, tu vas trop loin, me dit-il d'une voix sèche mais bienveillante. Qu'est-ce que tu as pris ?

Je relève la tête et plonge mes yeux dans les siens pour qu'il puisse voir l'état de mes pupilles.

-Rien justement, je suis clean et c'est peut-être ça le problème, craché-je en prenant conscience de tout ce que j'ai fait.

- Ne dis pas n'importe quoi. Tu sais très bien que ce n'est pas la solution. Ça ne l'a jamais été. Tu ne peux pas te battre pour sauver Emilie si en parallèle, tu te détruis toi-même. Tu n'es plus le Connor du passé et tu le sais.

Je me concentre sur les mots de mon meilleur ami et sur le vent qui continue de balayer mes maux petit à petit, quand celui-ci sort une clope de son paquet et me la tend. Le filtre entre mes lèvres, je fixe le bout incandescent de la cigarette et la fumée qui s'échappe à chacune des lattes expulsées, emportant peu à peu mon sentiment de colère dans les airs.

Ces derniers jours ont été intenses émotionnellement et je me sens totalement vide, mais je sais pertinemment que tant que je n'aurais pas revu son visage. Je ne réussirais pas à trouver la paix.

Au bout d'un moment, nous décidons de retourner à l'intérieur pour confronter une nouvelle fois - plus calmement - les deux hommes derrière tout ça. Certaines questions restent toujours en suspens, et maintenant que nous avons crevé l'abcès je veux être au courant de tous les détails de cette mission.

Je retourne en premier dans le bureau et toute trace de mon passage s'est volatilisée, comme si toute cette rage n'avait jamais quitté mon esprit et que je n'avais pas saccagé la pièce jusqu'à braquer celui que je considère comme un frère.
Je m'assois face au bureau de Marco, en coulant un regard au brun face à moi, qui me fixe à son tour. Mais ses iris ne transmettent aucune haine ou jugement, simplement de la compassion.

Étant passé par ce même sentiment l'année dernière, il est sûrement le mieux placé pour comprendre ce que je ressens en ce moment.

Toujours avachi dans le fond du canapé en cuir, la jambe posée sur l'autre, j'attend de connaître les tenants et aboutissants. Riley suit le mouvement et s'assoie à son tour, mais à l'autre bout du canapé - comme si elle avait peur que je la mange.

Elle n'a pas tort, fut un temps j'aurais été capable de tout, et surtout du pire. Mais comme mon meilleur ami me l'a rappelé, je ne suis plus cet homme là. J'ai mis tellement d'années a essayer de sortir de cet engrenage, que je ne suis pas prêt à laisser les démons qui m'habitent gagner une nouvelle fois. Je suis devenu plus fort que ça. Grâce à eux...

D'un coup, Liam surgit sur le seuil de la porte me faisant sortir de mes pensées, et je me prépare à voir apparaître les anciens militaires. Mais il est seul. Où sont-ils passés ? Bien que ne pas voir cet abruti de Mason ne me dérange aucunement, mais cela m'intrigue quand même.

- Où sont passés les jumeaux ? demandé-je même si dans le fond je m'en contre fou.

Marco s'approche, les mains jointes devant lui et il se positionne contre son bureau en nous faisant face.

- Je pense qu'il est temps pour nous de vous expliquer exactement sur quelle mission nous travaillons actuellement.

- Le timing est légèrement à chier, vous trouvez pas... indique Kyle qui est accoudé contre la porte.

Lui aussi ne comprend visiblement pas pourquoi ils ont gardé tout ça secret.

Notre boss se racle la gorge, tout en se frottant la nuque, avant de commencer à parler.

- Comme vous avez pu le découvrir avec l'aide de Riley, je suppose, commence-t-il en fixant son employée d'un air accusateur. Emilie est effectivement internée dans un hôpital psychiatrique à Manhattan. C'est aussi là qu'exerce ce fameux Alexander Barocchi... Depuis quelques jours, j'ai envoyé les jumeaux en mission de repérage sur place et ils ont constaté qu'il y a bien quelque chose d'anormal qui se déroule à l'intérieur de cet établissement.

Il nous indique aussi qu'il pense que cela va au-delà d'un simple réseau d'armement, comme ils pouvaient le prétendre à la base. Cependant, Il n'a pas plus d'éléments pour le moment et attend des nouvelles des frères Baker. Tout ce qu'il sait c'est que le médecin est forcément complice ou sûrement le chef de toute l'opération, vu que c'est lui-même qui se fournit en armes.

Face à ses révélations, je redeviens agité et mon rythme cardiaque s'accélère, imaginant Emilie au milieu de tout ce danger, mais j'essaie de prendre sur moi - du mieux que je peux.

- Il nous fallait quelqu'un pour l'approcher, qui aurait accès à l'intérieur de l'établissement au moment propice, sans se faire repérer. Certes la manière dont nous avons mis en place toute cette opération n'est peut-être pas la meilleure, je le conçois. Mais quand Emmett est venu me dire ce que Connor lui avait confié sur Emilie, mon cœur s'est serré, imaginant ma fille mettre fin à ses jours. Et il était hors de question pour moi qu'après avoir perdu ma femme, je perde aussi ma fille.

Emmett prend place aux côtés de son père en s'appuyant contre le bureau et continue le récit.

- Alors nous avons pris le risque. Nous avons contacté le directeur de l'hôpital pour l'inscrire et mettre en place un suivi dont elle avait besoin. Afin de l'encadrer au mieux, tout en gardant en tête la seconde raison, celle qui grâce à elle, nous pourrons découvrir ce qu'il se cache réellement derrière les portes closes de cet endroit.

Notre boss fronce les sourcils, prenant soudain un air sévère. Il croise les bras sur son torse, et après nous avoir tous regardé un par un, il décrète.

- Il y a un protocole mis en place par l'établissement. Le patient n'a pas le droit d'avoir de contact avec l'extérieur pendant un mois. Ce protocole est important pour qu'elle puisse se détacher du monde extérieur et être apte à commencer sa thérapie. Alors vous ne devez en aucun cas aller la voir avant la fin, au risque d'interférer dans la mission mais aussi dans sa guérison.

Il marque un temps d'arrêt avant de reprendre.

- Personne n'ira la voir avant la fin de cette restriction, est-ce bien compris ?

Mes amis se regardent à tour de rôle et finissent par acquiescer un par un.

Comme de bons petits soldats...
Ce que je ne suis pas.

Marco me fixe attendant sûrement que j'acquiesce à mon tour - ce que je ne ferais jamais - mais je le regarde la tête penchée sur le côté avant d'esquisser un léger sourire narquois.

Le silence vaut plus que des mots.

Sentant que je suis sur le point de vriller à nouveau, je me lève du canapé pour quitter la pièce sans dire le moindre mot. Mais avant de tourner les talons et de laisser derrière moi mes amis, je bougonne rageusement dans ma barbe.

- Ça, c'est ce qu'on verra...

À part Martinez, tous me connaissent bien et savent que je suis loyal mais ce qu'ils ignorent, c'est que je suis déterminé à la retrouver et je serais capable de mettre ce putain d'asile à feu et à sang simplement pour la récupérer.

Car ma seule faiblesse, c'est elle...

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À la nuit tombée, je pénètre dans le garage et décide de prendre la moto de Kyle. C'est rare que je roule à moto mais ce soir j'en ressens le besoin. Et j'arriverais plus vite à destination. Je récupère les clés accrochées dans la boîte sur le mur en brique, et enfile le casque qui est posé sur l'engin.

J'appuie sur la commande pour ouvrir la porte du garage. Je démarre doucement mais le vrombissement du moteur fait quand même vibrer les murs - pour la discrétion c'est loupé - puis je m'engage dans l'allée pour sortir de la propriété.

Pendant que je m'engouffre dans la circulation, j'apprécie le vent qui fouette mon visage à travers la visière du casque ouvert. Je commence à slalomer entre les voitures et chaque accélération déclenche une montée d'adrénaline, me faisant me sentir léger et libre.

Après une vingtaine de minutes, je prends le pont direction Manhattan. Je tourne dans plusieurs rues, contourne une grande forêt pour arriver devant une silhouette sinistre qui s'érige dans la nuit.

L'hôpital psychiatrique, bien que parfaitement entretenu, dégage une atmosphère inquiétante. Les murs impeccablement blancs, semblent presque trop propres, comme s'ils voulaient cacher des secrets sombres. Les fenêtres sont hautes et étroites, et certaines sont protégées par des barreaux rouillés, rendant l'atmosphère oppressante.

J'arrête la moto un peu plus loin, de sorte que personne ne puisse me repérer, et je fixe les fenêtres dans l'espoir de voir apparaître une chevelure dorée comme le blé.

Mais plus les minutes défilent et plus l'espoir s'étouffe dans le silence de la nuit.

Soudain, un bruit retentit dans ma poche de blouson. Je récupère mon portable pour lire le message.

[Riley : Tu ne comptes pas respecter les ordres, je me trompe ?]

Effectivement, elle a vu juste, mais je décide de ne pas lui répondre. Je ne veux pas risquer que quelqu'un apprenne ce que j'ai l'intention de faire.

Un nouveau bip. Un nouveau message.

[Riley : Je sais que tu es là bas, ne fait pas n'importe quoi au risque de vous mettre en danger tous les deux.]

Geek et voyante maintenant, génial...

J'hésite à lui répondre et lui expliquer ce que j'ai en tête, car je sais au fond de moi que sans son aide, je n'y arriverai pas. En tout cas, pas sans me faire prendre.

[Moi : Tu peux avoir accès aux caméras ?]

[Riley : Qu'est-ce que tu comptes faire ?]

Je suis à deux doigts de lui dire d'aller se faire foutre avec son jeu de questions à la con, mais je me contente de reposer encore une fois cette satanée question.

]Moi : Tu peux y avoir accès, oui ou non ?]

[Riley: Tu me prends pour une débutante Hawkins ? Bien sûr que je le peux.]

Je sais qu'elle n'en est pas une, elle nous l'a prouvé en nous aidant à sauver Mia et encore aujourd'hui en retrouvant la trace d'Emilie.

[Moi : Demain soir, même heure. Ne me déçois pas Collins ! ]

Je regarde une dernière fois le bâtiment, avant de remettre mon casque, et je me promets que demain soir, à la même heure, je retrouverai enfin celle que je désire tant.

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